Editorial
Espionnage
américain. Que pourrait faire l'Europe ?
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin- 28/10/2013

Le
premier acte du conseil des 28 Etats européens, réuni
le 25 octobre à Bruxelles, ne contrariera en rien nos
"alliés" américains. Il en est résulté
une modeste "initiative franco-allemande" pour discuter
avec ceux-ci d'un "cadre de coopération"
en matière de renseignement. Ce code de bonne conduite
devra être finalisé "d'ici la fin de l'année"
avec Washington, selon le calendrier avancé par François
Hollande.
Précédemment,
les quelques chefs d'Etat qui avaient manifesté leur
inquiétude auprès d'Obama, quant aux écoutes
qu'ils subissaient à haute dose, se sont fait répondre
que tout le monde en fait autant, et que de plus la lutte
commune contre le terrorisme justifie ces opérations.
Même si ces opérations, quand elles visent l'Europe,
s'exercent surtout à l'encontre des postes diplomatiques
ou des industriels européens susceptible d'entrer en
concurrence avec leurs homologues américains.
Sur
leur lancée, les chefs d'Etat se sont refusés
à suspendre les discussions, qui viennent de commencer
en juillet, pour un grand marché transatlantique, bien
que celui-ci comporte des transferts de données personnelles.
François Hollande fait mine de refuser cette dernière
clause. Mais sans doute ignore-t-il que ces données
sont, dans le monde des big data, une véritable mine
d'or. Non seulement pour la NSA et autres CIA, mais pour les
géants du web, tous américains. Aucun n'acceptera
les moindres restrictions.
Certains
commentateurs s'étonnent de cette docilité des
Européens. C'est qu'ils n'avaient pas pris jusqu'ici
la pleine mesure de la domination qu'exerce l'Amérique
sur l'Europe, tant au plan économique que politique
et même culturel. Cette domination s'exprime avec une
parfaite bonne conscience, ou si l'on préfère,
le plus parfait cynisme. Les Américains connaissent
depuis longtemps et exploitent la faiblesse des Européens
dans le monde des technologies de communication. De plus,
bien renseignés par les Britanniques qui sont leurs
représentants les plus efficace au sein de l'Union,
ils ont encouragé les complicités diverses qui,
au sein de l'Union, font des forces vives de celle-ci leurs
alliées implicites, sinon leurs complices consentants.
Le scandale
est devenu tel cependant que beaucoup d'observateurs, des
deux côtés de l'Atlantique, se demandent si l'Europe
va enfin se décider à réagir, et de quelles
façons elle pourra le faire. Notre position sur cette
question a été souvent exposée. Elle
est très pessimiste. L'Europe ne voudra pas se libérer
de l'emprise américaine. Si certains en son sein décident
de le faire, ils n'en auront pas les moyens.
L'Europe
ne voudra pas se libérer de l'emprise américaine.
* Le temps
n'est plus où en France, le général de
Gaulle avait essayé d'assurer seul une partie de la
défense de la France contre non seulement l'impérialisme
soviétique mais contre l'impérialisme américain.
Depuis plus de trente ans, les gouvernements européens
ont refusé les dépenses nécessaires à
une défense européenne indépendante des
Etats-Unis, y compris sur le plan économique. Il en
résulte que les moyens militaires dont dispose l'Europe
en propre sont sans doute 30 à 50 fois inférieurs,
à ceux des Etats-Unis, Ceci dans un monde mondialisé,
en grande partie sous la pression des intérêts
militaires et civiles américains, où le retard
ne se rattrape pas.
Il en est de même dans le domaine devenu sensible des
technologies de l'information, sous leurs diverses formes.
Sauf exceptions marginales, les Européens achètent
tout ce dont ils croient avoir besoin à des industriels
américains, des outils spatiaux jusqu'aux services
en ligne, en passant par les composants et les réseaux.
Quand ils ne le font pas directement, ils le font sous un
contrôle étroit de l' « allié »
américain. Ceci vient d'être rappelé à
propos de Alcatel-Lucent. Dans ces domaines, la disproportion
entre les moyens propres des Européens et ceux des
Etats-Unis est sans doute de 1 à 1000.
* Il s'ensuit
que les gouvernements, ne pouvant plus s'opposer à
l'Amérique, ont choisi la voie de la coopération.
Mais il ne s'agit pas d'une coopération sur un plan
égalitaire. Il s'agit d'une coopération où
le faible se contente des miettes que veut bien abandonner
le fort, en échange d'une soumission presque totale.
La situation, dans le domaine du renseignement, vient d'être
mise en évidence (aux yeux de ceux qui l'ignoraient
encore). On découvre aujourd'hui (grâce en partie
aux bons soins des Russes) que les services de renseignement
allemand et français coopèrent très largement
avec leurs homologues américains, notamment la NSA,
au moment où les chefs d'Etat allemand et français
manifestent une indignation de façade.
Or si
l'Europe devait prendre son indépendance en matière
diplomatique ou de politique industrielle, en s'affranchissant
de l'espionnage américain, elle ne pourrait le faire
qu'avec un engagement plein et continu des Etats et de leurs
services secrets. Ceci, même, dans le monde de l'internet
prétendu ouvert aux initiatives des citoyens, ne pourrait
se faire sans l'appui de gouvernements forts et volontaristes.
* Plus
en profondeur, les Européens se trouvent très
bien de vivre sous l'influence américaine. Pourquoi
dans ce cas chercheraient-ils à échapper aux
différents espionnages traduisant concrètement
cette influence? Au plan diplomatique, en ce qui concerne
la Russie, la plupart des Européens continuent à
craindre une résurgence d'un « ogre néo-soviétique »
en partie inventé pour les besoins de la cause par
les milliers d'espions américains opérant en
Russie sous le couvert d'ONG.
Par ailleurs,
qui en Europe souhaiterait s'allier, dans une lutte pour la
liberté des réseaux, avec les Chinois, même
si ceux-ci semblent de plus en plus tentés par une
certaine libéralisation. Ceci aurait pu se faire, sur
un plan de puissance à puissance, au sein d'une nouvelle
force géostratégique unissant les Européens
et les pays du BRICS, sous le nom d'EuroBRICS. Mais, du fait
des influences atlantistes, une telle perspective demeure
encore largement illusoire, du moins dans l'esprit des Européens.
Le danger
du terrorisme arabo-islamique, constamment évoqué
par la NSA et le Département de la défense aux
Etats-Unis même, l'est aussi en Europe. On constate
effectivement, dans le monde entier, le développement
d'une guerre de plus en plus ouverte entre les démocraties
libérales et des intérêts politiques et
religieux que l'on qualifiera d'islamistes par commodité.
Mais en y regardant bien, on constate que ce danger réel
a été créé en grande partie par
les manuvres tortueuses de la diplomatie et du renseignement
américain, pour se donner des arguments afin de renforcer
leur emprise sur le pétrole et les voies de communication
du Moyen-Orient, tout en éloignant la Russie. Ceci
depuis le temps où ils avaient créé Bin
Laden, jusqu'à nos jours où ils dispensent un
soutien irresponsable aux pétro-monarchies du Golfe
(soutien activement relayé il est vrai par les Européens.
* Quand
aux citoyens européens, notamment au niveau des jeunes
générations, nul ne ressent le moindre désir
d'autonomie par rapport, non seulement à la culture
américaine en général, mais aux "services"
rendus par les géants du web, tous américains.
Certains de ces services sont commodes. Qui veut aujourd'hui
acheter un livre dans une librairie de quartier, alors qu'il
peut se le procurer quasi en temps réel auprès
d'une multinationale américaine bien connue? Qui renonce
aux propositions de la publicité en ligne, même
en sachant que cette publicité est en train de construire
un consommateur entièrement conditionné par
les intérêts économiques américains
ou leurs représentants en Europe. Et si ces géants
du web conservent pendant un siècle les informations
personnelles ingénument confiées par les citoyens
européens, qui s'en souciera vraiment parmi ces derniers?
Chacun croit garder son autonomie. Au pire, il se dit que
dans un siècle, il sera mort.
Si
certains Européens décidaient de se libérer
de l'influence américaine, ils n'en auraient pas les
moyens
Cette
constatation découle des considérations qui
précèdent relatives au retard technologique
pris par les Européens.
* Il s'agit
d'abord du retard des moyens mis au service de l'espionnage
et des écoutes, des contre-mesures et à terme
des cyber-guerres qui se préparent. L'énorme
avance prise par l'Amérique la met pour de longues
années à l'abri de toute concurrence sérieuse,
même provenant de grands pays comme la Chine décidés
à revenir au niveau mondial. Aussi l'argument constamment
utilisé par Barack Obama, ses représentants
et les ambassadeurs américains actuellement convoqués
par les pays visés, ne tient pas: "Tout le monde
en fait autant". Tout le monde en fait peut-être
autant, mais la disproportion des moyens déployés
enlève tout poids à cet argument. Là
où un pays européen consacre un budget de quelques
dizaines, voire au mieux quelques centaines de millions à
ses services secrets, le budget annuel de la NSA avoisine
les 80 milliards de dollars, sans mentionner celui consacré
par le Département de la Défense et ses autres
agences. Il en est de même dans le domaine du renseignement
spatial.
* Cette
disproportion ne devrait pas cependant empêcher les
pays espionnés, en premier lieu le Brésil, de
mettre en place des câbles aussi étanches que
possible, ou utiliser des matériels et des logiciels
spécialement conçus (par eux et non par la Silicon
Valley) pour échapper aux écoutes. De même
les règles de l'internet, actuellement presque exclusivement
définies par des représentants américains,
devraient pouvoir être revues. Différents articles
circulent actuellement et présentent des listes de
tels dispositifs. Citons par exemple, du Washington Post,
la
proposition suivante.
On remarquera cependant qu'il s'agit d'un document américain.
Est-ce beaucoup s'avancer en supposant que la NSA est depuis
longtemps informée, sinon à la source, de certaines
de ces initiatives ?
* Mais
les pays espionnés ne peuvent-ils pas espérer
que ce que l'on appelle parfois le Système, autrement
dit le système de domination mondiale mis en place
par la conjonction des intérêts militaires, politiques
et industriels américains, puisse prochainement s'effondrer.
Divers commentateurs suivent avec beaucoup d'attention les
signes d'un tel effondrement. Il pourrait provenir des excès
d'un ubris perdant conscience de ses limites, ou des erreurs
à répétition commises par des responsables
"humains, trop humains".
Nous ne le pensons pas pour ce qui nous concerne. D'une part,
le coeur, peu visible mais bien ancré du Système,
échappera à l'auto-destruction. Au contraire,
il se renforcera à l'échelle des attaques qu'il
subira. D'autre part une grande partie des décisions
stratégiques découlant des informations recueillies
par le Système sur le reste du monde seront progressivement
prises par des systèmes anonymes fonctionnant sur le
mode des robots autonomes. C'est déjà le cas
en ce qui concerne le monde opaque du « trading
à haute fréquence » ou d'ordres d'attaque
intéressant le domaine confidentiel des drones autonomes.
Ce sera bientôt le cas partout. Il suffira que le Système
conserve un petit noyau de décideurs ayant tout les
leviers en mains pour échapper aux offensives internes
et externes menées contre lui. Les Edward Snowden ne
vont probablement pas se multiplier. En tous cas, leur efficacité,
l'effet de surprise passé, diminuera très vite.
Faut-il
conclure de ce qui précède que les Européens
subiront pendant des siècles encore la domination américaine
? Pourquoi pas ? Cela s'est déjà vu dans l'histoire.
En tous cas, pour y échapper, il faudrait des mobilisations
générales, dans le cadre de nouvelles alliances
internationales. On ne voit pas venir de telles alliances
pour le moment, même au sein de l'euroBRICS. Mais sait-on
jamais ?
Données
complémentaires proposées par des correspondants
1)
Concernant le rôle historique
des Britanniques comme chevaux de Troie dans l'UE,
cet
article est intéressant (même si la source
risque d'être jugée "orientée")
François Vadrot
2)
Concernant les cibles économiques
de l'espionnage américain :
Les
objectifs de choix restent toutefois les entreprises stratégiques
liées en particulier à la Défense, au
spatial, à l'aéronautique mais aussi à
la pharmacie et au pétrole... L'activité de
la NSA. est facilitées par l'aide active des sociétés
US telles que Facebook et Microsoft. Il y a 15 ans déjà,
la Compagnie Raytheon spécialisée dans les systèmes
électroniques, avait ainsi raflé le marché
de l'équipement en réseau du bassin amazonien
à la surprise générale alors que le Français
Thompson était favori... Les US avaient branché
leur système d'écoute "Echelon" pour
piéger les conversations entre négociateurs
du Brésil et la maison mère à Paris (Le
Figaro 22/10/13).
A
la même époque, Echelon a été mis
en cause dans d'autres affaires : Airbus-Mc Donnel Douglas,
vente d'avions à l'Arabie saoudite, interception de
courriels européens dans les accord du GATT... Echelon
était un réseau international auquel collaboraient
les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie,
et la Nouvelle Zélande. La plus grosse base extérieure
aux États-Unis était au Royaume-Uni où
travaillaient 2 000 personnes, dont 1 500 Étasuniens
(Wikipedia).
Dans le
nouvel épisode, il faut ajouter la collaboration public-privé
: la complicité des grandes entreprises étasuniennes
(Google, Facebook, Amazon, Apple, Twitter,etc) qui, par ailleurs,
exploitent leurs données sans aucun contrôle
possible des internautes (Libération 25/10/13) et paient
le moins d'impôt possible en France et dans d'autres
pays où leurs activités sont importantes en
jouant de l'optimisation fiscale internationale : «
Les stratégies fiscales de ces entreprises , les GAFA,
(Google, Apple, Facebook, Amazon) sont sans doute les plus
abouties, combinant différents outils pour permettre
de loger dans des paradis fiscaux des bénéfices
résultant de lexploitation de données
collectées dans le reste du monde (hors États-Unis)
». (Assemblée nationale 1243 Rapport d'information
sur l'optimisation fiscale des entre prises dans un contexte
international. Paul Oriol
3) Concernant
la mainmise américaine sur l'Internet
Le problème
n'est pas de présenter les États-Unis comme
étant invincibles, mais de constater leur mainmise
sur des moyens technologiques.
Le réseau
Internet appartient à des instances et entreprises
états-uniennes : c'est aux États-Unis que se
fait l'attribution des adresses IP, c'est là que l'on
décide des procédures de routage, et de tout
ce qui en somme permet à ce réseau de fonctionner.
Or ce
réseau est devenu absolument incontournable : nous
nous en servons tous, tous les jours, pour un grand nombre
d'applications.
Bien sûr,
on pourrait envisager de revenir quelques pas en arrière,
disons au début des années 90, et d'en déconnecter
nos caisses enregistreuses et nos caméras de surveillance.
On pourrait même, comme les Russes l'évoquaient
il y a quelques mois, revenir aux machines à écrire.
Mais Internet
n'est pas seulement une infrastructure, c'est aussi devenu
une part intégrante de la culture. Sans vouloir faire
du Francis Fukuyama , force est de constater qu'une culture
mondiale y est reliée, "Angry Birds" et Facebook
étant la suite naturelle du McDonald's et de Coca-Cola
(ceci dit pour relier le phénomène à
son histoire multi-générationnelle).
De même
que Microsoft ou Apple décidaient, avec l'ergonomie
de leurs logiciels, de la manière dont les usagers
allaient penser, les réseaux sociaux orientent la manière
d'être : Internet est donc plus qu'un support ou un
média, il est une entité à part entière.
Il n'existe
aucune nation ni autre pouvoir ou autorité qui ait
la possibilité d'intervenir là-dessus en quoi
que ce soit. Une tentative de sevrage serait un suicide politique,
sinon même perçu comme une attaque sociétale
très violente à l'encontre des citoyens du monde
globalisé (dont nous, dont nos enfants et leurs smartphones).
Un réseau parallèle souffrirait des mêmes
maux, à imaginer qu'il se trouve encore les moyens
de le bâtir.
La NSA
est un des composants de ce réseau. Elle est inamovible
par son intrication même dans la trame du réseau,
par sa nature même. Un technicien réseau est
amené à voir comment fonctionne son réseau
et qui y fait quoi, cette possibilité technique fait
de lui un "espion" en puissance.
La NSA
n'est qu'une mise en forme de cette possibilité technique
intrinsèque. Or on ne peut pas légiférer
contre une possibilité technique.
C'est
pourquoi la NSA, sous ce nom ou sous un autre, va rester,
et tout le monde s'en accommodera. Ce qui aura changé,
c'est que maintenant tout le monde se saura surveillé
en permanence.
Les habitants
des Pays de l'Est se doutaient bien qu'il y avait une politique
politique, des informateurs, des délateurs etc. Ils
se disaient "suis-je surveillé ou non ? Dans le
doute, filons droit."
La différence
est maintenant que nous savons que tout ce que nous faisons
est enregistré et peut être analysé :
téléphone portable, navigation internet, caméras
de surveillance, carte bleue etc. etc.
C'est
aussi pour cela que, en dépit de tous les maux bien
réels qui affecte l'Amérique contemporaine ("un
pays en pleine implosion, avec une monnaie défaillante,
un peuple démotivé, un marasme politique visible
aux yeux de tous, une dette abyssale") les Etats-Unis
sont encore là pour longtemps.
Ceci dit,
ce dont nous parlons n'existera peut-être plus en tant
que nation ou autorité politique, mais peut-être
davantage comme ce que fut l'Eglise d'Occident après
la chute de Rome. Andros
4.
Sommes nous encore libres?
Un
article de "Capitaine Martin", dans Résistance,
collectif de membres du Parti Communiste Français (fédération
du Nord, section de Lille)
"Jai
écrit cet article pour Résistance depuis mon
ordinateur, puis lai mis en ligne sur le site. Un certain
nombre de webmestres lont également reçu
et peut-être ont-ils fait la même chose que moi.
Nos lecteurs respectifs ont pu lire cet article le lendemain.
Quelquun cependant la lu avant eux, ou était
tout du moins en mesure de le faire. Ce nétait
pas ni un membre de Résistance, ni les webmestres qui
en ont été destinataires. Je ne connais pas
ce quelquun. Il ne vit certainement pas en Franc. Il
opère loin dici, au-delà de locéan
Je ne suis pas un terroriste, je ne suis pas recherché
et je paie mes impôts. Bref, je suis un citoyen lambda.
Mais ce quelquun sait tout de moi. Il sait à
qui je téléphone parce quil a accès
à mes données sur mon smartphone. Il sait à
qui jécris et surtout ce que jécris,
car il est capable de surveiller tous mes mouvements sur Internet.
Il prend note de mes achats en ligne, consigne tout et scrute
mes mouvements sur mon compte bancaire de telle sorte quil
sait ce que je gagne. Mon patrimoine na aucun secret
pour lui.
Lutilisation
de Facebook lui facilite grandement la tâche. Parce
que linternaute met sa vie à nu sur le plus grand
réseau social du monde. Il nous renseigne sur son cercle
damis, publie des photos amusantes, insolites, et parfois
intimes, sans se rendre compte quun jour, tout ceci
pourrait un jour se retourner contre lui. Il ne se doute pas
que ce qui est posté sur Facebook ne peut être
supprimé, même lorsque ses contacts ou le quidam
ny ont pas accès. Toutes ses informations restent
gravées dans une énorme mémoire, suspendues
en quelque sorte sur un nuage virtuel quil ne peut atteindre.
Il perd ainsi le contrôle de son passé et du
présent.
Certains
se remémoreront immanquablement la Vie des autres,
film dans lequel la Stasi surveillait dans le Berlin des années
quatre-vingt les intellectuels soupçonnés de
critiquer le régime dErich Honecker. Le parallèle
avec lURSS, la Chine et tous les pays supposés
autoritaires ou dictatoriaux sera rapidement fait. On leur
oppose notre culture démocratique et la liberté.
Les lois sont dailleurs censées nous préserver
de toute intrusion. Larticle 8 de la Convention européenne
des droits de lhomme ne proclame-t-il pas le droit de
toute personne au respect « de sa vie privée
et familiale, de son domicile et de sa correspondance »
?
Les révélations
faites par lancien employé de la CIA et de la
NSA Edward Snowden sont pourtant inquiétantes. Microsoft,
Google, Apple, Yahoo, BlackBerry, Facebook, etc., collaborent,
de leur plein gré ou sous la contrainte, avec la National
Security Agency (NSA), la super agence des services secrets
étasuniens, lui octroyant un accès privilégié
à leurs données. Un peu comme si un étranger
avait accès à une porte secrète de votre
maison sans que vous nen déteniez les clefs
Aujourdhui,
un agent secret naurait plus besoin dallumer mon
ordinateur et de télécharger mon disque dur.
Le processus est en grande partie automatique. De temps à
autre et à mon insu, mes données peuvent être
collectées et transmises je ne sais où. Ce qui
est remarquable, cest que tout cela se produit dans
les pays qui ne sont apparemment pas totalitaires. Ces derniers
se revendiquent au contraire tous de la démocratie.
Pourtant, ces faits sinscrivent dans un processus aux
conséquences potentiellement désastreuses.
Le 11
Septembre en a été lacte fondateur. Capitalisant
sur le choc provoqué par les attentats dans les opinions
internationales, la lutte contre le terrorisme a permis de
justifier la plupart des actions menées par les États-Unis.
Les menaces terroristes quon brandit à dessein
permettent de renforcer les structures de contrôle de
la population. Nous ne savons pas aujourdhui ce que
la NSA, le FBI ou la CIA ont pu faire de nos informations
personnelles, ce qui, dans un État de droit, relève
de linconcevable. Les conséquences de ce paradoxe
sont colossales. Notre intimité est désormais
mise à nu et partagée par autrui sans quon
puisse y faire quoi que ce soit. Plus personne ne pourra désormais
se sentir totalement en sécurité. Sommes-nous
tout simplement encore libres ? "
5.
Enfin, pour suivre l'actualité de la bien-nommée
Relation Transatlantique, nous ne pouvons que recommander
une nouvelle fois le site http://www.hajnalka-vincze.com/
ainsi que le blog associé blog.hajnalka-vincze.com
Automates
Intelligents.