Philosophie
des sciences. Les sciences: le
point aveugle de la philosophie française.
A propos d'Alain Badiou
Jean-Paul Baquiast 25/01/2013
Il
suffisait d'écouter Alain Badiou sur France
Culture toute cette semaine pour comprendre le propos auquel
notre titre fait allusion http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-avec-alain-badiou-44-penser-l%E2%80%99universel-2013-01-24
Un philosophe
réputé tel que lui 1) peut présenter
une série de chroniques sous le titre ambitieux de
« Penser l'universel » sans évoquer
une seule fois l'irremplaçable contribution à
la pensée philosophique qu'apporte la science moderne.
Il montre qu'il ignore absolument non seulement l'actualité
des découvertes dans les différents domaines
de la science, mais surtout la façon dont l'évolution
des connaissances scientiques oblige à remettre radicalement
en cause le contenu, non seulement de la pensée scientifique
mais celui de la pensée philosophique.
L'une
et l'autre, dans l'histoire de l'Occident depuis le siècle
des Lumières, ont toujours été étroitement
associées, se fécondant respectivement. Il n'est
aucun domaine de la philosophie, depuis la réflexion
sur le Moi et la conscience jusqu'à prise en compte
de l'infini, qui ne soit abordé, au moins indirectement,
par les recherches scientifiques. Il est évident que
les philosophes prétendant disserter doctement, en
termes purement littéraires ou métaphysiques,
sur des thèmes constamment renouvelés par les
découvertes et les hypothèses scientifiques,
s'enferment dans une scolastique qui les rend inaudibles de
tous ceux qui s'efforcent de penser le monde en s'appuyant,
précisément, sur l' « universel »
proposé par la science.
Cette maladie de l'esprit, ce véritable point aveugle,
sont, il est vrai, propres à la France. Une grande
partie des ouvrages intéressant l'évolution
des connaissances, présentés
sur notre site, provient d'auteurs anglo-saxons. Il en
est certains cependant qui sont l'oeuvre de scientifiques
français. Les ignorer n'est pas leur rendre service.
Les professionnels
français de la profession de philosophe, comme les
médias qui leur offrent des tribunes, auront beau jeu
de prétendre que ces scientifiques ne font pas de vraie
philosophie. Mais ce faisant ils trahissent l'esprit d'ouverture
recommandé par Socrate. Ils montrent surtout qu'ils
veulent défendre leur pré carré, en évitant
l'effort de le renouveler. Il leur est plus facile évidemment
de disserter sur l'histoire de la philosophie telle qu'apprise
à la Sorbonne qu'essayer de comprendre, par exemple,
en quoi le concept de vide quantique évoqué
par la physique du même nom remet en cause nos conceptions
sur le temps, l'espace et le rôle de l'observateur.
Il en
résulte que ces philosophes français, Alain
Badiou en tête, ont un grand défaut en termes
de marketing, si on nous permet le terme appliqué à
des penseurs aussi nobles. Ils n'intéressent pas le
public. Il suffit de lire les innombrables discussions de
lecteurs portant sur le contenu philosophique d'un article
scientifique publié en ligne, pour constater que ces
approches les passionnent. Certaines de ces discussions peuvent
paraître naïves aux « vrais »
philosophes. Elles représentent cependant la forme
irremplaçable d'un effort collectif pour « penser
l'universel ».
1) Réputé,
mais fort critiqué pour son dogmatisme. Son soutien
inconditionnel aux Kmers Rouges a laissé des traces.