Editorial
2 Quis custodes ipsos custodiat? Qui gardera
les gardiens?
Jean-Paul
Baquiast, Christophe Jacquemin 26/08/2013

Le Wall
Street Journal, qui comme son nom l'indique n'est pas un organe
se classant parmi les activistes anti-Système, a rapporté
dans un
article du 20 août 2013 que la NSA (National Security
Agency) dispose de programmes lui permettant d'accéder
à 75% environ des trafics téléphoniques
et messageries intéressant les USA, qu'ils concernent
ou non des citoyens américains. Ces programmes, nommés
Blarney, Fairview, Oakstar, Lithium et Stormbrew, entre autres,
filtrent et mémorisent des données provenant
des grandes sociétés de télécommunications.
En principe, ils ne s'adressent qu'à des communications
provenant de l'étranger ou dirigé vers lui,
mais les responsables reconnaissent que des communications
domestiques peuvent aussi être interceptées,
ceci sans mandat évidemment. L'ambition non affichée
est de couvrir le plus vite possible 100% des transactions,
ceci en dépit de l'émotion momentanée
provoquée par les révélations de Edward
Snowden
Les révélations
de cette nature, de plus en plus diffusées ces jours-ci
dans les médias américains, provoquent de la
part des lecteurs deux types de réflexes opposés.
Les premiers se félicitent de disposer d'un Etat fort,
qui veille sur leurs intérêts et possède
les moyens d'intercepter et désarmer tous les ennemis,
de l'intérieur comme de l'extérieur. Les seconds,
apparemment en nombre égal, soulignent la naïveté
consistant à croire que des dispositifs de surveillance
puissent être suffisamment polyvalents et denses pour
détecter tous les risques. L'illusion de la protection
ne pourra que favoriser la survenance des attaques.
Une petite
proportion de ces sceptiques évoquent l'évènement
Snowden, autrement dit que des agents membres des services
secrets puissent se retourner contre ceux-ci pour les dénoncer
ou vendre leurs activités à l'extérieur.
Ces derniers mois, outre le cas Snowden, différents
incidents de cette nature, de moindre ampleur, ont affecté
la NSA, la CIA et les services de renseignements militaires.
Nous pensons
pour notre part que les démocraties occidentales, auxquelles
nous avons la faiblesse de nous imaginer appartenir, seront
très vite complètement perverties si 100% ou
même 75% des échanges font l'objet de mises en
mémoire pour contrôles éventuel, soit
immédiats, soit ultérieurs. Ceci bien évidemment
même si ces échanges n'ont absolument rien de
répréhensibles aux yeux des lois et réglements
en vigueur. L'argument sera prochainement évoqué
d'ailleurs concernant l'usage des Google Glass. Si n'importe
qui peut vous filmer et vous numériser, quoique vous
fassiez, et plus ou moins à votre insu, bonjour les
corbeaux.
Concernant
la police et le renseignement militaire, comme en ce qui concerne
l'encadrement judiciaire, ce ne seront pas nécessairement
des personnels complètement formés et encadrés,
dotés d'une déontologie à toute épreuve,
qui seront chargés de détecter les risques.
Dans la plupart des cas, beaucoup pourront se tromper. Dans
un certain nombre de cas, certaines brebis galeuses pourront
abuser du pouvoir dont elles disposeront.
Les citoyens
raisonnables répondront donc que ce n'est pas une société
de surveillance à 100% dont ils ont besoin, même
si les technologies le permettent. Mais qui les écoutera
aujourd'hui. Un principe de base s'étant toujours imposé
dans le jeu social (si jeu il y a) est que tout ce qui est
faisable techniquement sera fait.