Interview

Dr
Jean-Claude Lapraz
à propos de la parution de l'ouvrage
La médecine personnalisée -
Retrouver et garder la santé
Jean-Claude Lapraz et
Marie-Laure de Clermont-Tonnerre.
Editions
Odile Jacob
Propos recueillis par Christophe Jacquemin - 15/03/2012
Christohe Jacquemin (CJ) pour Automates Intelligents :
Votre livre "Une médecine personnalisée
Retrouver et garder la santé", écrit
en collaboration avec Marie-Laure de Clermont-Tonnerre
vient de sortir aux éditions Odile Jacob. Pouvez-vous
nous parler de la genèse de cet ouvrage ?
Jean-Claude
Lapraz (JCL) : Ce livre est né de la
rencontre avec Marie-Laure de Clermont Tonnerre, une
de mes patientes, journaliste. Lors de nos consultations,
elle a été interpellée par le temps
que je consacrais au patient - lécoute
- mais aussi par celui apporté à son examen
clinique approfondi, dans loptique dune
nouvelle approche médicale de la personne : lendobiogénie.
Elle a perçu que la pratique quelle découvrait
permettait de mieux mettre en évidence des réalités
physiologiques que les autres médecins avaient
parfois du mal à percevoir, faute dune
vision globale et intégrée du vivant ;
une pratique soutenue par des outils biologiques permettant
un meilleur diagnostic de la santé de chacun
et, de ce fait, un traitement mieux adapté.
Elle ma alors proposé que nous écrivions
ensemble un livre. Je trouvais très intéressante
son idée de montrer ici les deux points de vue
: celui du médecin, celui du patient.
Mais lhistoire de cet ouvrage est en fait un long
chemin
CJ
: Merci de nous raconter
JCL
: Jai été formé, il y a plus
de quarante ans maintenant, à la faculté
de médecine de Paris. Pendant ma formation de
médecin, jai été amené
à travailler plusieurs années dans divers
départements de médecine et de chirurgie
des hôpitaux de lAssistance Publique (AP-HP
Paris), et en particulier dans des services de réanimation
et durgence. Installé ensuite comme généraliste
à Paris, jai toujours éprouvé
le besoin de me placer au cur dune médecine
praticienne orientée vers la spécificité
de la personne que javais en face de moi. Mais
il existe une telle différence de gravité
entre les malades hospitalisés dont lorganisme
est le plus souvent en grande rupture déquilibre
et nécessite des soins massifs et les patients
que le médecin suit en médecine de ville
que, très vite, jai pris conscience quil
existait un hiatus considérable entre la médecine
hospitalière et celle dite libérale.
Javais alors vingt-huit ans, cétait
dans les années soixante-dix.
CJ
: Vous expliquez dans votre livre que très
vite vous avez remarqué que quelque chose nallait
pas
JCL
: Oui, en à peine deux ou trois mois de pratique
de la médecine de ville, les modalités
de cet exercice métaient devenues insatisfaisantes.
Javais limpression que ce que nos enseignants
nous avaient appris ne permettait pas dapporter
des réponses adaptées aux patients. Si
les traitements standards durgence comme on peut
les appliquer chez des malades graves hospitalisés
donnaient des résultats immédiats évidents,
ainsi que javais pu le constater pendant mes stages
dexternat, la réalité quotidienne
du médecin généraliste que javais
fait le choix de vivre était très loin
de répondre à ce que jespérais.
Et mes confrères du quartier populaire où
jexerçais me confirmaient quil en
était de même pour eux. Malgré lapplication
stricte que nous faisions des règles de prescription
- comme tout médecin doit le faire selon les
critères de la science médicale en vigueur
- les succès nétaient pas au rendez-vous.
Je me suis rapidement rendu compte quil existait
un décalage considérable entre leffet
attendu des médicaments sur le malade et les
résultats que nous aurions dû obtenir dans
notre pratique. Trop souvent, les patients non seulement
échappaient à laction du traitement,
mais ils revenaient consulter en se plaignant deffets
secondaires, et parfois de complications graves que
nous nattendions pas.
Encore trop imprégné de mes gardes hospitalières
durgence, je navais pas jusqualors
réellement mesuré combien le médicament
peut agir en profondeur, et que finalement le médecin
nen maîtrise pas vraiment les effets. Cest
seulement par la pratique quotidienne, quand on a lentière
responsabilité de ses patients et au fil du temps
quon apprend à découvrir lampleur
des problèmes posés par des thérapeutiques
standardisées appliquées au long cours.
Cette notion de risque que je faisais courir à
mes patients était inadmissible pour mon esprit,
convaincu que jétais que lune des
règles prioritaires du médecin est de
ne pas nuire à la santé de son malade.
Or ce risque était bien réel puisque je
les voyais revenir avec dautres troubles que ceux
pour lesquels ils étaient venus me consulter.
Cest ce que nous appelons la pathologie iatrogène.
Cette évidence a été lun
des éléments qui mont conduit à
une remise en cause permanente durant toute ma vie professionnelle.
Ce nétait pas une vue de lesprit
Cette réalité que connaît tout médecin,
celui de 2012 autant sinon davantage que celui de 1972,
ma alors amené à me poser des questions
sur les concepts qui fondent la médecine
CJ.
Parlons du titre de votre ouvrage : la médecine
personnalisée
JCL
: Dès le début de mon exercice, jai
essayé de pratiquer une médecine personnalisée,
centrée sur le malade.
Or celle ci est peu compatible avec la façon
dont la médecine nous a été enseignée.
En effet, au cours de ses études, le médecin
nest formé quà une approche
standardisée de la maladie (recherche du symptôme)
et du traitement (molécule spécifique
au symptôme). Or, chaque être est unique,
et il doit être placé au centre du diagnostic,
ce qui soppose de toute évidence à
une pratique réductionniste qui, de principe,
élimine lindividualité pour ne plus
considérer le patient quà travers
des données statistiques et un traitement standard.
Sil ny a pas de personnalisation à
la fois dans le contact, dans lécoute,
dans lattention portée à lautre,
et aussi dans le décryptage des signes les plus
subtils présentés par le malade, tous
ces éléments étant ensuite analysés
au travers dune physiologie intégrative,
alors pour moi il ne sagit pas dune vraie
médecine. La réalité de tout médecin
cest quil est à chaque fois confronté
à un individu unique échappant de toute
évidence à une standardisation abusive.
De ce fait, il se trouve face à la nécessité
de faire une intégration physiologique à
la fois des dires du malade, de la diversité
et de la multiplicité des symptômes dont
il se plaint, ainsi que des données les plus
fines fournies par lexamen clinique pour être
à même de poser un diagnostic spécifique
qui débouchera sur la mise en place dun
traitement lui aussi spécifique.
CJ
: Labsence dapproche personnalisée
du patient est-elle encore vraie de nos jours ?
JCL : Hélas oui, quarante ans plus tard,
les conditions nécessaires à une pratique
de la médecine personnalisée ne sinscrivent
pas dans lévolution de la science médicale
telle quelle sest constituée au cours
des cinquante dernières années, du fait
de leffacement de plus en plus marqué de
lindividu qui nexiste plus quau travers
des normes statistiques et des protocoles tels que définis
par la médecine dite "médecine par
les preuves".
De plus, les médecins sont confrontés
à différents problèmes qui rendent
de moins en moins possible une pratique adaptée
: manque de temps pour personnaliser le rapport avec
le patient, manque de clés cliniques et physiologiques
pour aborder le malade dans sa réalité
propre, manque de moyens spécifiquement adaptés
à la personne.
Mais
quest-ce que la santé ?
CJ
: Le sous-titre en exergue du livre est "Retrouver
et garder la santé"
La santé
nous échappe ?
JCL
: LOrganisation Mondiale de la Santé (OMS)
définit la Santé comme "un état
de complet bien-être physique, mental et social
qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie
ou dinfirmité". Or ceci nexplique
en rien à quoi correspond ce bien-être
dont elle fait le fondement de sa définition.
Il faut aller plus loin dans la compréhension
de ce quest la santé, car cela va avoir
des conséquences considérables sur la
façon dont le patient comme le bien-portant seront
abordés au cours de lacte médical
et ensuite traités. Si lon considère
la santé comme un état antérieur
à la maladie, il paraît capital dexpliquer
de façon précise en quoi cet état
consiste puisque la maladie, cest justement la
perte de la santé.
Ceci nous a amenés avec mon confrère le
docteur Christian Duraffourd à mener une réflexion
de fond qui a orienté les recherches que nous
avons développées ensemble pendant de
très nombreuses années et à proposer
la définition suivante "... la santé
est, en tous lieux, pour chacun l'équilibre de
référence harmonieux et optimal de ses
fonctions physiologiques fondamentales. C'est dire que
la préservation, la conservation ou la reconquête
de la santé passent obligatoirement par la prise
en considération première et absolue de
l'état de fonctionnement structural de chaque
individu plongé dans son milieu d'insertion".
[Traité de Phytothérapie Clinique, C.
Duraffourd et J.C Lapraz, Editions Masson, Paris 2002].
On comprend ainsi que la notion de santé implique
nécessairement la prise en compte de la personne
considérée comme un être unique
(chacun étant différent), et quon
ne peut se limiter à une définition standard
de la santé comme cest la règle
actuellement. La prise en compte de léquilibre
des fonctions physiologiques fondamentales dun
individu implique donc la nécessité de
connaître les règles précises qui
gèrent le fonctionnement de son organisme et
permettent linstallation et le maintien du meilleur
état possible pour lui dans la globalité
de qui il est. Lapproche de la santé implique
donc un diagnostic détat du sujet, tenant
compte à la fois de la dynamique de la vie et
de la réactivité fonctionnelle de sa structure
face à toutes sollicitations ou agressions auxquelles
son milieu le soumet, et ce quelle que soit leur nature
: alimentaire, émotionnelle, affective, sociétale,
climatique, médicamenteuse, etc.
Il découlera de cette approche de la santé
des règles précises qui permettront de
la préserver, de la conserver ou de la reconquérir
lorsquon la perdue.
Ainsi, comme nous lavions écrit dans ce
même ouvrage :
"Préserver la santé, c'est permettre
à l'organisme d'assumer, prioritairement, avec
ses seuls moyens, la maintenance de l'équilibre,
harmonieux et optimal, de ses fonctions physiologiques
fondamentales. C'est le protéger au maximum de
la prolifération des agresseurs, de leurs impacts
et de l'accélération de leurs conséquences.
"Conserver la santé, c'est, au-delà
de la préservation, assurer un soutien stratégique,
médicamenteux ou non, aux composants défaillants
du système particulier qui constitue l'état
précritique, c'est-à-dire celui contributif
du devenir pathogène de l'individu.
"Reconquérir la santé, c'est, par
delà la victoire sur la maladie, c'est-à-dire
la suppression de l'état critique, donner à
l'organisme toutes ses chances de reprise en main de
tous ses moyens de gérance, de réparation
et de restitution de l'état antérieur
à l'avènement de la maladie et, si possible,
un retour à celui de santé".
Vous comprenez donc mieux pourquoi nous avons choisi
comme titre de notre livre "La médecine
personnalisée". Retrouver et garder la santé
ne peut se concevoir que si lindividu, et non
pas la maladie, est replacé au centre du système
médical. Un tel regard posé sur la Santé
ne considère plus la réalité de
la même façon que celui qui a placé
la maladie au centre du système et qui a conduit
à la mise en place du régime dit d
"Assurance Maladie". Les conséquences
dun tel changement de perspective seront considérables
tant au plan de la prévention que du traitement
des maladies comme nous nous sommes appliqués
à le montrer dans ce livre.
CJ
: Et donc, vous avez commencé à développer
des travaux en ce sens
JCL
: Oui, car confrontés aux limites dun système
qui est celui quon vous a appris, qui ne répond
pas à ce quon espérait en attendre,
le premier réflexe est de se demander si on nest
pas un mauvais médecin, un incompétent.
On doute : peut-être que je napplique pas
de la bonne façon les protocoles que lon
nous a enseignés
Mais voilà, plus
les médecins sappliquent à suivre
fidèlement ces protocoles, plus les malades accusent
des troubles divers, récidivent ou échappent
à laction des traitements. Bien vite jai
compris que le problème majeur nétait
pas lié aux médicaments eux-mêmes
mais à lusage qui en était fait.
Que cet usage : "même traitement" pour
une "même maladie" ne répondait
pas aux exigences dune vraie médecine qui
sefforce dappréhender le malade dans
la réalité de son fonctionnement propre.
CJ
: Pourtant, tout un chacun considère que
la médecine soigne
JCL
: Oui. Mais quest-ce que soigner ? Cest
un vaste débat.
Est-ce que soigner, cest faire disparaître
une maladie et dire alors : "la maladie nétant
plus présente, vous êtes guéri".
Tous les jours, cette vision de la guérison est
prise en défaut. A titre dexemple, on peut
détruire un germe dans les urines à laide
dantibiotiques, et pourtant dix jours plus tard
la maladie qui semblait disparue revient et le même
germe réapparaît dans les prélèvements.
Autre exemple, une chimiothérapie massive peut
faire disparaître très vite des images
cancéreuses, et pourtant deux mois plus tard
le cancer revient sous une forme foudroyante.
On voit donc clairement que guérir réellement
une personne ne peut se borner à effacer le signe
de la maladie, à la faire "disparaître".
Certes, la faire disparaître fait partie de la
guérison. Mais ce nest pas suffisant. Pour
quon puisse assurer une vraie guérison,
il faut comprendre ce qui a généré
la maladie, aller bien en amont de son expression. Ce
qui implique quavant toute chose il faut comprendre
comment lorganisme de lêtre humain
fonctionne, comment les systèmes qui le constituent
sont reliés entre eux, quelles lois permettent
dassurer son équilibre et comment considérer
la genèse, le développement des maladies
avant denvisager la stratégie thérapeutique
à mettre en place.
Ceci conduit nécessairement à aborder
le malade dune façon beaucoup plus large
que la recherche de la seule disparition du symptôme,
et ainsi à intégrer dans la réflexion
non seulement létude de la maladie et de
ses mécanismes physiopathologiques, mais aussi
lidentification des mécanismes situés
en amont, qui assurent léquilibre de la
personne antérieurement à sa maladie,
cest-à-dire son fonctionnement physiologique
de base qui lui est propre. En dautres termes,
il faut essayer de comprendre dans cette entité
personnelle que chacun de nous constitue, et qui fonctionne
dans lharmonie de ses fonctions et de ses organes
lorsquil est en état de santé, comment
et pourquoi ceux ci en sont venus à se déséquilibrer
pour faire apparaître un jour une maladie particulière
: un asthme, un eczéma, un ulcère de lestomac,
un cancer.
On comprend donc que la santé ne peut se définir
comme la seule absence de maladie.
Et cest pour cela quon ne peut se limiter
à la seule recherche du symptôme mais que
celui ci doit être replacé et compris dans
son rapport à la globalité du patient
qui lexprime.
CJ
: Mais nest-ce pas là justement le but
de la médecine : trouver la vraie cause pour
ensuite la traiter ?
JCL : Ce devrait être la finalité
de lacte du médecin. Mais quand on étudie
le développement historique de la science médicale,
on comprend pourquoi et en quoi ce but na pas
été atteint. La vision qui sest
développée dans la suite des travaux de
Pasteur et des progrès de la science analytique
a conduit les chercheurs à se focaliser sur des
structures de plus en plus fines, à dissocier
la partie du tout. En se focalisant sur le décryptage
de mécanismes de plus en plus subtils on a perdu
le sens de la globalité et surtout la capacité
dintégration. On en est arrivé à
une vision dissociée de lhomme, qui nest
plus quun assemblage disparate de gènes,
de cellules, dorganes, de fonctions dont on narrive
plus à voir les liens qui, en les unissant, permettent
la cohérence du fonctionnement équilibré
et harmonieux de lorganisme.
Lêtre humain, éclaté, ne peut
plus alors être reconstitué en tant quindividu.
Loubli de ce que les anciens appelaient le terrain,
à savoir cet espace obscur, indéterminé,
complexe dont tout le monde parle mais que personne
ne sait voir, et qui en réalité permet
seul de faire lintégration, a conduit à
la mise en place dune médecine morcelée,
en quelque sorte désintégrée, porte
ouverte à bien des erreurs de compréhension
de la réalité de ce quest un être
humain. Le terrain, cest la grande inconnue
raison pour laquelle cette notion a été
rejetée hors la science. Mais la réalité
est têtue. Et plus on méconnaît cette
notion de terrain dont nous nous sommes appliqués
à démontrer dans notre livre que ce terme
traduit une réalité physiologique précise
qui repose sur des lois de fonctionnement rigoureuses,
plus les manques, les limites et les échecs de
la science actuelle imposent que cette réalité
soit mieux comprise et replacée au coeur des
grands débats qui agitent la médecine
actuelle
Or pour moi, que la maladie soit un cholestérol
qui monte, un germe présent dans les urines,
une tumeur qui apparaît dans un organe, une migraine
récidivante, elle nest que lexpression
dun déséquilibre sous-jacent qui
est généré par létat
du terrain. Cest pour cela que pour retrouver
la santé, il faut comprendre ce quelle
est et ce qui fait quon la perdue. Et nous
disposons pour cela de cette proposition nouvelle dapproche
du vivant (dont je parle dans le livre) quest
lendobiogénie.
Vers
une véritable médecine de terrain
CJ
: Vous avez évoqué limportance du
terrain. Ce concept est au coeur de diverses traditions
médicales très anciennes, mais pour vous,
le terrain, cest quoi ?
JCL
: Pour la majorité des gens, la notion de terrain
est un concept très obscur, mal définissable
dans lequel on met tout et nimporte quoi.
Quand on ne comprend pas la survenue ou lévolution
dune maladie, on dit "cest le terrain".
Quand un malade échappe au traitement, il est
fréquent dentendre : "cest le
terrain, son terrain na pas supporté".
Or cette réalité de lexistence du
terrain, il faut bien lapprocher puisque cest
en elle que réside la réalité personnelle
du patient.
Nous avons toujours fait leffort de proposer une
définition du terrain qui soit en accord avec
les données scientifiques. Formés à
la médecine occidentale, il fallait formuler
une proposition que nos confrères puissent comprendre
et qui parle un langage sortant de lésotérisme
qui habituellement entoure ce concept de terrain. Nous
avons un grand respect pour les approches millénaires
que proposent diverses médecines car elles reposent
sur une sagesse et une connaissance très approfondie
des liens et des rapports qui existent entre lhomme
et son milieu. Elles sont le fruit dun savoir
ancien, issu dobservations qui se sont transmises
au cours des siècles et qui ont apporté
la preuve dune efficacité.
Mais nous devons parler un langage qui corresponde à
des réalités qui puissent être appréhendées
et analysées au regard de lévolution
des connaissances scientifiques. Pour comprendre le
terrain, on est obligé dexpliquer ce quest
un organisme vivant. Expliquer comment lêtre
humain, issu de la fusion des gamètes, est un
ensemble composé déléments
multiples, extrêmement complexe, et pourtant en
santé, fonctionnant comme un tout organisé
tellement cohérent que la vie semble aller de
soi, que la santé semble aller de soi
Pour comprendre la notion de terrain, qui inclut obligatoirement
la notion dentité globale et de système
organisé, il faut aborder létude
de lêtre humain comme celle dun ensemble.
Un ensemble dont il faut analyser les éléments
qui le constituent, comprendre comment il fonctionne,
comprendre ce qui le gère, du niveau le plus
infra structural, au niveau moléculaire, puis
au niveau du noyau, du cytoplasme, de la cellule, des
tissus (ensemble de cellules), des organes, jusquaux
systèmes et aux fonctions qui les lient, permettant
à la vie de se maintenir. Ainsi, en remontant
les plans successifs dont nous sommes constitués
en tant quêtres humains organisés,
nécessairement on comprend que la partie est
dans le tout, et que le fonctionnement de celle ci ne
peut se comprendre complètement sans comprendre
celui du tout.
A lorigine, il nexiste quune seule
cellule qui, par le jeu des divisions successives sous
contrôle du programme génétique,
permet la constitution dun bébé.
La notion de terrain est incluse dès lorigine
de la cellule unique qui conduit, par le jeu de la multiplication
cellulaire, à la structuration et à la
diversification des organes et des fonctions qui vont
assurer le maintien en équilibre des éléments
multiples qui constituent un être humain.
CJ
: Mais selon votre approche, comment fonctionne ce tout
?
JCL
: Pour maintenir lensemble en état cohérent
de fonctionnement, il existe obligatoirement dans le
corps un système qui peut assurer cette cohérence
en contrôlant et en reliant entre eux tous les
éléments qui constituent cet ensemble.
Or un être humain est un ensemble vivant, et la
vie est une succession de phénomènes cataboliques
(destruction) et de phénomènes anaboliques
(construction) qui doivent se dérouler dans un
ordre harmonieux, selon des séquences régulières,
fixées, qui font que lorganisme peut fonctionner
comme un tout ordonné. Il faut donc trouver quel
est ce système responsable de léquilibre
compatible avec le maintien de la vie : si un déséquilibre
apparaît dans un espace déterminé,
et quil nest pas corrigé, la maladie
va alors se déclencher
Le
système endocrinien, gestionnaire de tous les
autres
CJ
: Quel est alors le système responsable de cet
équilibre, de cette gestion ?
JCL
: Le maintien de la vie impose didentifier le
système qui réponde à tous les
critères requis pour assurer la structuration,
la maintenance et la régulation de lensemble
de lorganisme, et de toutes ses parties. Le système
qui soit capable de gérer la vie à tous
les niveaux, dassurer la gestion de la défense,
la réponse à lagression, la reconstitution,
la réfection de la structure, la guérison
Le système qui puisse gérer tous les autres
systèmes, du niveau du gène et de la molécule
au niveau cellulaire ainsi quà tous les
niveaux imbriqués qui, tels des poupées
russes, constituent le corps humain. Un système
qui puisse donc faire lintégration de tous
ces systèmes, qui gère la vie et qui soit
capable de sintégrer et de se réguler
lui-même.
Or, en létat actuel des connaissances scientifiques,
le seul système dans lorganisme répondant
à tous ces critères est le système
hormonal : il est en charge du métabolisme et
est à loeuvre bien avant que les premières
structures nerveuses ne soient identifiées.
CJ
: Ce système règle donc tous les systèmes
?
JCL
: Exactement. Mais ce nest pas tout de définir
quil existe un système qui harmonise les
autres. Il doit aussi sharmoniser lui-même,
cest pourquoi il est aussi organisé en
système. Il existe donc des niveaux hiérarchiques
en son sein. Le système central hypothalamo-hypophysaire
contrôle les glandes endocrines périphériques.
Celles ci à leur tour envoient à chaque
instant leurs sécrétions hormonales dans
lensemble du corps, ciblant ainsi les cellules
dotées de récepteurs sensibles aux hormones
(les hormones sont des messagers porteurs dune
information destinée à une cellule-cible).
Des régulations en feed-back assurent le rétro-contrôle,
donnant ainsi à la périphérie la
capacité dapporter au niveau central les
informations qui seront traitées et qui permettront
dassurer des réponses en retour, adaptées
aux nécessités périphériques,
et donc aux besoins locaux, locorégionaux ou
généraux. La notion de finalité
apparaît incluse dans ce mode de fonctionnement
en boucles de rétroactions.
CJ
: Finalement, vous êtes en train de nous dire
que chacun est doté de son paysage hormonal propre
en fonction de son histoire, et cest cela que
vous approchez par lendobiogénie, qui va
vous donner une idée du terrain et des potentialités
de santé ou de reconstruction dune personne
JCL
: Exactement. Mais il faut bien avoir à lesprit
que chacun a un potentiel génétique propre,
une spécificité génétique
qui va sexprimer grâce à la fonctionnalité.
Tous les gènes que lon possède ne
sont pas "allumés" de la même
façon, cest ce qui fait la différence
entre chacun de nous. En fonction de ce que notre potentialité
génétique va faire de nous, chacun va
exprimer - au travers de lexpression fonctionnelle
de son potentiel spécifique - sa propre réponse
aux divers agresseurs exogènes ou endogènes
: alimentation, mode de vie, statut social, professionnel,
personnel, etc. Ainsi se mettront en place des modes
de réaction particulière par conditionnement
des récepteurs, et apparaîtra de ce fait
une structure déterminée, tant dans sa
constitution que dans son mode dexpression en
réponse à tout type dagression,
quelle quen soit la nature. Un individu donné
sera "petit et maigre", un autre "grand
et gros", un autre "calme ou impulsif"
et/ou "sensible au froid ou au chaud", un
autre sera sujet à des manifestations allergiques,
un autre encore à des troubles immunitaires,
etc. Ces différences prennent racine dans la
spécificité du terrain de chacun.
A partir du moment où cest le système
hormonal qui assure et maintient larchitecture
du corps, et qui règle la réponse aux
exigences de ladaptation, on peut comprendre que
cest lui in fine qui assure la cohérence
de lensemble de la structure et les modalités
dexpression de la maladie et des symptômes.
CJ
: Si je vous suis bien, la théorie de lendobiogénie
repose sur la proposition que le fonctionnement hormonal
se fait selon des séquences particulières
JCL
: Oui. De la même façon quun
architecte lorsquil doit construire une maison,
commence par dessiner des plans, et lors de sa construction
suivre de façon précise le déroulement
des étapes à mettre en place : assurer
les fondations dabord, puis le premier étage,
puis le deuxième, et enfin le toit, ensuite seulement
soccuper de lintérieur, installer
lélectricité
Il en est de
même pour le gestionnaire hormonal - qui est lagent
qui permet la vie, la réfection, le mouvement,
la réponse adaptative : il doit fonctionner selon
une chronologie particulière.
Il faut donc une cohérence pour maintenir un
équilibre, et celle-ci vient dans la définition
de la succession des phénomènes qui permettent
à la vie de se maintenir : destruction, reconstruction,
destruction, reconstruction avec libération du
matériel et de lénergie qui permettent
au système de fonctionner.
Et dans cette chronologie de successions, lidée
originale est quil existe non seulement des ordres
verticaux, du haut en bas, et de bas en haut - une glande
commande, lautre secrète et cela va à
la périphérie jusquau niveau des
cellules et des tissus avec retour en feedback
- mais aussi des séquences horizontales. En effet,
sil nexiste pas des séquences déterminées
dans la chronologie des opérations effectuées
par les quatre axes endocriniens [ndlr : corticotrope,
gonadotrope, thyréotrope, somatotrope], les
ordres arriveront au niveau des récepteurs périphériques
de façon anarchique. Cest pourquoi il faut
définir une logique non plus seulement verticale
comme nous venons de le voir, mais aussi horizontale
expliquant comment se fait le passage dun axe
à un autre puisque chaque axe est rattachable
à des fonctions précises et antagonistes,
puisque lun va par exemple assurer la catabolisme
et lautre lanabolisme, qui sont des phénomènes
qui mettent en jeu des réactions physiologiques
à finalité différente (construction/destruction).
Si les séquences sont inversées ou si
lune delles est escamotée, alors
des dyschronologies apparaissent dans les ordres à
effectuer et les décalages consécutifs
auront au niveau des effecteurs des conséquences
négatives au plan du fonctionnement de lindividu,
avec induction progressive de déséquilibres
pouvant être initiateurs de tous types de pathologies.
Si nous faisons une analogie avec le fonctionnement
dune usine automobile : fabriquer 100 000 voitures
par mois nécessite une succession dordres
extrêmement précise, impliquant nécessairement
un pilotage de lensemble. On ne va pas monter
les roues avant davoir fait la carrosserie, ni
régler laccélérateur avant
davoir mis le moteur en place
Cest
ce qui se passe dans le corps humain si le gestionnaire
endocrinien ne fonctionne plus de façon cohérente
et ordonnée, alors la pathologie peut apparaître.
Le livre, qui se veut grand public, explique à
laide de schémas, pourquoi, dans le système
endocrinien, les séquences commencent par laxe
corticotrope, et ensuite gonadotrope, thyréotrope,
et enfin somatotrope. Cette vision séquentielle
du fonctionnement horizontal des axes hormonaux a été
proposée depuis plus dune vingtaine dannées
par mon confrère le docteur Christian Duraffourd
et constitue lun des fondements de lapproche
endobiogénique du patient.
CJ
: Une fois cela posé, que se passe-t-il dans
le corps quand on commence à être malade
?
JCL
: Une fois que lon a compris tout ce que je
viens dexpliquer, il faut distinguer plusieurs
aspects.
Dabord, les anomalies de structure. On vient au
monde avec une structure qui sest faite en fonction
des potentialités de notre génome, de
ce que nous avons hérité de nos ancêtres
et arrières ancêtres, et des agressions
subies dans le ventre de la mère. On va alors,
par exemple, se structurer - et bien souvent on est
structuré de façon pathologique dès
la naissance en fonction du fait quun des
axes du gestionnaire endocrinien, ou lun des organes
qui constituent lorganisme va être soit
en sur-fonction, soit en sous-fonction, cest ce
quon appelle le facteur initiateur de structure.
Les autres axes vont alors être obligés
de réagir à ce déséquilibre
et se réorganiser fonctionnellement selon laxe
ou lhormone initialement perturbés.
Cela a des conséquences telles que lorganisme,
en remodelant son fonctionnement, met en place de ce
fait des déséquilibres spécifiques
qui vont faire quun sujet va, par exemple, devenir
allergique de façon plus ou moins grave, et quun
autre installera très vite un potentiel cancéreux
lui faisant développer une leucémie à
lâge de dix ans, au lieu dun cancer
de la prostate à lâge de soixante
ans.
Mais il ne faut pas faire de confusion entre les maladies
génétiques monogéniques, à
dominance forte, où lon est en présence
dun état structurellement déficitaire
dès la naissance - par exemple, un gène
déficient qui conduit à une hémoglobinopathie
- et les maladies résultant dune gestion
défectueuse du système endocrinien. Ces
maladies dites monogéniques sont extrêmement
rares. Les généticiens qui sinterrogent
de plus en plus sur lapproche génétique
des maladies ont bien compris maintenant que les maladies
cardiovasculaires, les cancers, etc., sont des maladies
multigéniques qui, du fait de cette multiplicité
de gènes impliqués, répondront
très difficilement à une thérapie
génique. Cest pourquoi ils sont à
la recherche de clés pour comprendre comment
faire lintégration de la complexité
des anomalies génétiques qui peuvent être
impliquées dans le développement de telles
maladies. Nous sommes convaincus que loutil de
la biologie des fonctions qui permet de faire les liens
biologiques entre les divers systèmes pourrait
être mis au service de cette nouvelle approche
des données fournies par la recherche en génétique
: la génomique fonctionnelle.
CJ
: Mais ce que le corps exprime, cest quoi
finalement
?
JCL
: Le corps exprime la conséquence ultime de la
mauvaise façon dont le gestionnaire sest
désorganisé. Et cette désorganisation
par rapport à un équilibre théorique
idéal, fait apparaître sur certains secteurs
au niveau du foie, au niveau des intestins, au
niveau de la peau, du cerveau, au niveau des os
- un déséquilibre dexpression locale,
qui va se manifester localement soit en réponse
à un agresseur externe, soit à un agresseur
interne. On pensera alors que la maladie est locale.
Mais en fait, elle exprime un dysfonctionnement bien
plus profond. La maladie peut aussi sexprimer
sur un mode systémique, mais lapproche
de ce type de maladies relève aussi de la même
démarche méthodologique.
Le
terrain, cest le gestionnaire du système
endocrine
CJ
: Alors, daprès vous, la médecine
générale ne fait que fonctionner selon
le Saint graal des symptômes, qui ne sont en fait
que la partie émergée dun déséquilibre
?
JCL : Oui, le déséquilibre apparent
- le signe, clinique ou biologique - est la conséquence
de quelque chose qui est, disons, inapparent mais qui
peut être mis en évidence par une approche
du patient plus large que celle actuellement enseignée
et pratiquée par la médecine. Une approche
qui replace le signe dans le malade et qui conduit à
une vraie médecine
intégrative. Tout commence déjà
lors de lécoute de ce que nous dit le patient.
Il ne sagit pas ici de lattitude découte
du psychiatre ou du psychanalyste mais dun effort
du médecin pour comprendre le lien qui existe
entre la structure physiologique du patient et ce quil
exprime par sa parole. Faute découter le
malade, on se prive dès le départ dune
foule énorme dinformations qui peuvent
servir à poser ensuite un diagnostic permettant
de comprendre comment fonctionne le terrain de la personne
en face de soi.
Lorsquun patient vous dit "jai mal
à la tête le soir et pas le matin"ou
"jai froid entre deux heures et trois heures
du matin, et après quatre heure du matin, jai
très chaud
", ce sont des indices parlants.
Il faut avoir une écoute à travers une
vision physiologique, qui replace le ou les signes rapportés
par le patient dans les données de la science
actuelle. Et ces données vont senrichir
encore, au fur et à mesure des développements
futurs de ce nouveau type de recherche.
Ensuite, concernant lexamen clinique du patient
- cest-à-dire létude des signes
présents dans son corps - les médecins
se limitent la plupart du temps à rechercher
seulement la maladie, lorgane malade. Ils font
rarement le lien avec les autres organes, avec les autres
fonctions. Il y a donc une perte dinformation
et de sens, une perte de connaissances avec cette vision
symptomatique, focalisée exclusivement sur le
seul symptôme. Car pour comprendre sa signification
exacte, il faut savoir quon ne peut le dissocier
des autres symptômes. Si un symptôme a une
signification en lui-même, celle-ci peut elle-même
être repensée lorsquon le confronte
à dautres symptômes. La médecine
de terrain, cest en quelque sorte la mise en évidence
de ce qui est caché. Et cest ce qui amène
à faire, à chaque visite, un examen clinique
approfondi du patient. La dynamique de la vie est en
permanence dans le mouvement. Si lon ne pratique
pas un examen clinique approfondi à chaque fois
que le malade consulte, on laisse passer des signes
; de même que si on ne prend pas le temps découter
attentivement le malade. Dans les deux cas, faute de
les avoir recherchés, on passe alors à
côté dindices qui pourraient mettre
le médecin sur la voie que quelque chose est
en train de bouger dans la profondeur du terrain du
patient, indices dont il faudra absolument tenir compte
dans létablissement du diagnostic. Et si
on ne corrige pas lanomalie détectée
qui traduit un état perturbé du gestionnaire,
alors le risque de voir le malade à plus ou moins
long terme exprimer une vraie pathologie est grand.
Cest dans cette attention portée au patient
que se situe en réalité la vraie prévention,
car seule cette attention permet didentifier les
éléments subtils indicateurs précoces
des risques pathologiques.
CJ
: La prévention dont vous nous parlez nest
alors pas du tout celle dont on nous rebat les oreilles
à grande force de publicité ou de campagnes
par courrier ?
JCL
: Bien souvent, ce qui est appelé "prévention"
en médecine, nest en réalité
que de la détection précoce dune
maladie déjà constituée
Cest
le cas par exemple des campagnes dites de prévention
du cancer du sein : les mammographies ne servent quà
montrer lexistence dune tumeur déjà
constituée. Est ce de la prévention ?
De même pour le dépistage du cancer du
colon : le but est de visualiser lexistence ou
non dune anomalie. Ce qui nenlève
en rien lintérêt de ces méthodes
à la recherche de lésions prises à
leur stade de début.
Pour nous la vraie prévention se situe bien en
amont de la détection même précoce.
Cest celle qui va sappliquer à identifier
les déséquilibres du terrain dun
individu bien avant que la lésion ne soit constituée,
déséquilibres qui seront les vrais éléments
inducteurs de la maladie. Rien dans le corps humain
napparaît par hasard : la maladie met toujours
du temps pour se préparer. Même quand elle
paraît dinstallation brutale. Et cela même
pour des maladies rattachées à un agent
agresseur précisément identifié.
La bonne façon de procéder est de savoir
faire lintégration au niveau du symptôme
en lui-même, des symptômes entre eux et
rapportés à létat physiologique
du corps de lindividu. On est ainsi amené
à un autre niveau de diagnostic. Et il faut savoir
quil y a plusieurs étapes dans un diagnostic.
CJ
: Lesquelles ?
JCL
: Il y a létape du diagnostic des symptômes
exprimés, quels quils soient, et qui doivent
toujours être rapportés à la physiologie.
De plus la notion du temps est importante à prendre
en considération parce que la chronologie de
la succession des symptômes - ce quon a
appelé la ligne du temps dans notre livre - va
apporter au médecin des informations très
différentes. En effet, la signification ne sera
pas la même si on fait une scarlatine à
lâge de huit ans ou à quarante ans
; si on présente un eczéma purulent à
lâge de deux ans ou un eczéma sec
à trente ans. De même lordre de la
succession des maladies au cours de la vie apporte des
informations capitales : souffrir dabord dun
asthme pendant une durée de dix années,
suivi ensuite de migraines ne traduira pas le même
état fonctionnel que si le patient présente
un ordre inverse dans la survenue de ces deux troubles.
Il est donc urgent dintroduire une vision chronologique
et dynamique des pathologies présentées,
faire en quelque sorte une révolution espace/temps...
La
deuxième étape consiste en létude
attentive des signes présents dans le corps du
patient, et là aussi rapportés à
la physiologie : faire lintégration des
symptômes physiques en les rapportant, au-delà
de leur apparence, à leur vraie signification.
Nous disposons de clés pour cela. Ceci implique
la définition dune nouvelle sémiologie
qui soit rattachée à la physiologie. Parce
que la physiologie explique létat normal
de fonctionnement dun individu sain. Mais lorsque
la maladie est là, on se situe dans la physiopathologie
: les mécanismes physiologiques ne sont plus
capables de sautoréguler et de se maintenir
en équilibre et sinstallent alors les mécanismes
du dérèglement liés à lexistence
de la maladie.
Vient
ensuite la troisième étape, qui est celle
de linterprétation des données fournies
par les examens dits complémentaires comme les
bilans biologiques, complétés si nécessaire
par des techniques dimagerie.
CJ
: Pouvez-vous expliquer, à la lueur de votre
approche, comment vous interprétez les données
biologiques ?
JCL
: En général, les médecins regardent
le symptôme biologique en lui-même : cholestérol
élevé
donnons un hypocholestérolémiant
; hyperglycémie, un hypoglycémiant ; hyper
immunité, un hypo immunisant ; un virus, un antivirus.
Ils ne font pas les liens entre les divers éléments
du sang circulant rapportés à la physiologie
et à la finalité ce qui est capital
dans lorganisme humain, de lanomalie
métabolique identifiée. "Oui, le
niveau de cholestérol est élevé,
je le vois" mais alors ne faudrait-il pas se demander
: à quoi sert le cholestérol, dans quelle
chaîne de fabrication rentre-t-il, etc.?
Or le cholestérol sert à fabriquer les
hormones, à fabriquer les oestrogènes,
à refaire des parois, des membranes
Et
si il y a élévation de cholestérol,
nest ce pas parce que le corps de ce patient dans
léquilibre dans lequel il se situe en a
besoin ?
En restant juste au niveau du symptôme
isolé, non rapporté dans le contexte de
lindividu, le risque de faire une erreur dinterprétation
est considérable.
CJ
: Quand vous parlez doutils, vous voulez parler
de ce que vous appelez dans votre livre "la biologie
des fonctions" ?
JPL
: Oui. Il sagit dun système qui est
basé sur la vision intégrative, comme
la conçu le docteur Christian Duraffourd
lorsque nous étions attachés de consultation
à la clinique chirurgicale et oncologique du
Pr Jacques Reynier à lhôpital Boucicaut
(AP-HP Paris). Etabli sur une approche globale de la
physiologie, selon les séquences déterminées
telles quon les a vues (catabolisme, anabolisme,
catabolisme, anabolisme), dans une finalité très
précise.
A partir dune simple prise de sang, on obtient
des chiffres qui vont renseigner sur létat
du terrain de la personne.
CJ
: Quest-ce qui différencie lanalyse
de sang que fait le médecin non formé
à vos méthodes de celle que vous développez
avec dautres chercheurs
Au départ,
cest la même analyse de sang ?
JPL
: Oui, il sagit de la même analyse de
sang, mais ce qui change cest linterprétation
qui est faite des résultats.
On peut, en effet, porter deux regards sur la biologie.
Le regard symptomatique : on mesure ce qui se trouve
dans le sang circulant (cholestérol, sucre, urée,
acide urique, globules rouges, globules blancs
).
Le médecin constate : les globules rouges sont
en excès, cest une polyglobulie, ils sont
en manque, cest une anémie.
Il existe un autre regard : étiologique. Il sappuie
sur le fait que ce qui circule dans le sang est fabriqué
par le corps. Cest donc la conséquence
du métabolisme du sujet. Or nous avons vu que
le métabolisme est assuré par le gestionnaire
hormonal. Lapproche intégrative de la biologie
permet de remonter en amont des substances qui circulent
dans le sang et dévaluer létat
fonctionnel des éléments qui gèrent
leur synthèse. De même que lanalyse
du symptôme exprimé par le malade permet
didentifier certains des mécanismes à
loeuvre dans son corps, de même les substances
contenues dans le sang peuvent être rattachées
à lactivité physiologique cellulaire
et conduire à voir plus en profondeur comment
lorganisme fonctionne.
CJ
: Par exemple ?
JCL
: Prenons lexemple des globules rouges et des
globules blancs. Que nous apprend la physiologie sur
les mécanismes du corps qui expliquent leur formation
?
La synthèse des globules rouges est particulièrement
dépendante des androgènes (hormones mâles)
et celle des globules blancs des oestrogènes
(hormones féminines). Ainsi, une simple division
du nombre des globules rouges par celui des globules
blancs va donner une idée de la façon
dont les éléments hormonaux qui gèrent
leur synthèse fonctionnent dans leur relativité.
Un niveau élevé de globules rouges par
rapport aux globules blancs indiquera que, dans leurs
effets tissulaires, les androgènes sont plus
actifs que ceux des oestrogènes. Cest en
partie pourquoi les normes des globules rouges de lhomme
sont plus élevées que celles de la femme
dont le niveau dactivité des hormones mâles
est globalement moins haut que celui de lhomme.
CJ
: Donc à partir dune prise de sang,
en faisant le rapport entre certaines données
reliées à un système physiologique
et aux mécanismes qui gèrent son fonctionnement,
vous déterminez un paysage de ce qui se passe
actuellement dans le corps dune personne. Vous
pouvez savoir si le système est équilibré
ou pas, si le régulateur fonctionne bien ?
JCL
: En partant dune simple prise de sang comportant
douze données biologiques classiques (comme la
numération formule sanguine, le nombre des plaquettes
sanguines, le dosage de certains enzymes, etc.) on peut
construire un système établi sur des algorithmes
tous basés sur les données incontestées
de la physiologie qui font apparaître de
nouveaux chiffres conduisant à une compréhension
beaucoup plus large des phénomènes biologiques
à loeuvre dans le corps que ne le permet
une approche purement analytique.
Il sagit de la biologie des fonctions qui comporte
actuellement 172 index dactivité endocrine,
métabolique, tissulaire, etc. (par exemple, nécrose
cellulaire, résistance à linsuline,
remodelage osseux, immunité, stress oxydatif,
développement anormal cellulaire
) dont
chacun apporte des informations essentielles.
Croisées entre elles, ces informations permettent
de dresser un panorama de létat structural
et fonctionnel du patient, de ses risques potentiels
de développer une maladie, et permettent de suivre
lévolution de son terrain, spontanée
ou sous leffet dun traitement.
Pour ma part, jai pu étudier sur une quinzaine
dannées environ 12.000 biologies des fonctions.
Linterprétation des résultats ne
simprovise pas et nécessite une formation
complémentaire.
Si un index est trop bas, ou au contraire trop élevé,
cela a une signification précise, mais là
aussi, avant de se prononcer, il faut le corréler
à dautres index qui ont, eux aussi, une
signification propre qui va tempérer, ou alors
renforcer celle de lindex considéré.
En dautres termes, cela nous donne un schéma,
une cartographie de létat fonctionnel des
axes endocrines de la personne, ce qui permet de porter
un regard différent sur linterprétation
des symptômes et des maladies.
CJ
: Ceci étant personnalisé à chacun
JCL
: Oui, chacun a son terrain propre. Etant donné
que le système est construit de façon
"bottom-up", du bas vers le haut, on part
des briques de base puis on articule un système
de fonctions de fonctions, construites selon la vision
endobiogénique des axes intégrés.
Et cest là que lon voit de façon
évidente et chiffrée que chaque individu
est unique.
On saperçoit, par exemple, quil ny
a pas un seul cancer du sein qui soit strictement identique
à un autre, car chaque femme est unique dans
son mode de fonctionnement. Et lon comprend tout
de suite pourquoi en traitant 100 femmes atteintes par
le "même" cancer du sein, la "même"
molécule chimiothérapique naura
pas le « même » effet attendu chez
toutes. Cela permet aussi dexpliquer pourquoi
un inhibiteur de la FSH sera très actif chez
40% des femmes, alors que les autres 60% échapperont
rapidement à son action. De nouvelles recherches
sappuyant sur les données de la biologie
intégrative pourraient aider à mieux identifier
celles chez lesquelles ce produit serait mieux indiqué.
Un tel outil permettrait de cibler de façon beaucoup
plus spécifique les traitements.
En effet, il est capital daller vers une vraie
personnalisation des traitements. Mais une vraie personnalisation
ne peut se limiter seulement à identifier le
produit plus actif sur la seule tumeur (les médicaments
dits ciblés). Elle doit aussi prendre réellement
en compte létat propre du patient, car
cest dans cet état que sont cachées
les vraies raisons du succès ou de léchec
dun traitement.
CJ
: Après avoir dressé le paysage du terrain
du patient, ainsi que de ses systèmes, comment
fait-on pour rééquilibrer lorganisme
au mieux ? Il ny a pas forcément de médicaments
pour ce que vous dites
qui ont été
testés dans votre système
JCL
: Le choix des moyens dont disposent les médecins
pour soigner un malade doit être longuement réfléchi.
La mise en place dune stratégie thérapeutique
nécessite une vraie réflexion.
En face dune urgence vitale, devant une agression
massive qui met en jeu le pronostic immédiat
du malade, devant leffondrement de ses capacités
de réaction, alors le choix dun traitement
à activité instantanée et pharmacologiquement
forte simpose.
Quand on considère, par exemple, un système
hydraulique sur lequel sest exercée une
pression trop forte qui a fait exploser une canalisation,
il faut agir durgence et changer le tuyau défaillant.
Pour le patient dans une situation comparable, cest
exactement la même chose, lintervention
lourde est indispensable : on utilisera ici le bistouri,
et là on aura recours à la cortisone.
Cest tout le rôle du médicament durgence,
du médicament moderne qui est totalement intégré
dans lapproche endobiogénique.
De même, quand un système est complètement
décompensé, il faut le suppléer.
Soit de façon temporaire, soit de façon
permanente. Quand une personne ne peut plus fabriquer
dinsuline, on doit alors la suppléer toute
sa vie en insuline.
Mais ces cas dextrême urgence, ou de déficience
absolue dun organe ne représentent quune
faible proportion du nombre des patients auxquels le
médecin doit apporter chaque jour une solution.
Par exemple, compte tenu du nombre de généralistes,
le médecin français est amené à
diagnostiquer au cours dune année de son
exercice professionnel environ un infarctus du myocarde
(120 000 personnes sont victimes dun tel accident
chaque année dans notre pays), alors quil
aura à traiter par contre des milliers daffections
moins dangereuses : migraine, acné, rhumatisme,
trouble des règles, constipation, insomnie, fatigue,
autant daffections qui ne nécessitent normalement
pas le recours à des traitements lourds.
Une vraie réflexion simpose alors pour
limiter au maximum le risque dinduire chez ces
patients lapparition deffets secondaires
en recourant de principe, comme cest la règle
actuellement, aux médicaments proposés
par la science actuelle, médicaments tous accusés
dinduire un nombre important deffets secondaires
pas toujours anodins, et dont certains figurent sur
la liste des médicaments mis sous surveillance
par le ministère de la santé.
Une telle constatation implique pour le médecin,
soucieux de « dabord ne pas nuire »
à son malade, la mise en place dune double
nécessité : sefforcer de trouver
la vraie cause du symptôme présenté
par le patient, et recourir à des médicaments
le moins toxiques possible.
La démarche endobiogénique dont nous venons
dexposer les grands principes sefforce de
proposer une réflexion médicale pouvant
aller au-delà dun seul diagnostic de symptôme
pour déboucher sur la compréhension de
sa vraie signification physiologique, et donc de mieux
cibler le traitement.
Elle sefforce aussi de recourir en priorité
à lusage de produits dextraction
naturelle, au premier rang desquels figurent les plantes
médicinales, fondement de toute thérapeutique,
en coopération avec des mesures hygiéno-diététiques
adaptées, mesures dont tout le monde désormais
saccorde à reconnaître la nécessité.
Limportance
de la phytothérapie
clinique
CJ
: Pourquoi êtes-vous en faveur dune réintroduction
de la plante médicinale au sein de la thérapeutique
médicale journalière dont le médecin
devrait disposer pour le malade ?
JCL : Lhomme se constitue en se nourrissant
du végétal. Il puise en lui tous les éléments
qui lui permettent de se structurer et de se maintenir
en létat. Cette simple constatation ne
devrait-elle pas amener les esprits forts qui dénient
toute possibilité daction thérapeutique
réelle à la plante de considérer
cette réalité : sans végétal,
la vie de lhomme nest pas possible
Est-il alors absurde denvisager que la plante,
du fait de la multiplicité des principes chimiques
quelle contient et qui sont tous dotés
dune activité pharmacologique, ne puisse
en agissant sur les systèmes physiologiques du
corps humain engendrer des effets non seulement négatifs
(tout le monde connaît les dangers des plantes
toxiques, ah la fameuse ciguë !) mais aussi positifs
(ah lincrédulité devant lévidence)
?
Au cours des millénaires, les diverses traditions
ont bien mis en évidence que lorsquon prend
des extraits globaux de certains végétaux,
soit en décoction, soit sous forme de poudre,
des résultats thérapeutiques peuvent être
obtenus. Pour nombre des observations rapportées,
ce savoir empirique est confirmé maintenant grâce
à la mise au point de techniques dextraction
actualisées et plus modernes. Les produits quelles
permettent dobtenir voient chaque jour davantage
la réalité de leurs effets confirmée
par des études pharmacologiques et cliniques.
Lun
des grands problèmes auquel est confronté
lusage médical de la plante médicinale,
cest la décrédibilisation dont elle
est indûment lobjet.
Dans la suite de la logique scientifique qui a engagé
la médecine dans la voie analytique de lidentification
de lanomalie ponctuelle décrétée
seule responsable de la maladie, la recherche thérapeutique
sest elle aussi engouffrée dans la recherche
de la molécule unique censée corriger
cette anomalie. Nous avons vu à quelles limites
defficacité et de toxicité cette
approche a été confrontée. Simpose
donc maintenant un recul nécessaire, privilégiant
une vision intégrative des connaissances médicales.
Or, léclatement du corps humain en une
infinité de constituants sest accompagné,
en parallèle, de léclatement de
la plante en une infinité de principes actifs,
pour ne plus sintéresser quà
celui à même de répondre aux exigences
dun traitement ponctuel. Il sen est suivi
une perte complète de la connaissance des possibilités
que les plantes complètes, dans la globalité
de leurs composés, peuvent exercer sur le vivant
considéré lui aussi dans sa complexité.
Or les plantes sont des systèmes vivants organisés
qui ont intégré la vie minérale
et au sein desquels sexercent des fonctions identiques
à celles de lhomme : fonctions dassimilation,
délimination, de détoxification,
de protection.
A lusage, dans une vraie vision médicale,
utilisées selon une stratégie précise,
elles sont en mesure dexercer des effets thérapeutiques
très importants. Dans le contexte actuel de la
grande crise de remise en cause de la médecine,
aucun médecin ne peut plus continuer den
ignorer lexistence.
A
la condition dêtre utilisées à
des doses pondérables faibles, des doses de régulation
de lordre de celles qui sont à loeuvre
en permanence dans le fonctionnement physiologique de
lorganisme humain et qui le gèrent, les
plantes peuvent en fonction de leur nature propre modifier
létat du terrain du malade et, en aidant
à la réorganisation de la structure dont
le déséquilibre a laissé sexprimer
la maladie, se présenter comme loutil de
base pour le traitement de tout malade.
Mais on ne peut utiliser la plante sans une réflexion
approfondie. Son usage médical relève
de règles complexes. Il existe différents
niveaux dutilisation de la plante, allant dune
recherche daction symptomatique à celle
plus élaborée dune vraie médecine
de terrain.
CJ
: La plante donc... Et que pensez-vous de l'homéopathie
?
JCL
: Lhoméopathie se définit comme
la médecine de terrain par excellence.
Pour nous, une médecine de terrain implique obligatoirement
trois points à respecter : établir un
diagnostic précis rapportant la présence
des signes à un état spécifique
physiologique propre à lindividu, connaître
laction des remèdes sur les mécanismes
physiologiques, choisir le remède dont les effets
seront à même dengendrer la modification
physiologique recherchée pour corriger létat
du patient.
Or, si lhoméopathe part du symptôme
présenté par le malade, il va lui directement
au choix du remède simillimum, sans passer par
létape du diagnostic physiologique.
Lattitude homéopathique face au malade
est donc fondamentalement différente de celle
endobiogénique.
Le traitement part des signes pour aller directement
au traitement. Il manque de ce fait la réflexion
physiologique basée sur les données de
la science médicale.
Lhoméopathe espère ainsi quen
donnant à un patient présentant des symptômes
proches ou identiques à ceux quun médicament
appliqué à dose forte ou toxique a déclenchés
chez des sujets sains, ce même médicament
prescrit en dilution à dose infinitésimale
le guérira. Et fera que le terrain se réorganisera
de lui-même. Il sagit donc dune adaptation
dun remède à un symptôme,
sans que le médecin ait à identifier les
troubles physiologiques sous jacents.
CJ
: Revenons aux plantes. Quel exemple pourriez-vous
me donner de quelque chose qui serait récidivant
avec un médicament et qui se guérit très
vite par les plantes avec lanalyse endobiogénique
?
JCL
: Prenons lexemple dune affection courante
qui touche préférentiellement les femmes
: linfection urinaire récidivante (cystite
chronique). Il sagit dune maladie éprouvante
du fait de la gêne et des douleurs quelle
engendre, et de la fréquence des récidives
qui surviennent même sous leffet de traitements
antibiotiques bien conduits. Si au lieu de rester focalisé
sur le germe présent dans les urines le médecin
conduit une réflexion physiologique, il va sefforcer
didentifier quels mécanismes déréglés
sont susceptibles dexpliquer la présence
permanente du microbe agresseur.
Le germe sest installé car il a trouvé
dans la vessie des conditions écologiques favorables
à son développement. Il sagit donc
de comprendre que la vessie sest enflammée
parce quil existe un état congestif local
dont il faut trouver la cause. Ce qui amène à
étudier létat du système
neurovégétatif de la femme dont la science
nous apprend quil joue un rôle important
dans la régulation des phénomènes
de congestion vésicale. Un premier mécanisme
est donc à envisager, mais il faut aller plus
loin et considérer quels éléments
gèrent létat de limmunité
de la paroi vésicale. Ceux ci font appel au rôle
du système hormonal dont le médecin devra
aussi apprécier le mode de fonctionnement. Ainsi
de proche en proche, le prescripteur est amené
à poser un diagnostic beaucoup plus global pour
pouvoir comprendre ce qui, dans ces divers mécanismes,
est à lorigine de la persistance du germe
dans les urines. La conséquence de cette approche
est quelle change complètement la vision
de la maladie, le germe nétant quun
épiphénomène consécutif
à un déséquilibre beaucoup plus
global quil faut prendre en considération
et traiter en conséquence pour obtenir une vraie
guérison. Les possibilités des plantes
médicinales, ici comme ailleurs, sont considérables
car elles offrent des moyens de corriger de façon
physiologique les divers éléments déséquilibrés
qui participent à la chronicité de la
maladie.
Et, bien souvent, un simple traitement à base
de plantes rééquilibrant le système
neurovégétatif, renforçant limmunité
et aidant à la décongestion pelvienne
tout en rééquilibrant la fonctionnalité
de la surrénale et de la thyroïde, permet
dobtenir une guérison rapide et stable
avec disparition du germe, sans que pour autant sa destruction
ait été effectuée de façon
directe comme peuvent le faire les antibiotiques.
CJ
: Si jai tout compris en allant voir un médecin
qui pratique lendobiogénie, et avec une
simple prise de sang, se dresse alors un paysage : on
peut voir des forces, des faiblesses, on peut aider
à réorganiser au mieux possible léquilibre
physiologique du corps. Et si on revient trois ou six
mois plus tard, on voit aussi comment le terrain a évolué
Au fur et à mesure, on revient à un "état
plus sain"
?
JCL
: Oui, suivant les patients, on voit que chacun
a des contraintes différentes au niveau de ses
structures. Par exemple, une femme présentant
des oestrogènes forts (de structure), pourra
être prédisposée à des maladies
où les oestrogènes seront impliqués
(majorité des cancers du colon, des cancers du
sein, des cancers de la prostate). Pour certaines femmes
les contraintes seront très fortes. Dautres
présenteront des contraintes moindres. Si lindex
oestrogénique normal se situe entre 0,30 et 0,50),
certaines femmes hyperoestrogéniques se situent
en permanence à 0,50 0,55, dautres
toujours à 0,60, 0,70 voire 0,80
La pression
sera beaucoup plus forte chez celles où lindex
est plus élevé et encore davantage si
dans le même temps elles présentent dautres
anomalies de leur physiologie propre accroissant lactivité
de leurs oestrogènes. Ce qui veut dire que chacune
va réagir dune façon qui lui est
spécifique, dans un délai plus ou moins
rapide et jusquà un niveau plus ou moins
stable et plus ou moins profond. Tout cela est une question
de niveaux déquilibre, de structure spécifique
à chaque personne. En sachant quil existe
des moyens détude du terrain qui impliquent
des règles complexes, il est possible dapprocher
de façon plus scientifique celui ci.
CJ
: Mais alors, si vous obtenez de bons résultats,
et privilégiez à chaque fois les plantes
(les médicaments de synthèse aussi lorsquils
sont nécessaires), pourquoi les pouvoirs publics
ont-ils délaissé la plante phytothérapique
dans notre système de santé ? Les préparations
ne sont plus du tout remboursées. Avant, elles
létaient
JCL
: Jusquà lheure de la chimie triomphante,
on a toujours soigné avec des plantes. Leur usage
classique relevait essentiellement dune vision
du symptôme, dune approche symptomatique
de la maladie. Leur utilisation nentrait pas dans
le cadre dune théorie globale.
Lapproche de la phytothérapie traditionnelle
des herboristes est utile, mais étant essentiellement
symptomatique et non étiologique, elle a ses
limites : on peut faire disparaître un symptôme,
mais si on ne va pas plus loin dans la réflexion,
quand on arrête de prendre la plante, bien souvent
le symptôme revient. Elle présente donc
tous les inconvénients dune thérapeutique
qui nest pas appliquée en fonction dun
diagnostic médical précis de létat
du terrain.
Si lon veut vraiment réintégrer
lusage de la plante médicinale dans lensemble
de la médecine, on est obligé de considérer
lexistence de niveaux dutilisation, de niveaux
de savoirs différents. On ne peut pas rester
juste au niveau de lherboristerie. Il faut passer
maintenant à létape de la phytothérapie
clinique, en réintégrant la connaissance
des propriétés des plantes dans les études
de médecine, et en valorisant leur utilisation
dans le cadre dune médecine à visée
globale capable détablir un diagnostic
précis.
CJ
: Vous présentez dans le livre une action
pilote avec le Mexique, à laquelle vous participez,
et visant justement à réintroduire lusage
de la plante dans leur système de santé
.
JCL
: Oui. Il faut savoir que le Mexique regorge dun
grand nombre despèces végétales,
estimé par les spécialistes à plus
de 30.000 espèces de plantes, dont beaucoup ne
sont pas encore connues.
Concernant lusage des plantes, les mexicains disposent
dun savoir empirique très importants (les
matrones connaissent des recettes, les utilisent). Mais
il existe au Mexique comme partout dans le monde le
vaste courant de la médecine pastorienne, analytique,
exclusivement engagée dans la voie de la chimie
de synthèse, gérée par les multinationales
du médicament dont les intérêts
quelles défendent nont pas vraiment
avantage à ce que ce savoir traditionnel soit
mis en valeur et porté à la connaissance
de tous.
Jai eu la chance de rencontrer Paul Hersch, un
médecin mexicain qui sest intéressé
depuis vingt ans à notre vision de la médecine,
à notre usage de la plante médicinale
dans le cadre de lendobiogénie. Pendant
de nombreuses années, nous avons donné
des cours au Mexique, ce qui a permis de former un groupe
de médecins à la pratique de lendobiogénie
et à lusage de la plante médicinale
pour les soins aux malades. Une société
scientifique de phytothérapie clinique a été
créée, ce qui a permis au fil du temps
de sensibiliser les pouvoirs publics de la ville de
Mexico à la mise en place dun enseignement
officiel en partenariat avec le ministère de
la Santé. Depuis un an maintenant, 42 médecins
formés exercent dans les centres de soins et
les dispensaires de la ville de Mexico.
Lopportunité politique pour mettre en place
une telle entreprise était facilitée au
Mexique du fait que ce pays dispose de nombreuses plantes
dont la valorisation médicale peut déboucher
sur des gains économiques considérables
en terme de diminution du coût financier élevé
que représente pour le système de santé
la prescription à grande échelle de produits
de synthèse.
Lendobiogénie qui permet dintégrer
la plante médicinale au coeur de lacte
médical justifie la crédibilité
scientifique de son usage.
CJ
: Quel est lobjectif de cette action pilote
?
JCL
: il a déjà été estimé
quen introduisant les plantes en médecine
courante, avec seulement 50 médecins prescripteurs,
le coût des dépenses engagées par
le système de soins gratuits de lEtat diminuait
de 5%. Et donc, fort de ces résultats, le système
devrait petit à petit samplifier, pour
gagner à terme - nous lespérons
- lensemble du pays.
CJ
: Sachant que tout notre organisme se régule
par le système endocrinien, vous consacrez tout
un chapitre dans votre livre aux perturbateurs endocriniens
JCL
: Oui. Mais on est toujours ici dans la vision de
lagresseur externe : bisphénol, PCB, phtalates,
pesticides et autres substances disséminées
dans notre environnement, notre eau et nos aliments.
Cest bien davoir pris conscience de leur
dangerosité, ce sont des agresseurs qui ne sont
pas neutres. Ils rentrent dans lorganisme, sintègrent
aux tissus, nen partent plus et génèrent
des dégâts. Mais ce qui na pas encore
été vraiment bien mesuré, cest
combien peut être dangereux à long terme
lusage quotidien et si généralisé
de médicaments de synthèse qui ne sont
pas adaptés à notre physiologie. Le futur
nous réserve encore bien des surprises, du même
ordre que celles consécutives aux effets négatifs
du leader mondial des anti-inflammatoires, le Vioxx,
retiré du marché en 1997 pour avoir provoqué
des dizaines de milliers de décès, alors
quil avait passé avec succès tous
les tests de fiabilité et de non toxicité
requis par la pharmacologie moderne.
Des modifications
non encore identifiées à lheure
actuelle vont être induites par des médicaments
censés nous apporter une vraie prévention
alors quils agissent à linverse de
ce que nous en attendons, comme commencent à
le démontrer des publications scientifiques récentes.
En renforçant lautopathogénicité
de lorganisme par les modifications quils
induisent dans le fonctionnement subtil du corps humain,
ils généreront à grande échelle
des effets néfastes sur la nature desquels on
na pour linstant aucune idée... Cet
aspect du problème a été abordé
largement dans notre livre.
CJ
: Finalement, quels objectifs poursuivez-vous avec
la sortie de ce livre ?
JCL
: La finalité de ce livre est de proposer
des solutions nouvelles aux patients (et aussi aux médecins)
de leur dire quune autre voie personnalisée
dapproche de leurs maladies existe et que des
traitements mieux adaptés à leur physiologie
sont disponibles. Leur faire prendre conscience quà
côté des grands médicaments classiques
dont lusage doit être réservé
à ceux dentre eux qui en ont réellement
besoin, il existe des médicaments moins potentiellement
dangereux qui peuvent leur apporter le soutien adéquat
pour retrouver leur santé et la conserver.
Lune de ses autres finalités, cest
damener les pouvoirs publics qui sont confrontés
à une crise considérable de fonctionnement
du système médical à reconsidérer
la façon dont la Santé est abordée
et traitée. Il faut repenser la maladie et laborder
sous langle dune médecine qui soit
vraiment globale et à visée intégrative.
Il faut aussi privilégier le recours à
des thérapeutiques le moins iatrogènes
possible, des thérapeutiques qui soient mieux
adaptées à la physiologie individuelle
et qui sappuient sur une vraie connaissance de
ce quest le terrain dun individu.
Nous avons bien conscience que sans volonté politique
réelle, rien ne pourra se faire. Cest pourquoi,
cest aux patients de prendre leur santé
en main et dexiger que des études soient
menées dans notre pays pour évaluer lactivité
clinique des plantes médicinales, pour quun
enseignement de la phytothérapie soit officialisé,
pour que des recherches soient mises en place en France
dans des hôpitaux pilotes, que ce soit en cancérologie
en pédiatrie, dans les services durgence,
pour évaluer les données fournies par
la biologie des fonctions et que les résultats
soient analysés selon les méthodes statistiques
habituelles.
Il sagit aussi de mettre en place un vrai débat
scientifique dénué de tout esprit partisan
pour que soit possible la réintroduction de la
plante médicinale dans le système de santé
CJ
: Ce qui risque de susciter pas mal doppositions
JCL
: Oui, car de telles options entrent en conflit avec
les objectifs poursuivis par les multinationales du
médicament. Prenons, par exemple, lusage
de plus en plus encouragé et généralisé
des hypocholestérolémiants de synthèse
en prévention des complications cardiovasculaires,
alors que la preuve de leur non toxicité nest
pas faite et quil existe dautres moyens
moins dangereux pour prévenir les effets néfastes
dun excès de cholestérol. Si cette
voie de réintroduction de la plante médicinale
comme moyen prioritaire de prévention était
adoptée, le manque à gagner pour les multinationales
risque dêtre considérable et lon
peut sattendre à une forte opposition de
leur part
CJ
: Dans combien de pays cette approche est-elle aujourdhui
pratiquée ?
JCL
: Nous avons développé un réseau
de praticiens formés à lendobiogénie
et à la phytothérapie clinique en Angleterre,
aux Etats-Unis, en France, au Mexique, en Tunisie et
la Chine nous a sollicités pour mettre en place
des centres de formation.
CJ
: Dans votre pratique, face à vos malades, de
quoi êtes-vous le plus fier ?
JCL
: Je me suis appliqué tout au long de mes quarante
années dexercice à ne jamais trahir
mon objectif initial, à savoir le respect de
la personne en face de moi. Et, pour ce faire, à
créer et à participer à la diffusion
dun courant de pensée qui sapplique
à remettre lhomme au centre du système
médical. A sensibiliser et à former des
médecins français comme étrangers
à une telle pratique de la médecine. Les
résultats quils obtiennent auprès
de leurs patients confirment chaque jour davantage le
bien-fondé de cette approche, ce qui ma
conforté dans la certitude que nous sommes sur
la bonne voie.
Ces premières étapes laissent envisager
le développement de recherches plus importantes,
non seulement dans le cadre de la médecine praticienne
mais aussi dans celui des hôpitaux.
Ce type dapproche du malade est certes exigeant,
et sinscrit difficilement dans ce que jappelle
"la médecine à dix minutes"
qui ne permet pas de donner à lindividu
toute la place quil doit occuper. Dans un monde
en mutation, cette place devrait pourtant être
prioritaire à tous égards.
Cest pourquoi jai fait le choix de consacrer
la part de vie quil me sera donné de vivre
à la diffusion de lendobiogénie,
cette proposition dapproche globale du vivant,
pour quun jour elle soit totalement intégrée
au cur de la médecine, pour le plus grand
bien des malades comme de celui des bien-portants.
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