Sciences,
technologies et politique.
Standards européens
Hervé Rannou 03/12/2013
Hervé Rannou est le fondateur
de ITEMS international.
ITEMS rassemble des associés et consultants dans les
secteurs des technologies et usages numériques, ainsi
que dans les secteurs des Réseaux Intelligents et de
Villes Intelligentes. Automates Intelligents
L'ETSI
(European Telecommunications
Standards Institute) vient de publier un document sur
la Standardisation sur le Cloud Computing.
http://csc.etsi.org/Application/documentApp/documentinfo/?documentId=204&fromList=Y
Ce rapport
fait suite à une sollicitation de Neelie Kroes, commissaire
européenne chargée de la société
numérique depuis le 27 novembre 2009, qui avait fait
du cloud computing l'un des piliers du Digital Agenda.
http://ec.europa.eu/digital-agenda/en/european-cloud-computing-strategy
Cette démarche illustre toute la difficulté
d'une action de l'Europe en matière de standardisation
dans le numérique à l'heure où il serait
question d'imaginer un NIST Européen (European National
Institute of Standards and Technology).
Le plan des 40 mesures pour l'innovation présentées
en novembre par Fleur Pellerin (ministre déléguée
chargée des PME, de l'Innovation et de l'Économie
numérique dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault)
pointe également la nécessité de renforcer
le rôle de la France dans ce domaine.
http://www.usinenouvelle.com/article/pour-y-voir-plus-clair-dans-les-40-mesures-pour-l-innovation.N217409
Un fonds souverain de la propriété industrielle
de 100M€ serait créé.
Peut-être faut rappeler que le cadre européen
était régi par une directive de 1998 qui entérinait
notamment le rôle du CEN, du CENELEC et de l'ETSI comme
organismes européens de normalisation. Le CEN et le
CENELEC représentent les pays. L'ETSI, créé
pour la normalisation du GSM, représente les acteurs
du marché.
Le cadre légal de normalisation européenne a
évolué en 2012.
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:316:0012:0033:EN:PDF
Si le nouveau texte reconnaît l'importance de la normalisation
en Europe, il met en réalité fin à une
sorte de pseudo monopole des organismes européens (CEN,
CENELEC et ETSI). Pseudo parce que l'Europe a entériné
une situation de fait dont le Wifi a été le
révélateur il y a déjà plusieurs
années.
L'Europe travaillait en effet sur un autre standard (Hyperchannel)
qui était plus avancé que le Wifi. Sauf que
pendant que l'Europe peaufinait son standard, les industriels
américains ont lancé le Wifi (IEEE) sans attendre
d'avoir réglé tous les problèmes notamment
en matière de sécurité et d'usage du
spectre.
On ajoutera que la représentativité européenne
du CEN, du CENELEC et de l'ETSI est à interpréter
au sens où :
- Le CEN et le CENELEC regroupent les structures nationales
comme l'AFNOR dont les groupes de travail sont composés
d'acteurs nationaux, européens ou internationaux. Plusieurs
groupes de travail sont pilotés par des entreprises
non européennes.
- l'ETSI regroupe plus de 700 membres avec aujourd'hui peut-être
autant d'acteurs européens que non européens.
Mais que dire de ce qui se passe dans les couches hautes et
dans l'univers du Over The Top.
Les API (Application Programming Interface) fleurissent. Elles
sont souvent portées par des acteurs privés
qui ne se préoccupent pas de la standardisation qui
serait pour eux le résultat de compromis sans intérêt.
Notre nouveau monde est viral. Il ne sert à rien de
discuter ex-ante. Il faut juste aller vite. Et le cas échéant,
aller chercher l'aval officiel de tel ou tel organisme pour
asseoir une légitimité acquise par le marché.
D'autant que l' Europe souhaite conserver ce lien indissociable
entre Standards et Brevets.
Contrairement à l'idée que se font encore bon
nombre d'utilisateurs, un standard ouvert n'est pas nécessairement
gratuit. Le CEN, le CENELEC et l'ETSI ont toujours été
en pointe pour défendre les standards FRAND (Fair
Reasonnable and Accessible in Non Discriminatory Terms).
On paye ... mais normalement ce n'est pas très cher
et c'est le même tarif pour tout le monde.
Le W3C (World Wide Web Consortium ) a changé les règles
en instituant les standards Royalty-Free. L'Europe l'a toujours
refusé considérant que le standard gratuit n'était
qu'un cas particulier du FRAND.
Les tenants de l'Open Source se sont battus pour la gratuité
en mettant l'accent sur l'accès au code et non plus
simplement, le droit d'usage des interfaces.Leur succès
n'a finalement été que très relatif.
Prédominent désormais les API propriétaires.L'exemple
de Google est probablement le plus intéressant avec
une économie de plateformes dont les API sont les véritables
leviers.
L'API c'est l'écosystème. L'Europe est absente
de cette bataille.
Plutôt que de viser à construire un illusoire
NIST Européen, il nous faudrait surtout mettre les
APIs au coeur des objectifs des projets financés par
nos programmes nationaux ou européens. De l'Argent
: oui, mais pour quel écosystème ?