Sciences,
technologies et politique
Propositions
pour le sommet Défense de décembre 2013
Collectif. Jean-Paul Baquiast, Christophe Jacquemin et
al. 30/07/2013
Notre"Collectif" regroupe, outre les auteurs
principaux, quelques personnes qui ont approuvé cet
article mais souhaiteraient le discuter de façon plus
approfondie avant de le co-signer éventuellement.
Il
faut noter que certaines
des propositions mentionnées, notamment dans la seconde
partie, sont le fruit de travaux des 13
associations EuroDéfense et que ce réseau
d'influence, armé de compétences reconnues,
les a présentées aux autorités bruxelloises
dans le cadre de la préparation du sommet de décembre.
Introduction
Le 14
décembre 2012, les chefs d'Etat et de gouvernement
de l'Union avaient convenu de remettre les questions militaires
à l'ordre du jour et de les évoquer lors d'un
sommet prévu en décembre 2013. Dans leur déclaration
finale, ils avaient souligné l'importance de renforcer
l'efficacité de la politique commune de sécurité
et de défense compte tenu du basculement stratégique
des Etats-Unis vers la région Asie-Pacifique.
A cette fin, il avait été demandé aux
services de Catherine Ashton, haute-représentante de
l'Union pour les affaires étrangères et la politique
de sécurité, de soumettre des propositions d'ici
à septembre 2013, et cela, en relation avec l'Agence
européenne de Défense (AED), dont la finalité
est de promouvoir la coopération entre les Etats européens
en matière de défense.
Ce travail devait se faire selon trois axes. Le premier viserait
à rendre plus efficace la politique européenne
en matière de prévention et de gestion des conflits
et, le cas échéant, de renforcer les moyens
tant civils que militaires d'intervention.
Le second aurait pour objet d'identifier les doublons ainsi
que les lacunes capacitaires militaires et de faciliter les
coopérations, voire des mutualisations, entre les Etats
membres afin de développer ou de maintenir des capacités
militaires (concept Pooling and Sharing).
Enfin, le dernier concernerait l'industrie européenne
de l'armement, notamment en facilitant le synergies en matière
de recherche et développement entre les secteurs civils
et militaires et en promouvant les directives relatives aux
marchés publics de la défense.
La Commission
européenne vient de faire des propositions intéressant
le sommet. Elle envisage de lancer un projet pilote - une
centaine de millions d'euros sur trois ans - afin de soutenir
différentes technologies à usage dual (militaro-civil),
comme les drones, les équipements de communication,
ou la détection d'armements chimiques, bactériologique
et nucléaires. Cette démarche est positive.
Mais elle n'intéresse qu'une petite partie des questions
que devrait aborder le traité, les technologies militaires
D'autre part, et compte tenu sans doute des incertitudes concernant
le budget de l'Union, elle fait montre d'une grande timidité.
Les auteurs
de la présente note souhaitent sous leur responsabilité
personnelle apporter leur contribution aux travaux du Sommet
de décembre. Sachant en effet le nombre des obstacles
que rencontre depuis des années le concept d'Europe
de la défense, ils ont jugé utile de préciser
leur point de vue en amont des travaux officiels. Il s'agit
d'une approche commune nécessairement a minima, qui
sera utilement complétée par la lecture des
sources citées en référence.
Ajoutons
qu'un ou plusieurs séminaires interactifs en ligne
pourraient être organisés d'ici décembre
afin de faire participer le public à la réflexion
sur les sujets évoqués ici.
Ceux qui
comme nous ici constatent les dangers de la démission
de l'Union européenne en matière de sécurité
et de défense commune prendront acte des bonnes intentions.
de la Commission. Mais les bémols sont innombrables.
D'une part la plupart des Etats refusent encore d'investir
dans les matières de défense, affirmant que
leur participation à l'Otan (sous leadership américain)
suffit à cet égard. D'autre part la Grande Bretagne
montre en permanence que sous couvert de défense européenne
elle continue plus que jamais à servir de bras avancé
à l'Amérique. Le rôle déterminant
(cf ci-dessous) qu'elle joue par ailleurs, en relais de la
NSA, dans l'espionnage des projets politiques et industriels
européens devrait enlever beaucoup d'illusions concernant
la portée des affirmations de Mme Ashton.
De plus, dans les futures négociations en vue du grand
marché transatlantique, dans lesquelles la Commission
de Jose Manuel Barroso s'est engagée tête en
avant, la décision d'exclure les contrats militaires
n'a pas encore été prise. On devine pourquoi
les Etats-Unis s'y opposeront jusqu'au bout.
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Le concept d'Europe de la défense semble de plus en
plus évanescent. Pourtant, il devrait être plus
que jamais prioritaire. Rappelons qu'il désigne la
mise en place par divers Etats européens de moyens
et de politiques de défense autonomes, destinés
à faire face aux menaces spécifiques ou non
pouvant concerner les pays européens dans les prochaines
années.
Nous nous
proposons ici d'aborder, dans une première partie,
l'évaluation des menaces justifiant une politique européenne
de défense et dans une seconde partie quelques propositions
minima permettant de renforcer les capacités d'Europe
de la défense.
Avant
propos. La défense européenne au sein de l'Otan.
Le poids de l'Amérique
En avant propos, le lecteur trouvera ici quelques considérations,
qui ne sont pas nécessairement validées par
l'ensemble des personnes associées à la rédaction
de la présente note, concernant le rôle de l'Europe
dans l'Otan.
Le président
de la République française François Hollande
n'a pas souhaité remettre en cause les décisions
de ses prédécesseurs concernant la participation
de la France à l'Otan. Nous devons donc reconnaître
que l'Alliance atlantique existe, que nous en faisons partie
et que nous serions sans doute heureux de la trouver dans
de multiples circonstances. Mais ceci ne devrait nullement
empêcher l'Europe de viser l'autonomie stratégique
nécessaire lorsque les intérets américains
et européens divergent.
Or les auteurs du présent avant-propos constatent,
à la suite de nombreux évènements auxquels
l'actualité fait une grande publicité, que ces
divergences paraissent s'accentuer aujourd'hui.
Sur
l'Otan, l'article
référencé ici de Wikipedia fournit
un grand nombre d'informations factuelles ou d'opinions que
nous ne pouvons évidemment pas reprendre et moins encore
discuter ici. Les lecteurs du présent article devraient
cependant pour bien faire en avoir les grandes lignes à
l'esprit.
On doit distinguer le concept d'Europe de la défense,
qui nous intéresse ici, de celui de défense
européenne, qui a jusqu'à présent été
utilisé pour désigner la participation d'un
certain nombre de pays européens à l'Otan, sous
la supervision des Etats-Unis. La distinction n'apparaîtra
pas évidente aux profanes, mais elle est essentielle.
Elle permet de distinguer plus généralement
entre une Europe, y compris au sein de l'Union Européenne,
très largement soumise à l'influence américaine
et une Europe encore en grande partie idéale qui disposerait
d'une souveraineté politique (et militaire) correspondant
à son statut de 2e puissance économique mondiale.
Les pays européens membres de l'Otan affirment certes
qu'ils contribuent à la défense européenne,
mais il faut bien voir que les adversaires éventuels
contre qui intervenir, les buts de ces interventions et finalement
les armements utilisés sont essentiellement définis
par le Pentagone et le Département d'Etat. Les gouvernements
européens sont constamment invités à
suivre la voie tracée par les Etats-Unis.
Or aujourd'hui cette voie se révèle de plus
en plus périlleuse et inutilement coûteuse. Elle
est périlleuse car la diplomatie américaine,
notamment au Moyen-Orient, semble incapable de définir
des politiques cohérentes. L'objectif principal reste
ce qu'il a toujours été: préserver les
sources d'approvisionnement et les routes de communication
dont disposent les Etats-Unis, par l'intermédiaire
d'une alliance avec les monarchies pétrolières
du Golfe. Mais nul n'est capable de dire si cela impliquera
une attaque de l'Iran, un soutien plus ou moins affirmé
à Israël, une intervention armée en Syrie,
le durcissement des relations avec la Russie, toutes décisions
qui pourraient entraîner non seulement des bouleversements
profonds bien au delà du Moyen Orient et du golfe Persique,
mais aussi par répercussion des dommages et troubles
en Europe même.
Par ailleurs les Etats-Unis, comme évoqué d'ailleurs
dans les considérants de la Commission intéressant
le sommet de décembre, ont reconverti une partie de
leurs moyens militaires vers l'Asie du sud-est. Il s'agit
de faire face à de possibles menaces venant de la Chine
et de la Corée du Nord, susceptibles d'affecter non
seulement leurs intérêts dans cette partie du
monde mais aussi ceux de leurs alliés traditionnels.
Ceci ne veut pas dire qu'ils se désintéresseront
de l'Atlantique-Nord, compte tenu de leur désir de
contenir tout retour de la puissance militaire russe, mais
qu'ils compteront de plus en plus sur les Européens
pour s'engager à leur place, évidemment sous
leur contrôle. Or l'Europe devrait désormais
considérer comme une de ces priorités ses relations
de divers ordres avec ce que certains nomment l'espace stratégique
euro-asiatique.
Or l'engagement des Etats européens au service de la
politique américaine implique pour les membres européens
de l'Otan une participation très coûteuse au
BMD/Europe, c'est-à-dire au système de défense
anti-balistique que le Pentagone a décidé d'implanter
aux frontières européennes avec l'Eurasie. Ce
« bouclier » est censé protéger
les pays européens contre l'envoi de missiles à
longue portée provenant de l'Iran. Mais en fait il
est conçu comme devant rendre impossible une éventuelle
« deuxième frappe » russe, celle
qui surviendrait après une frappe occidentale sur la
Russie. Il rompt donc l'équilibre des forces qui a
jusqu'ici été à la source de la dissuasion
mutuelle ayant assuré la paix entre l'Est et l'Ouest
jusqu'à ce jour. La Russie ne peut que réagir
en renforçant ses propres moyens défensifs et
offensifs. De plus, au plan technique, le BMDE, sauf à
impliquer des dépenses bien supérieures, ne
peut absolument pas garantir l'efficacité absolue qui
serait en principe nécessaire pour protéger
l'Europe et Israël d'une frappe atomique.
Un élément
politique d'une importance capitale est par ailleurs survenu
au début de l'été 2013. Il s'agit de
l'affaire dite PRISM/NSA/Snowden qui a mis en évidence
l'espionnage américain tous azimuts touchant non seulement
l'ensemble des pays européens mais aussi les citoyens
américains eux-mêmes sur le territoire de l'Union.
On peut considérer cette affaire comme révélant
l'étendue du contrôle qu'assurent désormais
les intérêts américains sur l'ensemble
du monde, par l'intermédiaire des réseaux numériques
dont ils se sont donné la maîtrise ce
que l'Europe n'a pas voulu faire. Les enjeux géostratégiques
en découlant devraient intéresser en premier
lieu les gouvernements et les parlementaires européens.
On découvre que le système politico-industriel,
technoscientifique et médiatique américain a
mis en place depuis quinze ans un dispositif de prise de pouvoir
qui se comporte aujourd'hui comme une bastille imprenable.
Ce système repose deux piliers. Le premier consiste
en la mise en mémoire devenue globale, notamment dans
le centre de l'Utah géré par la National Security
Agency (NSA), de l'ensemble des informations personnelles
et économiques émises dans les réseaux
numériques par les milliards d'utilisateurs de l'internet
et des objets portables dits intelligents. Les informations
sont soit piratées, soit fournies bénévolement
par tous les utilisateurs des opérateurs téléphoniques
et des entreprises américaines de l'Internet: Google,
Microsoft, Facebook, Skype, etc. Les cibles de l'espionnage
sont en premier lieu l'ensemble des entreprises européennes
civiles et militaires, en second lieu l'ensemble des acteurs
gouvernementaux et administratifs européens. Un de
nos amis, Jean-Claude Empereur, avait publié il y a
plus d'un an sur ce site un article de mise en garde : War
Games at Crypto-city. .
Il ne faut pas être grand clerc pour suggérer
que la préparation du Sommet européen de décembre
est évidemment suivie de près, comme tout évènement
européen significatif, par la NSA et les autres agences
américaines. De plus, les révélations
ayant faite suite à celles de l'affaire PMRISM/NSA/Snowden
ont montré le rôle déterminant joué
par la Grande Bretagne dans la captation et la livraison aux
Etats-Unis des données circulant par les réseaux
transatlantiques notamment sous-marins.
Le deuxième pilier de la puissance américaine,
qui se révèle seulement aujourd'hui dans toute
son étendue, repose sur le fait que les bases de données
ainsi mémorisées sont dorénavant lues
et analysées, non par seulement des opérateurs
humains dont le nombre serait insuffisant, mais par des programmes
logiciels développés à partir de milliards
de dollars de contrats par des entreprises de haute technologie
spécialisées dans la recherche et le contrôle.
Il s'agit d' « algorithmes statistico-probabilistes » confidentiels,
qui sont essentiel dans ce que l'on nomme désormais
les cyberguerres.
Ajoutons que ces programmes sont en train de devenir autonomes
et co-actifs. Dans un premier temps, ils peuvent suggérer
à des opérateurs humains des actions de recherche
et éventuellement de destruction visant telle ou telle
personne physique ou entreprise dont l'existence serait jugée
hostile aux intérêts américains. Très
vite, ils prendront eux-mêmes, sans mandat explicite,
des décisions d'incapacitation. Ceci non seulement
dans la lutte dite contre le terrorisme, mais dans tous les
champs de compétition où l'Amérique se
confronte au reste du monde. Les autres grandes puissances
commencent à disposer de tels programmes, la Chine
en premier lieu, et l'Europe dans une faible mesure. Mais
la domination de l'Amérique y est écrasante.
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Compte
tenu de cette suprématie de l'Amérique, si la
participation des pays européens à la défense
européenne à travers l'Otan suscite beaucoup
d'interrogations, tout au moins dans les pays qui voudraient
conserver un minimum d'indépendance, ceci ne veut pas
dire que l'Europe ne devrait pas se doter d'une défense
commune destinée à faire face à d'éventuelles
menaces. Le principe d'une Europe de la défense a été
acquis dans le cadre des traités européens.
Mais elle se heurte à un nombre croissant de difficultés,
soit politiques soit budgétaires. Cependant avant d'étudier
les conditions dans lesquelles une telle Europe de la défense
pourrait aujourd'hui être organisée ou réorganisée,
il faut préciser les menaces auxquelles elle devrait
faire face et les réponses spécifiques envisageables.
Première
Partie. Les menaces justifiant une politique européenne
de défense
Ce recensement
des menaces est d'autant plus nécessaire que les personnes
interrogées sur l'opportunité d'une défense
européenne répondent généralement
que l'Europe n'a plus d'ennemis et que cette défense
ne s'impose pas. Or un peu de réflexion prospective
montre qu'il n'en est rien. Il ne serait certes pas réaliste
de recenser tous les risques théoriquement envisageables,
ni toutes les protections qu'ils appelleraient. On se bornera
ici à évoquer les risques les plus probables,
tels qu'ils pourraient apparaître dans une perspective
stratégique à dix-quinze ans.
On notera
que les attaques éventuelles prendront d'abord une
forme terrestre, navale ou aérienne classique. Mais
elles porteront de plus en plus sur les moyens civils ou militaires
déployés dans l'espace, pour les télécommunications
et les services spatiaux, comme pour la défense spatiale
proprement dite. Plus largement, ce sera l'ensemble des développements
techno-scientifiques en cours qui pourraient receler des menaces
qu'il conviendra de recenser.
1.1. La menace d'une attaque nucléaire.
Il paraît aujourd'hui hautement improbable qu'une telle
attaque puisse provenir de la Russie ou d'Israël, et
moins encore des Etats-Unis. Il ne faut pas cependant l'exclure
en principe. Par contre, le nombre des Etats nucléaires
actuels (Chine, Pakistan, Inde, ) ou futurs probables (Iran,
Corée du Nord...) est suffisant pour que la menace
demeure sérieuse. Une prolifération paraît
de toutes façons inévitable à terme de
quelques décennies. L'attaque peut venir aussi de groupes
activistes s'étant procuré des bombes, avec
ou sans la complicité de ces Etats, et s'en servant
contre l'Europe. Plus généralement beaucoup
de stratèges estiment qu'il faudrait assimiler à
une attaque nucléaire des attaques de grande ampleur
par moyens classiques pouvant avoir des effets très
voisins, et auxquelles il serait légitime de riposter
par une frappe atomique adaptée.
Ces perspectives justifient que les Etats européens
(France, Grande-Bretagne) disposant de l'arme atomique et
de ses vecteurs puissent l'utiliser pour leur compte ou pour
le compte d'autres pays européens ayant accepté
de participer à une mutualisation de cette arme. Nous
reviendrons sur ce point en conclusion.
1.2. Une menace d'attaque par armes
de destruction massive (ADM).
Celles-ci ne sont pas d'utilisation facile, car elles peuvent
se retourner contre leur utilisateur initial. Mais aux mains
de pays ou de groupes armées n'ayant rien à
perdre, elles représentent un facteur très important
de chantage. Le progrès technologique enrichira constamment
l'arsenal de telles armes, rendant des protections adaptées
à chacune d'elles toujours plus difficiles et coûteuses
à obtenir. Les pays européens, sauf à
rester sans défense, devront cependant, là encore,
mutualiser des moyens de protection mais aussi de riposte.
1.3. Les cyberattaques.
Le risque est à l'ordre du jour partout dans le monde.
Il est de plus en plus sérieux. Il découle de
la fragilité grandissante des sociétés
technologiques, fragilité d'autant plus grande en Europe
que les territoires y sont densément équipés
et interconnectés. Les cyberattaques sont multiformes.
Il y a d'abord les centaines de milliers de pénétrations
ou tentatives de pénétration par jour qui assiègent,
y compris en Europe, les entreprises, les universités
et centres de recherche, ainsi que les réseaux techniques.
Leur origine est difficile à préciser. Mais
elles se trouvent principalement dans des serveurs et centres
techniques hébergeant des technologies de pénétration,
aux mains d'administrations dédiées à
ce rôle, mais aussi d'activistes dont les motivations
sont très différentes (hackers).
En pratique,
ce sont tous les réseaux, électriques, de télécommunication,
de gaz, d'eau, financiers, Internet et finalement de sécurité-défense
qui sont accessibles à des attaques provenant soit
d'Etats, soit de groupes activistes, soit même d'individus
s'étant dotés de la compétence nécessaire.
Il en est de même des services publics et entreprises
assurant des fonctions vitales.
Le nombre des Etats ou de groupes potentiellement menaçant
est aujourd'hui très élevé. De grands
Etats tels la Chine investissent massivement dans ce but,
mais de nombreux autres, par exemple l'Iran, ont récemment
montré leurs compétences. De nombreuses attaques
d'origine mal identifiées sont quotidiennement enregistrées
par les institutions publiques et les entreprises européennes.
Les Agences américaines ne se privent pas d'attaquer
eux-mêmes les Européens. Depuis le début
de l'ère électronique, la CIA et la NSA ont
espionné leurs « alliées »,
par l'intermédiaire notamment du réseau Echelon.
Nous venons de voir ce qu'il en est aujourd'hui avec les nouveaux
moyens dont disposent la NSA, les agences de renseignement
et finalement le Pentagone. Des projets de bien plus grande
ampleur sont actuellement en cours de mise en place. Si ce
n'est de la guerre ouverte, c'est au moins de la guerre économique.
La protection préventive est difficile et coûteuse.
Elle implique des mesures d'équipement (éviter
les interconnexions excessives, crypter, mettre en place des
relais ou secours (back-up) et des contre-mesures. Elle suppose
aussi d'engager en permanence une protection « offensive »,
visant notamment à détecter et neutraliser les
agresseurs jugés insupportables. Le tout, concernant
l'Europe, est pratiquement impossible, car une véritable
mutualisation des moyens et des contre-mesures s'imposerait,
avec des investissements technologiques se chiffrant en dizaines
de milliards d'euros. On gardera par ailleurs à l'esprit
que, s'agissant d'une véritable guerre souterraine,
la mutualisation rencontre vite des limites.
Il existe cependant des propositions visant à renforcer
les capacités défensives et offensives des pays
européens dans la perspective du développement
inévitable des cyberguerres. Il est prématuré
d'en traiter ici. Nous nous bornerons à évoquer
une démarche visant à observer afin de s'en
défendre l'invasion par des "algorithmes"
intelligents (voir la note de Thierry Berthier : Créons
l'Observatoire des Évolutions Algorithmiques !)
Il faut savoir que pour le gouvernement américain,
la cyberguerre présente des menaces de sécurité
nationale telles qu'une cyberattaque massive justifierait
une réaction avec des moyens classiques, voire nucléaires,
appropriés. Encore faudra-t-il identifier l'agresseur.
1.4. Les risques liés à
l'aggravation de la destruction des écosystèmes
Cette destruction, résultant de multiples causes concourantes,
s'accentuera inévitablement dans les prochaines décennies.
Elle se conjuguera avec la natalité toujours croissante
provenant des pays pauvres. De nombreuses réactions
dangereuses en découleront, dont l'Europe, bien que
moins atteinte, ne pourra pas se tenir à l'écart.
Il s'agira par exemple d'activités illégales,
souvent armées, aux frontières, d'immigrations
plus ou moins massives dites de la misère (donc difficiles
à contenir par les armes), voire de véritables
offensives provenant, avec ou sans leur complicité,
des pays les plus touchés.
On mesure aujourd'hui, avec la démission de fait de
nombreux gouvernements, y compris européens, devant
les groupes armés et maffias prospérant grâce
aux trafics les plus divers, la difficulté que rencontrent
les Etats organisés pour s'opposer à de tels
adversaires. Ils trouvent des relais au sein même des
populations, sinon des complicités au sein des institutions.
Jusqu'à présent, les Etats européens
ont fait face à ces risques avec des moyens civils
classiques non mutualisés: douanes, police aux frontières,
police et gendarmerie. Ce n'est exceptionnellement que des
moyens militaires ont été mobilisés en
commun: lutte contre la piraterie maritime par exemple, prévention
de l'immigration illégale maritime en Méditerranée.
Les Etats-Unis au contraire mobilisent pour la défense
de leurs frontières des forces considérables,
relevant de la garde nationale et souvent de l'armée.
Il est évident que de telles mesures obligent à
identifier et nommer des « ennemis »
éventuels, provenant des pays pauvres où ils
trouvent leurs bases arrières. Dira-t-on pour autant,
notamment en Europe, qu'il faudra à l'avenir s'armer
contre les gouvernements, le cas échéant africains,
qui toléreront ou organiseront des migrations massives
en direction du nord de la Méditerranée ?
1.5. Les guerres de 4e génération
(G4G) et le terrorisme.
Les présidents américains ont, dans la suite
des attentats du 11 septembre, organisé une mobilisation
massive de l'ensemble de leurs moyens civils et militaires
dans la lutte de ce qu'ils ont nommé le terrorisme
(global war on terror). Ils ont conduit sous ce prétexte
des guerres ruineuses et inefficaces au Moyen-Orient, en y
entraînant la plupart de leurs alliés européens.
Ces guerres ont été d'abord dirigées
contre certains Etats de la région (Irak de Saddam
Hussein, Afghanistan talibane) mais aussi plus généralement
contre des organisations armées islamiques se référant
à la guerre sainte contre l'Occident. Dans la suite
des affrontements avec l'Amérique en résultant,
ces organisations politico-militaires ont généralisé
les méthodes dites de la guerre du faible au fort ou
G4G.
Celles-ci, conduites au sein de populations généralement
favorables, se révèlent redoutablement efficaces.
Elles obligent toutes les armées du monde à
repenser ou tout au moins adapter leurs dispositifs. L' Europe
pour sa part n'y a été que marginalement confrontée,
sauf au sein des coalitions conduites par les Etats-Unis.
Elle devra inévitablement se préparer en son
nom propre, tant au plan de la sécurité civile
qu'au plan militaire, à faire face à de telles
guerres de 4e Génération. Tous ses ennemis potentiels
ne manqueront pas d'y recourir. Il est certain qu'il ne s'agira
pas de prétendre seulement lutter contre le « terrorisme »
pour résoudre les difficultés techniques et
politiques découlant de la conduite de telles « guerres ».
Aujourd'hui, l'offensive menée contre Bashar Al Assad
en Syrie par des oppositions très variées, mollement
soutenues par les Etats européens et les Etats-unis,
se traduit par une montée rapide de groupes dhjiadistes
tel le Front Al Nusra. Ils ont pour ambition proclamée
d'établir à Damas un "califat islamique"
censé rayonner non seulement sur la Syrie mais sur
une partie du Moyen-Orient et même l'Europe. Celle-ci
est directement concernée car de jeunes "volontaires
de la guerre sainte" sont de plus en plus recrutés
au sein des populations musulmanes pour combattre en Syrie
et revenir mener des actions de type G4G en Europe même.
Ce ne seront donc pas les Etats-Unis qui supporteront directement
les conséquences de la défense de leurs intérêts
pétroliers et politiques au Moyen-Orient, mais l'Europe
toute entière.
La guerre contre ce type de terrorisme implique principalement
pour le moment les forces de police et les services de renseignement,
sans d'ailleurs de coordination encore bien organisée
entre les Etats européens concernés. Mais si
la situation s'aggravait, comme il est probable, il faudrait
revoir en profondeur l'ensemble des réflexions sur
les menaces et les moyens de défense à déployer.
1.6.
Les insurrections civiles internes.
Beaucoup d'observateurs politiques estiment que dans quelques
mois ou années, si la crise globale dont souffre le
capitalisme financier et industriel européen s'aggravait,
pourraient se développer partout en Europe des révoltes
spontanées sur le modèle des "Indignés"
espagnols ou des manifestants grecs contre le "memorandum"
imposé par le FMI et l'Union européenne. Les
oligarchies européennes menacées par de tels
mouvements auront vite fait d'y voir des menaces contre l'ordre
établi (ce que l'on nomme de plus en plus le Système)
justifiant des répressions sévères susceptibles
de ruiner le consensus démocratique dont l'Europe pouvait
se féliciter jusqu'à présent.
La répression qui serait nécessairement confiée,
sauf à faire appel à des milices, aux forces
de police ou à l'armée diviserait profondément
celles-ci, rompant leur bonne insertion dans le corps social.
Il est évident que tout devrait être fait par
les partis politiques et les responsables des institutions
publiques, sans mentionner les structures citoyennes, pour
éviter de pousser des éléments de la
jeunesse à des révoltes massives, suivies de
répressions elles-mêmes massives. Il s'agirait
d'une véritable catastrophe pour l'idéal européen.
La question est particulièrement délicate. La
prévention des manifestations de rues violentes, l'identification
et la poursuite des « fauteurs de trouble »
feront de plus en plus appel à des techniques d'intelligence
artificielle difficilement contrôlables par les hiérarchies
policières et la justice. Des abus de droit seront
inévitables, entraînant de nouvelles réactions
violentes. Le risque concerne particulièrement les
forces de police, mais dans la mesure où l'armée
sera de plus en plus impliquée dans le maintien de
l'ordre public, les autorités militaires ne pourront
pas se désintéresser de la question.
Or certains pays européens, n'ayant pas une grande
tradition dans la protection des données publiques,
n'ont pas l'intention de rester à l'écart des
développements qui se dessinent. Nous citerons à
titre d'exemple le projet européen INDECT. Sélectionné
par le programme de recherche et développement de la
commission européenne FP7, INDECT fait bien peu parler
de lui au regard des enjeux majeurs quil sous-tend en
termes de sécurité collective sur lespace
public, de liberté individuelle et déthique.
Voir
un article détaillé sur ce sujet
1.7.
Les catastrophes naturelles, biologiques ou géophysiques
Les moyens
militaires sont utilisés, en relais direct des moyens
civils, voire en première ligne, dans la réaction
aux catastrophes naturelles et la protection des populations.
Les Etats qui, faute de forces de défense, ne peuvent
pallier les conséquences de telles catastrophes, sont
au sens propre du terme désarmés. Il est inutile
de développer ici ce point bien connu. Nous pouvons
cependant souligner deux questions insuffisamment documentées.
D'une part, les catastrophes biologiques risqueront de se
multiplier avec le réchauffement climatique: pandémies
et mutations inattendues, par exemple. D'autre part les catastrophes
géophysiques ou cosmologiques, bien que rares et peu
probables, peuvent toujours survenir à l'improviste.
On évoque généralement des chutes d'astéroïdes.
Mais il faut y inclure les mouvements de terrain, tremblements
de terre et tsunamis. D'où la nécessité
de ne pas baisser la garde, même en Europe, bien que
celle-ci soit relativement à l'abri de tels phénomènes.
Deuxième
partie. Organiser l'Europe de la défense. Quelques
mesures d'urgence.
On peut
constater à la lecture de cette courte liste, la façon
dont le spectre des attaques possibles élargit le concept
de défense, et oblige à diversifier les armes.
Progressivement, c'est la notion même de monde en paix,
paix même relative, qui perd de son sens. Tout en évitant
de tomber dans la paranoïa, il faudra bien convenir que
nos sociétés sont en guerre les unes avec les
autres...comme d'ailleurs elles l'ont toujours été.
Seuls les naïfs pourraient persister à le nier.
Ceci ne veut pas dire que ces sociétés devront
se militariser radicalement et refuser les acquis récents
de la protection des droits civiques. Il faudra par contre
intégrer systématiquement dans tout projet de
quelque ampleur les moyens humains et matériels permettant
à ce projet d'assurer sa propre défense.
Une Europe puissance capable de faire entendre sa voix dans
l'équilibre géopolitique et géostratégique
de la planète serait en premier lieu une Europe capable
de défendre son territoire et ses populations en cas
d'attaques visant les intérêts vitaux de l'un
ou de l'ensemble de ses membres, attaques dont nous venons
de voir qu'elles ne seront pas seulement militaires au sens
propre du terme.
Chaque Etat européen s'est doté, depuis la seconde
guerre mondiale, de moyens propres lui permettant en principe
d'assurer sa sécurité et sa défense,
y compris si nécessaire hors Otan. Mais ceux-ci sont
très disparates d'un pays à l'autre, très
peu coordonnés et globalement très insuffisants.
Il est donc difficile, sinon impossible, d'assurer leur interopérabilité.
Face aux menaces, qu'elles soient traditionnelles ou nouvelles,
il faudrait reconsidérer très complètement
la façon d'obtenir des ripostes communes. On constate
aujourd'hui, par exemple, qu'un Etat européen aussi
prospère qu'est l'Allemagne manque de l'essentiel des
hommes et des équipements qui lui permettraient, non
seulement d'assurer sa propre défense, mais même
de participer à des actions d'une ampleur suffisante
avec ses voisins.
Il existe cependant dans le cadre de l'Union européenne
des dispositifs qui permettraient d'affirmer en attendant
mieux un minimum de responsabilité géopolitique.
En matière de structures, on pourrait admettre que
celles mises en place par le Traité de Nice, complétées
par les dispositions prévues au Traité de Lisbonne,
pourront constituer l'ossature sur laquelle pourrait se bâtir
une véritable Défense Européenne. Le
Comité Politique et de Sécurité (CPS),
le Comité Militaire et l'Etat-Major de l'Union Européenne
(CMEA), l'Agence Européenne de la Défense pourraient
être les uns et les autres les éléments
de base d'une défense autonome, s'ils étaient
sous-tendus par une volonté politique d'indépendance
de la part des Etats membres de l'Union.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier les possibilités
offertes par le traité de Lisbonne, notamment la Coopération
Structurée Permanente (CSP) et dans une moindre mesure
les coopérations renforcées qui sont en fait
plus limitées dans leurs objectifs et qui de plus nécessitent,
selon les termes du traité, la participation d'au moins
9 partenaires.
La lettre
au président Van Rompuy qu'EuroDéfense vient
d'envoyer insiste bien sur la Coopération Structurée
Permanente qui consisterait en fait à faire "un
eurogroup défense" . C'est en cela que l'initiative
dite de "Weimar plus" (Weimar -Espagne-Italie) peut
sembler le point de départ idéal pour lancer
cette Coopération structurée permanente, à
laquelle la Grande-Bretagne est évidemment opposée
(alors qu'elle a signé le traité de Lisbonne...)
Notre point de vue c'est qu'il faut lancer cette CSP sans
le Royaume-Uni, éventuellement en intergouvernemental
si celui-ci met son veto au niveau communautaire. Il s'agit
cependant d'un pas difficile à franchir pour bon nombre
de nos partenaires européens et il faut bien reconnaître
qu'il sera très pénalisant de se priver de la
Grande-Bretagne dans un domaine où elle reste particulièrement
efficace.
Ajoutons que pour mettre en oeuvre concrètement ces
dispositifs, il faudra tenir compte
des évolutions en cours touchant le coeur même
des institutions européennes:
-Clivages croissants entre l'Europe des 28 partagée
entre des influences dont certaines, d'origine atlantistes,
s'opposent depuis longtemps à une défense européenne,
et un eurorogroupe qui pour survivre devra devenir beaucoup
plus fédéraliste et ne pourra pas en conséquence
se désintéresser des questions de défense
vu sous l'angle de la garantie de sa propre souveraineté
Renforcement du pouvoir des parlements qui ne pourront
plus déléguer aux seuls militaires la responsabilité
de la défense européenne
Poids croissant de la crise économique qui imposera
de supprimer les double-emplois en matière de moyens,
et d'optimiser ceux retenus, dans le cadre de politiques industrielles
communes dites duales, c'est-à-dire bénéficiant
à la fois aux industries civiles et au secteur de l'armement.
Pour le moment les efforts budgétaires de la presque
totalité des Etats membres se situent très en
dessous de 2% du PIB, ratio qui est considéré
comme étant le seuil minimum nécessaire
pour disposer d'un outil de défense suffisamment performant
dans la totalité de l'éventail des menaces.
De plus la coordination des efforts de défense est
très insuffisante, les Etats ne consacrant à
la politique européenne de sécurité et
de défense (PESD) qu'une part très modeste de
leur budget de défense.
L'autonomie de la défense européenne supposerait
que l'Union Européenne inscrive à son budget
les crédits nécessaires pour assumer la défense
collective et que l'Agence Européenne de Défense,
en charge de la préparation de l'avenir, notamment
en ce qui concerne la R&D de défense et la base
industrielle et technologique de défense de l'Europe,
soit dotée de moyens financiers à la hauteur
des enjeux.
Chaque gouvernement en Europe commence à se persuader
qu'il doit piloter une politique active d'investissements
visant à sa ré-industrialisation. C'est dans
ce cadre que s'impose l'objectif de relancer et mutualiser
les investissements, d'un pays à l'autre et aussi,
ce qui est plus difficile, d'un secteur industriel à
l'autre, sans distinguer initialement entre le civil et le
militaire. L'interpénétration des technologies
devrait faciliter cette approche. On fera valoir que le pillage
des compétences par les pays non-européens concurrents
de l'Europe en sera facilité. Mais mieux vaut cela
qu'accepter de stagner dans des activités n'intéressant
personne, ce que beaucoup de pays européens semblent
aujourd'hui résignés à faire.
Pour ce qui est des moyens de défense eux-mêmes,
l'autonomie stratégique de l'Union Européenne
devra se traduire au moins dans les domaines-clés suivants,
ce qui bien entendu remettrait en cause l'appartenance de
l'Europe à l'Otan sur les bases actuelles :
- Une chaîne européenne de commandement
opérationnel complète et permanente,
- La maîtrise de l'espace de façon
à disposer de systèmes satellitaires d'observation,
de communication et de localisation au service d'une Agence
Européenne du renseignement stratégique,
- La possession de moyens de transport stratégiques
aériens et maritimes en nombre significatif,
- L'intégration de systèmes
de défense interopérables susceptibles de mener
un combat de haute intensité dans la durée,
- Un système propre de défense
anti-missile et/ ou une capacité de dissuasion nucléaire
au niveau de l'Union Européenne,
- Une base industrielle et technologique
européenne de défense, compétitive aux
plans technique et économique.
On ajoutera
à ce qui précède une politique active
dans le domaine de la guerre numérique permettant -
si faire ce pouvait - d'offrir pour les objectifs civils et
militaires jugés stratégiques des services et
des algorithmes protégés, alors que l'ensemble
du domaine est actuellement sous le contrôle des entreprises
du Net américaines, de la NSA et des agences associées.
Dans l'immédiat,
nous préciserons ici trois catégories de propositions
qui paraissent un minima pour donner vie au concept d'Europe
de la défense.
2.1. Renforcer la crédibilité
des capacités de réaction rapide de lUE
et en particulier des Groupements Tactiques (Battle groups)
Le concept
des Groupements Tactiques 1500, plus connu sous lappellation
de Battle Groups ou BGs, est né en 2004 dune
proposition franco-britannique soutenue par lAllemagne,
puis adoptée par le Conseil. Il résultait de
la conjonction de deux facteurs conjoncturels.
Le premier était le constat du besoin de forces de
réaction rapide capables dintervenir sur très
court préavis au tout début dune crise
violente, avant quelle ne dégénère.
Le second était lopération Artémis
conduite avec succès par lUnion Européenne
en République Démocratique du Congo en 2003,
qui montrait quune force de 1500 à 2000 hommes
bien entraînés, construite autour dun bataillon
dinfanterie et de ses soutiens convenait pour gérer
des situations de crise de basse intensité loin des
frontières de lEurope.
Ainsi
fut dessinée la structure des BGs, puis réalisé
le tour dalerte des BGs 1500 bi-, tri- ou multinationaux
constitués par les Etats membres de lUnion (2
BGs en alerte avec rotation tous les 6 mois). Pourtant, 9
ans après leur création, force est de constater
que les BGs nont été utilisés dans
aucune opération de lUnion et que la désaffection
et le désintérêt des contributeurs ont
succédé à lengouement initial.
Cependant,
quelle que soit la réalité de ce constat, les
carences du concept de BG ne sauraient remettre en question
le besoin de forces de réaction rapide pour permettre
à lUnion de gérer efficacement les situations
de crise dans lesquelles ses intérêts sont engagés.
En fait les carences du concept sont à la fois de nature
politique et opérationnelle.
Sur le plan politique, la décision dengagement
de troupes nationales dans une opération (de lUnion,
de lOtan, ou nationale) dépend du niveau dintérêt
des Etats, de leur acceptation des risques de lopération
et de leur confiance dans les moyens disponibles pour être
engagés. Cest à partir de ces trois éléments
que lengagement peut être justifié auprès
des opinions publiques. Dans le cas des BGs multinationaux,
il est nécessaire que les nations contributrices trouvent
un même niveau dintérêt dans lopération
envisagée, quelles aient confiance dans la nation
cadre du BG (celle qui fournit le bataillon dinfanterie),
quelles acceptent le même niveau de risques. La
réunion de tous ces facteurs déterminants dans
les crises actuelles et futures, parait improbable en létat
actuel de l« Europe politique » et rend
incertaine la décision dengagement des BGs.
Sur le
plan opérationnel, le concept est frappé de
« rigidité paralysante ». Dans toutes les
guerres ou engagements armés modernes, la composition
de la force à engager doit toujours être adaptée
aux nécessités de la situation et non linverse.
Or chaque situation est spécifique. La probabilité
que se présente une conjoncture correspondant à
la composition et à larmement dun BG pré-formaté
est donc relativement faible. Les forces préparées
et mises en alerte doivent être modulaires comme lillustre
le système français "Guépard"
utilisé notamment lors de lintervention au Mali
: un ensemble dunités ou de cellules cohérentes
(mêlée, appuis, soutien
) que lon
peut assembler très vite comme un meccano, en fonction
de la situation, pour en faire une force efficace. Il conviendrait
également d « interarmiser » le concept
afin de disposer de modules de réaction rapide aériens
et maritimes.
Il va de soi que la mise sur pied dun état-major
européen stratégique (OHQ) permanent est la
première mesure à prendre pour planifier et
diriger de façon crédible des opérations
de réaction rapide. Le fait de devoir accoler une chaîne
de commandement ad-hoc à un BG entraîné
et en alerte est simplement une incohérence.
La réhabilitation
des BGs passe donc par la résolution de ces deux écueils.
Le problème opérationnel est certainement le
plus simple à résoudre. Dans le cas où
lon souhaiterait maintenir le format actuel des BGs
(à environ 1500 hommes), il pourrait être utile
de co-localiser en un même lieu géographique
toutes les composantes dun même Battle Group,
de façon à améliorer demblée
sa disponibilité immédiate, son entraînement
collectif, donc son efficacité opérationnelle,
et à traduire encore plus clairement dans les faits
la volonté affichée de « mise en pool
» souvent évoquée dans les milieux politico-militaires.
La durée
de ce stationnement pourrait être dun an minimum
(6 mois de mise en condition opérationnelle et 6 mois
dalerte incluant des exercices). Ensuite, la cohésion
de ce BG pourrait être entretenue hors période
dalerte en maintenant des liens entre ses différents
modules. Il pourrait ainsi être réactivé
sur court préavis pour une autre période dalerte.
Il en résulterait graduellement une culture de travail
commune au sein de cette unité. Au-delà même
de la recherche defficacité, le stationnement
de ces unités multinationales sur le territoire de
tel ou tel Etat membre donnerait un signal fort de leur volonté
dintégration et aurait une valeur symbolique
inédite.
Dans un souci defficacité et avec une ambition
plus élevée, lUnion Européenne
pourrait aussi adopter une approche modulaire plus flexible
et décider de disposer dun volume plus important
et souple de forces de réaction rapide en alerte. Comme
dans le système français Guépard, celles-ci
pourraient avoir un volume variable allant du BG 1500 disponible
sous 48h à une brigade à 3 BGs, disponible en
une semaine. La taille et la composition des différents
modules ainsi que le régime de mise à disposition
devraient être agréés par les Etats membres.
Le planning des contributeurs serait un peu plus compliqué
à remplir, mais les Etats membres devraient en faire
un élément central de leur planification opérationnelle
et prendraient ainsi une meilleure conscience de leurs responsabilités
européennes.
La fonction intégratrice dunités multinationales
européennes qui caractérise le concept et en
marque lintérêt se verrait elle aussi renforcée.
La principale difficulté reste toutefois dordre
politique et concerne la décision dengagement.
Tant que celle-ci relèvera dun consensus intergouvernemental,
la question des intérêts nationaux et de lacceptation
des risques restera centrale et problématique, mais
des mesures facilitatrices peuvent être proposées.
Tout dabord,
une réflexion politique devrait être engagée
sur les intérêts de sécurité de
lUnion dans leur ensemble (comme le fait la présente
note) et les conditions à réaliser pour rendre
possible des opérations de lUnion. Les BGs multinationaux
pourraient être constitués en fonction de la
proximité des intérêts des nations contributrices.
Un consensus pourrait ainsi se dégager sur les zones
et les situations susceptibles de justifier une opération
de lUnion. La solidarité européenne pourrait
sexprimer dans un système de financement commun
équitable. A moyen terme, et dans le cadre de lapproche
globale de lUnion, pourrait être envisagé
lemploi dunités intégrées
européennes selon le concept des BGs avec un commandement
centralisé européen sous lautorité
du Président du conseil européen pour des opérations
humanitaires ou de réponse aux catastrophes (le rapport
Barnier de 2006 lévoquait déjà).
Quoiquil en soit, le concept de Groupement Tactique
européen dans sa définition actuelle, malgré
ses mérites dans la création dune culture
de travail multinationale européenne, doit être
revu de façon urgente, si lon veut stopper le
désintérêt progressif mais inexorable
dont il est lobjet. Il sagit de la seule réalisation
concrète et visible de forces européennes.
Les opérations militaires en Libye et au Mali donnent
une bonne indication de ce que lambition stratégique
minimale de lUnion Européenne pour son voisinage
pourrait être : la possibilité de déployer
et dopérer une force de réaction rapide
terrestre de trois brigades avec soutien aérien et
naval, et relève possible si besoin était -
une force aérienne capable dimposer une zone
« No fly » tout en donnant un appui aux opérations
terrestres garantissant une défense aérienne
(Libye).
Lexpérience
« ATALANTA » ajoute à cela la capacité
de maintenir une présence navale dans une large zone
maritime importante pour nos lignes de communication commerciales.
Dans cette formulation de lambition, ne sont concernées
que les unités de fer de lance, auxquelles doivent
sajouter les facilitateurs : renseignement, commandement,
transport, logistique.
LEurope de la Défense ne se fera pas en une seule
étape, elle ne peut être que laboutissement
de multiples petits pas dans une convergence consentie par
chacun des Etats membres. La création du concept de
Groupement Tactique a été lun des premiers
pas, la co-localisation des Groupements Tactiques serait un
pas de plus ; dautres seront nécessaires pour
franchir létape politique décisive de
leur engagement opérationnel dans une crise internationale
2.2. Rendre crédible le système
européen de commandement et de contrôle.
Les analyses sur les lacunes capacitaires sont nombreuses
et leur constat est aisé. Le Capability Development
Plan dans ses versions successives et les leçons
tirées des opérations militaires auxquelles
lUnion ou certains de ses Etats membres ont participé,
permettent de lister ces lacunes avec précision. Les
domaines concernés sont évidents : le renseignement
spatial et les drones Male (Moyenne altitude, longue endurance),
les moyens de transport stratégique et le ravitaillement
en vol, les armes de précision, linsuffisance
quantitative en hélicoptères, la surveillance
maritime.
Si les
annonces dintention de lancer des initiatives, à
géométrie variable, visant à combler
telle ou telle de ces lacunes, ne manquent pas, ce qui manque,
cest le passage à lacte. Pourquoi le Conseil
Européen, dès sa session de décembre
2013, nenjoindrait-il pas aux Etats membres, pour chacune
de ces bonnes intentions déclarées - quelles
soient suivies dinitiatives intergouvernementales ou
portées par linitiative "pooling and sharing"
de lAgence Européenne de Défense - de
rendre compte dici la fin de 2014 de la planification
de leur lancement effectif ? Plus encore que les lacunes capacitaires
proprement dites mentionnées ci-dessus, cest
labsence dune chaîne de commandement cohérente
et complète de ses opérations qui pénalise
lefficacité de la PSDC. Pour y remédier,
il paraît indispensable :
- dune part de mieux structurer le pôle "défense"
au sein du SEAE (Service Européen d'Action Extérieure)
afin de disposer au niveau politique (du Haut-Représentant)
dune capacité danalyse et de mise en oeuvre
globale de la PSDC en créant des liens hiérarchiques
et fonctionnels entre les organismes concernés (notamment
la CPPC, Capacité Permanente de Planification et de
Conduite des opérations militaire s'inscrivant dans
le champ de la CSP, Coopération Structurée Permanente).
- dautre
part de doter lUnion dune structure permanente
de planification et de conduite qui lui fait défaut
lorsquelle entend assumer la gestion des crises internationales.
Dans lintérêt bien compris de tous les
pays membres de lUnion , la création dune
Capacité permanente de Planification opérationnelle
et de Conduite des opérations Militaires (MPCC) au
sein du Service Européen dAction Extérieure
est indispensable. Il sagit dun chainon manquant
qui compromet la crédibilité opérationnelle
de lUnion.
2.3.
Renforcer lindustrie européenne de la défense
par des financements de recherche développement communs.
Les Etats financent aujourdhui sur leurs budgets nationaux
de Défense, seuls ou à plusieurs en coopération,
les développements et la production des produits «
défense », ce qui nencourage pas toujours
au choix de la coopération. La création dun
mode de financement partiel par lUnion des programmes
en coopération serait de nature à orienter plus
souvent les choix des gouvernements vers une solution européenne.
Cela devrait se faire sans que les règles que les gouvernements
ont retenues en matière de partage du financement et
des droits de propriété intellectuelle soient
modifiées par lUnion, sinon lindustrie
et les gouvernements refuseront de sengager dans les
programmes ainsi construits.
A cette fin, il serait possible douvrir une ligne budgétaire
« programmes de R&D en coopération »
pour permettre un cofinancement par lUnion des programmes
construits par les Etats, ainsi au sein de lAgence Européenne
de Défense (AED).
En amont, le Programme communautaire de Recherche/Développement
PCRD couvre avec ses règles propres la recherche à
fins non militaires et peut financer de la recherche duale.
Mais ces règles - cofinancement à 50% par lindustrie,
et dissémination des droits de propriété
intellectuelle - ne sont acceptables ni par lindustrie
ni par les Etats quand il sagit de R&D à
fins militaires (R&T). En effet, le marché militaire
(domestique et export) nest pas prévisible par
lindustrie et ne peut justifier un autofinancement autre
que marginal. Cest pourquoi le financement de la recherche
à fins militaires est du ressort des Etats, comme pour
la R&D.. Les Etats conservent ensuite la propriété
des résultats en la partageant avec les industriels.
On constate quil y a aujourdhui peu de programmes
de R&T en coopération. Là aussi, on pourrait
en augmenter la proportion en mettant en place une ligne budgétaire
« programmes de R&T militaire en coopération
», sous réserve de conserver les règles
déjà admises par les Etats et industriels participants.
LAgence
Européenne de Défense, en sentourant des
compétences conseils amont nécessaires, proposerait
la liste des opérations de R&T à soutenir
parmi celles proposées par les gouvernements, et assurerait
le suivi de lemploi des fonds européens en étant
présente aux comités directeurs des programmes
correspondant. LAgence Européenne, disposant
alors de moyens financiers significatifs et dun soutien
politique plus marqué, serait à même de
concevoir et de conduire une politique de recherche technologique
et industrielle au profit de la défense et de la sécurité
de lUnion Européenne.
Conclusion
Après avoir approximativement défini ce que
pourrait être une défense européenne indépendante,
nous devons nous demander s'il existe des chances pour qu'une
telle défense voit le jour dans les prochaines décennies.
Les arguments pour une réponse pessimiste sont nombreux.
Le premier tient, répétons-le, à l'influence
encore dominante de la superpuissance américaine sur
l'Europe. Malgré ses reculs actuels, l'Amérique
(ou si l'on préfère l'Empire américain)
demeure suffisamment forte pour tenter de détruire
dans l'oeuf toute velléité d'indépendance
provenant de l'Europe, qu'elle considère encore comme
un satellite naturel.
Avec des dépenses militaires ou assimilées qui
sont 20 fois supérieures (montant difficile à
préciser) à celle de l'ensemble des Etats européens,
l'Amérique est en position de démontrer à
chacun de ceux tentés de s'émanciper que leurs
efforts seraient inutiles. D'une part elle continuera à
maitriser longtemps la recherche et l'industrie de défense,
ne laissant pas de créneaux viables pour les autres
pays. D'autre part, comme l'Amérique se présente
en puissance protectrice de ce que l'on continue à
appeler le monde occidental, à quoi bon refuser cette
protection pour s'égarer dans des rêves d'autonomie?
Le soft power dont l'Empire s'est assuré le contrôle
est si efficace que la quasi totalité des décideurs
en Europe partagent ce point de vue démissionnaire.
Les seuls à renâcler quelque peu sont les industriels
européens du secteur de la défense, mais face
à des gouvernements qui ne cessent de réduire
les crédits dont ils pouvaient disposer, ils préfèrent
rentrer dans le rang afin de récupérer des miettes
des contrats américains. L'exemple du Ballistic Missile
Defence Européen est éclairant. La délégation
française à l'Otan, sous la pression des industriels,
a fait taire ses critiques concernant les risques et finalement
l'inutilité d'un tel bouclier, dans l'espoir d'obtenir
un petit rôle dans l'acquisition et le traitement des
données. François Hollande s'est fait l'avocat
de cette thèse.
Une deuxième raison de pessimisme tient à l'appauvrissement
continuel des budgets européens, se traduisant par
des réductions de crédit touchant l'ensemble
des programmes de sécurité-défense actuels.
Comment dans ces conditions pouvoir prétendre investir
et développer? Il existera de plus en plus en Europe
une opinion selon laquelle, lorsque les besoins élémentaires
de la population sont de plus en plus difficiles à
satisfaire, une politique visant à maintenir ou renforcer
le potentiel militaire ne peut être affichée
que par d'apprentis dictateurs aux yeux de qui ce potentiel
sera nécessaire afin de contenir de justes révoltes
populaires. Nous pensons avoir répondu à ces
arguments en montrant qu'une conception moderne de la compétition
internationale et finalement de la croissance ne devrait pas
conduire à opposer radicalement le civil et le militaire.
En ce qui concerne les recherches-développement et
les applications industrielles, l'exemple américain
a montré que les finalités civiles et militaires
en étaient difficilement séparables. Une gamme
de satellites ou de drones par exemple peut fournir des observations
à la fois aux climatologues et aux militaires. En ce
qui concerne les capacités sur le terrain, les problématiques
ne sont pas très différentes. Si l'Europe n'avait
pas de force crédible de projection, elle ne pourrait
pas se faire entendre de grands pays comme les Etats-Unis
ou la Chine qui utilisent leurs forces, pacifiquement selon
elles, pour s'imposer dans la course aux matières premières
et à l'influence géostratégique. Or,
même si l'Europe ne peut espérer imposer sa présence,
par exemple dans la Mer de Chine où s'intensifie la
compétition sino-américaine, elle dispose de
suffisamment de frontières maritimes et d'intérêts
géostratégiques associés pour justifier
une présence militaire « de démonstration »
dans ses zones d'influence.
La France gaullienne, et ce qu'il en est resté, avait
bien compris tout ce qui précède. La France
d'aujourd'hui lui doit tout le potentiel technologique qui
lui permet encore de figurer parmi les grandes puissances « moyennes ».
Mais seule, elle ne pourra continuer à tenir cette
place. Il lui faudra convaincre les autres grandes puissances
européennes de se donner une démarche, sinon
analogue à ce que fut la sienne, du moins voisine.
Et ceci au sein d'une structure de plus en plus fédérale
qui imposera à chacun des membres de renoncer à
faire durablement cavalier seul. Or la France, dans le diadoque
européen, suscite encore la méfiance. On lui
reproche une tendance à imposer ses intérêts
sans accepter la négociation et sans toujours
mettre les moyens budgétaires au service de ces intérêts,
ce qui en fait porter le poids sur les autres.
Le gouvernement français actuel, s'il partageait les
vues exposées ci-dessus concernant la puissance européenne
et la nécessité d'assortir cette puissance de
moyens convenables de défense, devrait donc dès
maintenant entreprendre des négociations avec les autres
Européens pour définir des consensus
et les ressources humaines et budgétaires correspondants
sur les points essentiels de ce que pourrait devenir
la défense européenne dans les prochaines années,
comme sur la contribution de la France à cette défense.
Un domaine emblématique, mais qui est loin d'être
le seul, est celui de la force de frappe nucléaire.
Certains "experts" avaient proposé, soit
de l'abandonner - ce que le président Hollande a explicitement
refusé - soit de négocier avec nos voisins sa
mise en commun dans des conditions qui respecteraient la souveraineté
de chacun des partenaires. Il était envisagé
pour diminuer les coûts, de renoncer à moderniser
le dispositif actuel, qui suffirait largement à une
dissuasion européenne. Nous ne sommes pas certains
que cette dernière perspective soit techniquement viable,
car ce qui n'évolue pas finit pas dépérir.
Mais en tous cas, il s'agit d'une question que la France devrait
désormais discuter ceci sans attendre
avec ses voisins. Non pas dans le but inconscient d'échouer,
afin de démontrer que seule la France a raison, mais
dans le but conscient et volontariste de réussir, autrement
dit de faire progresser sur un point très important
le concept de défense européenne. Un Etat comme
l'Allemagne qui refuse de s'y impliquer, préférant
financer sa croissance industrielle civile, ne serait-il pas
cependant tenté de s'abriter derrière le parapluie
nucléaire français si la situation internationale
se dégradait subitement, menaçant l'Europe tout
entière ?
Documentation
complémentaire
* Sur les risques, voir Ministère de la défense,
délégation aux affaires stratégiques
:
Horizons
stratégiques Plan Prospectif à trente ans
* Sur la cybersécurité :
Commission
consults on a future EU Network and Information Security legislative
initiative