Sciences,
technologies et politique.
Logiciels libres et enseignement supérieur français
Jean-Paul
Baquiast. 08/07/2013
Une
pétition émanant d'une conjonction d'éditeurs
de logiciels commerciaux s'étonne auprès de
la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche
du fait que « dans le cadre du Projet de Loi sur
l'Enseignement Supérieur, la commission mixte paritaire
ait mentionné que les logiciels libres seraient utilisés
en priorité ».
Ces éditeurs,
parmi lesquels l'influent Microsoft, reprennent le vieil argument
des adversaires de la démarche dite du Libre, selon
lesquels les logiciels libres seraient des logiciels comme
les autres, en faveur desquels les acheteurs publics ne seraient
pas autorisés à émettre des préférences.
Nous
pensions naïvement que la question était réglée
dans le sens contraire, mais nous nous trompions. La perspective
d'importantes commandes publiques, se développant notamment
à l'occasion du passage au très haut débit
dans l'Education Nationale, a rallumé toutes les convoitises.
On ne
reprendra pas ici la philosophie des utilisateurs de logiciels
libres, pour qui il ne s'agit pas de produits commerciaux
proprement dits, mais de modes d'usages au sein desquels les
utilisateurs ne voulant pas se trouver enfermés dans
des produits dits propriétaires ont parfaitement le
droit d'exprimer des préférences. Ceci notamment
en ce qui concerne l'Enseignement supérieur, comme
d'ailleurs plus généralement l'Education Nationale,
organismes utilisant des crédits publics, leur imposant
une déontologie stricte.
Que le
Syntec ou Microsoft défendent leurs intérêts
ne surprendra personne...encore que...Mais qu'un établissement
publics de recherche tel que l'INRIA se joigne à eux
est parfaitement anormal...Tout au moins aux yeux de ceux
qui ignoraient les liens de coopération établis
depuis quelques années entre Microsoft et l'INRIA,
concrétisés par la mise en place du Microsoft
Research Inria Joint Center.
http://www.msr-inria.com/ Celui-ci fonctionne globalement,
selon des chercheurs français bien informés,
comme une pompe à matière grise au profit du
géant américain.
Les algorithmes
statistico-mathématiques dont l'on constate par ailleurs
le rôle de plus en plus important en sont un autre exemple.
L'INRIA y a toujours fait montre de compétences précieuses,
mais le partage des forces entre le cheval (Microsoft) et
l'alouette (l'INRIA) ne joue pas en faveur de cette dernière.
Dans
le domaine des logiciels libres, en tous cas, ce système
de type colonial, on le voit, fonctionne parfaitement. On
lira ci-contre une protestation
sans doute vaine de défenseurs du logiciel libre.
La question du libre, toujours contestée par les éditeurs,
a été reprise par
Thierry Noisette dans un article de ZNet. On lira avec
intérêt le débat entre les lecteurs de
cet article.
Note
Rappelons que dans une lettre envoyée par lAFUL
(Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres)
à plusieurs députés le 11 février
dernier, on avait appris que le ministère français
de la Défense en fait la direction interarmée
des réseaux d'infrastructure et des systèmes
d'information ou DIRISI - avait signé voilà
un an environ, un important accord-cadre avec Microsoft Irlande.
(Lequel paye ses impôts dans ce dernier pays, à
un taux très amical.
Dune
durée de quatre ans, le contrat couvre la fourniture
à prix préférentiel de la plupart des
logiciels de léditeur. Selon l'AFUL, le ministère
se voit autorisé à installer à peu près
nimporte quel logiciel made in Redmond pour une somme
forfaitaire de 100 euros par poste. « l'accord signé
[le 25 mai] 2009 portait sur un nombre de 188 500 postes (soit
18 850 000 euros hors taxe), ajustable de 170 000 postes au
minimum jusqu'à un maximum de 240 000 postes. Soit
une option d'achat pour une somme d'un maximum de 5 150 000
euros, sans appel d'offres ni procédure de marché
public »
Le contrat
ne donne pas d'indications sur les éventuelles "back-doors"
permettant à Microsoft de s'introduire, suivi de la
NSA, dans les applications de la Défense. Nous écrivons
"éventuelles" car nous n'en avons aucune
preuve, n'est-ce pas?