Article.
Apprentissage du langage chez le robot iCub
Jean-Paul
Baquiast et Christophe Jacquemin - 25/01/2013

Nous
avons plusieurs fois souligné l'intérêt,
concernant la robotique, de la procédure de l'Open
source qui a fait dans de nombreux domaines le succès
des logiciels libres: développer sur une plateforme
commune des applications susceptibles d'être mises à
disposition d'autres développeurs et utilisateurs.
Ainsi peuvent se constituer des communautés non soumises
aux restrictions imposées par les firmes commerciales
et le secret défense.
Dans le domaine de la robotique, le cas le plus intéressant
est celui du consortium RobotCub composé de plusieurs
universités européennes et de son robot iCub.
iCub est un petit robot humanoïde conçu par le
consortium en 2006 (image). L'objectif principal de
cette plate-forme est l'étude de la cognition robotique,
par le biais de la mise en uvre d'algorithmes éventuellement
bio-inspirés . C'est un projet ouvert à de nombreux
égards : les plans et les spécifications
du robot sont accessibles à tous, et tous les logiciels
sont en Open source.
A partir de cette plateforme, des chercheurs de l'Inserm et
du CNRS Lyon 1 ont conçu un « cerveau artificiel
simplifié » qui reproduit certaines des
connexions dites récurrentes du cerveau humain. Il
a été implémenté sur un robot
iCub. Ce système permet au robot d'apprendre puis comprendre
de nouvelles phrases contenant des structures grammaticales
inédites. Il peut ensuite faire le lien entre ces phrases
et même anticiper la façon dont celle en cours
de réception se terminera avant même que l'interlocuteur
du robot n'ait fini de la prononcer.
Ce modèle de cerveau artificiel a été
développé en s'inspirant de ce que l'on sait
des capacités du cerveau humain à apprendre
un nouveau langage. Les chercheurs se sont appuyés
sur les travaux de l'unité 846 de l'Inserm en charge
de l'Institut " Cellule souche et cerveau" qui étudie
les structures du cerveau humain et ses mécanismes
d'apprentissage.
Un des caractères remarquables du cerveau humain est
la rapidité avec laquelle il comprend et produit le
langage. Il peut traiter quasi en temps réel les premiers
mots d'une phrase entendue et en inférer la suite.
De plus, toujours en quasi temps réel, il peut si nécessaire
corriger ses prédictions, soit à la réception
de la suite de la phrase soit en les confrontant à
des connaissances déjà acquises. La région
qui dans le cerveau relie le cortex frontal et le striatum
ou corps strié joue un rôle clef dans ce processus.
Au sein de l'unité 846, l'équipe de Peter Ford
Dominey a conçu pour son cerveau artificiel une construction
neuronale analogue à celle du cerveau. Elle est dite
récurrente en ce sens qu'elle créée des
boucles locales en feed-back qui remontent des nouvelles entrées
sensorielles à celles précédemment enregistrées,
en les modifiant si nécessaires.
Le robot humanoïde iCub ayant reçu ce cerveau
peut en conséquence comprendre des phrases simples
et exécuter les ordres correspondants. La
vidéo qui vient d'être publiée montre
le robot répétant la phrase, expliquant qu'il
l'a bien comprise et faisant ensuite ce qui lui avait été
demandé.
Applications thérapeutiques
Les
chercheurs envisagent d'utiliser ces premières réalisations
pour traiter des troubles du langage. Des senseurs seront
placés sur le crâne de personnes volontaires
pour identifier les aires cérébrales intervenant
dans ces tâches ainsi que les éventuelles déficiences
susceptibles de survenir. Ceci notamment dans le cas de la
maladie de Parkinson.
On peut penser que ces recherches iront enrichir l'Human Brain
project développé désormais au plan européen.
Au delà de cela, elles permettront d'améliorer
les capacités langagières et d'apprentissage
des robots, ainsi que leurs communications avec les humains.
L'enjeu est primordial pour le développement de la
robotique sociale.
Comme nous l'avions indiqué dans nos deux articles
consacrés aux projets européen et américain
Human Brain, des recherches semblables sont conduites
autant que l'on sache par des laboratoires travaillant
pour le département de la Défense américain.
Mais elles demeurent confidentielles. Ce qui ne devrait pas
être le cas de celles menées, en open source
et publiées sur le site PLOS One, telle celle que nous
venons de mentionner.
Sources
*
Article dans PLOS One « Interactive
Language Learning by Robots: The Transition from Babbling
to Word Forms »
*
U 846 :Institut Cellule Souche et Cerveau
* ICub http://en.wikipedia.org/wiki/ICub
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