Sciences
politiques. L'Empire du Milieu et ses périphéries
Jean-Paul Baquiast
23/11/2014
Cette
analyse résulte de la compilation de différentes
sources qui ne sont pas nécessairement objectives,
ni exhaustives ni même au fait de l'actualité
la plus récente. Elle doit donc nécessairement
être lue comme telle. De plus elle reflète
le point de vue de son auteur, qui ne prétend pas
échapper à la discussion...au contraire.

L'Empire du Milieu, c'est
évidemment la Chine. Ce pays est désormais
considéré comme la première puissance
économique du monde, au regard non seulement de ses
résultats économiques, calculés en
terme de PNB, mais de sa population, dépassant le
milliard d'habitant. Le ratio PNB/ habitant est inférieur
à celui des autres puissances plus anciennement développées,
Amérique et Europe, mais ce qu'il faut prendre en
compte l'impact global en termes de rapports de puissance.
Avant d'entrer dans une
analyse plus spécifique au cas chinois, il faut rappeler
l'arrière plan climato-écologique ou climato-écosystémique
qui s'imposera globalement au monde et donc à la
Chine dans le demi-siècle à venir: réchauffement
des températures, montée du niveau des mers,
généralisation des phénomènes
extrêmes (sécheresses et tempêtes), diminution
dramatique de la biodiversité, diminution du rapport
entre ressources terrestres disponibles et consommation
de ces ressources.
A l'inverse, on peut anticiper
une croissance sinon exponentielle du moins très
importante des ressources « artificielles »
résultant du développement des sciences et
technologies, à usage militaire ou civil. Mais un
tel développement, qui doit être financé,
ne sera pas à la portée des pays les plus
pauvres. Il réstera au contraire l'apanage de la
puissance, dont il contribuera à accroitre la prépondérance.
On divisera cet exposé
en deux parties: 1. tendances de moyen terme 2. perspectives
à court terme.
1.
L'Empire du Milieu sur le moyen terme (15 ans
environ)
1.1.
Atouts et handicaps
Durant cette période,
la Chine ressentira l'effet de facteurs positifs pour lui
permettre de jouer un rôle de plus en plus important
dans le monde, mais aussi de facteurs négatifs.
Parmi les premiers, citons
un niveau d'éducation élevé, une égalité
convenable entre le statut des femmes et celui des hommes,
une population universitaire, tant au niveau des étudiants
que des chercheurs, qui paraît être la première
au monde en effectifs comme en qualité. Certains
de ces chercheurs sont expatriés en grand nombre
dans des pays rivaux de la Chine, notamment les Etats-Unis,
mais ils n'ont pas coupé tout lien avec leur origine
(au contraire. On parle volontiers d'espionnage. Employons
ici le terme de circulation des compétences à
travers les réseaux). La Chine ne subit pas non plus,
sauf marginalement, le poids d'une religion de combat, l'Islam,
qui conduit dans un nombre considérable de pays le
développement à se fourvoyer dans des voies
sans issues.
Un autre facteur positif
est le niveau d'alerte et d'investissement décidé
et poursuivi avec opiniâtreté par le gouvernement.
La volonté de rattraper les retards pris et d'accéder
aux premiers rangs est partout présente, quels que
soient les sacrifices en résultant pour la population.
L'exemple le plus visible est celui de l'espace, la Lune,
Mars, le spatial scientifique et militaire. Mais le domaine
le plus connu est surtout celui de l'industrie, où
la Chine restera sans doute en grande partie l' «
atelier du monde ».
A l'opposé, la Chine
ne pourra pas échapper à des facteurs négatifs,
déjà présents ou en accroissement sur
le long terme. Citons la faiblesse relative des ressources
naturelles, tant au plan agricole, énergétique
ou à finalité industrielle (sauf l'accès
à des ressources minéralogiques encore peut
exploitées mais qui devraient se révéler
considérables). Dans un autre domaine, il faut mentionner
une augmentation sans doute peu contrôlable des pollutions
de toutes sortes ainsi que le risque de diminution des ressources
en eau à la suite de la fonte des glaciers himalayens.
Parmi les facteurs négatifs, on ne peut oublier le
poids que représentera longtemps une population d'environ
400 millions de personnes se situant à la limite
du minimum vital et qui restera longtemps difficile à
résorber. Ajoutons une culture politico-administrative
qui, bien qu'ayant eu ses mérites dans le passé,
apparaît de plus en plus comme peu adaptée
à la gestion des grands systèmes complexes.
Elle reste très marquée par la corruption.
1.2.
Les relations de la Chine avec sa périphérie
sur le moyen terme.
Les deux faits les plus
marquants seront une intégration croissante, sur
la base gagnant-gagnant, avec les pays du BRICS et ceux
de l'Organisation de coopération de Shanghai. A l'inverse,
se développera une situation de guerre de plus en
plus froide avec les Etats-Unis et les pays que ceux-ci
continueront à dominer, en Asie, dans le Pacifique
mais surtout en Europe.
Le BRICS est constitué
principalement, sous l'angle du voisinage immédiat
de la Chine, par la Russie et l'Inde. Concernant les relations
avec la Russie, on peut pronostiquer que dépassant
d'inévitables rivalités, les prochaines années
verront se mettre en place les éléments d'une
quasi symbiose. La Russie dispose en effet de facteurs de
puissance qui seront de plus en plus intéressants
pour la Chine: vastes territoires, de plus en plus utilisables
du fait du réchauffement, accès à des
ressources naturelles encore mal exploitées mais
considérables, compétences scientifiques et
industrielles de premier plan, potentiel militaire enfin
qui reste le second du monde après celui des Etats-Unis
(ce qui explique d'ailleurs la volonté de destruction
de la Russie manifestée par l'Amérique). La
population de la Chine, les importants revenus qui lui procure
ses activités industrielles tournées vers
l'exportation, qui peuvent être craints en Russie,
devraient être au contraire utilisés comme
monnaie d'échange dans le cadre d'une coopération
stratégique convenablement négociée.
L'Inde, plus peuplée
que la Chine mais souffrant des mêmes handicaps naturels
et de certains qui lui sont propres, comme l'inefficacité
de l'appareil politique et administratif, ainsi que d'une
soumission bien plus grande à l'influence américaine,
ne devait pas pouvoir entretenir, sauf sur des points marginaux,
d'importantes coopérations partagées avec
la Chine. Quant au Brésil, il sera nécessairement,
si les orientations prises par l 'actuelle présidente
se poursuivent malgré des offensives américaines
de plus en plus forte, un partenaire intéressant
au plan diplomatique mais sans grand poids économique.
Le BRICS a décidé
dès cette année de mettre en place l'amorce
d'une monnaie commune susceptible de se substituer au dollar,
non seulement à l'intérieur des pays de la
zone, mais dans le cadre des échanges avec des pays
volontaires en acceptant le principe. Au delà de
cette dédollarisation, qui se poursuivra et s'étendra,
le BRICS développera une véritable zone économique
et financière commune. Elle ne représentera
sans doute pas le même niveau d'intégration
que celle ayant cours dans un véritable état
fédéral, où même au sein de l'Union
européenne, mais elle pourra s'en rapprocher. Par
ailleurs, l'intention de BRICS, et notamment de la Chine,
est d'ouvrir cette structure à un nombre grandissant
de pays désireux d'échapper à la zone
dollar.
Dans le cadre du BRICS,
éventuellement élargi par le concept d'euroBRICS,
un certain nombre de responsables européens souhaiteraient
préciser des relations, tant avec la Russie qu'avec
la Chine, là encore sur le mode gagnant-gagnant.
Ceci pourrait se faire notamment avec le développement
du grand programme de liaisons et d'échanges initialisé
par la Chine sous le nom de « nouvelle route de la
soie ». Mais il est à craindre que l'Europe,
y compris dans les décennies prochaines et malgré
la perte de puissance de l'Amérique, ne puisse échapper
aux efforts de celle-ci pour la maintenir dans sa zone d'influence,
en fait dans un statut de quasi-colonisation.
1.3.
Les relations avec les Etats-Unis
Le gouvernement fédéral
américain, poussé en cela par le lobby militaro-industriel
(MIC) très puissant, a toujours eu besoin d'un «
ennemi historique » contre lequel développer
des armements de plus en plus sophistiqués. Ce rôle
avait été tenu par l'URSS soviétique.
A la chute du Mur, il paraissait plus difficile de préparer
une guerre intensive contre une Russie de plus en plus effacée
sur le plan international. Mais avec l'arrivée au
pouvoir de Vladimir Poutine, convaincu du crime d'agression
par Washington, la reprise d'une mobilisation contre la
Russie a pu reprendre. Ceci n'a pas cependant été
jugé suffisant par le MIC. Il fallait que l'Amérique
se dote d'un second ennemi historique. Ce fut à la
Chine qu'échut cet honneur. Certes la modération
de cette dernière et sa volonté d'éviter
les conflits pouvaient plaider en sa faveur, mais sa puissance
économique croissante suffisait, aux yeux de Washington,
pour en faire un adversaire à combattre. Le «
pivot vers l'Asie Pacifique », décidé
par Obama en 2012, s'est traduit par un grand déploiement
de moyens diplomatiques et militaires destinés à
combattre le poids grandissant de la Chine.
Au sommet du G20 de Brisbane,
les propos tenus par Barack Obama à l'Université
de Queensland. ont clairement montré que les Etats-Unis
utiliseront tous les moyens dont ils disposent, y compris
sans doute des moyens militaires, pour empêcher la
Chine de menacer l'hégémonie américaine
en Asie-Pacifique. Dans cette démarche, l'Amérique
voudrait entraîner le Japon, la Corée du Sud
et les Philippines, ainsi que l'Australie et à Singapour.
Elle tentera aussi, malgré des obstacles plus nombreux,
de rallier l'Inde, le Vietnam, la Malaisie et la Birmanie.
Dans les prochaines années,
cette hostilité latente, cette guerre froide américano-chinoise,
se poursuivra-t-elle? Tout permet de le penser. D'une part
la puissance chinoise, soit en son nom propre, soit du fait
de ses alliances avec le BRICS, et notamment avec la Russie,
ne fera qu'augmenter, pour les raisons évoquées
ci-dessus. D'autre part, l'Amérique, contrairement
à ce que certains peuvent pronostiquer, conservera
des moyens considérables. Elle ne capitulera donc
pas devant le bloc BRICS, surtout dans la Pacifique, qu'elle
considérera de plus en plus comme essentiel au maintien
de sa domination mondiale. Ces moyens seront ceux qui lui
ont dans ces dernières années permis de devenir
une hyper-puissance, selon le mot de Hubert Védrine.
Inutile d'en faire ici la
liste: moyens militaires considérables, potentiel
toujours renouvelé en matière de contrôle
des réseaux numériques mondiaux et des activités
s'y exerçant, ressources intellectuelles hors pair
dans le domaine de la recherche scientifique et de ses applications.
La Chine, même en conjuguant ses efforts avec ceux
de la Russie, ne pourra espérer, dans la période
de moyen terme que nous considérons ici, accéder
à ce niveau. Elle ne renoncera pas pour autant. Le
monde verra donc se poursuivre une guerre d'influence, faite
d'avances et de reculs, dont l'issu n'est guère prévisible
aujourd'hui.
Les relations pourraient
en fait se durcir. D'une part la Chine se sentira de plus
en plus sûre d'elle. Mais d'autre part, et ce serait
bien plus grave, un régime autoritaire pourrait prendre
le pouvoir aux Etats-Unis, n'hésitant pas à
engager de vraies actions militaires dans lesquelles la
Chine, au moins sans l'aide de la Russie et de ses moyens
de projection constamment renforcés, aurait du mal
à résister. Mais nous serions dans cette perspective
au bord d'une guerre mondiale généralisée.
1.4.
Les relations avec le Japon, la Corée du Sud et les
pays de l'Asie du sud-est.
Ceux-ci sont généralement
considérés comme des alliés des Etats-Unis.
Il s'agit d'ailleurs d'alliés de poids, vu la puissance
économique qu'ils représentent, puissance
cumulée sans doute supérieure à ce
jour, en termes de PNB, sinon en terme de population, à
celle de la Chine. Mais ces pays sont aussi prudents et
ont jusqu'à présent refusé toute confrontation
belliqueuse avec la Chine, sauf dans des domaines mineurs
relevant de l'incident de frontière. Ils souffrent
par ailleurs de difficultés croissantes au plan économique:
manque de ressources énergétiques, affaiblissement
d'un modèle industriel reposant sur l'exportation,
compte tenu des réactions de plus en plus protectionnistes
de leurs clients habituels. Il est indéniable que,
s'ils jouaient dans certains domaines, malgré la
persistance d'inimitiés encore fortes, la carte de
coopérations gagnant-gagnant avec la Chine, l'ensemble
de la zone en tirerait des avantages.
Les allers et retours imprévisibles
de la diplomatie américaine, et surtout sa tendance
à exploiter ses alliés officiels au service
quasi exclusif de ses intérêts personnels,
ne devraient pas améliorer à moyen terme l'influence
des Etats-Unis en mer du Japon et dans le sud-est asiatique.
On peut penser en fait que s'établira là une
sorte de vaste zone-tampon (ou zone de liaison), tirant
pour le bénéfice de son propre développement
avantage des compétitions américano-chinoises,
non seulement dans la région proprement dite, mais
dans le reste du monde.
1.5 Les relations avec
les pays musulmans continentaux
Nous désignons par
ce terme les pays dit de la ceinture des -stans d'Asie centrale,
ayant appartenu à la zone soviétique avant
la chute de l'URSS. Il faut y inclure le Pakistan résultant
du démembrement de l'ancien Empire des Indes. Ces
pays comportent de longues frontières communes avec
la Chine. Ils pourraient également y entretenir des
actions de type terroriste, sur le modèle de ce qui
se produit chez les Ouïghours reconnus par le Chine
mais qui sont plus la plupart des musulmans nationaliste
parfois fanatiques.
Compte-tenu de ces voisinages,
le gouvernement chinois a toujours entretenu une grande
méfiance à l'égard des pays islamiques.
Tout laisse penser qu'elle se renforcera au fil de radicalisations
probables. Par ailleurs, de véritables coopérations
économiques ont toujours eu du mal à s'y établir.
La Chine se rapprochera donc de ce fait davantage encore
de la Russie, qui se méfie à juste titre des
relations avec les pays de la ceinture des -stans. Les choses
changeraient cependant si le projet chinois ou russo-chinois
de nouvelle route de la soie se mettait en place. La branche
continentale eurasienne de cette route passerait par les
-stans, qui se trouveraient de ce fait intégrés
de facto à l'alliance économique sino-russe.
1.6.
L'empire de l'Empire
Nous désignons ainsi
les investissements massifs auxquels la Chine procède
dans tous les pays dont les économies sont incapables
d'investir par elles-mêmes: Afrique en premier lieu,
Amérique Latine mais aussi Europe. Il ne s'agit plus
là de la périphérie de l'Empire mais
de ses projections à l'échelle du monde. La
Chine dispose des capitaux nécessaires du fait que
son industrie et son commerce travaillent à bien
moindres coûts que ceux des rivaux,. Ceci notamment,
mais pas seulement, parce qu'ils emploient des millions
de travailleurs pauvres. Mais elle n'est pas seule à
le faire. L'Inde et l'Asie du sud-est en font autant, sans
accumuler de tels quantités de capitaux exportables.
Le gouvernement chinois, qui a la haute main sur les investissements
à l'étranger, au lieu de laisser comme partout
ailleurs agir des intérêts financiers peu préoccupés
de nationalisme, s'est donné une politique déterminée
de conquête des éléments stratégiques
jugés nécessaires à la construction
de la puissance chinoise.
Les pays « bénéficiaires
» de ces investissements les accueillent volontiers.
Ils y voient un moyen de remplacer des financement, tant
publics que privés, que par leur pauvreté,
mais aussi souvent par leur laxisme, ils sont devenus incapables
d'assumer. Ceci ne se fait pas nécessairement à
l'avantage de ces pays sur le long terme. En Afrique, les
investissements chinois, par exemple dans le domaine de
l'agriculture spéculative, contribuent à ruiner
des millions de petits agricultures traditionnels qui n'ont
plus qu'une ressource, émigrer vers des mégacités
déjà surpeuplées et misérables.
De même les équipements portuaires ou routiers
pris en charge par la Chine maltraitent encore plus des
milieux naturels déjà bien malades. Dans une
moindre mesure il en est de même en Amérique
du Sud.
Plus généralement,
certains pays développés commencent à
s'inquiéter de voir des investissements chinois pénétrer
des industries et équipements stratégiques.
C'est le cas des Etats-Unis. La Chine devra dans les prochaines
années tenir compte de réflexes protectionnistes
avec lesquels elle sera obliger de négocier, en Europe
mais aussi de la part de ses partenaires du BRICS, en premier
lieu la Russie. L'enrichissement progressif de la société
chinoise diminuera parallèlement les bas salaires
et les bénéfices réexportables en résultant.
Enfin, dans une partie de l'Asie du sud-est comme au Bangladesh
ou même en Inde, de nouveaux employeurs versant des
salaires encore inférieurs à ceux de la Chine
viendront concurrencer cette dernière dans sa volonté
de devenir l'atelier du monde.
On peut prévoir que
dans les prochaines années cependant, la Chine ne
renoncera pas, par des politiques économiques bien
pensées, à se doter d'épargnes capables
de mener à l'échelle du monde de véritables
guerres économiques. Mais elle le fera sans doute
de façon plus subtile qu'aujourd'hui et en acceptant
de mener avec les pays partenaires des politiques sur le
mode gagnant-gagnant évoqué plus haut. Ceci
devrait être particulièrement le cas tout au
long des investissements de la nouvelle route de la soie,
dont le terminus se trouvera dans la partie la plus riche
de l'Europe.
2.
Perspectives à court terme
Sur le court terme, autrement
dit dans l'immédiat, les relations de l'Empire du
Milieu avec le monde sont marquées par divers évènements
dont certains pourront rester anodins, d'autres se développer
de façon intéressant de façpn significative
les questions évoquées dans la première
partie de cet article. Nous ne ferons pas ici allusion à
la "révolution des parapluies" à
Hong-Kong. Elle a au début de l'automne 2014 beaucoup
agité les opinions. Certains y ont vu le début
de l'indépendance des provinces chinoises contre
la main de fer de Pékin. D'autres le résultat
de manoeuvres de la CIA pour générer en Chine
des "révolutions de couleur" ayant paru
si bien réussir dans les pays limitrophes de la Russie.
En fait l'agitation semble retombée, à la
suite sans doute de concessions réciproques. ...
NB. encore qu'à la date du 01/12, une reprise des
manifestations a été observée.
Au plan
militaire, les armements chinois sont sans comparaison de
puissance avec ceux des Etat-Unis. Ceci n'empêche
pas ces derniers d'évoquer en permanence une menace
militaire chinoise. En permanence également ils accusent
la Chine de se préparer à mener une cyber-guerre,
prenant par exemple la forme d'une destruction des réseaux
électriques(grids) américains. La Chine est
périodiquement par ailleurs accusée d'espionnage
électronique intensif contre les entreprises et forces
armées américaines. L'accusation fait rire
quand on connait, à la suite des révélations
de Edward Snowden, la façon dont la CIA et la NSA
espionnent le monde entier, avec des technologies à
l'efficacité sans rivale.
2.1.
Le Japon
Le premier des évènements
significatifs intervenus récemment intéresse
les relations sino-japonaises, envenimées depuis
des mois par le conflit de souveraineté concernant
les iles Senkaku-Diaoru. La Chine, en revendiquant sa souveraineté
sur ces iles, veut affirmer sa volonté de présence,
y compris militaire, dans la mer de Chine orientale, dans
laquelle, comme puissance côtière, elle a de
nombreux intérêts dont pétroliers. Il
en est de même du Japon. Celui-ci est appuyé
en cela par le Viet-Nam, Taîwan et bien plus prudemment
par la Corée du Sud. Mais le principal appui du Japon
dans cette affaire est celui des Etats-Unis. Washington
revendique, pour sa puissante flotte pacifique, une souveraineté
de fait sur l'ensemble du pacifique occidental et de la
mer de Chine, hors des zones de compétence exclusive
des Etats côtiers, voire dans certains cas chez ces
Etats côtiers eux-mêmes, lorsque ceux-ci se
sont vu imposer des bases navales. Le « pivot «
vers le Pacifique décidé récemment
par Barack Obama n'a fait que renforcer l'importance de
cette présence aéro-navale et économique
américaine dans les parages de la Chine.
La Chine ne peut évidemment
que s'en inquiéter. Elle peut légitiment se
sentir encerclée. Or au moins sur ce point les relations
sino-japonaises devraient s'améliorer. Les deux pays
viennent de publier un Accord visant à l'amélioration
de leurs relations bilatérales , « Principled
Agreement on Handling and Improving Bilateral Relations
»", faisant suite à des réunions
entres leurs Conseillers nationaux pour la Sécurité,
le japonais Shotaro Yachi et le chinois Yang Jiechi. Ce
document acte l'engagement des deux puissances à
mettre en place des mécanismes de gestion des crises,
reposant sur le dialogue et la concertation.
Le revirement japonais semble
provoqué en partie par les difficultés internes
que rencontre la nouvelle politique économique de
libéralisation mise en place par le gouvernement
Abe (les « abenomics » ) et le peu de soutien
apporté par le gouvernement américain. Pour
celui-ci, la concurrence japonaise notamment dans les industries
de pointe, demeure une réelle menace. Le Japon peut
au contraire espérer, face aux immenses besoins d'investissements
engagés par la Chine et la Russie, en avoir une part.
2.2.
L'Inde
Les Américains espéraient,
pour contraindre l'expansion de la Chine dans le Pacifique,
instaurer sous leur égide une grande alliance indo-japonaise.
Mais le nouveau gouvernement indien, sous la présidence
de Narendra Modi, n'a jamais paru prendre cette proposition
au sérieux. L'inde a d'ailleurs plus à craindre
de l'expansionnisme technologique américain que de
celui de la Chine. En conséquence,à la suite
d'une visite de XI Jinping à Dehli, des investissements
communs ont été envisagés, dans le
domaine des infrastructures et surtout concernant la mise
en valeur des territoires frontaliers dans l'Himalaya. Ceci
ne fera que conforter la politique de coopération
économique et financière décidée
au sein du BRICS.
La Chine et l'Inde ont aussi
un intérêt stratégique urgent, lutter
contre le développement de l'islamise radical au
Pakistan. La Chine n'a pas renoncé à développer
des coopérations avec ce dernier pays, notamment
au plan militaire, mais elle se méfie de plus en
plus du danger que représente pour elle et pour l'Inde
le développement probable, dans un Pakistan politiquement
affaibli voire complice, de territoires entiers visant à
devenir de nouveaux califats islamistes.
2.3.
La Russie
Dans le conflit entre l'Amérique
et la Russie à propos de l'Ukraine, bien que n'ayant
pas de sympathie systématique pour les « séparatistes
» de la Novorussie, la Chine a refusé de suivre
les diktats américains concernant les sanctions contre
Vladimir Poutine. Elle a fait beaucoup plus, accepter de
signer avec la Russie un mega-contrat gazier permettant
à celle-ci d'écouler vers l'Asie des productions
désormais interdites de débouché en
Europe. La Chine fera beaucoup plus, comme nous l'avons
vu dans la première partie de cet article. Elle se
positionne désormais au sein du BRICS comme un allié
déterminé de la Russie. Moscou et Pékin
ont décidé de façon semble-t-il irrévocable
de coopérer pour mettre en place les changements
profonds dans l'axe du monde, résultant de leur volonté
conjointe de dedollarisation.
Les analystes américains
considèrent désormais que l'alliance de facto
et de jure entre la Russie et la Chine - certains parlent
d'un véritable condominion russo-chinois - constitue
pour les Etats-Unis une véritable menace existentielle.
Ils feront tout notamment pour empêcher que le BRICS
ne prenne de l'importance, notamment pour empêcher
que l'Europe ne s'en rapproche dans la cadre d'un encore
hypothétique projet dit euroBRICS. Mais des progrès
en ce sens, fussent-ils minimes se font sans leur accord.
Un certain nombre d'opérateurs européens ont
désormais accepté de négocier des contrats
en monnaie chinoise, le renminbi, et non en dollars, ce
qui aurait été impensable voici seulement
quelques mois.
2.4. Le Moyen-Orient
Concernant les conflits
au Moyen-Orient, la Chine n'a pas pris de positions fermes
appuyant l'Amérique, soit dans la guerre contre Daesh,
soit dans le soutien à Israël. Elle soutient
même l'Amérique au sein du groupe des 6, dans
les négociations avec l'Iran visant à interdire
à celle-ci l'accès à un armement nucléaire.
La Chine qui par ailleurs importe de plus en plus de pétrole
du Golfe, ne s'est jusqu'à présent pas opposée
à l'alliance séculaire entre le dollar et
les pétro-dollars qui ont fait depuis des décennies
une des bases de la puissance américaine dans le
monde.
Cependant l'impuissance,
sinon l'incompétence, de Barack Obama à lutter
contre les islamistes radicaux en Irak et en Syrie, pose
de plus de problèmes à la Chine. Les récentes
élections américaines, mettant en place une
majorité au Congrès composée de «
faucons » déterminés, ne changeront
pas grand chose à l'engagement américain contre
Daesh. Elles se limiteront à renforcer la politique
anti-russe menée par les Etats-Unis, au sein de l'Otan
ou pour leur compte propre. L'islamisme radical ne pourra
qu'en profiter au Moyen-Orient. L'US Army ne peut être
sur tous les fronts.
La Chine a d'autant plus
de raisons de se méfier des Etats-Unis que diverses
informations ont montré un financement américain
délibéré de plus de 100.000 militants
sunnites destinés à déstabiliser le
Moyen Orient, et notamment à éviter qu'un
axe chiite Iran, Damas et Russie ne se mette en place. Or
la Chine ne peut en aucun cas souscrire à cette volonté
américaine de déstabiliser le Moyen-Orient,
dont elle exporte beaucoup de pétrole.
Cependant, une volonté
chinoise d'équilibre entre les principaux acteurs
pétro-arabes au Moyen Orient lui imposera très
vite des choix difficiles. La Chine se dit allée
officielle de l'Arabie Saoudite, à qui d'ailleurs
elle vend des armes. Mais elle sait aussi combien celle-ci
déstabilise le monde entier en finançant sans
compter les mouvements islamiques de par le monde, se référant
à un whahabisme radical. L'Europe est la première
victime de tels financements, mais ni la Russie ni la Chine
n'y échapperont.
La seule façon d'assécher
la richesse saoudienne serait de décourager le monde
de faire appel à ses réserves pétrolières,
en développant notamment des sources concurrentes.
Mais la Chine, assoiffée de pétrole et de
gaz, n'est pas prête à prendre de positions
efficaces en ce sens. Elle se borne à afficher, conjointement
d'ailleurs pour une fois avec les Américains, une
volonté (encore d'ailleurs assez théorique)
de lutter contre le réchauffement climatique.
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