Coup
d'oeil.
Puissance scientifique: Chine, Etats-Unis, Europe. La Chine
dépassera-t-elle les Etats-Unis?
Jean-Paul Baquiast 12/01/2014

La
question, comme le montre la presse américaine, préoccupe
régulièrement les Etats-Unis. Ils se voient
engagés dans une course à la puissance avec
les nations asiatiques, dans le monde en général
et dans le Pacifique en particulier. Or manifestement, après
les retards russes qui se sont accumulés, c'est la
Chine qui est devenue le grand rival. Ceci non seulement sur
le plan militaire, mais en ce qui concerne l'avenir, c'est-à-dire
les grands programmes scientifiques. Dans l'espace, par exemple,
partie de presque rien, la Chine fait dorénavant un
parcours sans faute, visant tous les domaines jusqu'ici réservés
à la Nasa et à l'Esa: station orbitale, satellites,
débarquement sur la Lune puis sur Mars.
Si
l'on en croit ses statistiques, elle est désormais
le pays qui compte le plus de chercheurs au monde, devant
l'Europe et les Etats Unis. Les statistiques chinoises évoquent
1,600 million de chercheurs, en 2008. Certes, ces données
sont difficiles à interpréter, à supposer
quelles soient exactes. Quelle est la qualification
des chercheurs quelles désignent? L'exemple du
classement de Shanghai des universités, qui met la
France à un niveau sans doute trop bas, le montre.
De plus, les chercheurs en sciences humaines, aussi utiles
soient-ils, ne peuvent se comparer avec ceux dédiées
aux sciences dures et à la biologie. Ceci dit, la Chine
ambitionne de devenir la première au monde en recherche-développement
et elle met en priorité de ses objectifs, dans un premier
temps, le facteur humain. D'où un effort au moins quantitatif
bien supérieur non seulement à celui des USA
mais à celui de l'Europe. Cela lui donnera dans les
prochaines années, une force de frappe sans égale.
Le
rapport de force dépendra évidemment de ce que
pourra ou voudra faire le reste du monde. Pour les USA, l'enjeu
de rester les premiers, nous l'avons rappelé, est présenté
et généralement admis comme vital.
L'Europe en général et la France en particulier,
semblent indifférentes y compris en acceptant
de la part des « alliés américains »
un espionnage scientifique devenu systématique. La
Russie et les autres pays du BRICS, hors la Chine, ne sont
plus encore, ou pas encore, dans la course. Mais ils essaieront,
contrairement à l'Europe, d'améliorer leurs
performances.
En
termes de puissance de calcul, on cite souvent le fait que
la Chine dispose de l'ordinateur le plus puissant du monde
: le Tianhe-2 . Mais le parc américain disponible est
d'une richesse et d'une diversité sans égales,
dans les domaines civils et bien évidemment militaires
De plus la puissance informatique n'est pas tout, mais aussi
la capacité de travailler en réseau, sur des
données recueillies à très grande échelle.
A cet égard on a découvert récemment
que les USA avaient accumulé, par divers procédés,
des données en masse (big data) dans la plupart des
domaines de la Recherche Développement, leur conférant
un avantage considérable, que n'ont pas les Chinois.
Ils ne les partagent pas, contrairement à ce qui se
faisait traditionnellement dans le champ de la recherche scientifique.
La
Chine n'a pas cette capacité de recueillir des données
en masse. Par contre elle n'hésite pas à s'informer,
y compris par un espionnage humain ,« humint »,
mais aussi de plus en plus technologique. Les Etats-Unis rangent
cette démarche dans le champ devenu prioritaire pour
eux de la cyber-war.
Un « suicide »
européen
Concernant l'Europe, les dépenses consacrées
aux budgets de recherche et aux universités ne croissent
plus d'une année sur l'autre, et ceci depuis des décennies.
Par contre, selon l'OECE, les dépenses de la Chine
évaluées en terme de Recherche et Développement
ont cru de 1995 à 2006 de 18% par an. Le désintérêt
de l'Europe, peu évoqué par les média,
signe évidemment sa volonté de suicide dans
tous les domaines. Les dépenses de R/D chinoises marquent
au contraire une forte volonté politique, partagée
par les quelques 300 millions de chinois influents. D'où
un rythme accéléré de croissance de l'enseignement
supérieur et de la recherche. Sur 20 ans sinon avant,
ils y arriveront sans doute. Ceci il est vrai (mais qu'importe
à leur yeux) se paye par le maintien dans le sous-développement
de quelques 500 millions de chinois ruraux et suburbains.
Le nombre des étudiants chinois, passé en quelques
10 ans, de 5 millions à 25 millions, comme celui des
des établissements d'enseignement supérieur,
estimé à 1700, joue un rôle important.
Mais ces chiffres ne sont pas les seuls à considérer.
Il faut y inclure les jeunes chercheurs impliqués dans
les grands programmes publics, dont le plus emblématique
est comme rappelé ci-dessus la course à l'espace,
les programmes d'infrastructures (notamment dans les technologies
de communication et le rail) et surtout les budgets militaires
qui ne sont étudiés ici que par de rares spécialistes.
On a beaucoup évoqué aussi ces dernières
années le rôle de la diaspora scientifique chinoise,
présente massivement aux Etats-Unis, mais aussi de
plus en plus dans l'extrême-orient russe. Pékin
est partagé entre la volonté de faciliter son
retour en Chine et son désir d'en maintenir de très
bons éléments à l'étranger. Ceci
non seulement pour des raisons de prestige, mais pour faciliter
ce que nous appéterons avec la réserve diplomatique
nécessaire l'acquisition de connaissances.
On a estimé que 40% des chercheurs américains
sont chinois ou apparentés. Beaucoup d'entre eux semble-t-il
seraient prêts à retourner en Chine si des conditions
favorables leur étaient offertes. Ceci mettrait momentanément
à mal une partie de la science américaine, notamment
celle localisé sur la côte W. En France, les
universitaires avertis diront que la plupart des stagiaires
chinois passent essentiellement leur temps à s'initier
aux recherches en cours, sans rien apporter de précis.
Ce qui n'est pas le cas aux USA.
La première réaction des pays occidentaux, en
Amérique comme en Europe, devrait être de lancer,
crise ou pas, de nouveaux investissements dans les grands
programmes, universitaires mais aussi industriels. Nul n'ignore
que tandis que la Chine est en train de gagner la course à
la Lune puis à Mars, l'Europe en est encore à
positionner son 3e satellite de géolocalisation Galiléo.
En Chine, dans les média, le thème le plus répandu
consiste à glorifier les avancées du pays, y
compris en biologie et en médecine. En Europe les média
et derrière eux les politiques n'ont qu'un thème
favori, le science bashing. Et cela marche bien, car
le public est incapable de prévoir l'appauvrissement
intellectuel qui menace le continent.
Aujourd'hui par exemple un Hollande, un Montebourg, se préoccupent
de tee shirts mais ignorent les enjeux de l'ordinateur quantique,
dont on parle ces jours-ci. Il en est de même d'un Copé
ou d'un Bayrou.
Sur une telle base d'ignorance et de naïveté,
comment espérer soutenir des coopérations scientifiques
avec la Chine, qui n'intéresseraient que des collectivités
locales à la recherche d'un peu d'activité.
Quant aux programmes cadres de Bruxelles, ce sont des modèles
d'inefficacité, du fait d'une gestion trop peu démocratique,
de la rivalité permanente entre Etats-Membres et répétons-le,
de l'espionnage américain.