Sciences
et société. Réduction
des émissions de CO2: un effet d'annonce?
Jean-Paul
Baquiast 13/11/2014
Dans
la suite d'un forum de l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation)
qui avait surtout vu s'opposer Chine et Etats-Unis sur la
perspective de contrats de libre-échange intéressant
la zone 1) les observateurs ont donné une certaine
publicité (satisfaite) à l'engagement conjoint
pris par les deux président Xi Jinping et Obama,
visant à réduire conjointement leurs émissions
de gaz à effet de serre. Ceux-ci, même s'ils
ne sont pas les seuls responsables du réchauffement
catastrophique du climat mondial à prévoir
d'ici 2100, selon le dernier rapport du GIEC 2), en constituent
l'élément essentiel.
La Chine a pris pour objectif un pic de ses émissions
de gaz à effet de serre, «autour de 2030»,
ce qui signifie en sous-entendu qu'en attendant ces émissions
continueront à augmenter, selon un rythme non évalué.
Les États-Unis quant à eux se sont engagés
sur une réduction de 26 ou 28% de leurs émissions
d'ici à 2025 par rapport à 2005.
Les États-Unis et la Chine représentent à
eux deux plus de 40% du total des émissions de CO2
de la planète. Les optimistes se réjouiront
de cet accord qui représente une prise de conscience
au plus haut niveau. D'autant plus que, selon les scientifiques,
les efforts mondiaux actuels sont insuffisants pour limiter
la hausse de la température globale à +2°C,
objectif que s'est fixé la communauté internationale
pour éviter un emballement sans retour (tipping point)
des dérèglements climatiques.
Il faut
voir cependant que cet accord Chine-USA, présenté
avec un grand luxe de publicité par les deux protagonistes
XI et Obama, leur a été imposé, moins
par la pression de l'Europe, bien plus engagée qu'eux
dans les efforts de réduction, mais dont ils n'ont
aucune envie de tenir compte, que par des exigences internes.
En Chine, les images de pollution affectant les grandes
villes ont fait le tour du monde. De même que les
chiffres de mortalité à en attendre. Ceci
ne fera qu'empirer. Une population de plus en plus urbanisée
ne supportera pas indéfiniment d'être véritablement
empoisonnée. Comme d'ailleurs les annonces de réduction
n'auront guère d'effet dans les prochaines années,
la situation en Chine et plus généralement
en Asie ne fera qu'empirer.
On
ne peut guère le reprocher à ces Etats qui
ont de gros retards à rattraper par rapport à
l'Ouest, mais comment supporteront-ils les effets attendus?
Ajoutons que le réchauffement aura pour la Chine
des effets encore plus catastrophiques que la pollution
de l'air et de l'eau. Il entrainera une réduction
sensible des glaciers de l'Himalaya alimentant les grands
fleuves indispensables à la survie économique
du pays.
Qousque
tandem Catilina abutere patientia nostra?
Aux
Etats-Unis, s'il existe une pression anti-émission
venant de milieux scientifiques et écologiques, la
majorité de l'opinion demeure profondément
attachée à une exploitation à outrance
des différentes sources de combustibles fossiles,
considérée comme indispensable à la
croissance. Ceci s'est marqué lors des dernières
élections de mi-mandat, ayant partout permis d'élire
des représentants irréductiblement conservateurs
dans ce domaine. La chose n'a rien d'étonnant lorsque
l'on constate les sommes considérables dépensées
par les grands industriels pour acheter des votes favorables.
L'Amérique, suivie par le Canada et l'Australie,
accepte donc délibérément de ne rien
changer en profondeur dans la responsabilité majeure
qui est la sienne dans le phénomène.
Obama
sait très bien ce qu'il en est. Très vraisemblablement
aucune des mesures d'application qu'il pourra proposer pour
tenir les engagements pris à Pékin ne seront
décidées par le Congrès...ceci d'autant
plus que son pouvoir d'influencer les grandes décisions
est devenu presque nul. On peut pênser que vis-à-vis
du monde, il a choisi de prendre la posture d'un sage, afin
si l'on peut dire de terminer son mandat en beauté.
La lecture
des engagements pris par lui montre d'ailleurs que ceux-ci
constituent un strict minimum. Ainsi pour surmonter l'opposition
du Congrès, a-t-il annoncé des chiffres de
réduction des émissions de gaz en référence
à l'année 2005 alors que la référence
internationale est 1990. Dans ces conditions l'engagement
réel des Etats-Unis par rapport à ceux de
Kyoto n'est que de 3%.
Ceci
conduit à se poser la même question que précédemment.
Jusqu'à quand les intérêts industriels
et financiers abuseront-ils de notre patience? Jusqu'à
quand le monde acceptera-t-il de se faire empoisonner par
les Américains? Chacun d'eux produit 16 tonnes de
CO2 par an contre 7 tonnes pour un Chinois et quelques 5,3
pour un Français. Notre réponse pour notre
part est pessimiste.
Elle
tient compte de la constatation faite par la plupart des
scientifiques, selon laquelle ce que nous nommons ici les
systèmes anthropotechniques sont, soit incapables
de prévoir l'avenir, même en présence
d'éléments indiscutables, soit incapables
d'agir en conséquence. Les Américains ne commenceront
à réagir que lorsque New-York sera sous les
eaux. Mais à cette époque il en sera de même
pour une grande partie des zones peuplées du monde.
Notes
1) Voir
notre article: Obama
tente le forcing à l'APEC
2)
Voir les références
publiées par le ministère français
du développement durable
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