Article.
Invasion culturelle anglo-saxonne en Europe : le cas de
la chanson française
Fréderic
Beaugeard 22/04/2014

Chants
de marins
Frédéric Beaugeard
est un enseignant français basé aux Etats-Unis
et au Mexique. Il est aussi géopoliticien.
Citons parmi ses travaux récents:
* 2012 Essai: Le Monde Anglo-saxon du XXI° siècle:
retour au féodalisme (French) http://www.europe2020.org/spip.php?article728&lang=fr
10/31/2012 Manifeste progressiste pour la défense
de la langue française http://defenselanguefrancaise.org/18.html
Nous avons déjà publié
de lui, le 27/02/2012, Plaidoyer pour les Balkans http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=1049
Merci à
lui de nous avoir proposé ce nouvel article, dont
les connaissances artistiques sont aussi vastes que les
compétences géopolitiques.
Puis-je me permettre,
en tant que navigateur à la plaisance, d'évoquer
les chants de marine français, largement plus nombreux
et diversifiés que leurs homologues anglais.
Voir par exemple
Chants de marins, riche d'illustrations visuelles et
sonores http://chants-marins.info/
d'où est tirée l'image ci-dessus. On en trouve
d'autres sur le web francophone. Automates intelligents.
Il marrive
de me demander pourquoi, quoique sans y penser outre mesure,
nous subissons, parfois quotidiennement, détranges
situations sans nous interroger vraiment sur leurs origines.
Mais bien sur, il y a toujours malgré tout la survenue
dévénements suffisamment perturbateurs
pour nous rappeler labsurdité de cette pitoyable
disposition, et réveiller en nous une réflexion
sur cet état desprit apathique, en fait, des
plus singulier.
Lincompréhension
Alors,
lorsquun artiste français de mes amis, auteur-compositeur,
menvoya quelques une de ses dernières créations
musicales pour appréciation générale,
et voyant quaucunes delles ne létaient
en français, mais létaient toutes en
anglais, passé une certaine consternation, de nouveau
mes confortables certitudes ont vacillées. Il faut
dire que je vis aux États-Unis, et subis un dénigrement
constant et pernicieux de tout ce que représente
lEurope et en particulier la France, ennemi archétypal
par excellence (la Révolution Française y
étant vue entre autres comme fondatrice du communisme,
voire du nazisme).
Je
sais bien que, de par le monde, à tort ou à
raisons, lAmérique est idéalisée,
mais jespérais mieux dune France résistante,
dans son combat essentiellement français (et québécois)
pour lexception et la diversité culturelle,
face aux produits culturels utilisés comme arme de
destruction massive. Javais déjà remarqué,
curieusement, qualors que les USA, en crise actuellement,
soient globalement en perte de vitesse, lomniprésence
sans précédent dans les médias français
de lusage de mots anglais. Le choc était frontal,
laissant un dérangeant sentiment de malaise.
La prise de conscience
Certes,
je mettais sur la balance, tachant de me réconforter,
largument habituel des 300 millions de consommateurs
américains (sans compter ceux du Commonwealth anglophone),
de biens culturels qui une fois vendus sur le vaste marché
intérieur US, sont revendus à prix cassés
à létranger, inondant ainsi les petits
pays. La victoire anglo-saxonne de la Deuxième-Guerre
mondiale (en fait surtout soviétique contre les nazis),
la Guerre Froide, lOTAN, le libre échange forcé
(déjà pour nous libérer, CF: Loi Lend-Lease,
1941), la société de consommation et du spectacle,
les technologies numériques, la lecture obligatoire
de limpressionnante publication scientifique anglo-saxonne
(indispensable là-bas pour accéder aux bourses
détudes, et aux budgets de recherche), et la
colonisation économique et politique dune Europe
dévastée et vaincue, au modèle de société
ruiné. Ce qui nous à fait oublier que la Modernité
nest pas le seul fait des États-Unis (CF: sans
oublier aussi le Japon dès le XIXème). A son
arrogance triomphante imméritée, lEurope
nopposait quune adhésion inconditionnelle
à leur capitalisme libéral impérialiste,
espérant fuir son passé, sa honte, sa misère.
Elle deviendra atlantiste, de plus en plus libérale,
et forcément anglophile.
Malgré tout !
LEurope
pourtant, depuis toujours, aussi, inclus dans son patrimoine
de valeurs, le changement rapide et perpétuel de
sa société (moins sous la chrétienté,
de la fin de lEmpire Romain au milieu du Moyen-âge).
Bien avant les USA, le Brésil et lArgentine,
comme les Balkans, de même, déjà incluaient
leur diversité raciale dans leur musique. Les zazous
parisiens amateurs de jazz, et les artistes dAvant
Garde européens ont résistés à
leur manière au fascisme. Quant à la prétendument
supériorité créative américaine
dû à sa diversité, le Melting
Pot de lEuro Vision, souvent de mauvais goût
peut être, baroque certainement, sans compter lapport
de limmigration non-européenne, na rien
à envier à la diversité américaine.
De même
la France des régions existe bel et bien. Rappelez-vous
lengouement sur les deux rives de lAtlantique
de la musique sud américaine dans les années
50, du jazz tzigane de Django Reinhardt, du Fado portugais,
du Flamenco espagnol, du Rai algérien, de celle latino
de la Mano Negra, de la musique antillaise, et le succès
de la chanson belge et québécoise en France.
Que dire de la musique robotique allemande des
années 60 (dans Commando spatial précurseur
de Star Trek), bien avant celles des années fin 70
- début 80 ? Du punk et de la Pop anglaise (son
opposé qui ne décolle jamais), du Ska, de
la comète Plastic Bertrand, de lÉlectro
avant la note de Pierre Henry pour le ballet Messe pour
le temps Présent ? LAngleterre était
encore européenne à lépoque.
De la présence de réalisateurs artistiques
européens aux USA durant la période Disco,
période musicale tant américaine queuropéenne ?
De lÉlectro ou de la musique Industrielle couplées
en Europe à des performances et des installations,
souvent lumineuses. De lessor sans précédent
dans toute lEurope de la musique Techno longtemps
restée confidentielle à quelques clubs House
de Chicago ? LÉlectro de Moby sen
est beaucoup influencée. De la Transe anglaise et
allemande ? De lopéra moderne scandinave ?
De la fameuse Club French Touch ? La House vocale
Garage actuelle américaine étant
de la très bas de gamme Dance italienne
(Lady Gaga est italienne).
Les USA
sont devenues bien "has been", ringards. Il y
a même là-bas le retour du hard-rock FM !
Et ceci sans parler de la musique non occidentale, présente
en Europe, comme la Pop coréenne et indonésienne,
lAfro-beat depuis les années 70 de louest
africain, du reggae, de la musique dinfluence zoulou,
de celle du Moyen-Orient, indienne, des Andes, celle des
aborigènes australiens, du Punk japonais, du Slam
comorien, et de lHeavy Métal brésilien.
Etc. Etc. Pourquoi alors, lAmérique a ravit
dernièrement à lEurope le contrôle
narratif de son propre parcours culturel historique ?
Le
mensonge
Il y
avait bien aussi largument dune adhésion
esthétique et culturelle. Oui, heureusement la France
était, et est toujours ouverte aux influences extérieures,
bonnes ou mauvaises. Elle nempêche pas la venue
de cultures extérieures. Elle subventionne seulement
sa propre culture pour lui donner les armes nécessaires
pour jouer à jeu égal. Mais là nétait
pas la question. Dadopter dautres styles, ne
fait pas perdre sa voix à un pays. La parfois désopilante
période Yéyé par son plagiat éhonté
des styles américains a été fructueuse
de création très française. Comme la
été le pas si mauvais Rock Soviétique.
Les Rolling Stones ont plagié allégrement
le Garage des années 60 américain, lui-même
influencé par le Blues, au début de la période
des drogues psychédéliques pour tous. Ceci,
alors que les autres groupes américains, dont le
Garage est issus, faisaient juste une pâle copie des,
très sages à cette époque, Beatles.
Linfluence Beatnik, puis Hippie a ainsi aidé
au renouveau improbable des musiques régionales dans
les années 70 en Europe de louest (bretonne
et occitane en France).
Heureusement,
la société ouverte américaine lors
du Baby Boum na pas donné une génération
de jeunes Gardes Rouges, mais il faut remarquer que loin
de lidéalisme béat européen,
la musique américaine a été, et lest
toujours avec la musique de gang actuelle noire et latino,
et malheureusement aussi néo-nazie, souvent une réaction
rebelle vis-à-vis dune société
violente, inégalitaire, et profondément conservative,
dont la seule alternative est un consumérisme effréné.
Les musiques Grunge et Gothique étant elles particulièrement
dépressives et autodestructives. Le Rap, à
lorigine aux revendications politiques et sociales,
ayant majoritairement sombré depuis dans le commercial.
De même,
par rapport à largument des États-Unis
comme précurseurs, lanceurs de modes. On le voit
surtout par le biais du prisme de la suprématie des
moyens américaine et lignorance musicales de
beaucoup dadolescents, alors que cette nouveauté
est parfois venue chez eux dailleurs. Comme pour lapport
arabisant dernièrement qui était déjà
présent en Europe bien avant. Et franchement, dêtre
les premiers à inonder le monde, par exemple, de
lits et de lignes de vêtements grandes tailles est-il
une marque de génie commercial avant-gardiste, quand
lon connait lépidémie dobésité
qui frappe ce pays actuellement ? Non, ce nétait
pas cela. Cette rationalisation ne suffit plus. Ce nest
juste que le succès facile dune propagande
désinhibée face à un défaitisme
européen généralisé.
Faux-semblant
Je répondis à mon ami en détresse,
suite à ma réponse concernant son usage exclusif
de langlais, que je ne pensais pas que son authenticité
ait été mise en défaut, bien au contraire
en fait. On écoute de la musique anglo-saxonne à
longueur de journée, et depuis la mort de Serge Gainsbourg on
ne peut pas dire que la chanson à texte française
soit impressionnante. Je comprenais le goût général
pour la techno, essentiellement sans paroles. Forcément
aussi, une certaine lassitude sétait fait jour
à essayer de comprendre ces paroles en anglais (surtout
avec laccent texan nasillard et gémissant de
la Folk US, le Bluegrass ayant plus de tenue). Mais comment
expliquer le succès en France actuellement de la
mode des chanteurs sans voix, dont le murmure timide de
fausset, souvent incohérent, tient lieu de chant ?
Je notais
tout de même labsence dune musique folklorique
identitaire, très populaire comme la musique
irlandaise, ou même québécoise, cajun,
grecque, et amérindienne, irréductibles aux
effets de mode et sauvegardant son intégrité
culturelle. Les seuls faisant apparemment encore entendre
leur voix, haut et fort, étaient ceux de la Techno
Hard-Core et Électro allemande aux accents autoritaires
et aux rythmes plutôt martiaux. Exception faite, de
ceux qui comme Stromae et Max Boublil, choisissant lironie
ou lhumour, se doivent forcément dêtre
intelligibles.
Bizarre
tout de même ? Ce nest pas vraiment ce
que lon peut appeler du chant (quoique intéressant
pour son énergie). Comme pour le rock alternatif
dans les années 80, les paroles nétant
pas le plus important. Il était nécessairement
braillard, pour tout autant faire plus amerloque,
que pour éviter un inopportun réel travail
au niveau des textes. Que ce soit par le cri ou le marmonnement,
lattitude prend le pas sur la diction. Lusage
de la langue française y est souvent vu comme foncièrement
inadapté, son expression parfois ressentie comme
honteuse, et toute façon passablement niaiseuse.
Le courant très revendicatif, mais cryptique, dune
partie du Rap mélangeant le verlan, langlais
et larabe, en est une autre manifestation. Sébastien
Tellier est plus compréhensible lorsquil chante
en anglais quen français, sa musique couvrant
alors judicieusement ses paroles.
Rappels
historiques
Dailleurs,
il mest revenu à lesprit, concernant
cette peur de chanter, la faible production d'opéra
en français. Ce problème est-il si nouveau ?
Il a été longtemps supplanté dans la
production française elle-même (et européenne),
par l'italien, une langue se prêtant apparemment plus
au chant. Les dialectes et patois régionaux pour
la chanson populaire, et le latin au niveau religieux (chants
de messe et grégoriens), brouillant une identité
linguistique nationale qui ne prendra son essor quavec
la révolution française (chants révolutionnaires,
Éducation Nationale).
Contrairement,
aux langues comme litalien et langlais, en français,
il n'y a pas de sons accentués dans la phrase. La
modulation du français est plate. Lorsque lon
veut mettre l'accent sur un mot ou un son, c'est avec lintonation,
des pauses, le rythme, ou la couleur des sons et des mots-images
comme en poésie. On peut le faire aussi indirectement
par le sens et les articulations (rationalité, conceptualisation),
le tout se devant fluide avec les liaisons. Pour un étranger,
le français a la résonnance, cryptique mais
familière, dun langage-monde intellectuel faisant
appel tout autant à lesprit quaux passions.
Le succès populaire de lopérette, couplé
aux dialogues plus ou moins repris de pièce de théâtre,
a été plus important que lopéra.
Malheureusement, le chant y devenant alors parfois une fantaisie
loufoque, abstraite. Cela tient au fait que le français
chanté dans lopéra à litalienne
est peu compréhensible. Car de toute façon,
si lair est entrainant, on sen remet au livret
pour comprendre lhistoire (ou à larrière
de la pochette du défunt disque vinyle pour le rock
alternatif, et internet ou la rue pour le rap des banlieues).
Le
problème serait alors que la chanson française
a un mode plus parlé que chanté, venant dune
langue plus articulée, que l'anglaise-germanique,
aux mots courts, juxtaposée (au sens souvent aléatoire,
mais très créatif), et chantée en stressant
le son de certaines syllabes, (sauf, anglais de style chanté-parlé:
Bob Dylan, Johnny Cash/ à mettre en parallèle
avec Dutronc, Bobby Lapointe, Antoine). De chantééééééé-éééé-ééé(r)
au début, au milieu, ou à la fin dune
phrase ou dun mot, comme cela, forcément en
français ça fait le plus souvent débile.
Il faut mieux avoir laccent, ou à défaut,
un style étranger. Les comptines pour enfants, chantées-parlées,
très structurées pour être chantées,
que nous avons, sont typiques de la chanson française.
Cétait donc tout à lhonneur de
mon ami chanteur-compositeur de ne pas se sentir forcé
de chanter comme lindigeste Céline Dion du
Québec, qui chante tout simplement anglais en français
(Elle sessaye au Mandarin actuellement, dénotant
par ailleurs la dérive actuelle dun usage superficiel
de la langue de Shakespeare purement utilitaire, interchangeable,
jetable).
Labominable
et incompréhensible comédie musicale Les Misérables
en est un autre exemple (déjà Starmania en
1978 était franco-québécoise). La mode
actuelle du R&B américain en français,
qui adopte des tournures linguistiques et stylistiques de
langues et musiques anglo-saxonnes, participe de la même
acculturation. Lappropriation de styles musicaux particuliers
nexplique pas la déformation de la langue.
Nougaro ou Maurane pourtant chantant sur du jazz nont
pas tenté de plaire à loreille anglo-saxonne.
Certes, au niveau identitaire, limmigration est forcément
problématique. Par une relative perte des racines
dorigine, un certain refus dadopter complètement
celles françaises se fait jour, lon est alors
tenté den rechercher ailleurs (ce quexploitent
les évangélistes protestants, le Qatar et
lArabie saoudite, ou les fonds offerts par lambassade
des États-Unis pour développer le communautarisme
auprès des banlieues cosmopolites françaises
soit disant opprimées).
Mais
pourquoi langlais ? Les apports de langues dorigine
ajoutés au substrat en français peuvent être
intéressants, sans en changer la nature (CF: le Rai
algérien, Yaël Naïm en hébreux et
anglais, François and the Atlas Mountains français-anglais).
Les chansons françaises, typiquement à texte-parlées,
sont pratiquement vues maintenant comme de la chanson
traditionnelle française selon une vision
multi-culturaliste, comme si elle navait jamais été
moderne, mais juste folklorique ! La disparition du magazine
Serge, le seul dévolu à la chanson française
ancienne et nouvelle, est emblématique de ce processus.
La fragmentation du marché européen selon
chaque pays favorise une promotion massive, sans concurrence,
des produits culturels anglo-saxons. Cest ainsi que
mon ami, par son impression de chanter faux dans cet environnement
anglicisé, avait, en fin de compte, perdu sa voix.
« Souviens-toi. »
Jétayais cette thèse de la chanson-parlée
française par le rappel à sa mémoire
dune continuité historique de ce style particulier,
en partant des comptines de notre enfance, dune manière
inégale, de lopérette du milieu du XIXème
aux années 60, puis des comiques troupiers des cafés-concerts
de la fin du XIXème siècle jusqu'à
un peu après la Première-guerre, des chansonniers
de cabarets ou music-halls de lEntre-deux guerre,
puis des chanteurs à texte des années 50,
continuant cette tradition dans une certaine mesure comme
auteurs-interprètes-compositeurs pendant les années
60, puis de manière plus marquée de
variétés durant les années
70 jusquau milieu des années 90. Avec panache
lon poussait la chansonnette entre deux
monologues comiques, lon chantait lamour, linsouciance,
ou simplement avec Trenet sa joie de vivre.
Puis
plus tard, les auteurs se focalisaient avec une certaine
révolte sur la qualité, parfois littéraire,
de leur répertoire, la souffrance, la nostalgie.
Comment imaginer lExistentialisme sans les chansons
de Juliette Gréco ? Toujours la langue était
compréhensible, quimportait le style de musique,
pour véhiculer un message quil soit léger
ou plus profond. De même, la force du cinéma
français, cest surtout aussi ses dialogues
aux répliques devenues cultes. Dans la chanson française,
la musique est en accompagnement, même parfois quelque
peu répétitive avec Brassens, ou symbiotique
via le sens, la forme et le rythme comme pour, entre autres,
Piaf et Aznavour. Le verbe peut participer dune attitude
influençant son expression, parfois être déclamatoire,
ou lyrique avec Brel et Ferré, mais toujours plus
proche de la parole que du chant. La musique ne prend pas
le pas sur les mots. Les comédies musicales comme
Le million réalisé en 1931 par René Clair, Les
Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy et Agnès
Varda , ou Anna de Serge Gainsbourg en 1967, participent
de ce style. De même avec Jane Birkin, qui était
pourtant dorigine anglaise.
Lâme
Lesprit
français, et la francophonie avait alors une voix
pour sexprimer et communier, voire sengager
politiquement, résister, être philosophique,
surréaliste (le rock dadaïste de Baschung est
parlé), ou poétique. Ce style rayonnait au
delà des frontières et représentait
sa spiritualité dans ce quelle a de plus typique
culturellement, quelle ait été sa diversité,
et la musique du moment. Ce succès sest fait
en français. Largument donc, de parts de marché
gagnées à létranger en utilisant
langlais est assez faible. Même si l'anglais
est une langue très simplifiée qui permet,
du moins au début, de la baragouiner facilement,
lEurope na pas dexcuse à abandonner
sa Lingua Franca historique, lusage tous azimuts de
ses langues nationales et régionales (créole
compris), et un équilibre face aux influences extérieures
par lapprentissage dune multiplicité
de langues internationales, importantes ou non.
Sommes-nous
à la dernière phase de cette invasion culturelle,
lorsque je vois la frénésie de lusage
de langlais en métropole (suivant le retour
des expatriés français des pays anglo-saxons
en crise économique suite a leurs malversations financières),
mais aussi de plus en plus dans les pays francophones (CF:
marchandisation américaine de léducation),
que pour pouvoir un jour rechanter, nous devrions carrément
passer à l'anglais, et ainsi perdre notre langue
? Car, après l'impasse de l'imitation linguistique
actuelle, non plus seulement stylistique, les auteurs-compositeurs
francophones passeront de plus en plus directement à
l'original anglo-saxon, et chanterons en anglais (CF: électro
de Daft Punk, liste non-exhaustive de groupes Pop français
exclusivement anglophones: Phoenix, Aaron, The Do, Stuck
in the Sound, Hushpuppies, Syd Matters, Cocoon, Hey My My,
In the Club, Rover, Revolver, Mina Tindle, Izia, Lilly Wood
and the Pricks, etc. ). Le suisse-allemand DJ Antoine, très
actif sur la scène française, dont les chansons
sont en anglais, et qui plait beaucoup à un public
anglo-saxon très emprunt de sa suprématie
culturelle, est prêt en tout cas. Avec le titre Ma
chérie, utilisant quelques mots en français
sous le mode du cliché, son public étasunien
le méprend déjà pour un artiste français !
Reste maintenant aux français à eux-mêmes
se parodier pour avoir le tant escompté succès
dOutre-Atlantique.
Vive
la différence !
Enfin,
malgré tout, ce nest pas un hasard si la chanson
prépondérante actuellement dans lhexagone
est la musique Rap, qui est essentiellement chantée-parlée
(lisibilité et qualité des textes de MC Solaar,
et même de NTM à ses débuts), et étrangère
musicalement. Il y a un bon Rap francophone en Afrique,
comme avec le chanteur belgo-congolais Baloji, car avant
le Hip-hop afro-américain (et juifs ex: Beastie Boys),
beaucoup de griots traditionnels parlaient aussi plus qu'ils
ne chantaient. Sans lapport de concepts provenant
entre autres de particularismes francophones quant à
la manière dappréhender le monde par
la pensée (CF: Québec Gilles Vigneault),
les peuples parviendront-ils à prendre en main
leur destin face à des forces doppressions
issues parfois de lextérieur, comme précisément
limpérialisme du néolibéralisme
anglo-saxon, nivelant mondialement progressivement en fait
les cultures en les isolant et en marginalisant le Politique
(CF: différences colonialisme français et
anglais déjà) ?
Le multiculturalisme
intérieur hypocritement affiché nest
pas le cosmopolitisme. Sans le pouvoir issu de sa propre
langue de développer sa propre créativité,
lon est effectivement condamné à copier
les styles artistiques étrangers (certaines matières
universitaires scientifiques, numériques, ou économiques
sont déjà enseignées exclusivement
en anglais dans les Pays Scandinaves). Car une langue que
lon nutilise que partiellement se meurt, et
avec elle lâme de ses locuteurs.
C'était
peut être une piste, le parler-chanté, ais-je
finalement répondu à mon ami, sil voulait
de nouveau employer sa langue natale, le français.
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