Sciences,
technologies et politique.
La mise en oeuvre de l'écotaxe excédait-elle
les capacités de l'Etat ?
Maurice
Ronai 06/11/2013

La
controverse autour de lécotaxe et dEcomouv
met en lumière un tournant symbolique absolument majeur.
LEtat
a fait le choix de confier à un consortium (dans le
cadre dun partenariat public privé) la mise en
place de linfrastructure qui permet de gérer
lécotaxe.
Un PPP
pour percevoir limpôt. Depuis la Révolution,
limpôt ne peut être perçu que par
lÉtat.
Pour justifier
ce choix du partenariat public privé (PPP), outre linvestissement
nécessaire au déploiement de cette infrastructure,
lEtat a mis en avant la technicité du projet.
Une
technicité qui aurait excédé les compétences
des services de lEtat.
Nathalie
Kociusko Morizet a repris cet argument. «il fallait
des investissements, une technologie notamment numérique
qui nexistait pas à lintérieur de
lEtat. Cest le sens de ce contrat». Jai
lu cela aussi à gauche.
Alors
que se dessine un nouveau cycle technologique (Internet des
objets, M2M (machine to machine), Big Data, etc
), lEtat
dit : "je ne suis plus capable de suivre. Cela dépasse
mes capacités".
Cest
un tournant. Ou peut être un symptôme.
1. Une
des caractéristiques de lEtat en France, tout
au long de son histoire, cest quil se dotait de
ses propres ingénieurs pour maitriser les technologies,
équiper le pays, exploiter ses ressources.
Cela commence
avant la Révolution française, en 1672 avec
lEcole de constructeurs de vaisseaux à Nantes.
En 1909, quand nait laviation, il cree lÉcole
Supérieure dAéronautique.
2. Si
l'on regarde dun peu près cette infrastructure
de mesure et de collecte de lécotaxe, cest
du M2M, justement
. Quelques centaines de portiques,
de bornes mobiles et de balises. Des boitiers, du GPS, du
GSM et du DSRC (qui sert à la gestion des péages
sur autoroutes, tunnels
et des ouvertures automatiques
de barrières).
Aucune
technologie de pointe.
LUnion
Européenne, de surcroit, avait déjà spécifié
les standards.
3. LEtat
pouvait fort conduire ce projet. Et sous-traiter, comme il
le fait habituellement, la conception et la réalisation
des divers composants du système à des industriels.
Cest dailleurs ce que fait Ecomouv, avec Thales,
SFR, Steria et SNCF.
4. Certains
diront que si lEtat, ou lun de ses opérateurs,
avait piloté le projet, il naurait probablement
pas fait mieux, plus vite et moins cher que le consortium
Ecomouv. Nous aurions peut être même connu un
désastre type Chorus (projet qui vise à rénover
le système d'information permettant de gérer
la dépense, les recettes non fiscales et la comptabilité
de l'État en France) ...ou Louvois (logiciel de paye
du ministère de la Défense)
Mais affirmer
que lEtat nest plus capable de déployer
une infrastructure numérique pour recouvrir la fiscalité,
cest un sacré renoncement.
* Repris
avec l'accord de l'auteur à partir de http://travauxpublics.wordpress.com/category/systemes-d%E2%80%99information-et-reforme-de-l%E2%80%99etat/
* voir
aussi l'article "Difficultés de l'écotaxe"
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2013/140/ecotaxe.htm