Article
Du
cerveau de souris au cerveau humain
Jean-Paul Baquiast et Christophe
Jacquemin - 13/04/2014

A top-down
3-D view of connections originating in different cortical
areas of the mouse brain
(credit: Allen Institute for Brain Science)
La
compréhension du fonctionnement du cerveau au sein
de l'organisme des mammifères progresse sur des plans
apparemment éloignés mais qui finiront par
se rejoindre. Deux articles (en un) publiés récemment
par Nature montrent qu'il existe des complémentarités
intéressantes entre l'approche par la souris et celle
par l'humain. Ils illustrent l'intérêt désormais
admis par tous des études multi-disciplinaires sur
le cerveau.
La souris
Des
chercheurs de l'Allen
Institute for Brain Science viennent de publier un Atlas
de données intéressant le connectome de la
souris, c'est-à-dire les relations neuronales entre
les différentes aires cervicales de ce petit animal.
Il s'agit du Allen
Mouse Brain Connectivity Atlas
Le
cerveau de souris n'a pas la taille d'un ongle de femme.
Néanmoins il comporte 75 millions de neurones (à
comparer avec les 100 milliards de neurones du cerveau humain).
De plus, l'architecture d'ensemble des deux cerveaux est
très voisine. Le seul schéma complet de câblage
jusqu'ici réalisé intéressait le ver
C. elegans lequel ne dispose que de 300 neurones.
Les techniques permettant de visualiser le connectome consistent
à utiliser des virus modifiés par ingénierie
génétique qui rendent lumineux les neurones
individuels. Les observations ont été faite
à l'échelle d'un micron. Elles ont mobilisé
plus de 1.700 cerveaux de souris, divisés en 140
sections chacun. Saluons en passant le contribution de cette
espèce à l'avancement des sciences.
L'Atlas comporte plus de 1,8
petabytes de données, toutes disponibles en libre
accès sur Internet à www.brain-map.org.
L'objectif est d'offrir à tous chercheurs une plate-forme
commne d'observation et d'expérimentation, utilisant
si nécessaire des visualisations en 3D. L'analyse
du connectome a fait apparaitre des propriétés
intéressantes, notamment la densité des connections
entre les deux hémisphères générant
une symétrie en miroir entre eux. Il ne semblerait
donc pas que l'on puisse parler, comme chez l'homme, d'un
cerveau gauche et d'un cerveau droit. La force des connections
entre neurones est très variée, d'un ordre
de grandeur de 1 à 10.000. Les connections fortes
sont, comme l'on pouvait s'y attendre, bien moins nombreuses
que les connections faibles.
Actualiser l'Atlas suppose un travail important. L'accent
sera mis dorénavant sur les connections entre neurones
au sein d'un même région ou entre régions
voisines, les moins bien connues à ce jour compte
tenu des limites de la technique de visualisation initialement
utilisée.
Le cerveau humain
Les chercheurs du même Allen Institute for Brain Science
avaient précédemment réalisé
un Atlas intéressant le développement du cerveau
humain à partir du stade fétal. Les premières
données viennent d'en être publiées
dans un BrainSpan
Atlas of the Developing Human Brain que vient de publier
le journal Nature. Là encore, elles sont disponibles
dans le portail de l'Institut, l' Allen
Brain Atlas data portal. . Ces données devraient
fournir des indications intéressantes concernant
par exemple l'apparition de l'autisme ou, de façon
bien plus ambitieuse, les raisons pouvant expliquer le caractère
spécifique de cerveau humain, comparé à
celui d'autres espèces.
Les observations s'appuient sur l'étude
des gènes présents dans les neurones du foetus
et s'exprimant lors du développement de celui-ci.
Elles devraient permettre de distinguer les développements
sains de ceux susceptibles de conduire à des handicaps.
Il s'agit d'établir, non plus un connectome, comme
dans le cas précédent, mais un transcriptome.
Les données proviennent d'analyses d'échantillons
de tissus prénataux prélevés chez des
foetus. Leur nombre est par définition limité,
d'où l'impérieuse nécessité
de les mettre en commun.
En dehors de données intéressant l'apparition
possible d'autismes ou de schizophrénies, l'Atlas
permettra d'identifier les régions du génome
montrant des différences importantes entre les humains
et d'autres espèces. Les analyses du trascriptome
montrent ainsi que les gènes sont particulièrement
riches dans le cortex frontal ainsi que dans des cellules
spécifiques dites GABAergic produisant l'y-aminobutyrique,
en abrégé GABA. Celui -ci est le principal
neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central
chez les mammifères et les oiseaux, intervenant dans
la formation précoce des circuit. Leur répartition
n'est pas la même chez l'humain ou dans les autres
espèces.
Ces observations sont encore très rares. La plateforme
offerte permettra de rassembler de futurs chercheurs provenant
d'autres organisations. C'est là un des avantages
inestimables de l'Internet, déjà mis en évidence
par l'histoire déjà riche du Human Genome
Project.
References:
* Jeremy A. Miller et al.
Transcriptional landscape of the prenatal human brain.
Nature, 2014; DOI: 10.1038/nature13185
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