Article
Nouvelles
perspectives pour l'obtention de cellules souches totipotentes
Jean-Paul
Baquiast - 17/02/2014
La
guerre des cellules souches, qui dans certains pays pénétrés
de conviction religieuse, opposait les utilisateurs de cellules
souches embryonnaires (pluripotentes) à ceux contraints
de se limiter à des cellules souches obtenues à
partir de cellules adultes, risque dorénavant de s'éteindre
faute de combattants. Une découverte que la plupart
des scientifiques du domaine présentent comme révolutionnaire,
vient d'être annoncée.
Jusqu'ici, des cellules souches pluripotentes humaines, capables
de se développer dans n'importe quel organe du corps,
peuvent être obtenues à partir d'un embryon de
quelques heures ou jours. Mais le prélèvement
détruit l'embryon. En 2006, Shinya Yamanaka de l'université
de Kyoto avait réussi à reprogrammer des cellules
adultes humaines en cellules souches pluripotentes qu'elle
a nommées induced pluripotent stem cells (iPSCs).
Pour ce faire,elle avait introduit dans les cellules adultes,
grâce à un virus inoffensif, 4 gènes qui
se trouvent dans les cellules souches pluripotentes, Ceci
lui a valu, ainsi qu'à son collègue John Gurdon,
de l'Université de Cambridge, le prix Nobel en 2012.
Mais la méthode présentait divers inconvénients
la rendant difficile à utiliser en médecine
régénérative humaine. On craignait notamment
que les nouveaux gènes ne s'associent avec d'autres
déjà présents pour former des cellules
cancéreuses.
Or, tout récemment, une équipe dirigée
par le Pr. Charles Vacanti, de la Harvard Medical School,
a réussi à obtenir chez la souris des cellules-souches
à partir de cellules adultes, sans même modifier
leur ADN. La méthode, mise au point en s'inspirant
d'un phénomène découvert chez les végétaux
ou chez certains serpents, consiste à « stresser »
des cellules adultes, notamment en utilisant de l'acide. Celles
qui survivent à l'opération, c'est à
dire à un bain dit sub-lethal d'acide, d'un pH de 5.7,
pendant 30 mn, manifestent après une semaine la présence
de marqueurs génétiques identifiant les cellules-souches
pluripotentes. Les chercheurs les ont nommé des "stimulus-triggered
acquisition of pluripotency", ou STAP cells. (Cellules
STAP)
Injectées dans un embryon de souris aux premières
phases de sa formation (blastocystes), les cellules STAP se
sont intégrées dans la structure et ont contribué,
comme les cellules de celle-ci, à former des cellules
souches pluripotentes. Les embryons se sont développés
normalement, en comportant des cellules STAP dans tous leurs
tissus. Ils ont donné naissance à des adultes
comportant également ces cellules, dorénavant
capables de s'incorporer dans le sperme ou dans les oeufs
(ovocytes) , c'est à dire d'être transmises lors
de la reproduction.
Dans un second essai, les chercheurs ont injecté des
cellules STAP dans une souris adulte. Elles y ont formé
des cellules pluripotentes. Plus surprenant est le fait que
la même méthode du stress, appliquée à
des cellules provenant de divers organes d'une jeune souris,
les a dans le plus grand nombre des cas également transformées
en cellules STAP. L'équipe affirme aujourd'hui (étude
à paraître) pouvoir obtenir le même résultat
avec des animaux adultes, y compris des primates.
Les cellules STAP placées dans certaines conditions,
notamment en présence de facteurs de croissance, se
transformeraient d'elles-mêmes en cellules-adultes viables.
Les chercheurs estiment ainsi avoir mis à jour un mécanisme
fondamental de réparation tissulaire..Il se produirait
spontanément, dans n'importe quel organe, y compris
le tissu placentaire. Les cellules STAP contribueraient ainsi
à la guérison des blessures. Elles ont donc
été nommées des cellules-souches STAP
totipotentes.
Celles-ci pourraient donc être considérées
comme les précurseurs de cellules-souches embryonnaires
et être utilisées comme telles, sans entraîner
la moindre destruction d'embryon. Elles devraient aussi pouvoir,
sous réserve de confirmation, être utilisées
comme greffe placentaire, y compris chez l'homme. En conséquence,
Vacanti envisagerait actuellement la possibilité de
se servir de telles cellules pour produire des clones, c'est-à-dire
des organismes quasiment semblables à celui fournisseur
de la cellule STAP. Elles seraient directement implantées
dans l'utérus d'un(e) individu adulte.
Il s'agirait, là encore, d'une révolution, cette
fois-ci dans le clonage. Jusqu'ici le clone était obtenu
par transfert nucléaire, c'est-à-dire en remplaçant
l'ADN d'une oeuf rendu infertile par l'ADN provenant d'une
cellule adulte de l'animal à cloner. Mais l'oeuf cloné
ne comportait pas d'ADN mitochondrial. Il ne produisait pas
un clone parfait. Cela ne sera plus le cas en utilisant des
cellules STAP provenant directement du donneur. Encore restera-t-il
à démontrer que le mécanisme fonctionne
dans tous les cas, c'est-à-dire qu'il produit des embryons
viables. Quant à son utilisation chez l'homme les questions
posées par le clonage resteraient entières.
Dans l'immédiat, les applications thérapeutiques
humaines paraissent à portée. Selon Vacanti,
il sera possible de placer une cellule STAP provenant d'un
individu dans n'importe quel organe à réparer
du même individu. Ne se poseraient donc pas de problèmes
de rejet. En cas de cancer du foie par exemple, une cellule
STAP saine provenant du foie d'un malade pourrait après
implantation remplacer les cellules cancéreuses de
ce même foie, non pas en les détruisant, mais
en fonctionnant normalement à leur place. Ceci permettrait
à l'organe de rester opérationnel, sur un mode
il est vrai réduit.
Il est inutile de commenter ici la vitesse avec laquelle les
biologistes et les généticiens apprennent à
maîtriser les processus de reproduction génétique,
dans la perspective de ce que l'on nomme désormais
la biologie artificielle.
Références
1) Voir Harvard Gazette: Researchers create embryonic stem
cells without embryo
http://news.harvard.edu/gazette/story/2014/01/researchers-create-embryonic-stem-cells-without-embryo/
2) Voir Nature http://www.nature.com/nature/journal/v505/n7485/full/nature12968.html
Voir aussi Nature http://www.nature.com/nature/journal/v505/n7485/full/nature12969.html