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Life at the speed of light
par
Craig Venter
Viking
octobre. 2013
Critique par Jean-Paul Baquiast 21/10/2013
John
Craig Venter (né le 14 octobre 1946, Salt
Lake City) est un biologiste et homme d'affaires américain.
Il s'est illustré dans la course au séquençage
du génome humain grâce à une technique
innovante. puis il rejoint les National Institutes of Health
(NIH) en 1984.
Au sein des NIH, il travaille d'abord sur les récepteurs
des neurotransmetteurs. Il cherche en particulier à
isoler leurs gènes et les séquencer. Il devient
ce faisant un des pionniers du séquençage automatisé.
À cette occasion il invente une approche systématique
nouvelle, qu'il appelle les EST, expressed sequence tags,
ou étiquettes de séquence exprimées.
Il s'agit de fragments d'ADN complémentaires qu'il
séquence de manière systématique, sans
les caractériser au préalable. En 1991 et 1992,
son équipe détermine la séquence de plus
de 2500 EST associés à des gènes exprimés
dans le cerveau humain, ce qui double d'un seul coup le nombre
de gènes humains pour lesquels des données de
séquence ADN sont disponibles.
Avec les
NIH, son employeur, il dépose des brevets sur tous
ces gènes, ce qui déclenche un tollé
dans la communauté des biologistes. James Watson (prix
Nobel, codécouvreur de la structure de l'ADN) sera
parmi les plus farouches opposants à cette appropriation
du vivant.
À la suite de la polémique, Venter quitte les
NIH en 1992 pour monter une fondation privée appelée
TIGR, The Institute for Genome Research et monte une plateforme
de séquençage à grande échelle.
Il recrute Hamilton Smith, prix Nobel de Médecine 1978
pour la découverte des enzymes de restriction. Avec
lui, il va s'attaquer au premier séquençage
complet du génome d'un organisme vivant, la bactérie
Haemophilus influenzae, qui sera achevé en 1995. Après
cet exploit, Venter et le TIGR s'engageront dans les séquençages
de génomes de plusieurs organismes.
En 1998, Venter quitte le TIGR et fonde la Celera Genomics
avec le soutien de la société Perkin-Elmer.
Il devient le président et le directeur scientifique
de cette nouvelle société dont l'objectif est
de séquencer le génome humain, entrant ainsi
en compétition avec le consortium public international.
En 2000 Venter et Celera annoncent avoir fini de séquencer
le génome, en même temps que le consortium international.
On apprendra plus tard que le génome séquencé
par Celera est celui de Craig Venter lui-même.
En 2002, Venter quitte Celera et monte le J. Craig Venter
Institute. Ses nouveaux objectifs sont d'explorer la biodiversité
génomique et de parvenir à recréer un
organisme vivant synthétique en laboratoire.
Venter est actuellement président du Center for the
Advancement of Genomics. (wikipedia)
* En biochimie,
le séquençage consiste à déterminer
l'ordre linéaire des composants d'une macromolécule
(les acides aminés d'une protéine, les nucléotides
d'un acide nucléique comme l'ADN, les monosaccharides
d'un polysaccharide, etc.).
En génétique, le séquençage concerne
la détermination de la séquence des gènes
voire des chromosomes, voire du génome complet, ce
qui techniquement revient à effectuer le séquençage
de l'ADN constituant ces gènes ou ces chromosomes.(wikipedia)

Mycoplasma
mycoides JCVI-syn1.0
Life
at the speed of light. From the double helix to the dawn of
digital Life, de Craig Venter, fait partie du peu
de livres conjuguant à la fois l'information scientifique
et la prospective qui soient selon nous aussi importants aujourd'hui.
Cet ouvrage reprend à la lumière de l'actualité,
avec beaucoup de nouvelles données, les bases exposées
par l'auteur dans son premier ouvrage « A life
decoded ».
Craig
Venter avait jusqu'ici dans certains milieux, notamment chez
les biologistes, une réputation de business- man plutôt
que de scientifique. Cela tenait au fait qu'il avait créé
quelques entreprises ou fondations visant à recueillir
des fonds pour ses recherches, y compris en brevetant quelques-uns
des produits de celles-ci afin de s'en réserver l'exploitation
commerciale. Mais la démarche était sans commune
mesure avec celle adoptée depuis par les grandes multinationales
de la génétique opérant dans le domaine
agricole: monopoles sur les semences ou les produits collatéraux
imposés aux cultivateurs traditionnels et légitimement
combattus par les adversaires des OGM. Craig Venter n'a finalement
rien fait de tel, alors que lui et ses équipes se sont
donné les moyens théorique de bouleverser les
sciences de la vie...et d'en faire payer le prix (en dehors
d'un Prix Nobel qui serait parfaitement justifié, si
ne s'y opposaient pas des lobbies religieux)
On lui
a reproché également un égo surdimensionné.
Mais qui peut prétendre se faire entendre dans le monde
cruel des chers professeurs et des conflits d'intérêts
incessants sans un minimum de personnalité. Le livre
en tout cas ne donne pas d'arguments sérieux à
cette critique. Une bonne moitié de l'ouvrage, sinon
davantage (sans compter des dizaines de pages de références)
est consacré à recenser les travaux antérieurs
aux siens et ceux de ses équipes successives, comme
les recherches menées par d'autres en parallèle.
Sur un
plan géopolitique, on se convaincra par contre, en
lisant le livre, que, dans le domaine de la génomique
comme dans celui d'autres sciences émergentes, rien
ne se serait produit d'important sans l'extraordinaire fertilité
scientifique de la société américaine.
Aujourd'hui, on reproche à celle-ci de privilégier
les recherches militaires ou, dans un autre ordre d'idées,
de céder aux oukases des créationnistes et autres
intérêts religieux pour lesquels la vie ne saurait
relever d'une approche scientifique. Mais il faut féliciter
Craig Venter de ne pas avoir cédé aux pressions
conservatrices, tant de la Darpa qui a financé certaines
de ses recherches, que des nombreux représentants des
mouvements chrétiens qui l'auraient bien réduit
au silence s'il s'était laissé faire.
Quand
on constate en Europe les campagnes incessantes que mènent
des personnalités incapables de la moindre démarche
créatrice, au nom d'un prétendu principe de
précaution, pour neutraliser les laboratoires travaillant
dans le domaine de la synthèse de la vie et plus généralement
les biotechnologies, on se dit que les Européens, chefs
d'Etat en tête, ont la société timorée
qu'ils méritent, par leurs esprit étroitement
bornés, sinon par leur simple ignorance. Reproche injuste,
répondra-t-on. On trouve en Europe, par exemple, diverses
Génopoles, dont celui d'Evry en France. Mais combien
d'années leurs promoteurs ont-il du attendre avant
d'être écoutés? Et pourquoi reçoivent-ils
des financements aussi squelettiques?
Au demeurant
d'ailleurs, Craig Venter ne peut se faire reprocher d'avoir
sous-estimé les risques de dérive pouvant provenir
des recherches en biologie génétique. Il a multiplié
les mises en garde et contribué à la création
de divers comités d'éthique dont les recommandations
demeurent aujourd'hui d'actualité.
Deux
grands thèmes
Le livre
comporte deux séries de chapitres. Les premiers sont
consacrés aux efforts longs et difficiles ayant permis
de mettre au point des méthodes rapides de déchiffrement
des génomes (dont le génome humain) puis de
créer des espèces originales authentiquement
synthétiques. Pratiquement, les premières réalisations,
comme l'indique l'article publié par l'équipe
de Craig Venter dans la revue Science en 2010 (voir ci-dessous),
ont consisté à implanter un génome aux
séquences digitalisées et reconstruites à
partir d'une synthèse des composants organiques de
base dans le « corps » d'un microorganisme
proche dégarni de son propre génome.
L'exploit
paraît simple, mais lorsque, comme l'explique Craig
Venter, on prend conscience de l'énorme complexité
des gènes et des protéines impliquées
dans le fonctionnement d'une cellule à partir de son
génome, on comprend la joie des équipes (et
le champagne offert) quant celles ci ont constaté que
l'espèce (mycoide) ainsi créée pouvait
se reproduire et se battre pour la vie comme n'importe laquelle
de ses homologues naturelles.
Un grand pas restait à franchir dans une authentique
recréation de la vie à partir de ses composants,
construire l'enveloppe ou cytoplasme d'une cellule entièrement
artificielle, ainsi que les nombreux micro-organismes eux-mêmes
artificiels inclus (chloroplastes, mitochondries), indispensables
au fonctionnement autonome de la machine cellulaire. Ce travail
est en cours dans le cadre de plusieurs projets intéressant
des cellules isolées. Les chercheurs commencent par
ailleurs à réfléchir à la façon
dont certaines de ces cellules artificielles pourraient se
combiner pour produire des organismes multicellulaires aux
fonctions diversifiées.
La seconde
série de chapitres composant le livre décrit
les différentes perspectives de la vie synthétique
ainsi ouvertes. Elles vont bien au delà des simples
modifications génétiques permettant à
des êtres existants de s'adapter à des conditions
de milieu nouvelles (chaleur, sécheresse, manque de
nutriments). Il s'agira progressivement de construire des
organismes originaux jugés utiles. Ce seront d'abord
des virus, bactéries, phages, levures capables par
exemple de produire de l'énergie à partir de
déchets, ou de fournir des matières premières
alimentaires ou non consommables par l'homme. Les phages devraient
jouer un rôle important dans la lutte contre des bactéries
devenues résistantes aux antibiotiques, lesquelles
posent un défi majeur à l'humanité actuelle.
Mais il s'agira aussi, progressivement, de synthétiser
des formes végétales et animales complexes pouvant
s'adapter à des environnements nouveaux et modes de
vie inattendus.
Un point
sur lequel insiste Craig Venter, peut-être avec un peu
d'excès, concerne la possibilité, une fois numérisé
un génome, de le transmettre à l'autre bout
du monde, voire sur une autre planète, jusqu'à
une machine dite Digital Biological Converter capable
de reconstruire ledit génome à partir des composants
disponibles dans le milieu récepteur. C'est ce qu'il
nomme la téléportation de la vie, ou « la
vie à la vitesse de la lumière ».
Les besoins paraissent limités, à première
vue. Mais, en dehors de l'exploration planétaire, de
tels dispositifs trouveront de nombreuses applications en
médecine, notamment au profit des pays pauvres.
Un certain
nombre d'ouvrages décrivent dorénavant les perspectives
utiles ou dangereuses découlant des avancées
rapides en biologie synthétique dont Craig Venter a
été le pionner. Tout travail sérieux
en prospective doit les connaitre (voir par exemple ci-dessous).
Pour notre part, nous ne pouvons que souhaiter au livre de
Craig Venter, très facile à comprendre, une
large diffusion. Peut-être ce travail donnera-t-il des
idées à des responsables économiques
et politiques à la recherche de nouvelles perspectives
de croissances.
Références
* Science. Creation
of a Bacterial Cell Controlled by a Chemically Synthesized
Genome
avril mai 2010
We
report the design, synthesis, and assembly of the 1.08megabase
pair Mycoplasma mycoides JCVI-syn1.0 genome starting from
digitized genome sequence information and its transplantation
into a M. capricolum recipient cell to create new M. mycoides
cells that are controlled only by the synthetic chromosome.
The only DNA in the cells is the designed synthetic DNA sequence,
including watermark sequences and other designed
gene deletions and polymorphisms, and mutations acquired during
the building process. The new cells have expected phenotypic
properties and are capable of continuous self-replication.
* Article
du Guardian
Livres
précédents, sur des thèmes voisins
*George Church. Regenesis http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2013/133/church.htm
*David Berleant The human race to the future Lifeboat Foundation
Publications 2013
Voir aussi, sur les origines de la vie (sujet abordé
par Craig Venter)
* Life ascending. The Ten Great Inventions of Evolution par
Nick Lane Norton 2009
http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2010/mar/nicklane.html