Article.
Sur les origines de l'homo sapiens
Jean-Paul Baquiast
19/12/2013
Chaque
jour se précisent les conditions dans lesquelles serait
apparu l'homme moderne, Homo Sapiens, entre - 600.000
ans et 60.000 approximativement, selon la définition
que l'on se donne dudit H. sapiens.
Deux grandes phases peuvent être distinguées,
avant et après les Néandertaliens. Ceux-ci,
qu'ils appartiennent ou non à l'espèce Homo,
peuvent en effet être considérés comme
les véritables précurseurs de l'H. Sapiens,
tant par leur morphologie, leurs gènes que par leurs
cultures.
Section 1
Avant les Néandertaliens. Des Australopithèques
aux Homo Erectus
Sur
l'Australopithèque, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Australopith%C3%A8que
Rappelons
que les Australopithèques, vivants en Afrique entre,
approximativement 5 et 1, 5 millions d'années,
sont généralement considérés comme
des ancêtres des humains, pour différentes raisons
dont l'une tient au fait que leurs générations
récentes utilisaient apparemment des outils plus travaillés
que ceux employés par diverses espèces animales.
C'est le cas notamment de l'Australopithécus boisei
et l'Australopithecus robustus ayant vécu jusque
vers - 1 million d'années, sans mentionner l'encore
discuté Australopithecus sediba. Ce dernier,
plus ancien, serait plus proche des Homo que les Australopithèques
plus récents.
On considère généralement que les Australopithèques,
avant de disparaître, avaient coexisté, voire
même avaient donné naissance, aux Paranthropes
présentés comme les premiers des hominidés
dont les Homo modernes seraient descendus. Concernant
ces Paranthropes ont longtemps régné beaucoup
d'incertitudes. Au moins trois grandes espèces avaient
été identifiées: H. habilis, H. rudolfensis
et H. erectus. L'on ignorait si et comment ces espèces
avaient cohabité. On considère généralement
que n'étaient pas apparues des filières d'espèces
bien définies et différentes. On parle d'une
évolution « en mosaïque »,
des espèces différentes échangeant des
caractères différents et formant ainsi des populations
hybrides.
Cependant,
la découverte en 2005, en Georgie, à Dmanisi,
du crâne bien préservé d'un hominidé
vivant il y a 1,8 million d'années, suivie de celle
de quatre autres en moins bon état, accompagnés
d'outils de pierre et d'ossements d'animaux, ont conduit les
chercheurs, après analyses comparées, à
une hypothèse de plus en plus prise au sérieux:
tous les restes attribués depuis vingt ans à
différentes espèces d'Homo, étaient
sans doute des variantes de la même espèce, H.
Erectus. Celle-ci ne s'était diversifiée que
sur des points secondaires, selon les habitats et les époques,
comme aujourd'hui l'Esquimau s'est diversifié du Papou
de Nouvelle Guinée tout en continuant à appartenir
à l'espèce H. sapiens sapiens.
D'autres chercheurs doutent du fait que sur un continent aussi
vaste que l'Afrique, et sur plusieurs millions d'années,
une seule espèce ait pu s'imposer alors même
qu'elle avait été précédée
par de nombreuses espaces d'Australopithèques. Alors
aussi qu'il s'agissait de populations très peu nombreuses
(sans doute quelques centaines d'individus par génération
au plus) ce qui ne facilitait pas les rencontres nécessaires
à des fusions entre génomes.
Les restes fossiles aujourd'hui découverts sont trop
peu nombreux pour trancher entre ces deux points de vue. Il
reste admis cependant qu'au fil du temps, une seule espèce,
définissant l'H erectus standard, si l'on peut
dire, se soit imposée. Ce serait donc elle qui aurait
par la suite émigré d'Afrique et donné
naissance aux successeurs, H. Neandertalensis notamment
mais aussi peut-être à de vértables prédécesseurs
de l'H. Sapiens, encore mal identifiés aujourd'hui.,
comme les petits « hobbits »
découverts récemment dans l'Ile de Flores.
Pour
en savoir plus sur ces premières phases évolutives,
voir: 18 octobre 2013 A Complete Skull from Dmanisi, Georgia,
and the Evolutionary Biology of Early Homo http://www.sciencemag.org/content/342/6156/326
Voir
aussi The strange ape that's rewriting our family tree
http://www.newscientist.com/article/mg21929251.900-the-strange-ape-thats-rewriting-our-family-tree.html#.UrL2-uI5O1M
Ainsi que Complete skull of 1.8-million-year-old hominin
found
http://www.newscientist.com/article/mg22029403.400-complete-skull-of-18millionyearold-hominin-found.html#.UrL5x-I5O1M
Section
2
Des Néandertaliens aux Homo Sapiens
Voir
19 décembre 2013. Le génome de Néandertal
décrypté, par Michel de Pracontal, Mediapart
http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/191213/le-genome-de-neandertal-decrypte?onglet=full
Des génomes
appartenant à des Néandertaliens avaient été
analysés ces dernières années. Ceci afin
de caractériser cette espèce mais aussi de rechercher
les points communs avec les génomes de l'homme moderne.
Y avait-il eu non des interfécondations? Comme il ne
s'agissait que de génomes mal conservés et donc
incomplets, les conclusions sur ce point restaient difficiles.
Nous ne partageons avec l'Homme du Néandertal que quelques
séquences génétiques.
Cependant,
récemment, la découverte dans la grotte de Denisova
d'une phalange bien conservée ayant appartenu à
une Néandertalienne a permis à l'équipe
du généticien Svante Pääbo, de lInstitut
Max Planck de Leipzig, de préciser ses travaux antérieurs
sur ce sujet. De plus, sur le même site, un autre ossement
différent à été découvert
et analysé. Il a été attribué
à une espèce proche des Néandertaliens
mais distincte, dite depuis les Denisoviens. (image: reconstitution)
Dans les
deux cas, il s'agit d'os minuscules. Il faut admirer d'une
part l'acuité de l'oeil des fouilleurs, mais aussi
la nouvelle précision acquise ces derniers mois, par
le séquençage génétique
Voir
The complete genome sequence of a Neanderthal from the
Altai Mountains
http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature12886.html
Voir aussi Archaic humans: Four makes a party
http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature12847.html
A la suite
de ces découvertes, on admet aujourd'hui que des populations
vivant en Eurasie, il y a environ 500.000 à
-400.000 ans, les Néandertaliens et un groupe plus
ancien, les Denisoviens, moins bien connu, s'étaient
répandus, s'y étaient mélangés
et adaptés. Les Néandertaliens avaient évolué
dans des climats froids, du type alpin, les Dénisoviens
en Asie et en Océanie. Lorsque les premiers Homo sapiens,
descendants lointaines des Homo erectus décrits
dans la section précédente, étaient sortis
d'Afrique entre 100.000 et- 50.000 ans, ils avaient
rencontré les Néandertaliens et Denisoviens,
les avaient refoulés et finalement éliminés
dans des conditions demeurant imprécises. Rien n'interdit
de penser par ailleurs que Néandertaliens et Denisoviens
avaient eux-aussi eu comme prédécesseurs des
Homo erectus.
Cette sortie d'Afrique ne s'est pas faite en une seule vague,
mais en plusieurs, au moins trois. A chaque fois, des « mariages »
ont eu lieu, des gènes se sont échangés,
ainsi, très probablement, que des échanges culturels.
Il est indéniable cependant que les gènomes
de l'Homo sapiens se sont multipliés, pour des raisons
encore imprécises mais qu'il serait bon d'essayer de
préciser. Ils devaient comporter des mutations permettant
une plus grande adaptativité et une plus grande créativité
à leurs détenteurs. De telles mutations sont
aujourd'hui activement recherchées, pour des raisons
faciles à justifier.
Nous avons fait pour notre part l'hypothèse dite anthropotechnique
selon laquelle ce furent les symbioses entre les organismes
humains et les outils et technologies utilisés par
eux qui ont rendu les espèces plus ou moins compétitives.
1) Ceci dès les premiers australopithèques.
Ce mouvement général est loin d'être terminé.
Disons même qu'il explose aujourd'hui de façon
dramatique. Depuis quelques décennies, les homo sapiens
sont en train d'acquérir de véritables cerveaux
artificiels, bien plus performants dans de nombreux domaines
que les cerveaux humains restant à l'écart de
ce mouvement d'artificialisation. Peut-être est-ce,
non plus une sortie d'Afrique, mais une sortie de la Terre
qui se préparerait à cette occasion.
1) Voir Le paradoxe du Sapiens, par Jean-Paul Baquiast,
Préface de Jean-Jacques Kupiec, éditeur Jean-Paul
Bayol, mars 2010