Introduction
Nous avions très vite compris, sur ce site, que l'hypothèse
de Noam Chomsky sur l'origine du langage n'avait pas de base
scientifique sérieuse. Selon cette hypothèse,
qui avait longtemps été admise par les linguistes,
l'aptitude au langage, qu'il soit parlé ou écrit,
reposait sur une propriété spécifique
à l'homo sapiens, l'existence d'une aire cérébrale
dédiée, dont les animaux ne disposaient pas.
Cette aire cérébrale serait apparue chez les
hominiens vers 2 à 1 millions d'années bp, à
la suite d'une mutation génétique. Une fois
admise cette hypothèse, le travail du linguiste dit
évolutionnaire, s'intéressant à la façon
dont les langages étaient apparu au sein de nombreuses
espèces animales, en évoluant progressivement
vers les propriétés qu'il manifeste aujourd'hui
chez l'homme, perdait une partie de son intérêt.
On peut tout expliquer en effet à partir d'une mutation
génétique, même si les études plus
récentes et plus précises de la neurologie humaine
ne permettent pas de localiser avec précision l'aire
prétendument dédiée au langage. Certes,
il existe des aires (dites de Broca et de Wernicke) dont une
paralysie rend le sujet incapable de s'exprimer, mais on peut
les considérer comme des portes d'entrée-sortie
servant au cerveau pensant à communiquer par le langage.
Ce n'est pas en leur sein que s'élabore la pensée
ni même la façon dont celle-ci se traduit en
modules de communications divers, dont le langage fait partie.
C'est le cerveau global qui selon les hypothèses récentes,
génère les contenus langagiers.
Pendant
longtemps cependant, l'hypothèse de Chomsky (image
ci-contre) a fait la loi dans les sciences linguistiques,
tout au moins chez celles qui s'enfermaient dans une approche
étroitement disciplinaire, relevant davantage de la
philosophie que des études interdisciplinaires de biologie
et anthropologie évolutionnaire devenues aujourd'hui
indispensables pour commencer à comprendre les questions
complexes liées à la communication au sein du
vivant. Le philosophe Jerry Fodor l'a reprise avec enthousiasme,
de même que le linguiste Steven Pinker, pourtant plus
ouvert que d'autres à ce qui se passait dans d'autres
sciences 1) .
Cependant, la plupart des « jeunes »
linguistes avaient depuis déjà un certain rejeté
Chomsky et son simplisme méthodologique. Il leur manquait
cependant une voix non seulement parfaitement compétente
mais dotée de suffisamment d'enthousiasme pour se faire
entendre bien au delà des cercles linguistiques et
même au delà des sciences humaines. Ce n'est
plus le cas aujourd'hui. Les travaux de Vyvyan Evans, présenté
dans son tout récent ouvrage « The Language
Myth: Why language is not an instinct » remet
en cause, à destination d'un public généraliste,
l'hypothèse de ce qu'il appelle le langage-instinct,
dont Chomsky s'était fait le héros.
Ce terme de langage-instinct correspond à l'hypothèse
rappelée ci-dessus, selon laquelle les humains sont
génétiquement câblés pour comprendre
et utiliser le langage, ceci dès la naissance.Evans
lui oppose l'hypothèse qu'il nomme "language-as-use",
terme que l'on pourrait traduire de cette façon un
peu compliquée : « langage comme processus
construit interactivement tout au long de l'évolution
biologique » Nous retiendrons ici le terme de Evans,
en le traduisant par « langage-usage ».
Inutile de dire au terme de cette introduction que nous recommandons
chaudement la lecture du livre de VyVyan Evans, auquel d'ailleurs
il préparerait une suite à paraître dans
quelques mois. Bien qu'écrit dans un anglais très
fluide, il aurait intérêt à être
traduit en français afin d'être mieux connu d'un
public pour qui la linguistique demeure la science qui se
borne à discourir sur l'origine des mots telle qu'elle
est présentée dans les dictionnaires.
La déconstruction du concept
de langage-instinct.
L'auteur considère, selon nous à juste titre
lorsque l'on y regarde de près, que la thèse
dite du langage-instinct popularisée par Chomsky n'est
pas encore rangée au rayon des antiquités. Selon
lui, elle fait encore de nombreux ravages, non seulement dans
les sciences humaines mais dans les opinions du grand public
relatives au langage et aux formes qu'il prend dans la société
contemporaine. Dans sa critique, il ne s'embarrasse donc pas
de précautions diplomatiques. Il attaque avec vivacité
des concepts, ou plutôt des croyances qui selon lui
paralysent encore les recherches, non seulement sur les langages
humains, mais sur les différents formes de communication
langagière propres aux êtres vivants en général.
Le mythe du langage-instinct se trouve confortée dans
l'opinion par l'observation de la facilité avec laquelle
un jeune enfant, voire un nouveau-né, communique avec
sa mère et très vite avec son entourage, rien
qu'en les entendant parler autour de lui. Comme il n'a encore
rien appris en matière de règles grammaticales
ou autres, il faut, pense-t-on, que son cerveau ait été
câblé dès la naissance pour ce faire.
Mais câblé où et comment? Chomsky pense
qu'il existe dans le cerveau un « module du langage »
ou plutôt un « module d'acquisition du langage »,
comme il existeraient bien d'autres modules, à en croire
l'hypothèse aujourd'hui abandonnée du cerveau
modulaire. Ce module, d'origine génétique, s'activerait
progressivement, point à point, quand l'enfant se heurte
aux complexités du langage.
Chomsky ne pense évidemment pas que chaque enfant dispose
héréditairement d'une grammaire adaptée
au langage maternel. Le module du langage contient une « grammaire
universelle » capable de générer
les règles de n'importe lequel des 7.000 langages recensés
aujourd'hui. Mais l'hypothèse est contredite par les
faits. On ne découvre aucune trace de grammaire universelle
lorsque l'on étudie, non pas les 7000 langues mais
seulement quelques unes d'entre elles. Plus on observe de
langages, en dehors de ceux prédominant actuellement
dans le monde moderne, plus leur diversité apparaît
et plus l'hypothèse d'une grammaire sous-jacente perd
de sa pertinence.
Par le terme de grammaire, sans entrer dans les détails,
on peut désigner les règles simples utilisées
dans nos propres langages modernes, par exemple l'existence
de sujets, de verbes et de compléments, quel que soit
l'ordre dans lequel ceux-ci sont exprimés. Or ces règles,
que par ignorance nous considérons comme universelles,
ne se retrouvent pas dans de nombreux langages, jadis florissants
mais aujourd'hui quasiment disparus, ceux des aborigènes
australiens ou des amérindiens du Canada, par exemple.
L'observation de la façon dont les communautés
de « sourds » construisent spontanément
des langages par signes, fournit d'autres éléments
intéressants contredisant l'hypothèse d'une
grammaire universelle. Ces langages ne surgissent pas du néant,
mais s'enrichissent graduellement à l'usage. Il en
est de même des observations, beaucoup plus faciles
à conduire, concernant la façon dont les enfants
construisent et complexifient progressivement leurs éléments
de langage. Cette façon n'est pas liée à
la mise en oeuvre progressive de ressources génétiquement
codifiées, mais à ce que les enfants entendent
et assimilent par l'usage. D'où d'ailleurs l'importance
d'une immersion la plus rapide possible dans un environnement
culturellement riche.
Une question plus difficile à appréhender concerne
les relations entre les éléments de langage
utilisés par un individu donné et les contenus
ou sens que celui-ci leur attribue. Si les règles sont
génétiquement définies, comment se fait-il
qu'elles peuvent engendrer tant de variétés
ou variantes dans les contenus cognitifs des individus? Des
linguistes tels que Pinker, précité, s'étaient
ralliés à l'hypothèse selon laquelle
existait dans le cerveau un langage interne de pensée,
ne donnant pas a priori de sens concrets aux contenus mentaux
et que l'expérience de chacun permettrait de concrétiser.
Ce langage avait été nommé le « mentalais »
Nous l'utiliserions sans nous en rendre compte lorsque nous
pensons, mais sans traduire cette pensée en langage
précis.
La théorie
du mentalais avait été principalement élaborée
par Jerry Fodor, précité. Pour lui, le mentalais
serait une sorte de langage mobilisant les processus mentaux,
permettant d'élaborer des pensées complexes
à partir de concepts plus simples. Fodor a présenté
cette thèse en 1975 dans son ouvrage intitulé
The Language of Thought. Selon Pinker, connaître
un langage consiste à transformer le mentalais en mots
et en phrases. Inutile de dire que cette hypothèse,
impossible à démonter, est finalement tombée
dans l'oubli. Il ne s'agit pas de nier que l'on puisse penser
sans faire appel au langage.Tout le monde le fait et vraisemblablement
aussi de nombreux animaux. Il s'agit seulement de proposer
que cette pensée utilise des mécanismes mentaux
pré-linguistiques ou même non linguistiques.
On peut
observer que Jean Piaget, qui exerça longtemps une
influence déterminante dans l'élaboration de
ce qui a été appelé une théorie
constructiviste du développement intellectuel, ne distingue
pas clairement entre l'inné et l'acquis en matière
d'acquisition du langage par l'enfant. Selon lui, l'origine
de la pensée humaine ne naît pas de la simple
sensation, elle n'est pas non plus un élément
inné. Elle se construit progressivement, dans le cadre
de phases successives ou périodes que traverse l'enfant
en fonction de son âge, chacune conditionnant l'autre.
Lorsque l'enfant entre en contacts répétés
avec le monde, il développe des unités élémentaires
de l'activité intellectuelle, appelés schèmes.
Mais, en ce qui concerne le langage, et bien que refusant
l'innéisme, Piaget semble admettre qu'en se développant,
le cerveau mobilise des ressources génétiques
disponibles mais non encore valorisées.
La construction du concept de « langage-usage »
Pour sortir
de l'enfermement qu'impose au linguiste les théories
du langage-instinct, Evans a fait appel aux multiples études
qui depuis 15 ou 20 ans se sont attachées à
comprendre comment les animaux et plus généralement
les êtres vivant communiquent, quels types de langages
ou proto-langages ils ont élaboré pour ce faire,
comment leurs cerveaux et plus généralement
leurs corps et leurs sociétés se sont construits,
au cours de millions d'années, dans le cadre d'une
co-évolution néo-darwinienne avec la communication.
A ces bases fournies par les sciences du vivant, il faut dorénavant
ajouter les apports d'une robotique évolutionnaire
de plus en plus créatrice, montrant comment des communautés
de robots peuvent dorénavant élaborer des langages
encore simples certes, mais donnant fort à réfléchir
aux linguistes. Pour les lecteurs de notre site, tout ceci
n'est guère original. Il est néanmoins intéressant
d'observer comment un linguiste un peu révolutionnaire
tel que Evans en tire parti.
Le premier travail à faire, pour qui veut cesser de
considérer le langage humain comme une exception dans
la nature, spécifique à une espèce humaine
elle-même exceptionnelle, consiste à démontrer
que des langages, ou tout au moins des proto-langages, peuvent
être retrouvés dans un certain nombre d'espèces
animales. Vyvyan Evans rappelle en détail les travaux
en ce sens qui se sont multipliés depuis une trentaine
d'années, portant sur les primates, mais aussi sur
les baleines, d'autres mammifères, les oiseaux et même
les poulpes. Ou bien ces animaux ont été observés
au naturel, ou bien dans le cadre d'expériences conduites
en interaction directe avec un humain.
Concernant les primates, chimpanzés notamment, quelques
expériences devenues célèbres ont consisté
à élever certains jeunes comme des enfants humains,
ou à leur enseigner le langage des signes. En aucun
cas, ces animaux n'ont pu acquérir des capacités
langagières aussi diverses et constructrices que celles
des humains, mais les performances qu'ils ont manifesté
montraient clairement qu'il existe une continuité directe
entre leurs langages et les nôtres.
Très vite cependant s'est posé la question de
distinguer entre langage et communication. Pratiquement toutes
les espèces, animales ou végétales, ont
développé des techniques de communication, le
plus souvent entre individus, mais parfois aussi d'une espèce
à l'autre. Même les bactéries ou cellules
(notamment cancéreuses) communiquent entre elles afin
de constituer des réseaux et réaliser des actions
collectives. On a nommé « quorum sensing »
la propriété qu'ont certaines bactéries
de passer à l'offensive dans un organisme infecté
en s'informant les unes les autres de leur nombre ou de leur
virulence.
Mais s'impose la nécessité de montre en quoi
le langage ne se réduit pas à la seule communication.
Evans cherche à le faire, mais d'une façon un
peu superficielle. Ceci parce qu'il n'a pas sans doute les
bases suffisantes pour relier en détail la linguistique
et les sciences devenues aujourd'hui très nombreuses
traitant non seulement de la communication mais de l'information.
L'approche technologique est aujourd'hui nécessaire,
car elle permet de mieux comprendre le biologique. Evans mentionne
certes les célèbres danses des abeilles, utilisant
des symboles, une intersubjectivité, des référentiels
géographiques, certains disent une récursivité
propres aux langages humains. Il se demande à juste
titre s'il s'agit de langages. Nous avons cru comprendre qu'il
répondrait par l'affirmative.
Au niveau de l'humain, il rappelle que les innombrables processus
de communication non parlée entre individus, sont des
langages ou tout au moins des précurseurs des langages.
Certains anthropologues considèrent d'ailleurs que
les hominiens, avant de développer des langages vocaux,
utilisaient des langages par gestes tout à fait efficaces.
Ces faits démontrent la continuité qui existe
dans la nature entre la communication et le langage proprement,
de la même façon qu'existe une continuité
évolutionnaires entre tous les êtres vivants
sur le plan corporel, notamment concernant l'évolution
des organes sensoriels et des systèmes nerveux.
Les origines

S'agit-il de mots?
Le
livre, qui est très documenté (il comporte presque
1/5 de notes et références (difficiles à
consulter faute d'accès à l'internet) aborde
un certain nombre de questions s'inscrivant dans cette approche
biologique plus générale. Il pose notamment
l'inévitable question portant sur la façon dont
les langages sont apparus dans le cadre de l'histoire de ce
qu'il convient d'appeler en simplifiant l'espèce humaine.
Il n'hésite pas, si nous l'avons bien compris, malgré
les nombreux préjugés contraires, à postuler
que des formes rudimentaires de langage se sont manifestées
durant la longue période ayant permis aux australopithèques
de diverger de l'ancêtre commun qu'ils avaient partagé
avec d'autres primates.
Il mentionne une hypothèse que nous avions nous-mêmes
présentée 2). Ce fut sans doute le développement
d'un usage systématique d'outils naturels déjà
employés par divers animaux mais de façon discontinue,
avec le développement corrélé (co-développement)
des signes ou vocables de nature prélangagière
désignant ces outils et leurs usages, qui a permis
l'émergence du langage. Ceci donc bien avant l'époque
de l'homme du néanderthal généralement
considéré comme le premier homo capable de parler.
Mais cette hypothèse ne suffit pas à éclairer
la question de l'origine du couple outil-langage. Pourquoi
et comment certains australopithèques se sont-ils différenciés
sur ce point capital de leurs contemporains primates? Faut-il
faire appel à l'explication un peu simpliste de la
mutation génétique. S'est-il agit seulement
de l'adaptation à un changement dans le milieu naturel
s'étant imposé à ces australopithèques,
changement n'ayant pas affecté les autres primates?
Dans ce cas, ce fut probablement une co-évolution,
là encore, entre les modifications imposées
à l'organisme, et donc aux gènes de ces australopithèques
par l'adaptation à ce milieu nouveau, et leurs capacités
neurologiques à la « vision »
symbolique, qui a rendu possible l'invention de l'outil et
du langage. Mais aussi séduisante que soit cette explication,
elle peut paraître un peu « ad hoc ».
De nombreuses espèces ont du s'adapter à des
changements de milieu sans acquérir la capacité
d'utiliser systématiquement des outils et des langages.
Ce qui nous paraît presque certain par contre est le
fait que la généralisation et la diversification
des outils et de leurs usages fut un des principaux facteurs,
sinon le principal, ayant permis l'enrichissement de la pensée
symbolique à l'origine des capacités langagières.
Les neurones-miroirs cités d'ailleurs par Evans ont
joué un rôle en ce sens. Ils sont à la
base de l'imitation. La vue d'un geste bien déterminé,
comme celui consistant à utiliser une pierre pour casser
une noix, active dans le cortex des neurones-miroirs qui se
réactivant à leur tour hors de la vue du geste,
permet la répétition de celui-ci. Or si cette
vue a déjà été symbolisée
dans le cerveau du premier utilisateur, on peut admettre que
la transmission de ce symbole vers d'autres individus s'est
faite parallèlement. Cependant, de nombreux animaux
utilisent des instruments et outils de façon aléatoire.
Ils disposent pourtant de neurones-miroirs. Mais leur cortex
est moins développé que celui de l'homme. La
question de l'origine reste donc posée.
Le lecture du livre de Vyvyan Evans suscite de nombreuses
questions de cette nature. Il ne les approfondit pas ou ne
les évoque pas. Ce jugement n'est pas une critique,
mais au contraire un compliment. En 300 pages, il ne pouvait
tout dire. Il est déjà plus que remarquable
qu'il oblige le lecteur à se poser des points d'interrogations.
Par exemple, le langage crée-t-il son objet? Autrement
dit oblige-t-il l'interlocuteur à voir le monde de
la même façon que le locuteur, tout au moins
si l'un et l'autre partagent globalement la même culture.
Qualifier quelqu'un de féminin l'enferme-t-il dans
tous les symboles attribués à la féminité?
Evans évoque la question, mais il ne fait pas appel
aux discussions contemporaines pourtant très éclairantes
concernant le langage scientifique et sa capacité à
représenter de façon symbolique, sinon à
créer proprement dit, un réel considéré
comme extérieur à l'observateur aussi
bien d'ailleurs dans le domaine de la physique macroscopique
que dans celui de la physique quantique ? Dans un autre domaine,
le rire et les pleurs, considérés comme le propre
de l'homme, sont-ils liés et comment au langage?
Une autre question doit être évoquée.
Il s'agit de celle de l'imagination créatrice. Celle-ci
est généralement considérée comme
un des traits fondamentaux distinguant l'homo sapiens de ses
prédécesseurs. Le langage y joue-t-il un rôle
et comment? Les « visions » générées
par le cerveau et pouvant modifier les comportements, dans
la vie courante comme en matière d'invention scientifique,
reposent-elles sur des images mentales préconscientes
ou inconscientes, créées par l'imagination,
notamment dans le sommeil? Ces images peuvent-elles être
considérées comme des éléments
de langage? Ceci qu'il s'agisse du langage courant ou du langage
scientifique évoqué plus haut.
Conclusion
Il est bien évident qu'un professeur de linguistique,
aussi ouvert et curieux qu'il puisse être, ne peut à
lui seul, pour traiter du langage, aborder toutes les sciences
qui s'imposeraient pour ce faire. Il faudra l'entreprendre
cependant un jour, mais en se plaçant dans une approche
interdisciplinaire sans exclusives. Comment un singe apparemment
comparable aux autres a-t-il pu en quelques millions d'années,
dites aujourd'hui de l'anthropocène, évoluer
jusqu'à devenir capable de provoquer un bouleversement
climatique profond et une nouvelle extinction généralisé
des espèces vivantes? En quoi les capacités
langagières ont-elles contribué à cette
évolution? Les successeurs éventuels de l'homo
sapiens, dits post-humains, seront-ils des entités
biologiques « augmentées », des
entités langagières ou même des entités
numériques ou mathématico-numériques
de type algorithmique? Que seront leurs langages?
Pour commencer à répondre à ces questions
(sans pour autant espérer échapper aux enfermements
imposés par les pratiques et langages scientifiques
contemporains), il faut remonter aux origines, celles de la
vie comme celles de l'espèce humaine. Concernant cette
dernière il faut remonter aux origines de son génome
spécifique, se répercutant sur les origines
de son cerveau, de sa conscience et bien évidemment
de ses cultures et civilisations.
Compte tenu de la réduction continue des crédits
affectés à la recherche fondamentale, sauf dans
le domaine militaire, il est à craindre que notre civilisation,
celle à laquelle le signataire de cette recension s'honore
d'appartenir, refusant les solutions simplistes imposées
par les religions et la violence, ait disparu avant d'avoir
proposé ne fut-ce que des débuts de réponses
scientifiques.
Notes
1) Nous lui avions nous mêmes il y a plus de 10 ans
fait écho en présentant les travaux de Pinker.
Mais depuis, Dieu merci, nous l'avons abandonné, pour
tenir compte des innombrables travaux survenus depuis et portant
sur les différentes formes de langage et de communication
(incluant le domaine des entités et réseaux
numériques) . Voir:
*http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2003/sep/pinker.html
*http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2001/jan/s_pinker.htm
2) J.P. Baquiast. Le paradoxe du sapiens 2010
3)
Notre ami Jean-Louis Le Moigne nous signale cet article allant
un peu dans le sens du livre:
Towards
a complex-figurational socio-linguistics
Some contributions from physics, ecology and the sciences
of complexity
* Albert
Bastardas-Boada