Sciences
politiques. Le
Système. Crise ou effondrement?
Jean-Paul Baquiast 06/09/2014
Dans
un article de son blog Le
Contrarian, intitulé « L'Europe dans
le coma économique. La BCE tente la réanimation
! » Charles
Sannat, conseiller économique et financier, écrit
que le monde ne sortira pas de la contradiction où
l'enferment dorénavant ceux (notamment les banquiers
centraux) qui veulent créer de la croissance en créant
des liquidités, et ceux qui veulent imposer des politiques
économiques d'austérité à un
moment où les économies pour ne pas se contracter
auraient besoin de plus de dépenses publiques...que
les Etats sur-endettés ne peuvent plus financer.
.
Il
conclut son article (Edition du 5 septembre 2014) par ces
considérations qui méritent pensons-nous la
plus grande attention:
«
En réalité, il n'y a plus d'espoir. La raison
est assez simple. Cette crise c'est une crise de système,
une crise de mutation et il faudra que le système
ancien s'effondre pour qu'un nouveau puisse prendre sa place.
Le concept d'atterrissage en douceur lorsqu'il n'y a plus
de commandes de vol, que les moteurs sont en feu et que
l'on traverse une zone de turbulences est illusoire.
Il
faudra changer totalement de cadre économique, modifier
radicalement la mondialisation, refaire la gouvernance européenne,
refondre les traités, redonner de la souveraineté.
Bref, pour réussir il faudrait tout simplement, ensemble,
avec tous les pays du monde, imaginer une démondialisation
commune, un nouveau système monétaire international
consensuel, il faudrait s'interroger sur le sens des délocalisations,
ou de la robotisation, savoir comment dans un monde sans
travail nous allons pouvoir durablement avoir de la croissance
sans consommateurs solvables puisque la répartition
de la richesse passe par le travail. Il faudrait pouvoir
définir et partager une vision commune, une vision
novatrice.
Par
essence et par nature, ceci est parfaitement impossible
puisque les désaccords, les intérêts
divergents et les guerres de pouvoirs empêchent toute
solution globale.
Nous
allons donc mourir, soit par l'hyperinflation liée
à une création monétaire excessive,
soit par une déflation liée à la récession
en raison de l'austérité, soit un peu par
les deux puisque à force de faire n'importe quoi,
nous constatons un phénomène inédit
dans l'économie à savoir la coexistence de
deux éléments parfaitement contradictoires
à savoir l'inflation et la déflation.
Nous
avons réussi à mélanger l'eau à
l'huile et ce n'est pas une bonne nouvelle.
Mario
Draghi fera tout ce qu'il pourra. Il gagnera encore du temps.
Mais croyez-moi, au bout du compte, quoi qu'il fasse, ce
ne sera jamais assez pour que tout redevienne comme avant.
Nous
sommes en train de voir finir le monde ancien.
Préparez-vous
et restez à l'écoute. »
___________________________________
Cet
article, dont nous partageons très largement les
prémisses comme les conclusions, appelle cependant
de notre part quelques observations:
Une
crise de système
Beaucoup
d'observateurs diagnostiquent aujourd'hui une crise, voire
un effondrement du système. Mais de quel système
s'agit-il?
-
S'agit-il de ce que beaucoup désignent comme le système
de l'américanisme. Lui-même serait le produit
monstrueux d'un effort de domination du monde mené
depuis la fin de la 2e guerre mondiale par les intérêts
économiques et financiers des Etats-Unis, intérêts
soutenus par le déploiement, à l'échelle
d'une grande partie de la planète et aujourd'hui
de l'espace, d'une puissance militaire et technologique
encore sans égal?
-
S'agit-il plus globalement du système du capitalisme
industriel, lui-même relayé par le capitalisme
financier, qui impose à tous les citoyens du monde
un mode de vie privilégiant la consommation matérielle,
poussée par une publicité incessante et décérébrante?
Un tel système inspire évidemment une partie
du système de l'américanisme, mais on le retrouve
aussi, au moins en germes, dans des pays asiatiques s'efforçant
de rattraper à grand pas le mode de vie et les solutions
politico-économiques américaines.
-
S'agit-il plus globalement encore d'un évolution
récente de l'espèce humaine (l'anthropotechnique)
incapable de maîtriser sa croissance démographique,
incapable de s'interdire la destruction du monde naturel
et l'épuisement des ressources terrestres, incapable
d'empêcher des catastrophes d'une ampleur analogues
à celles ayant généré dans les
ères précédentes ce que les scientifiques
nomment les grandes extinctions?
En
fait, le système que Charles Sannat voudrait combattre
à l'échelle du monde par des réforme
en profondeur qu'il analyse rapidement, mêle inextricablement
les caractéristiques des trois systèmes que
nous venons d'évoquer, d'une façon d'autant
plus intriquée que l'observation s'élève
du court terme au long terme. Mais comme il annonce lui-même
que ces réformes ne se produiront pas parce que la
coalition des intérêts immédiats empêche
toute évolution volontariste vers une meilleure gestion
de ce que l'on nomme désormais l'anthropocène,
il ne laisse guère d'espoir. Son discours qui pourrait
être celui d'un philosophe politique réaliste
étonne d'autant plus qu'il provient d'un conseiller
financier. Il n'en a que plus de mérite à
moins diront les mauvaise langues, qu'il vise sans le dire
à provoquer des mouvements de peur dont profiteront
les spéculateurs, hausse de l'or ou autres valeurs-refuges
par exemple.
Le
chaos
Nous
pensons nous-aussi que les civilisations humaines vont poursuive
inexorablement leur course à l'auto-destruction,
au moins sous leurs formes actuelles. Les révolutions
scientifiques et technologiques attendues par les prophètes
de la Singularité ne se produiront pas ou auront
des effets contraires à ceux recherchés par
leurs promoteurs. Néanmoins quelque chose, plusieurs
choses, surviendront nécessairement. En général,
les prévisionnistes pensent qu'il s'agira de révoltes,
y compris et d'abord dans les pays dits riches, provenant
de foules exaspérées par les inégalités
et la chute brutale de leur niveau de vie. Ces révoltes
seront évidemment réprimées dans le
sang. C'est ce à quoi ont reçu l'ordre de
se préparer, aux Etats-Unis, nous l'avions indiqué
précédemment, la garde nationale et l'armée.
Mais ce pourront être parallèlement de nouveaux
virus mutés, du type Ebola, faisant en quelques semaines
des centaines de milliers de morts, non seulement dans des
villes africaines déjà surpeuplées,
telle Nairobi, où la majorité de la population
cohabite avec des animaux d'élevage sur des monceaux
d'ordures, mais dans les mégacités asiatiques
et européennes.
Puisque
cet article a évoqué le concept de système,
nous pourrions dire ici qu'en termes systémiques,
nous sommes en présence d'une situation « chaotique
». Le chaos peut être défini comme une
situation où coexistent une multitude d'acteurs grands
ou petits, se faisant la guerre mais capables aussi de coopérer.
Nulle autorité supérieure ne dispose à
elle seul du pouvoir de générer ou réfréner
le chaos. Il évolue d'une façon qui ne peut
être ni décrite globalement, ni prévue.
On a dit que le chaos pouvait être créateur.
Il est certain que les évènements qui en surgissent
ont nécessairement des conséquences, par définition
inattendues. Mais rien ne garantit que les humains, entraînés
par les forces s'activant au sein du chaos actuel, s'en
féliciteront ou pas, s'il leur reste assez de clairvoyance
pour comparer ce dont quoi ils viennent et ce vers quoi
ils vont.
Notre
confrère et ami Philippe Grasset a apporté
ce commentaire au présent article. Nous l'en remercions.
Par ailleurs il publie un article très éclairant
de Noam Chomsky sur les perspectives eschatologiques qui
sont les nôtres. (Voir Isis and our times http://www.dedefensa.org/article-isis_and_our_times_08_09_2014.html
Précisions
de PhG sur la notion de Système
Après
consultations avec lauteur, et puisquil est
question dans son article dune classification de la
notion de Système, nous apportons ici
quelques précisions pour notre compte. Ces précisions
concernent plus précisément le premier point
concernant cette classification, où il est question
du système de laméricanisme,
qui est une notion retrouvée souvent et depuis longtemps
dans dedefensa.org. (Les mots ci-dessous éclairés
donnent le lien vers larticle du Glossaire.dde les
concernant.)
Pour
nous, le système de l'américanisme est un
outil conjoncturel, le plus puissant certes actuellement,
et celui qui a de fortes chances, disons même le plus
de chances de déclencher par son propre effondrement
l'acte final de leffondrement du Système, mais
qui en aucun cas ne peut ramener à lui-même
ce que nous nommons d'une manière générique
le Système. Avant le système de
l'américanisme, il y a eu ce quon pourrait
nommer système pangermaniste, et avant
encore les conditions de transmutation (ce que nous nommons
le déchaînement de la Matière)
permettant la constitution de ce qui allait devenir le
Système, où la Révolution française
et la révolution du choix de la thermodynamique ont
autant d'importance au moins que la révolution américaniste.
(Voir la rubrique La Grâce de lHistoire.)
Au reste,
depuis 2008 (crise de Wall Street) et la constitution de
ce que nous nommons bloc BAO, l'Amérique
n'a plus l'exclusivité de la chose, même si
elle reste l'exécutant le plus puissant et le plus
zélé du Système. L'UE en tant que telle
est devenue un autre acteur essentiel et à part entière,
exécutant du Système également, avec
ses propres spécificités, et dont nous ne
faisons certainement pas un simple supplétif du système
de l'américanisme.
Reste
certes la Cause Première, l'essence même (ou
l'essence invertie, non-essence destructrice de l'essence
du monde) de ce qui a engendré le Système.
Pour nous, c'est la part métaphysique de la question,
la plus importante certes, mais disons que c'est
une autre histoire par rapport au propos de
larticle, dont on peut bien entendu avoir quelques
échos dans le Glossaire.dde notamment et dans des
textes hors de cette rubrique (voir Notes sur la proximité
du Mal (dde.crisis), le 4 janvier 2013 et le Glossaire.dde
sur Le Mal (I)), et également dans La Grâce
de lHistoire en général, bien sûr
(références dans la rubrique Les conversations
de dedefensa.org ou encore ici).
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