Editorial.
18
juin 2012. La gauche en France: Des atouts considérables,
des devoirs moraux exceptionnels
Jean-Paul
Baquiast, Christophe Jacquemin, 18/06/2012

Chacun
peut constater que dorénavant en France le parti
socialiste et plus largement la gauche, disposent de
tous les leviers politiques: présidence de la
République, majorité aux assemblées,
direction des principales collectivités locales.
Que vont-ils en faire? La question n'intéresse
pas seulement les Français, mais tous les Européens
et au delà, les forces libérales aux Etats-Unis,
en Afrique et dans les pays du BRIC.
Il
s'agira d'abord de savoir si la France pourra faire
reconnaître par ses partenaires européens
une conception de l'Etat et de l'économie qui
permette de concilier les exigences apparemment contradictoires
de l 'équilibre des comptes publics, de la lutte
contre les inégalités et du soutien de
l'investissement productif. Sommairement résumé,
un tel programme est celui de la social-démocratie.
Il s'oppose à la démission des institutions
publiques devant le capitalisme financier non régulé,
qui caractérise la plupart des pays et des organisations
internationales aujourd'hui. Un certain nombre de forces
démocratiques dans le monde commence à
penser que cette démission n'est pas une alternative
inéluctable (TINA). Mais comme aucune grande
démocratie n'a encore concrètement entrepris
de le démontrer, le succès d'une telle
entreprise en France aurait des répercussions
considérables.
Ceci
dit beaucoup de citoyens attendent beaucoup plus de
la gauche en France que réussir un pari certes
difficile mais finalement technique. Ils attendent que
soient mises en oeuvre des valeurs morales qui, à
supposer qu'elles aient été jadis reconnues
par les institutions, semblent avoir partout disparu.
La première consiste dans le refus de la corruption,
grande ou petite, qu'il s'agisse de la criminalité
organisée jusqu'aux « copinages »,
qui accompagnent désormais tout pouvoir. La gauche
française doit devenir exemplaire, tant au niveau
de l'Etat que des services publics et des collectivités
locales. Les citoyens doivent le comprendre, non seulement
en ne suscitant pas les tentations mais en veillant
par tous moyens légaux au respect des règles.
Un
deuxième espoir mis en la gauche animait les
foules nombreuses qui s'étaient enthousiasmées,
à la Bastille et ailleurs, devant les promesses,
explicites ou implicites, de ses candidats. Il s'agissait
de faire vivre un ordre sociétal symbolisé
par les devises de la République, liberté,
égalité, fraternité, appliquées
à tous, femmes et hommes de tous milieux
auquel s'ajoute celle de laïcité destinée
à refuser aux religions l'occupation de l'espace
public. Rétablir les équilibres budgétaires
ne suffira pas à permettre le succès de
ces devises. Il faudra que tous les personnels politiques
et une nouvelle fois, les citoyens, notamment les militants
des partis, se reconnaissent en elles et s'engagent
personnellement à leur service, non seulement
publiquement mais dans leur for intérieur, dans
leur âme et conscience si l'on peut dire.
Les
nombreux scientifiques, ingénieurs, techniciens,
intellectuels qui constituent une part importante de
l'engagement politique au sein de la gauche à
la française ajouteront sans doute une troisième
exigence: que les ressources des futures croissances,
s'il y en a, soient mises au service d'un développement
des recherches fondamentales et de leurs applications
désintéressées, aujourd'hui généralement
perdues de vue pour raison de rentabilité immédiate.
Il ne s'agit pas d'un luxe mais d'une obligation de
survie à long terme, sans mentionner l'ouverture
d'horizons nouveaux sans lesquels les cerveaux ne peuvent
que végéter. La France s'était
toujours dans le passé honorablement illustrée
dans ce domaine. Le pays profond, pensons-nous, attend
que le gouvernement de la gauche reprenne à son
compte ce noble devoir.
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