Sciences
et politique. Le programme Quantum
Jean-Paul Baquiast 15/01/2014

NB.
Cette carte provenant du Fonds Snowden représente les
implantations radio découlant du programme Quantum.
JPB
Espionnage
américain. Nouvelles révélations
On apprend
aujourd'hui, par un article détaillé du New
York Times (référencé ci-dessous), que
les Etats-Unis ont implanté des logiciels et des dispositifs
matériels tels que des clefs USB permettant de connaître
à distance les contenus de plus de 100.000 ordinateurs.
Il s'agit de dispositifs émettant par radio, sur une
longueur d'onde confidentielle, et pouvant fonctionner même
lorsque l'ordinateur n'est pas connecté au réseau.
Ainsi peuvent être déjouées les manoeuvres
d'utilisateurs voulant échapper à l'espionnage
en ligne réalisé par la NSA et auquel tout le
monde semble aujourd'hui s'être résigné.
Pour recueillir
les informations prélevées par ces logiciels,
il faut disposer d'un récepteur, sous la forme d'une
mallette, pouvant se trouver à quelques kilomètres
de l'ordinateur espionné. On imagine les nouveaux James
Bond circulant discrètement avec de telles mallettes
autour de lieux censés être protégés,
bureaux d'entreprises stratégiques, administrations,
ambassades, mais aussi résidences ou personnes privées,
et recueillant afin d'exploitation les données produites
(en interne et non communiquées) par les utilisateurs
de ces ordinateurs.
Les insertions
matérielles capables de réaliser ces fonctions
devaient jusqu'à aujourd'hui être implantées
discrètement dans les 100.000 ordinateurs mis sous
surveillance, soit par le constructeur, soit par un utilisateur
imprudent soit par un espion professionnel. Mais des processus
de télé-implantation sont aussi expérimentés
Les révélations
concernant cette forme d'espionnage proviennent de nouveaux
documents fournis par le fonds Edward Snowden. Mais elles
ne sont pas niées par la NSA ni par le partenaire étatique
de cette dernière, chargé de la cyber-guerre,
l'United States Cyber Command. Ceci viserait, est-il officiellement
expliqué, à contrer les cyber-attaques auxquelles
se livreraient selon le Département de la Défense
(DOD), et avec les mêmes méthodes, des unités
spécialisées de l'Armée chinoise. Il
ne serait donc pas question pour l'Amérique d'offensive,
mais de défensive. Les dispositifs misen place dans
les 100.000 ordinateurs concernés viseraient notamment
à créer une « autoroute défensive
», permettant des mesure de rétorsion en cas
de nouvelles attaques.
Mais on
peut douter que ce programme, dit Quantum, soit seulement
défensif. D'après les documents fournis par
le fonds Snowden, Quantum est utilisé pour pénétrer
les réseaux militaires russes, ceux de la police et
des cartels de la drogue au Mexique, les organismes commerciaux
de l'Union européenne, d'Arabie Saoudite, d'Inde et
du Pakistan. Un millier de spécialistes analysent en
permanence les informations prélevées.
La NSA
assure que les implantations des « malware » du
programme Quantum ne visent pas des utilisateurs américains
situées sur le territoire américain sauf,
précision à méditer - des personnes soupçonnées
de terrorisme.
Barack
Obama doit prononcer prochainement une allocution précisant
sa politique en matière d'espionnage. Ce devrait être
une voie moyenne entre les exigences des services (ne pas
les gêner) et celles des défenseurs des libertés
publiques. On devine sans peine, quelles que soient les garanties
annoncées, que ces mêmes services n'observeront
pas les frontières mises à leur action, à
supposer qu'Obama se décide à en fixer.
Quant
à l'Europe, elle sera plus que jamais la victime des
espionnages américains, à l'intérieur
comme à l'extérieur. On se souvient que récemment,
les Emirats Arabes Unis avaient menacé d'annuler un
contrat de fourniture par la France de satellites s'étant
révélés truffés de « malware
» américain. Les hommes d'affaires et fonctionnaires
européens ne se verront-ils pas bientôt interdire
l'entrée dans les pays situés hors de l'Europe,
s'ils détiennent un simple ordinateur portable, et
pourquoi pas, un téléphone ou une clef USB ?

Sources
* New
York Times N.S.A. Devises Radio Pathway Into Computers
http://www.nytimes.com/2014/01/15/us/nsa-effort-pries-open-computers-not-connected-to-internet.html?hpw&rref=technology
* Voir aussi des commentaires dans The Verge
http://www.theverge.com/2014/1/14/5309822/nsas-quantum-program-reportedly-lets-the-agency-access-100000-offline
* Voir aussi dans Russia Today http://rt.com/usa/nsa-radio-wave-cyberattack-607/
Note
L'émission d'information de la 2e Chaine de la Télévision
française, le 15 janvier 2014 à 20h, a présenté
les occasions par lesquelles le citoyen français voit
ses données personnelles retenues et conservées:
opérations bancaire, télésurveillance,
passage de péage, téléphone et SMS. Le
spectateur en concluera que la France n'a rien à envier
aux Etats-Unis. Mais ce qui n'a pas été dit
est que ces opérations sont autorisées par loi
ou décret, qu'elles ne sont donc pas secrètes,
et que les données administratives mémorisées
ne sont en général conservées qu'un mois.
Ce qui n'est pas le cas de celles prélevées
en France par Google et autres réseaux dits "sociaux"
qui échappent à la loi française et vont
directement alimenter les grands serveurs américains.
Google est d'ailleurs pour cela poursuivi par la Commission
Informatique et Libertés (CNIL) ces jours-ci. JPB.