Technologies
et politiques. Le lobby
militaro-industriel américain est-il efficace?
Jean-Paul Baquiast 12/04/2014
Il
est certainement efficace dans l'entreprise consistant à
détourner à son profit des centaines de milliards
d'argent public. Pour cela il sait placer aux bons endroits,
notamment au Congrès, des hommes politiques connus
pour représenter ses intérêts. Il est
également efficace pour pousser par divers arguments
l'administration fédérale à des guerres
aussi inutiles que perdues d'avance. Il est vrai qu'il est
rejoint dans ce rôle par le lobby pétro-politique.
Mais
est-il efficace quand il s'agit de produire des systèmes
d'armes résistant à l'épreuve de la
mise en oeuvre sur le terrain. Les exemples de telles malfaçons,
financées à grand prix, sont innombrables.
Sans revenir sur un passé plus lointain, il suffit
d'évoquer le programme de l'avion de combat dit F35
ou Joint Strike Fighter (JSF). Censé offrir plusieurs
versions complémentaires, caractérisées
notamment par la furtivité, il a coûté
pendant des années des dizaines de milliards de dollars.
Mais à ce jour il n'a produit que quelques exemplaires
accumulant les malfaçons, de telle sorte qu'aucun
d'entre eux n'a pu encore être utilisé opérationnellement.
Les différents Etats poussés à l'acquérir
se désistent progressivement. La saga du JSF a été
parfaitement relatée par Philippe Grasset, dans le
cadre de divers articles publiés pendant plusieurs
années sur son site DeDefensa (www.dedefensa.org).
Observons que l'appareil français Rafale de Dassault
a dès le début donné satisfaction à
l'armée de l'air française, mais n'a jamais
pu encore être vendu à l'exportation compte
tenu des pressions énormes exercées par l'administration
américaine sur d'éventuels Etats acheteurs.
Une
série d'articles bien documentés publiés
sur le site Agoravox, sous la signature d'un auteur se faisant
appeler Morice, donnent des exemples moins connus mais tout
aussi pertinents du pillage des ressources publiques par
le lobby militaro-industriel américain. Un des derniers
en date concerne le "Future Combat Systems" .
Nous citons: « En 2011, l'armée US a fini par
arrêter les recherches sur toute une gamme de véhicules
et d'armes appelée pompeusement "Future Combat
Systems" (FCS), dont le budget total aurait avoisiné
les 160 milliards de dollars s'il avait abouti. Le projet
avait été stoppé après en avoir
déjà dépensé 32 en pure perte,
de 2003 à 2009 ». Il s'agissait d'exploiter
les possibilités de la mise en réseau informatique
pour permettre à des véhicules et armements
différents de mener des opérations coordonnées
en milieu hostile. L'image ci-dessus représente un
de ces engins, bardé d'antennes, le Future Combat
Systems Manned Ground Vehicle (MGV)".
Or,
comme chacun le sait, sans être expert en armements,
de tels engins se sont révélés incapables
de résister à des mines artisanales disposées
sur le terrain par des combattants déguisés
en bergers. De plus, les moyens sophistiquées de
télécommunication, entre les combattants ou
avec l'état-major, sont très vite apparus
inopérants, soit sous l'action de brouillages élémentaires,
soit même du fait des vents de sables, fréquents
au Moyen-Orient. Les blindés de l'armée russe,
vieux de plus de 30 ans, utilisés contre l'armée
géorgienne lors de la première révolution
orange, se sont malgré de nombreuses pannes dont
se sont gaussé les observateurs américains,
montrés bien plus efficaces.
Nous
devons reconnaître que nous-mêmes, à
l'annonce de ce « Future Combat Systems », avions
été impressionnés par les nouveaux
armements de guerre scientifique déployés
par l'armée américaine. Nous aurions aimé
entendre les responsables de l'embryonnaire Europe de la
défense étudier la possibilité de se
doter de moyens sinon analogues, du moins s'en inspirant.
Mais faute de crédits de défense, rien de
tel n'a été fait. A la réflexion, ce
fut peut-être une bonne chose.
Nous
n'allons pas jusqu'à dire que tous les systèmes
d'armes proposés sur le site du grand industriel
américain de l'armement United Defense Industries
(http://www.globalsecurity.org/military/industry/udi.htm)
soient aussi inefficaces que le FCS. Mais ils sont ou seront
tout aussi coûteux, sans qu'une réflexion très
approfondie soit menée pour définir les futures
guerres dans lesquelles le lobby militaro-industriel poussera
l'Amérique et ses alliés européens
à s'engager. L'essentiel pour le lobby est d'entretenir
l'activité de ses usines et l'emploi chez les électeurs
de ses soutiens politiques.
Le site
Agoravox a publié d'autres exemples de ce que l'auteur
nomme « jeter l'argent par les meurtrières
». On en trouvera les adresses à la suite de
l'article consacré au FCS. On peut s'étonner
de constater les réactions généralement
hostiles ou ironiques des lecteurs de « Morice ».
Ceux-ci ne semblent pas s'apercevoir du travail de documentation
nécessaire à la recherche des références
présentées. Ils ne discutent donc pas réellement
la vraie question qui se pose, relative au rôle des
lobbies militaro-industriel dans le monde moderne. Mais
peut-être s'agit-il de réactions épidermiques
provoquées chez des gens n'ayant jamais jusqu'ici
fait l'effort de proposer des articles bien bâtis.
Référence
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-guerre-comme-idiotie-6-jeter-l-150435
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