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The
Copernicus Complex: Our Cosmic Significance in a Universe
of Planets and Probabilities Septembre 2014
Caleb
Scharf
Scientific
American, Farrar, Straus and Siroux
Présentation
par Jean-Paul Baquiast
21 septembre 2014
Nous
reviendrons dans un article ultérieur sur certains
des thèmes de ce livre. JPB
Caleb
Scharf dirige le centre d'astrobiologie de l'université
de Columbia.
Les recherches de cet astrophysicien font autorité
; elles concernent notamment l'interprétation
satellitaire des émissions radio attribuées
aux trous noirs.
Dans son dernier livre,
il s'intéresse particulièrement aux
modélisations informatiques les plus récentes
portant sur les dynamiques gravitationnelles, c'est-à-dire
sur la façon dont différents types de
systèmes solaires peuvent résulter de
l'interaction gravitationnelle entre un astre de type
solaire et ses satellites, ainsi que sur les conséquences
pouvant en décoouler dans le domaine de l'astrobiologie.
L'astrobiologie étudie les types de biologies
pouvant apparaître dans l'univers au sein des
astres présentant - ou non - des caractères
proches de ceux de la Terre.
Par ailleurs, Caleb Scharf est un excellent formateur
et vulgarisateur. Il fait découvrir à
un large public les problématiques les plus
récentes de sa discipline, malgré leurs
aspects apparemment les plus ésotériques.
Ce dernier ouvrage en est un excellent exemple. Bien
qu'abordant des questions éminemment difficiles,
il les met à portée tous ceux s'intéressant
à la cosmologie et à la question de
la vie extraterrestre.
|
* Voir notre présentation de l'ouvrage précédent
de l'auteur Gravity's
Engines
How Bubble-blowing Black Holes rule Galaxies, Stars and
Life in the Cosmos
* Sur le chaos, voir notre présentation de Simplicité
profonde : Le chaos, la complexité et l'émergence
de la vie de John Gribbin
* Voir aussi La
théorie du Chaos par James Gleick
* Voir aussi notre article consacré à
Ilya Prigogine
Le « Copernicus
Complex » recense et critique les plus récentes
hypothèses scientifiques concernant les origines
de la vie sur Terre et la question de savoir s'il s'agit
d'un phénomène rare dans l'Univers, voire
unique, ou au contraire très fréquent. Le
livre commence par un rappel de l'affirmation de Copernic
au 16e siècle, selon laquelle contrairement aux affirmations
de l'Eglise catholique et de nombreux philosophes antiques,
la Terre n'était pas le centre de l'univers visible,
autour duquel graviterait le soleil et les autres astres,
mais seulement l'un de ces astres gravitant autour du soleil.
Ceci
avait été nommé le « Principe
de Copernic » ou « Principe de Médiocrité ».
Ce principe refuse d'une façon générale
de considérer l'homme comme le centre de toutes choses,
en dehors du Dieu créateur lui ayant conféré
ce statut. Plus les lunettes astronomiques se perfectionnèrent,
après la généralisation de l'invention
de Galilée, plus ces hypothèses se trouvèrent
confirmées.
Le Principe de Médiocrité appliqué
à l'astronomie
Caleb Scharf rappelle à cet égard les découvertes
les plus récentes des astronomes. Ce sont maintenant
plusieurs centaines de planètes extrasolaires qui
ont été identifiées, gravitant autour
des astres les plus proches de nous, c'est-à-dire
les plus faciles à observer. Le catalogue s'enrichit
tous les jours. Ces planètes ne sont pas encore observables
directement, mais en fonction des perturbations gravitationnelle
qu'elles imposent à leur astre, il est désormais
possible de préciser s'il s'agit de « géantes
gazeuses », sembles à Jupiter ou Saturne,
ou de planètes de type rocheux, semblables à
la Terre. Un grand nombre de celles-ci se trouvent situées
dans ce que l'on nomme la zone habitable, suffisamment loin
et cependant suffisamment près de leur soleil pour
que de l'eau liquide et des températures clémentes
jugées encore indispensables à la vie puissent
s'y trouver.
On sait que si par ailleurs, au lieu de dépenser
des budgets considérables à se faire la guerre,
les humains affectaient les ressources suffisantes à
la réalisation des télescopes géants
optiques ou radio d'ores et déjà dans les
cartons, il pourrait être possible, dans quelques
années seulement, d'observer directement les plus
proches de ces planètes, y compris la composition
de leur atmosphère, révélatrice de
la présence de la vie, voire même leurs éventuelles
couvertures végétales.
Le Principe de Médiocrité
appliqué à la biologie
Peu de temps après Copernic et Galilée, les
découvertes des inventeurs des premiers microscopes
avaient confirmé le Principe de Médiocrité.
Le monde des créatures macroscopiques multicellulaires
(eucaryotes) auxquelles l'homme appartient, est très
largement dépassé en complexité par
celui des créatures microscopiques, bactéries
et archéa monocellulaires (procaryotes) sans mentionner
les virus que l'on considère généralement
aujourd'hui comme des organismes vivants plus simples, mais
cependant dotés de gènes.
L'on découvre dorénavant de telles bactéries
dans tous les milieux terrestres, y compris dans ceux jusqu'ici
considérés comme impropres à la vie.
Si bien que l'on considère généralement
que les premières d'entre elles ont commencé
à peupler la jeune Terre alors même que celle-ci
état soumise à d'intenses bombardement météoritiques
(dont celui supposé avoir donné naissance
à la Lune).
Caleb Scharf mentionne par ailleurs les récentes
découvertes de ce que l'on pourrait appeler l'astrophysique
prébiotique. Très vite, dès le Big
Bang, se seraient formés, à partir des molécules
H2 et H3 originelles, des composés chimiques, notamment
à base de carbone, constituant ce que l'on a nommé
les briques de base indispensables à la vie. Ces
composés se sont retrouvés dans les nuages
interstellaires à l'origine des premiers systèmes
solaires. Dès sa formation, notre propre système
solaire a donc baigné dans une telle atmosphère
prébiotique.
Celle-ci
ne suffisait pas pour donner naissance aux molécules
géantes indispensables à la constitution et
à la reproduction des premiers organismes considérés
comme vivants (dont le fameux LUCA et ses prédécesseurs)
mais elle avait considérablement facilité
l'action des mécanismes géophysiques terrestres
ou sous-marins ayant servi de berceau à l'émergence
de la vie.
Quant à ce que l'on nomme la vie intelligente, le
Principe de Médiocrité explique aujourd'hui
son émergence, que ce soit chez les animaux et même
chez l'homme, par un enchainement de mécanismes qui
en font une conséquence quasi obligée de l'apparition
de la vie monocellulaire.
Nous
n'entrerons pas ici dans cette discussion. Indiquons seulement
que, comme le rappelle d'ailleurs Caleb Scharf, l'homme,
composé de milliards de cellules et hébergeant
un nombre encore plus grand de bactéries indispensables
à sa vie, pourrait être considéré,
au même titre que les autres organismes multicellulaires,
comme l'instrument par lequel le monde des bactéries
s'est organisé spontanément en réseaux
capables de faire émerger de l'intelligence à
son profit. Cette intelligence permet, via la production
de nouveaux milieux riches en nutriments résultant
de l'activité des humains, aux bactéries de
se multiplier encore davantage. Ceci se dit aujourd'hui,
rappelons-le, du développement des systèmes
intelligents plus ou moins autonomes commençant à
apparaître au sein des réseaux numériques
connectant des humains, à l'insu de ces mêmes
humains.
Toutes les recherches scientifiques récentes pourraient
donc justifier sans évidemment pouvoir encore
le démontrer, que la vie cellulaire voire la vie
intelligente, pourraient se trouver sous des formes voisines
dans les centaines de milliards de galaxies, composées
elles-mêmes de centaines de milliards d'étoile
et d'au moins mille milliards de planètes, composant
l'univers visible.
Une relative spécificité.
Cependant, comme Caleb Scharf le rappelle, les évolutions
géophysiques et biologiques ayant permis l'apparition
de la vie terrestre et de l'homo sapiens, ne se retrouvent
pas de façon uniforme à l'échelle de
l'univers observable. Les simulations permises par les ordinateurs
modernes appliquée à ce que l'on appelle la
dynamique gravitationnelle montrent que, à l'intérieur
des lois simples de la gravitation, une très grande
diversité de systèmes galactiques et de systèmes
solaires peut apparaître. Ce ce que confirme d'ailleurs
les observations précitées de l'astronomie
moderne.
Non seulement aucune galaxie n'est vraiment semblable à
une autre, mais aucun système associant un ou plusieurs
soleils à un plus ou moins grand nombre de planètes
et de planètésimaux tous différents,
ne reproduit l'image régulière de notre propre
système solaire. Ceci ne veut pas dire que, dans
un grand nombre d'entre eux, la vie ne puisse apparaître,
ceci veut seulement dire que les mécanismes susceptibles
d'y générer la vie seraient très différents
de l'un à l'autre, et que par conséquent les
formes adoptées par de telles vies pourraient être
également très différentes.
Par ailleurs l'histoire détaillée de l'apparition
et du développement de la vie terrestre, incluant
dans certains cas des formes plus ou moins marquées
d'intelligence voire de conscience, paraît bien montrer
qu'il a fallu un enchainement continu de circonstances favorables
pour aboutir aux résultats que nous connaissons.
Ceci pourrait justifier un retour à l'hypothèse
selon laquelle l'homme, sans être nécessairement
unique dans l'univers, pourrait au moins être assez
exceptionnel. On retrouverait là une forme atténuée,
faible, du principe anthropique, selon lequel l'homme n'a
pu apparaître que dans des environnements très
spécifiques. De là à prétendre,
comme ne manquent pas de le faire les religions monothéistes,
qu'il a fallu la main de Dieu pour que s'organise l'enchainement
de circonstances favorables à l'apparition de l'humanité,
il n'y a qu'un pas.
Le cosmo-chaos
Caleb Scharf ne cède pas à cette tentation.
Il nous invite par contre à faire appel aux théories
des probabilités bayésiennes et à celles
du chaos pour nous expliquer l'apparition de formes de vie
semblables à celles que nous connaissons, aussi improbables
puissent-elles être. Il propose le terme de cosmo-chaos
pour caractériser la multiplicité et l'enchevêtrement
des différents facteurs ayant abouti à l'univers
tel que nous le connaissons.
Ce cosmo-chaos
caractérise l'univers en son état actuel (tel
du moins qu'il est visible à des instruments demeurant
très imparfaits) mais aussi l'univers tel qu'il évoluera
et, rétroactivement, l'univers tel qu'il s'est développé
à partir du Big Bang. Celui-ci peut être considéré
comme ayant surgi, d'une façon elle-même chaotique
(non descriptible,) du vide quantique fondamental. Comme
nous l'avons rappelé, les premiers atomes lui ayant
succédé ont donné naissance à
des mécanismes de plus en plus chaotiques, c'est-à-dire,
en d'autres termes, de plus en plus diversifiés et
imprévisibles, à l'intérieur de certaines
limites apparues dès le départ.
Il faut
en effet concilier les deux types de réalités
telles qu'elles apparaissent à la science moderne.
D'une part, les mécanismes dont nous provenons n'ont
rien de spécifique. D'autre part nous occupons un
temps très spécial au sein d'un univers âgé
de 14 milliards d'années et appelé à
s'étendre sans doute indéfiniment, sans doute
aussi au sein d'un multivers dont il se diffférenciera
de plus en plus jusqu'à sa mort. Nous
nous situons dans un système solaire très
spécifique, noyé dans un océan de diversité
n'ayant que de lointains traits communs avec notre système
solaire: Jupiters « chauds » orbitant
très près de leurs soleils en moins d'un jour
terrestre (on imagine à quelles vitesses) , planètes
rocheuses autour d'étoiles en fin de vie, milliards
de « Terres » et de « Super-Terres ».
De plus, la vie terrestre, si elle s'est construite à
partir de briques de bases et d'une chimie présentes
partout dans l'univers, l'a fait au terme de 4,4 milliards
d'années de processus évolutifs improbables
en termes déterministes. De même, pour reprendre
un exemple proposé par l'auteur, que le spectateur
d'une partie de base ball recevant une balle en plein visage
n'avait aucune raison de le prévoir - sauf en termes
stratistiques, et avec une probabilité infime.
Compte
tenu de ces données en apparence contradictoires,
Caleb Scharf nous invite à considérer que
la situation de l'homme dans l'univers résulte d'une
suite de hasards dont l'enchainement est de type chaotique.
Ils peuvent paraître exceptionnels à notre
échelle mais ils ne le seraient pas à l'échelle
de l'univers entier. En d'autres termes, il recommande une
vois moyenne entre le principe de Copernic et le principe
anthropique.
Cela devrait donc nous encourager à rechercher d'autres
formes de vies et d'intelligences susceptibles d'être
présentes dans l'univers, voire de se manifester
à nous. Non seulement dans le cadre de l'astrobiologie,
qui constitue une science indiscutable, dont les applications
pourront être précieuses à l'avenir,
mais aussi dans le cadre de projets comme ceux du SETI (Search
for Extraterrestrial Intelligence), beaucoup plus problématiques,
mais néanmoins importants, pour aujourd'hui comme
pour plus tard.
Note
Nos
lecteurs seront intéressés de pouvoir rapprocher
l'article ci-dessus d'une communication que vient de nous
adresser le CNRS. L'Europe, dans le domaine de l'observation
optique et radio, détient sans doute le 1er rang
au monde.
À
la recherche des origines de l'Univers : première
étape pour NOEMA
L'observatoire
du plateau de Bure de l'IRAM1 (CNRS/MPG/IGN) dans les Alpes
françaises accueillera d'ici à cinq ans, six
antennes supplémentaires grâce au projet NOEMA
(NOrthern Extended Millimeter Array). La première
de ces six antennes est inaugurée lundi 22 septembre
2014 au siège de l'IRAM près de Grenoble.
Une fois terminé, NOEMA deviendra ainsi le radiotélescope
millimétrique le plus puissant de l'hémisphère
Nord. Il permettra notamment aux astronomes d'observer les
galaxies et les trous noirs aux confins de l'Univers mais
aussi d'identifier des éléments clefs dans
la formation des étoiles et des systèmes planétaires.
La radioastronomie
millimétrique joue un rôle essentiel dans l'astrophysique
moderne : elle rend possible l'étude de l'origine
et de l'évolution de l'Univers. NOEMA (NOrthern Extended
Millimeter Array) appartient à une nouvelle génération
de radiotélescopes. Lorsqu'il sera terminé,
cet instrument sera l'interféromètre le plus
puissant de l'hémisphère Nord. Grâce
à six antennes supplémentaires de 15 mètres
de diamètre chacune et à de nouveaux systèmes
de réception d'une sensibilité extrême,
NOEMA aura une précision 10 fois meilleure que celle
de l'observatoire actuel et offrira une résolution
spatiale 4 fois plus fine que son prédécesseur.
Ces récepteurs sont entièrement conçus
et réalisés dans les laboratoires de l'institut
IRAM (CNRS/MPG/IGN) en utilisant les technologies des très
hautes fréquences (teraHertz), des détecteurs
supraconducteurs et des technologies de basse température
(cryogénie).
Ainsi
NOEMA, avec une résolution spatiale de 0,2 secondes
d'arc2 soit celle du VLT de l'ESO, sera en mesure d'obtenir
des images précises et inédites de nuages
de gaz interstellaires, et des étoiles qui y naissent.
Il permettra aux chercheurs d'identifier des molécules
interstellaires et d'analyser la poussière cosmique,
des éléments clefs dans la formation des étoiles
et des galaxies. NOEMA apportera des réponses à
quelques-unes des questions les plus fondamentales de l'astronomie
moderne : comment se sont formées les toutes premières
étoiles ? Comment les grandes structures de l'Univers
ont-elles évoluées pour aboutir aux galaxies
géantes comme notre Voie Lactée ? Ou comment
se forment les systèmes planétaires ?
NOEMA,
d'un budget total estimé à 45 millions d'euros,
est conjointement financé par les partenaires qui
ont fondé l'IRAM : le CNRS en France et la MPG (Max-Planck-Gesellschaft)
en Allemagne. La première de ses six antennes est
inaugurée le 22 septembre au siège de l'IRAM,
en présence de ses contributeurs. Elle sera opérationnelle
à la fin de l'année 2014. La deuxième
des six nouvelles antennes devrait quant à elle être
mise en service l'année prochaine, et il faudra attendre
4 à 5 ans de plus pour voir le projet entièrement
terminé avec ses 12 antennes sur le plateau.
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