Sciences,
technologies et politique.
La collaboration entre la NSA et les Etats européens.
Le cas allemand
Jean-Paul
Baquiast 17/08/2013
Les
révélations de Edward Snowden ont mis en évidence
aux yeux de tous les liens étroits qu'entretiennent
les Etats européens et les services américains
(NSA et FBI notamment) dans la surveillance des citoyens européens.
Un article
du World Socialiste Web Site fourni de nombreuses preuves
des relations entre la NSA et le BND allemand (Bundesnachrichtendienst
) ou Service fédéral de renseignement (sur celui-ci,
voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Service_f%C3%A9d%C3%A9ral_de_renseignement).
Après
que la Chancelière Merkel ait promis sur le coup de
l'émotion provoquée par les révélations
de Snowden que toute la lumière sera faite concernant
un éventuel espionnage des citoyens et des entreprises
allemandes par la NSA, avec la collaboration éventuelle
du BND, le chef du bureau de la Chancellerie, Ronald Pofalla,
un des premiers collaborateurs de Mme Merkel, vient d'affirmer
le 12 août devant une commission parlementaire qu'il
n'existe pas en Allemagne de surveillance globale imputable
aux services secrets américains et britanniques. L'opinion
n'a donc pas lieu de s'inquiéter. Pour lui, l'affaire
Snowden est close. C'est dans l'ensemble la même position
qu'on prise différents autres gouvernements européens.
Aux Etats-Unis, les défenseurs de l'action de la NSA
répètent ces jours-ci exactement la même
chose: face à des activités aussi marginales,
les inquiétudes sont ridicules.
On pourra
toujours faire valoir que le WSWS, dont les appartenances
trotskystes sont bien connues, n'est pas un bon témoin
à charge dans cette affaire. Les arguments fournis
par l'article, repris d'autres débats sur le même
sujet, sont pourtant impressionnants. Il est bien évident
que faire confiance aux services secrets pour garantir qu'il
n'existe pas de surveillance de leur part empêche très
vite l'enquête de se poursuivre. Pour le BND, qui reprend
d'ailleurs les arguments constants de la NSA aux Etats-Unis,
les surveillances sans mandat sont en très petit nombre
et portent sur des individus ou activités recélant
des dangers véritables. Les 500 millions d'éléments
de dossiers transmis par le BND ou des compagnies allemandes
à la NSA chaque mois, selon Snowden, ne concernent
pas les citoyens allemands. Il ne s'agit que d'informations
générales intéressant des acteurs étrangers.
Il en est de même des quantités massives de données
passant par les câbles et les serveurs internationaux
et transitant par l'Allemagne.
Ceci dit,
la collaboration entre les services allemands et américains
date du début de la guerre froide et s'est poursuivie
sans interruptions depuis lors, au service notamment d'une
surveillance de l'Union soviétique et d'intérêts
susceptibles de travailler pour elle. Elle s'est généralisée
avec la mise en place du programme Echelon, qui concerne aussi
d'autres services secrets européens. Qu'elle ait été
étendue à des individus aujourd'hui suspectés
de terrorisme ne choquera sans doute personne en Allemagne,
même lorsque le « suivi » de certains de
ces individus entraine leur élimination ultérieure
en Afghanistan ou au Pakistan lors de frappes de drones américains.
Une
dictature possible
Plus choquantes
sont en Allemagne les révélations selon lesquelles
la plupart de ces informations portent sur le domaine économique,
au service de la protection des intérêts américains
contre une éventuelle concurrence industrielle allemande.
De même, certains défenseurs des droits de l'homme
en Allemagne ne comprennent pas la nécessité
de surveiller des milliers ou centaines de milliers de citoyens
« innocents » avec l'ampleur présentée
comme « orwelienne » du phénomène.
Qui choisit ces cibles et pour quelles raisons? On trouve
là, disent-ils, les germes d'une véritable dictature
possible, dont les motivations ne seront jamais rendues publiques.
En extrapolant, nous avons toutes les raisons de penser, nous
autres auteurs et lecteurs d'articles comme celui-ci, que
nous sommes depuis longtemps répertoriés parmi
les personnes à surveiller de près, simplement
parce que nous nous faisons bien innocemment l'écho
de certains protestations.
Le WSWS
pour sa part, d'accord avec un certain nombre d'organisations
de l'opposition, qui ne sont pas nécessairement des
activistes anti-Système, ne se fait pas d'illusions.
Les services secrets et les gouvernements occidentaux se préparent
à faire face à des mouvements de résistance
sur le modèle de Occupy Wall Street. Ces mouvements
pourraient prendre de la virulence si la crise actuelle s'étendait,
ainsi que les contraintes économiques imposées
aux populations. A ce moment, la défense des intérêts
dominants justifiera toutes les entorses à la légalité.
Les classes moyennes seront appelées à la rescousse
pour faire reconnaître de telles priorités.
Il est
certain que l'indulgence aujourd'hui manifestée par
tous les partis politiques allemands, y compris le SPD et
les Verts, à l'égard de la surveillance évoquée
lors des récentes révélations montre
bien le consensus général des forces politiques
concernant les pratiques en question. La lutte contre le terrorisme
n'est plus seulement l'argument imparable, mais une lutte
contre de possibles désordres. Les services américains
et leurs collègues européens ont toutes les
raisons, au service d'un objectif dont l'ampleur le dispute
au flou, de poursuivre de fructueuses collaborations. Les
gouvernements n'en conviennent pas encore officiellement,
mais l'objectif est manifestement sous-jacent à l'indulgence
qu'ils manifestent à la suite des fuites révélées
par les quelques organes, tels le Süddeutsche Zeitung,
le Guardian ou le Washington Post, timidement relayés
en France par Le Monde ou Marianne. L' « Occident »
ne se gardera jamais assez contre de possibles complicités
au service d'éventuels fauteurs de trouble. Qu'on se
le dise.
Source
WSWS https://www.wsws.org/en/articles/2013/08/17/gnsa-a17.html