Sciences
politiques. Le refus de la voie fédérale,
malédiction européenne
Jean-Paul
Baquiast 18/05/2013
La conférence de presse de François Hollande
le 16 mai, destinée à montrer aux Français
que le Président mobilisait tous les moyens disponibles
pour permettre une reprise de la croissance et de l'emploi
dès la fin 2013, n'a guère convaincu. En effet,
les moyens en questions sont ceux de la « boite à
outils » déjà annoncée, qui ne
peuvent agir sur les causes profondes de la crise, mais seulement
sur certains de ses symptômes.
Il aurait
fallu annoncer ce que certains espéraient entendre,
une aide massive aux investissements de recherche et aux nouvelles
industries capables de faire bénéficier la France
des croissances découlant de la mise en oeuvre des
technologies émergentes.Nous en avions donné
un aperçu dans un article précédent (Faire
le pari de la recherche scientifique). Différents
pays le font déjà à petite échelle,
dont dorénavant le Japon. La Chine et dans une large
mesure les Etats-Unis le font aussi, à bien plus grande
échelle.
Mais dans
ce but, ces pays ont besoin de liquidités permettant
d'investir dans les secteurs à risques sans exigence
de retour immédiat. Leurs banques centrales les fournissent
en grande quantité, sans se laisser paralyser par la
peur de générer de l'inflation. D'autres part
ces mêmes pays n'hésitent pas à protéger
leurs nouvelles industries de la concurrence étrangère,
de façon à leur permettre de pratiquer des prix
de dumping à l'exportation. Dernier point enfin, peu
leur importe que les nouvelles croissances génèrent
des inégalités internes à leurs territoires.
Les populations restant en dehors de la croissance n'ont qu'à
se débrouiller pour s'adapter. Les migrations internes
sont encouragées, sinon imposées.
La malédiction
pesant sur la France, ainsi d'ailleurs que sur le reste de
l'Europe, Allemagne exceptée, est que la construction
d'une Europe fédérale, au moins au sein de la
Zone euro, qui aurait permis aux pays membres de faire appel
aux mêmes solutions que celles de la Chine ou d'autres
pays souverains, est encore refusée par une majorité
de l'opinion. Aussi volontariste que soit François
Hollande, il ne peut à lui tout seul faire appel à
la Banque centrale européenne, protéger ses
industries et organiser des transferts entre régions
européennes de développement inégal.
Tout ceci ne pourrait se faire que dans le cadre d'un Etat
fédéral.
Dans le
même temps, face aux grandes zones géopolitiques
mondiales, l'abandon de l'euro par la France, entrainant pratiquement
une sortie de l'Union européenne, la laisserait trop
petite et désarmée pour espérer le moindre
salut d'une souveraineté nationale retrouvée.
Il est d'ailleurs vraisemblable qu'il en serait de même
pour l'Allemagne. Hors de la zone euro, elle perdrait une
grande partie de ses avantages comparatifs actuels.
Mais pourquoi,
dira-t-on, François Hollande, qui est suffisamment
informé pour se convaincre de ce qui précède,
ne met-il pas toutes ses forces pour convaincre le pays et
ses voisins de rompre la malédiction dans laquelle
ils s'enferment et s'engager dans la seule voie de salut possible,
la voie fédérale. Il y a là un mystère.
Espère-t-il que les opinions, face à la crise
grandissante, évolueront suffisamment pour envisager
de se rapprocher. Mais dans quels délais et de quelle
façon? Certains esprits complètement découragés
par son inaction, en viennent à supposer qu'il est
l'agent de forces anonymes visant à détruire
l'Europe. Nous n'irons pas jusque là ici, mais on peut
compprendre que certains s'interrogent.
On objectera
que François Hollande, dans sa conférence de
presse, a évoqué le besoin d'un gouvernement
économique pour la zone euro, un budget propre pour
celle-ci, une harmonisation fiscale, un "droit à
emprunter" et un président à plein temps.
Soit, mais ceci ne nous changera pas beaucoup de ce qui existe.
Ou plus exactement, pour que ces mesures prennent leur plein
effet, il faudrait organiser une intégration politique,
y compris au niveau des représentations parlementaires.
Sinon reviendra le règne d'un Jean-Claude Junker, certes
honorable mais paralysé.