Article.
Révolution en physique???
Jean-Paul Baquiast 02/11/2014
Dans un article publié le 23 octobre 2014 par la
Physical Review (référence ci-dessous), des
chercheurs du Centre for Quantum Dynamics de l'Université
Griffith (Australie) et de l'Université de Californie
remettent en cause radicalement les bases de la mécanique
quantique. Ils proposent pour ce faire une théorie
basée sur l'existence d'un nombre fini d'univers
parallèles et de leurs interactions. Si cette théorie
s'avérait exacte, parce que vérifiée,
elle introduirait une véritable révolution
en physique fondamentale. Rien n'est encore fait, mais l'hypothèse
mériterait d'être attentivement étudiée.
Disons pour simplifier que cette nouvelle hypothèse
remplacerait les « bizarreries » de
la mécanique quantique par l'appel à une cause
certes tout aussi bizarre, celle des univers parallèles,
mais en conservant dans ces univers la physique macroscopique
à laquelle nous sommes habitués dans notre
propre univers.
Les chercheurs postulent d'abord que les univers parallèles
existent réellement et qu'ils interagissent. Dire
qu'ils existent réellement suppose d'emblée
que la réalité n'est pas relative, autrement
dit définie par une relation entre un continuum sous-jacent
et un observateur, comme le postule la mécanique
quantique, mais qu'elle existe indépendamment de
l'observateur, comme le postule la mécanique traditionnelle.
Dans cette approche, il serait inutile de se demander si
le multivers existe ou non. La réponse serait qu'il
existe, tout comme existe, pour nous, notre univers lui-même.
Dire par ailleurs que les univers multiples interagissent
signifie qu'au lieu d'évoluer indépendamment
les uns des autres, les univers les plus rapprochés
s'influencent réciproquement en exerçant sur
les voisins une faible force de répulsion. L'interaction
ainsi produite pourrait expliquer les bizarreries constatées
par la mécanique quantique. L'hypothèse dite
des "Many-Interacting Worlds" (Mondes multiples
en interaction) proposée par l'équipe remet
en cause celle, ayant cours depuis plus de 60 ans, dite
"Many-Worlds Interpretation" (l'Interprétation
des Mondes Multiples).
Selon cette dernière, chaque fois qu'une mesure quantique
est réalisée dans un univers donné,
elle divise cet univers en deux branches perdant définitive
tout contact l'une avec l'autre. Ceci permet d'éviter
le recours au principe d'indétermination, selon lequel
il est impossible de connaître à la fois la
position et la vitesse d'une particule.
L'Interprétation des Mondes multiples dit que, dans
un univers, on peut connaître la position de la particule
et dans un autre, sa position. Mais comme les deux univers
ne communiquent pas, l'observateur d'un univers donné
ne peut pas connaître à la fois la position
et la vitesse de la particule. D'où l'indétermination
que nous observons au sein de notre univers.
Les « Many-Interacting
Worlds »
L'Interprétation des Mondes multiples est souvent
critiquée. Comment pouvoir postuler ce qui se passe
dans la branche d'univers créée à la
suite de l'observation à laquelle l'observateur n'accède
pas, puisque précisément il n'y a pas accès?
L'équipe
de Griffith, s'appuyant sur l'hypothèse des "Many-Interacting
Worlds" propose une approche différente.
Les chercheurs la résument de la façon suivante:
1.L'univers que nous connaissons n'est que l'un parmi un
nombre gigantesque mais fini d'autres univers. Certains
sont presque identiques au nôtre, d'autres sont très
différents.
2.Tous ces univers sont identiquement réels, ils
existent dans le temps et possèdent des propriétés
définies avec précision.
3.Tous les phénomènes que nous qualifions
de quantique proviennent d'une force universelle de répulsion
entre univers similaires, laquelle tend à les rendre
moins similaires.
Ainsi, si n'existait qu'un seul univers, nous serions ramenés
à la mécanique de Newton. S'il existait un
nombre gigantesque d'univers, nous retrouverions la mécanique
quantique. En fait, l'hypothèse prédit quelque
chose de nouveau qui n'est ni l'une ni l'autre.
De plus, en ouvrant une perspective originale sur le monde
quantique, elle devrait selon ses auteurs suggérer
des expériences permettant de comprendre et exploiter
les phénomènes quantiques, tels que ceux des
fentes dites de Young ou de l'intrication. De même,
en faisant appel à un nombre fini d'univers, il serait
possible d'envisager des applications concernant les dynamiques
moléculaires utiles à la compréhension
des réactions chimiques.
Nous ne pouvons que laisser aux physiciens et mathématiciens
la responsabilité de juger de la pertinence de l'hypothèse
résumée ci-dessus et développée
dans l'article de Physical Review. Certains diront peut-être
que ses auteurs ont imaginé une solution ad hoc pour
répondre aux aspects incompréhensibles de
la mécanique quantique. Quoiqu'il en soit, les commentaires
que susciteront l'article devront être suivis avec
attention.
Cette solution voudrait par ailleurs nous faire admettre
une réalité (celle d'un nombre gigantesque
mais fini d'univers) qui, bien que présentée
comme réelle, au sens du réalisme, nous transporterait
dans un réel parfaitement étranger au nôtre.
Et à partir de quels critères juger que cette
réalité serait bien réelle, faute de
pouvoir s'en extraire pour l'observer avec des critères
extérieurs. Par ailleurs, d'où proviendrait
la faible force de répulsion qui nous éloignerait
des univers voisins? Enfin, que signifie le concept d'un
nombre fini d'univers? Exclu-t-il le concept plus général
d'infini?
Bornons nous pour notre part à remarquer que nous
sommes depuis longtemps habitués aux hypothèses
de la mécanique quantique, parfaitement étrangères
à notre monde, même si leurs effets sont vérifiés
tous les jours dans un grand nombre de dispositifs: superposition
d'états, intrication, téléportation.
Depuis le temps qu'elles nous sont enseignées, elles
ne nous surprennent plus.
L'hypothèse de l'équipe de l'Université
de Griffith, celle d'un grand nombre de mondes semblables
au nôtre dont une faible force de répulsion
nous éloignerait des plus proches, pourrait paraitre,
avec un peu d'habitude, moins « invraisemblable
que les hypothèses de la mécanique quantique.
Ceci également si elle pouvait trouver des applications
crédibles en cosmologie.
Le
plus urgent, comme toujours lorsqu'il s'agit de science,
serait donc de quitter la théorie pour aborder la
pratique, en proposant des expériences testables.
Reférence
Dr Michael Hall et al. Quantum Phenomena Modeled by Interactions
between Many Classical Worlds (accès libre)
https://journals.aps.org/prx/abstract/10.1103/PhysRevX.4.041013
Abstract
We investigate whether quantum theory can be understood
as the continuum limit of a mechanical theory, in which
there is a huge, but finite, number of classical worlds,
and quantum effects arise solely from a universal interaction
between these worlds, without reference to any wave function.
Here, a world means an entire universe with
well-defined properties, determined by the classical configuration
of its particles and fields. In our approach, each world
evolves deterministically, probabilities arise due to ignorance
as to which world a given observer occupies, and we argue
that in the limit of infinitely many worlds the wave function
can be recovered (as a secondary object) from the motion
of these worlds. We introduce a simple model of such a many
interacting worlds approach and show that it can reproduce
some generic quantum phenomenasuch as Ehrenfests
theorem, wave packet spreading, barrier tunneling, and zero-point
energyas a direct consequence of mutual repulsion
between worlds. Finally, we perform numerical simulations
using our approach. We demonstrate, first, that it can be
used to calculate quantum ground states, and second, that
it is capable of reproducing, at least qualitatively, the
double-slit interference phenomenon.
Commentaire
Mioara
Mugur-Schaechter nous écrit:
L'hypothèse est, disons étrange. ..
Mais il faut noter que, comme tant d'autres, elle manifeste
un état nouveau et intéressant de la communauté
scientifique, à savoir que celle-ci cesse sérieusement
de se satisfaire de la Mécanique Quantique.
Ceci étant, tout le monde reste cloué dans
la phase des "interprétations". Personne
n'envisage d'examiner le formalisme, de le critiquer, sans
même parler d'en construire un autre (cf. l'Introduction
générale à mes "Principes
d'une 2ème Mécanique Quantique").
Cela, parce que personne ne sait comment commencer une critique
globale et une refonte de l'actuelle.
Quant à moi, qui dispose d'une METHODE de conceptualiser,
j'ai eu la grande surprise de constater qu'en fait la formalisme
actuel est IRRECEVABLE.
Il faut donc cesser de l' "interpréter",
il n'en vaut pas la peine.
On verra qui, et quand, comprendra.
Addendum
à la date du 05/11/2014
* Voir sur ce sujet un commentaire que vient
de publier Newscientist http://www.newscientist.com/article/mg22429944.000-ghost-universes-kill-schrodingers-quantum-cat.html?full=true#.VFtmXhaiCHQ
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