Editorial
Le
"système politique" français
par Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin - 08/03/2014
Jamais
autant d' "affaires" n'ont menacé
un ex-président de la République française.
Notre site, nous le savons, est lu à l'étranger,
plus particulièrement dans les pays francophones.
Devrions-nous, sous prétexte de ne pas contribuer
aux critiques qui peuvent s'exercer hors de France contre
le système politique français, ne pas faire
de commentaires ? Nous pourrions prendre prétexte
du fait que notre regard porte principalement sur l'évolution
des sciences pour éviter ce sujet : d'autres priorités
pourraient intéresser nos lecteurs, par exemple le
jugement que nous pouvons porter sur la société
numérique, à la lecture du livre fort intéressant,
mais parfois discutable de Jean-François Fogel et
Bruno Patino, "La condition numérique"
paru ce mois chez Grasset. A
la réflexion, nous ne le ferons pas. Nous commenterons
ce livre dans une autre rubrique.
Dans l'immédiat, mentionner ces "affaires"
venues à l'actualité en France et qui jettent
une ombre sinistre sur le fonctionnement de nos institutions
relève éminemment de la science politique.
En ce sens, le thème devrait intéresser les
citoyens du monde entier, et pas seulement les citoyens
français. Beaucoup de pays souffrent de maux analogues,
sinon pires. L'exemple, bon ou mauvais, donné par
la France doit faire l'objet de réflexions s'inspirant
d'approches aussi peu polémiques que possible et
aussi près que possible de travaux universitaires.
Nous ne tenterons évidemment pas d'amorcer de telles
études aujourd'hui, dans le cadre d'un simple éditorial.
Il y aurait pourtant matière à interrogations,
de type systémique : comment une nation qui prétend
souvent servir de modèle au monde a-t-elle pu tolérer
pendant plusieurs années un système politique
dont l'on constate aujourd'hui les dysfonctionnements ?
Outre
l'ex-président de la République, deux anciens
ministres de l'Intérieur (nous disons bien de l'Intérieur
et non chargés de responsabilités plus anodines)
sont placés sur écoutes téléphoniques
par les juges d'instruction. Selon des révélations
du site Atlantico et du journal le Canard enchaîné,
"un des plus hauts magistrats français serait
suspecté par ailleurs d'avoir renseigné discrètement
l'ex-président sur l'avancement d'une affaire intéressant
directement ce dernier"... D'autres
affaires impliquant le plus haut sommet de l'Etat ont été
révélées ces jours-ci : un scandale
mettant en jeu un personnage ayant pendant des mois conseillé,
tant sur des dossiers nationaux qu'internationaux, le président
de la République... de forts soupçons sur
l'actuel chef du principal parti d'opposition... Il est
assez terrifiant de penser que, sans changement de majorité
- la nouvelle majorité exerçant désormais
moins de pressions sur l'ordre judiciaire ? -, tout cela
serait demeuré enfoui, hors de la connaissance de
l'immense majorité des électeurs.
On a
pu constater que même si l'actuel parti au pouvoir
a longtemps fait silence sur des malfaçons intéressant
tant les échelons régionaux que le gouvernement
(avec le scandale Cahuzac), ces abus présumés
ont été mis au jour et sont actuellement instruits
par les juges. Ceci ne se serait sans doute pas passé
du temps où le judiciaire était soumis à
des intimidations gouvernementales, du temps aussi où
le pouvoir d'alors envisageait froidement de supprimer les
juges d'instruction. On
fera valoir aussi qu'aujourd'hui, avec la prolifération
des moyens d'observation et de diffusion, tout se sait,
ce qui n'était pas le cas il y seulement quelques
années. Mais si précisément aujourd'hui
tout se sait, comment se fait-il que l'actuelle majorité,
et que l'actuel gouvernement, ne soient pas soumis à
un flux incessant de révélations ? Peut-être
est-ce dû au fait qu'à la suite du changement
de majorité, les institutions sont mieux respectées
par les pouvoirs actuels que par leurs prédécesseurs
?
La démocratie
suppose des valeurs également partagées par
les citoyens et par les responsables. Comment y arriver
? Il s'agit d'un sujet de science politique toujours intéressant
à discuter. Il
faudra le faire.
Mais
cela ne devra pas dire refuser d'ouvrir les yeux sur des
menaces beaucoup plus profondes et difficiles à combattre
que par des lois et par des juges. Il s'agit de l'immense
pouvoir pris dans le monde entier par l'internationale des
intérêts financiers et de leurs complicités
au sein des milieux politiques et des médias, ce
que l'on nomme pour faire simple les lobbies politico-financiers
et médiatiques. Or là, en France comme ailleurs,
la démocratie paraît plus en recul qu'en progrès.
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