Technologies
et politiques. Echec du Rafale
au Brésil
Jean-Paul Baquiast 21/12/2013
Toutes
les explications techniques - selon lesquelles le Rafale était
trop complexe pour les besoins de l'armée de l'air
brésilienne - toutes les explications financières
- selon lesquelles il était trop coûteux - ne
sont que des caches-misère pour dissimuler le fait
que la France, et plus particulièrement ses présidents
successifs, Sarkozy et Hollande, n'ont jamais rien compris
ou voulu comprendre au rôle qu'ils pouvaient jouer dans
l'émergence d'un nouveau pouvoir, celui des BRIC, capable
à terme de contrebalancer la domination de l'Empire
américain.
Nous avons plusieurs fois
rappelé ici ce que signifie ce concept de BRIC; une
union de plus en plus stratégique entre les émergeants
émergés depuis longtemps d'ailleurs -
que sont notamment le Brésil et la Russie. Un nombre
croissant de responsables européens considèrent
dorénavant que l'Europe ne pourra espérer compter
à nouveau dans les politiques internationales sans
mettre en place des alliances stratégiques, au moins
sur certains points essentiels, avec les membres du BRIC.
On parle à cet égard d'un euroBRIC, qui commence
à monter en puissance.
Mais la France n'a jamais
voulu reconnaître l'intérêt du rôle
qu'elle pouvait jouer pour renforcer cet euroBRIC. Deux raisons
expliquent son indifférence, sinon son refus. La première
est la cécité politique, qui empêche les
Français de se projeter par la pensée en dehors
de leur pré carré, et d'anticiper le futur.
La seconde est plus grave. Il s'agit de l'opposition américaine
au BRIC, dans lesquels ils voient à juste titre des
compétiteurs de plus en plus efficaces. Comme à
tous les niveaux les intérêts français
sont pénétrés d'atlantisme, les Etats-Unis
n'ont pas d'effort à faire pour torpiller les rapprochements
français avec les BRIC, même au sein d'un futur
euroBRIC. Les gouvernements français, y compris l'actuel,
n'ont aucun état d'âme quand il s'agit de céder
aux pressions américaines.
Avec la Russie, la France
a pris le parti, irresponsable et intenable à terme,
de snober le gouvernement russe. Y compris en refusant pour
des raisons étranges d'envoyer une représentation
de niveau suffisant aux Jeux Olympiques de Sotchi. Il serait
bien étonnant dans ces conditions que des rapprochements
économiques et en matière militaire (nous pensons
à la coopération entreprise à l'occasion
du porte-hélicoptère Mistral) aient beaucoup
de suite. Avec le Brésil, les maladresses furent encore
pire, tant à l'égard de l'ancien président
Lula que de l'actuelle présidente Dilma Roussef. Rien
ne fut fait, sous le vernis de déclarations d'amitié
superficielle, pour aider le Brésil à conforter
sa position, notamment en ce qui concerne ses relations avec
l'Iran et plus récemment sa résistance aux emprises
de la NSA et de la CIA.
Si la France était
restée ce qu'elle commençait à être
sous De Gaulle, une puissance à volonté d'indépendance,
se donnant les moyens de lutter efficacement contre l'influence
américaine, elle aurait certainement intéressé
le Brésil. Le Rafale n'aurait pas été
jugé trop luxueux ou trop cher car des versions plus
économiques auraient été développées
en commun. Les amis de l'Amérique en France n'auraient
pas eu l'occasion de se réjouir des pseudos-échecs
commerciaux du Rafale, qui ne sont que des échecs politiques.
Mais Sarkozy et Hollande n'ayant rien fait de sérieux
dans cette direction, le Brésil a choisi le Gripen
suédois (image), qui ne verra le jour d'une façon
opérationnelle que dans quelques années. En
tant qu'européen, on ne pourrait même pas se
consoler de ce choix car, ne correspondant à aucune
ambition en matière de politique internationale, il
ne profitera en rien à l'euroBRIC.
Note
Partenariat France
Brésil
Certes, les brésiliens ne peuvent pas tout acheter
en France..
Fin 2009, ils avaient signé un contrat géant
de 6,7 milliards d'euros avec DCNS pour se doter d'une industrie
de défense sous-marine.
Plus récemment, les groupes Arianespace et Thales Alenia
Space ont obtenu des contrats pour le lancement et la fourniture
d'un satellite de défense et de télécommunications
brésilien.
Thales Alenia Space a signé un préaccord avec
l'Agence spatiale brésilienne, portant «sur un
transfert de technologies spatiales vers le Brésil»
On pourrait
donc considérer que le
partenariat stratégique France-Bresil marche plutôt
bien.
Cependant, sur le Rafale et
plutôt le Gripen, on peut lire cet article extrait du
blog " Une certaine
idée de l'Europe". Il remet les choses en place.
Voir http://blog.hajnalka-vincze.com/2013/12/le-gripen-au-bresil-un-choix-pro.html