Sciences,
technologies et politique.
Projets européens de recherche. Place de la France.
Influence des Etats-Unis
Contributions collationnées par Jean-Paul Baquiast
26/10/2013
A la suite
d'un
article ou je tempérais en quelques mots trop rapides
l'enthousiasme de ceux qui se réjouissaient de voir
l'Union européenne (Future Emergent Technologies) financer
le projet FuturICT, j'ai reçu plusieurs courriers de
bons connaisseurs français des projets européens
(ce que j'étais moi-même il y a quelques années).
J'en extrais ce qui suit (à lire à partir du
bas de la page), en remerciant les auteurs. Sans commentaires
:
Correspondant
5
Concernant
les projets européens, l'exemple du projet INDECT (FP7)
est aussi intéressant : Il s'agit d'un "système
dinformation intelligent soutenant lobservation,
la recherche et la détection pour la sécurité
des citoyens en milieu urbain "
La France fait partie de l'ensemble des contributeurs (via
un labo de l'école d'ingénieurs ENSIMAG Grenoble).Nous
figurons donc dans la liste des participants et certainement
des sponsors financiers de l'édifice !
Mais également, de façon naturelle, dans la
liste des cibles des différents "Hacktivistes"
ou opposants (anonymous entre autres) alors que la participation
Français est absolument marginale dans ce projet :
un seul enseignant chercheur impliqué à l'ENSIMAG
avec très peu de contribution à l'ensemble...et
beaucoup d'opposition de la part de son université
!
C'est en fait un projet européen phagocyté par
des équipes de labos (d'un pays de l'Europe de l'est)
expertes dans la conception de systèmes intrusifs mais
le tout estampillé "Européen" et accompagné
de publications déthiques accompagnant la construction
du produit INDECT.
Correspondant
4
La dernière
fois que j'ai participé à des projets européens,
fin des années 90s, il était impératif
d'avoir des grecs dans le projet, qu'on ne voyait jamais ...
on connait la suite.
L'effet des projets européens a été doublement
pervers, outre leur aspect bidon, ils ont été
des rentes de situation pour entretenir des équipes
de recherche dans les directions corporate complètement
coupées des Business Units et des vrais opérationnels,
et souvent coupées de la recherche académique.
Je l'ai encore vérifié très récemment
à propos du High Performance Computing. Je pense que
tout cela est lié au style de management qui s'est
généralisé dans les années 90s,
sous l'influence des grands cabinets stratégiques américains
dont on commence seulement à comprendre, avec 25 ans
de retard, pour qui ils rament véritablement. Comme
disait Napoléon à son ministre Talleyrand :
"Vous êtes de la merde dans un bas de soie".
Cela s'applique parfaitement à ce contexte.
C'est une façon particulièrement tordue pour
entretenir le leadership américain, mais après
tout si les Européens sont assez bêtes pour tomber
dans le panneau ... C'est comme Pétain qui disait,
en 1938, suite au Kriegspiel qui avait montré que si
la Wehrmacht passait par les Ardennes, tout le plan français
s'effondrait, "Leurs chars ne pourront pas traverser
la forêt, et on les pincera à la sortie ...".
Les Américains ont un art consommé pour faire
gaspiller leur argent aux européens ; je l'ai constaté,
en 1ère ligne, avec le projet Ada ou la dépense
européenne a dépassé les 2 Md d'€
... pour rien !
Aux US, la recherche est conduite par le DoD et la DARPA,
pas par un ministère bidon verrouillé par les
syndicats de chercheurs professionnels fonctionnaires [un
double oxymore]. C'est suicidaire, mais l'Europe s'est déjà
suicidée une fois en 1914, et une 2ème fois
en 1938 ... jamais 2 sans 3 comme on dit.
Bien
cordialement, en restant calme, car on est encore en vie ...
et même avec de beaux restes [cf. la machine Tera de
Bull ...].
Correspondant 3
Chers amis, jai également
une petite expérience des projets de l'UE, et je pense
que vos critiques sont tout à fait valides, juste un
peu excessives.
Les questions cependant demeurent :
- Sil est vrai quun milliard d€ est
en jeu dans FuturICT, trouvez vous positif pour notre recherche
que le France ne profite pas ou très peu de ces fonds ?
Il est vraisemblable que les autres projets dont vous parlez
sont de taille beaucoup plus modeste que FuturICT.
- Les contacts noués au cours de ces projets avec des
chercheurs étrangers napportent-ils aucune ouverture
à nos ingénieurs ? Jai toujours été
frappé par le manque de veille stratégique des
cadres français dans leurs domaines en comparaison,
par exemple, aux américains.
Correspondant 2.
Je confirme complètement le
contenu du message précédant. Ce qu'il mentionne
a d'ailleurs été précédé
par les projets "Esprit" dans les années
70 avec à peu près le même mécanisme,
caractérisé par beaucoup de discussions avant,
mais aucune évaluation après..... La situation
était meilleure entre les universitaires, où
des contacts ont souvent été établis.
Chez les industriels, au moins dans les années 80-90,
la consigne était que ces projets devaient être
auto-financés, voire bénéficiaires. Je
ne citerais pas les astuces comptables utilisées......
Ils servaient à maintenir en perfusion une R&D
dont le développement ne voulait pas.....
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les projets
européens, sur la recherche industrielle et surtout
sur la R&D......
Correspondant 1.
Sur le fond, beaucoup de projets
européens sont une calamité. La devise de chacun
des partenaires étant: "take the money and run".
Combien de fois ai-je entendu de jeunes chercheurs publics
ou privés venir me dire: "Tu sais, j'ai honte
de participer à de tels projets, il ne s'y passe aucun
travail scientifique, la moitié des gens ne savent
même pas pourquoi ils sont là" ...Cela me
rappelle ce que veut dire le signe NATO: "No Action,
Travel Only"
Combien de fais ai-je vu des projets proposés par de
très grosses boites, mais où en fait:
-- ce sont des agences de consulting extérieures qui
rédigent pour elles les projets dans les bons
termes qui plaisent aux "officers" de Bruxelles,
avec les bons chapitres sur le droit des femmes, l'écologie,
la protection des animaux, la bonne proportion de femmes issues
des nouveaux petits pays membres (très très
important)
-- ce sont d'autres consultants payés par ces grosses
boites qui participent aux réunions de travail. On
n'y voit jamais de "vrais" chercheurs des boites.
-- et quand il y a des chercheurs en titre des grosses boites,
comment s'assurer que ce ne sont pas quelques "PHD
de service", payés juste pour assurer de
la présence, pour faire plaisir correctement
politiquement à chaque ministère de la recherche
national ("vous voyez bien comment on est impliqués,
comme on illustre et soutient vos grandes déclarations"),
et négocier par ailleurs de grosses subventions nationales
sur des sujets plus court terme . Et ces chercheurs "européens"
n'ont en général aucun contact avec la "vraie
R&D" des unités opérationnelles qui
les méprisent ...
Pendant que les chercheurs européens travaillent dans
des commissions, font de longs séjours à
Bruxelles pour préparer des plans stratégiques,
rédiger des appels d'offres, répondre à
des appels d'offres, expertiser des appels d'offres, tenir
des réunions bidon, expertiser des projets en cours
lors de revues bidon, ( et recommencer tout ça), leurs
collègues américains discutent avec des venture
capitalists pour financer leur start-up sur les projets
les plus prometteurs.
Le projets européens ont été créés
par les 12 plus grands industriels européens
de l'électronique et de l'informatique au début
des années 80. Des dizaines ou centaines de milliards
ont été dépensés ensuite. Et 30
ans après, l'industrie européenne concernée
a quasiment disparu. Cherchez l'erreur.