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Discours sur l'origine de l'univers
Flammarion
Commentaire
sur le mode "A propos de"
par Jean-Paul Baquiast
Considérations
sur la connaissance. A propos du dernier livre de
Etienne Klein.
On
fait beaucoup d'hypothèses sur le monde à
connaître, et pas assez sur la machine à
connaître
Tout
est affaire de décor
Changer de lit, changer de corps
A quoi bon puisque c'est encore
Façon de n'y comprendre rien
d'après Louis Aragon
« Non,
l'univers n'existe pas, non plus que le vide quantique,
ces deux conundrums situés aux deux extrémités
de la physique, dont le langage scientifique a créé
le nom et que l'observation s'épuise à
visualiser, que la raison s'épuise à
comprendre ».
C'est
la conclusion que selon nous un lecteur prudent devrait
tirer de la lecture de l'excellent livre de Etienne
Klein, Discours sur l'origines de l'Univers
(Flammarion 2010), faisant suite à trois ou
quatre autres essais du même auteur portant
sur la physique et la cosmologie, tout aussi excellents.
L'ouvrage, très pédagogique, recense
toutes les hypothèses présentées
depuis l'Antiquité et singulièrement
depuis quelques années pour essayer de comprendre
les fondements du monde physique.
Très
honnêtement, l'auteur avoue que ces hypothèses,
faute de pouvoir être mises à l'épreuve
de l'expérimentation instrumentale, ne répondent
pas aux questions que la raison humaine prétend
devoir se poser à propos de l'univers. Ceci
ne signifie pas que nous suggérerions au lecteur
de ne pas lire cet ouvrage ou d'autres analogues.
Au contraire. Il faut le lire d'urgence, et s'en pénétrer.
C'est seulement que nous nous demandons si une autre
démarche, éventuellement parallèle,
ne serait pas aujourd'hui indispensable ? En fait,
nous pensons que cette autre démarche s'impose
déjà d'elle-même, car elle découle
de la marche inexorable de l'évolution. Un
des mérites, peut-être involontaire,
du livre, serait selon nous de la suggérer.
Qu'est-ce
à dire? Nous pensons pour notre part que la
science progresserait plus vite si elle s'interrogeait,
non pas sur les confins ultimes du monde extérieur,
qu'elle ne peut observer et moins encore rationaliser,
mais sur ses propres processus d'acquisition de connaissance.
Mais cela ne signifierait pas en revenir aux croyances
et aux mythologies, en une nième nouvelle démarche
digne d'un adversaire de la rationalité scientifique.
Nous
proposons seulement ici une réflexion s'appuyant
sur ce que semblent illustrer les millions d'années
d'évolution biologique au cours desquels les
cerveaux des animaux leur ont permis de s'adapter
à leur milieu et de s'y développer.
On devra y ajouter aujourd'hui un nouveau domaine
de réflexion, inspiré de la robotique
dite elle aussi évolutionniste. Cette dernière
montre comment des robots autonomes, plus particulièrement
quand ils agissent en groupe, acquièrent ce
que l'on nomme des cartes de leur monde suffisamment
riches en connaissance pour qu'ils puissent y survivre.
Ceux qui dans les décennies prochaines, bien
avant les humains, arpenteront seuls les sols effrayants
des planètes proches, en feront la démonstration,
n'en doutons pas.
Les
systèmes cognitifs
A
partir de ces deux séries d'observations, relevant
de la science expérimentale la plus classique,
il est possible d'élaborer le concept de système
cognitif (cognitive system en anglais) . Qu'est-ce
qu'un système cognitif ? (cf. J.P. Baquiast,
La robotique, J.P. Bayol, à paraître).
Nommons
système cognitif un organisme biologique ou
artificiel doté d'un corps aux frontières
physiques bien définies lui permettant de se
distinguer de son environnement. Ce corps communique
avec l'extérieur par des organes sensoriels
et par des membres, que la robotique préfère
nommer des capteurs et des effecteurs, ou organes
E/S (pour entrée-sortie). Il dispose par ailleurs
d'un réseau interne de transmission, de traitement
et de mémorisation des impulsions généralement
électriques circulant entre les organes E/S.
Dans les deux domaines de la biologie et de la robotique,
on pourra utiliser pour désigner ce réseau
le terme de système nerveux, ainsi que celui
de cerveau pour représenter ce qui en constitue
l'unité centrale.
Mais
pourquoi parler de système cognitif? Parce
que le système nerveux et surtout le cerveau
conservent et organisent la mémorisation symbolique
des informations produites par les E/S au fur et à
mesure que le corps interagit avec son environnement.
Il n'existe rien de tel dans les organismes vivants
qui se sont construits selon d'autres logiques, par
exemple les végétaux, ni rien de tel
non plus dans les machines électroniques plus
simples, comme les calculateurs. Le système
nerveux et le cerveau, que nous désignerons
désormais par les termes de système
nerveux central ou mémoire centrale (MC), reçoivent
en permanence des informations provenant des E/S.
La plupart de celles-ci disparaissent. La MC ne conserve
que celles présentant une certaine régularité,
un certain caractère répétitif.
Nous les nommerons ici des contenus cognitifs ou connaissances
puisque leur ensemble résume l'expérience
de l'interaction avec le monde extérieur résultant
de l'activité des organismes.
Le
modèle informatique du processus d'acquisition
de connaissances ainsi utilisé est bien connu.
Il s'appelle « réseau de neurones
formels ». On parle là de neurones
parce que, globalement, dans le corps biologique,
les architectures durables entre neurones s'organisent
selon un processus voisin. Lorsqu'un organisme, qu'il
soit biologique ou artificiel, interagit régulièrement
avec une entité ou « objet »
du monde extérieur, par exemple un animal ou
un meuble, sa MC en construit une représentation
symbolique. Nous parlerons aussi de connaissances
ou de cognitions relatives à cet objet. Chaque
cognition correspond (nous simplifions) à la
moyenne des perceptions relatives à l'objet
considéré. La MC accumule ainsi de nombreuses
cognitions, puisque l'organisme interagit en permanence,
dans le cours de son développement, avec un
monde empli d'objets nombreux et complexes.
Dans
cette première façon de se représenter
les cognitions, il faut insister sur le fait qu'elles
sont expérimentales ou à base d'expériences.
Autrement dit, elles proviennent des interactions
que l'organisme entretient avec son milieu, grâce
à ses E/S. Elles ne proviennent pas de nulle
part, contrairement à celles que parallèlement
peut générer la MC travaillant en boucle
sur elle-même. Dans ce dernier cas, la MC, système
complexe en partie auto-entretenu, produit de nombreuses
représentations fictives, n'ayant pas de liens
directs avec l'extérieur et qui viennent en
conflit avec celles venant de l'extérieur.
Généralement, chez l'animal tout au
moins, ces représentations fictives sont balayées
par celles résultant de l'interaction avec
le milieu. Ce sont seulement ces dernières
qui sont conservées, parce qu'elles contribuent
à la survie de l'organisme.
On
peut donc dire que les cognitions issues de l'extérieur
dressent, au sein de la MC de l'organisme, une représentation
globale ou paysage symbolique du milieu ou de l'environnement.
Il s'agit du milieu, non tel qu'il serait s'il était
perçu par un tiers ou tel qu'il serait en soi,
mais tel qu'il est perçu par l'organisme. Ceci
n'est pas étonnant. L'organisme ne peut connaître
son milieu qu'à travers les perceptions que
lui en donnent ses E/S. C'est par conséquent
le seul milieu susceptible de l'intéresser.
A
quoi servent les cognitions?
Elles
servent d'abord à identifier et classer les
E/S reçues par l'organisme. Les E/S qui correspondent
à un objet déjà mémorisé
servent à compléter ou modifier la cognition
relative à cet objet. Le système apprend
ainsi qu'un animal peut être plus ou moins agressif,
qu'un obstacle peut être plus ou moins solide.
Celles qui sont originales, c'est-à-dire qui
correspondent à la perception d'un objet jamais
rencontré jusqu'alors, sont mises en mémoire
temporaire, avant d'être transformées
en une cognition nouvelle si elles se répètent.
Lorsqu'il reçoit une perception qu'il ne peut
pas immédiatement rattacher à un objet
déjà identifié, l'organisme doit
lever le doute. Rester dans l'incertain pourrait être
dangereux.
Pour
ce faire, il fait appel à un processus d'une
grande importance méthodologique: il formule
des hypothèse selon une méthode que
nous pouvons qualifier d'expérimentale. La
perception se rattache-t-elle à une cognition
déjà mémorisée et connue,
ou non? L'organisme met à l'épreuve
les hypothèses formulées en réponse
à cette question. Dans ce but il fait appel
à de nouvelles opérations d'E/S. En
fonction du résultat des expérimentations
auxquelles il a procédé pour tester
ces hypothèses, il en tire des déductions
qui viennent compléter sa connaissance globale
du monde. On parle de méthode hypothético-déductive.
1)
Rappelons
que ce que nous venons de décrire concerne
l'acquisition de connaissances par n'importe quel
système cognitif biologique ou artificiel présentant
les caractères que nous avons précisés
en introduction. Mais plus ces systèmes cognitifs
sont riches en termes de capacités des E/S
et de la MC, plus le processus d'acquisition, de mise
en forme puis de mémorisation des connaissances
se perfectionne.
L'un
des progrès ainsi enregistré au cours
de l'évolution consiste en l'acquisition de
la capacité d'évoquer le contenu de
la connaissance par l'affectation d'un symbole ou
étiquette permettant à la MC de le reconnaître
et le manipuler sans délais. Il s'agit d'une
technique indispensable à toute activité
de gestion de données, consistant à
« nommer », c'est-à-dire
donner des noms spécifiques aux objets ou aux
classes d'objets. Ce besoin de nommer apparaît
particulièrement grand à l'occasion
des échanges entre systèmes cognitifs.
Il a suscité des solutions spontanées
au sein des groupes d'animaux. Un cri ou une posture
déterminée peuvent signaler spécifiquement
tel danger. On constate que, dans l'acquisition de
connaissances au sein de robots interagissant en groupe,
des raccourcis identiques finissent par être
sélectionnés.
Ainsi
naissent les langages. Mais ceux-ci ne se bornent
pas à faciliter la diffusion et la mise en
réseau des connaissances acquises par les systèmes
cognitifs. Ils comportent aussi des symboles ayant
valeur d'ordres à faire ou ne pas faire telle
ou telle action: par exemple se regrouper pour repousser
un prédateur. Autrement dit, les contenus de
connaissance acquis au cours de l'interaction des
systèmes cognitifs avec leur environnement
se traduisent très vite par des modifications
de cet environnement. Les systèmes utilisent
dans ce cas leurs organes d'E/S pour se construire
des environnements plus favorables à leur survie.
On peut employer le terme de « construction
de niches ». On dit qu'il s'agit de processsus
"constructifs" ou "constructivistes".
Avec la prolifération de l'espèce humaine,
le visage de la Terre tout entière a été
transformé par de telles constructions.
Les
systèmes cognitifs les plus récents
dans l'histoire de l'évolution ne se sont pas
seulement distingués par l'acquisition des
langages. Ils ont aussi acquis des formes d'auto-observation
relevant de ce l'on nomme la conscience. Les bons
résultats au service de la survie découlant
de la multiplication d'observations du monde extérieur
à partir d'E/S de plus en plus perfectionnées
ont provoqué l'amélioration des outils
tournés vers l'observation de l'intérieur.
Ceux-ci permettent aux systèmes cognitifs de
se représenter eux-mêmes, autrement dit
de devenir, au moins partiellement, auto-cogitifs.
Ils
ont d'abord appris à utiliser plus efficacement
les capteurs endogènes dont l'évolution
les avait dotés afin de signaler certains états
internes à risque et provoquer des actions
régulatrices. Parallèlement, ils se
sont trouvés équipés, sous la
forme notamment des neurones associatifs du cortex,
de capacités pour explorer et synthétiser
ceux des contenus de leurs mémoires qui tout
en provenant de l'extérieur modifient ou peuvent
modifier la représentation de soi que le sujet
s'est donnée en interne. Ils ont pu ainsi commencer
très marginalement encore il est vrai
- à rassembler de façon cohérente
toutes les connaissances pouvant leur permettre de
compléter l'image endogène par une image
exogène, c'est-à-dire de leur propre
moi dans le monde global.
Ces
images génèrent des informations utiles
pour le pilotage coordonné de ce moi, dans
le présent ou pour le futur. Les ensembles
coordonnées d'informations et d'ordres en découlant
contribuent à former ce que l'on nomme soit
la conscience primaire, soit la conscience supérieure.
Dans ce dernier cas, le système génère
des informations sur lui-même et son environnement
qui constituent à elles seules un monde global
virtuel au sein duquel le moi apparaît comme
une sorte d'avatar. Il s'agit alors de paysages et
situations sans rapports immédiats avec l'environnement
ou le moi réel., permettant donc de se détacher
de la contrainte du présent.
La
conscience supérieure ne se manifeste dans
le règne animal, en dehors des humains, que
par courts instants. Les roboticiens espèrent
par contre que les robots de demain pourront s'en
doter spontanément. Il va de soi que les contenus
de connaissances relatifs à la vision que les
systèmes cognitifs ont d'eux-mêmes, c'est-à-dire
les contenus de conscience, sont tout autant sinon
davantage sujets aux erreurs que les contenus de connaissance
relatifs au monde extérieur. Dans tous les
cas, les organes d'E/S sont potentiellement faillibles.
Nous en dirons un mot en fin d'article.
Les
contenus de connaissance acquis par les systèmes
cognitifs n'ont d'intérêt pour la survie
que s'ils reflètent le plus fidèlement
possible le monde extérieur, avec ses avantages
et ses risques. Ainsi il ne faut pas confondre un
fruit comestible avec un fruit empoisonné,
ni dans le cas d'un robot un pied de table fixé
au sol avec le pied d'une petite chaise susceptible
d'être déplacé. Les systèmes
cognitifs ont donc développé de nombreuses
stratégies leur permettant de mettre à
l'épreuve ce que l'on pourra nommer la vérité
de leurs connaissances. La plus efficace aujourd'hui
est considérée, au niveau collectif,
comme relevant de la démarche scientifique
expérimentale déjà nommée,
dont les résultats sont désormais publiés
au sein de réseaux mondialisés. Les
animaux, sans atteindre un tel niveau de sophistication,
avaient depuis fort longtemps engagées des
procédures de même nature, dans le cadre
de ce que l'on pourrait nommer des comportements préscientifiques
empiriques. Il n'est pas impossible que les robots
les plus performants du futur s'inscrivent eux-aussi
spontanément dans les réseaux de connaissance.
Ils y apporteront leur propres points de vue sur eux-mêmes
et sur le monde, y compris sur les humains. .
Les
limites de la « vérité »
La
science expérimentale permet ainsi aux systèmes
cognitifs de délivrer ce que l'on pourrait
appeler des certificats de vérité ou
de véracité s'appliquant à leurs
connaissances relatives au monde extérieur.
Il est ainsi décrété vrai que
tel aliment est mortel et tel autre innoffensif, au
vu des nombreuses expériences ayant permis
de fonder ces affirmations. Mais on voit le risque
attaché à une telle recherche utilitaire
de la vérité. Le langage prendra l'habitude
de confondre une vérité pour soi (pour
tel système cognitif, dans telles conditions)
avec une vérité en soi ou absolue, pour
tout le monde, tout le temps et partout. En amont,
le même risque s'attache au fait même
de nommer les objets. Il s'agit de ce que la physicienne
Mioara Mugur Schächter a nommé le piège
du Réalisme 2). Si le système
identifie en les regroupant dans une classe unique,
intitulée l'arbre, un certain nombre d'arbres
différents dotés de noms spécifiques,
il sera tentant d'imaginer par commodité que
le terme d'arbre renvoie à un être en
soi, existant lui aussi dans le monde, d'une façon
non immédiatement accessible à l'expérience,
mais néanmoins susceptible de faire l'objet,
soit de réflexions philosophiques, soit de
constructions mythologiques. L'arbre sera devenu une
Réalité dans le monde de l'essentialisme.
Plus
généralement, comme nous l'avons indiqué
plus haut, l'expérience montre que les systèmes
cognitifs dotés de MC fécondes, autrement
dit de cerveaux particulièrement riches et
productifs, génèrent par une sorte de
turbulence auto-activée des représentations
du monde de plus en plus éloignées des
acquis de l'expérience. On parle d'imaginaires,
religieux, poétiques ou fantasmatiques. Ceux-ci
peuvent entraîner des bénéfices
pour la survie, pousser par exemple à explorer
de nouveaux territoires dans le monde physique ou
mental. Mais ils peuvent aussi générer
des conduites à risques, se traduisant par
ce que l'on nommera pour simplifier le déni
de réalité.
Les
outils sensoriels utilisés dans la pratique
expérimentale courante servent souvent de prétextes
à la construction de mondes imaginaires. Or
on ne peut voir que ce que les yeux peuvent voir,
au terme d'une longue évolution orientée
par les besoins utilitaires de la survie. Il en est
de même des autres organes d'E/S. Les prothèses
artificielles accroissent considérablement
la portée des organes naturels, mais elles-mêmes
atteignent très vite leurs limites, face à
l'infiniment grand ou l'infiniment petit. Il faut
se méfier également des aberrations
qu'elles peuvent provoquer, du fait de vices de construction
ou de mauvais mode d'emploi, l'interprétation
l'emportant alors sur l'observation factuelle: on
croit voir ce que l'on a inconsciemment envie de voir
3). Les aberrations collectives
sont aussi nombreuses et persistantes que celles imputables
à des observateurs individuels. Dans ces cas,
particulièrement pernicieux, ce sont des mondes
en grande partie crées par les fantasmes qui
font l'objet des commentaires des savants.
Il
en est de même des cerveaux. Aussi souples et
adaptatifs soient-ils, ils ne peuvent se représenter
des situations ou des entités que le monde
biologique n'a jamais eu l'occasion de rencontrer.
Si par hasard ils se trouvaient confrontés
à des mondes véritablement différents
du nôtre, leurs spécificités de
construction les empêcheraient de remarquer
des objets qui pourtant mériteraient leur intérêt,
au regard d'une recherche optimisée de nos
meilleures chances de survie.
La
même réserve doit être faite à
propos des mathématiques. On croit généralement
qu'elles peuvent permettre au cerveau de s'affranchir
des réalités immédiates pour
concevoir et modéliser des univers totalement
à l'écart des observations expérimentales,
bien que néanmoins susceptibles d'exister.
Mais à la suite de quelles expériences
vitales les cerveaux humains auraient-ils acquis la
capacité de le faire? Les mathématiques,
même les plus élaborées, restent
encore empreintes des limites ayant marqué
les premières opérations de dénombrement
et de mesure dans le monde animal.Elles sont liées
aux architectures neuronales sélectionnées
par l'évolution pour permettre leur reproduction.
Les outils mathématiques sont très utiles
pour préciser ou simplifier les relations entre
les contenus cognitifs et un monde extérieur
complexe, ainsi que les discours s'y rapportant. Mais
lorsqu'ils traitent d'autres phénomènes
que ceux accessibles à l'expérience,
pourquoi leur attribuer plus de fiabilité qu'à
la simple imagination poétique.
Mieux
comprendre un jour les mystères de la physique?
Cependant,
pour ouvrir une petite fenètre sur l'avenir,
pourquoi ne pas penser que, à la suite d'on
ne sait quelle mutation survenue dans les bases neurales
de la cognition, les cerveaux humains ne puissent
un jour se représenter et comprendre ce qui
reste encore pour eux des mystères, entre autres
les domaines situés aux limites de la physique
expérimentale. Peut-être aussi verra-t-on
des prothèses artificielles logiques enrichir
les capacités des cerveaux biologiques, à
l'occasion de l'apparition d'humains augmentés
dits post-humains.
Alors
les physiciens qui, actuellement confessent fort honnêtement
leur ignorance devant la question des origines de
l'univers ou de ce que dissimule le monde infra-quantique
(si l'on peut employer cette expression), pourront-peut-être
comprendre et expliquer beaucoup de ce qui demeure
des mystères pour la science. Mais pour le
moment, les systèmes cognitifs auxquels nous
appartenons, mêlant étroitement le biologique
et le technologique, ceux que je nomme pour ma part
des systèmes anthropotechniques 4),
sont loin d'en être là. Mieux vaudrait
en ce cas qu'ils ne perdent pas trop de temps à
construire des équations risquant de rester
à jamais de simples jeux d'esprit. Sans ces
équations, dira-t-on, disparaîtraient
les incitations à faire davantage de recherches
expérimentales. Espérons-le.
Mieux
vaudrait cependant, comme nous le recommandons en
introduction, chercher à mieux comprendre ce
qu'est et ce que pourrait devenir un objet immédiatement
ou médiatement à portée de nos
instruments d'observation, le cerveau humain aux cent
milliards de neurones et au nombre infiniment plus
grand de connexions synaptiques potentielles. Selon
le professeur Stephen Smith de Stanford, il existe
en effet 125 trillions de synapses dans le seul cortex
cérébral humain, soit le nombre d'étoiles
que comptent 1.500 galaxies comparables à la
nôtre. Le cerveau est donc un objet de l'univers,
équivalent en complexité à ces
1.500 galaxies. Pourquoi, après avoir acquis,
par mutation ou autrement, quelques connexions internes
supplémentaires, cet objet ne pourrait-il pas
mieux comprendre, de l'intérieur, et au même
titre que sa propre logique, la logique de l'univers
?
Rappelons
cependant, pour réfréner d'éventuels
enthousiasmes suscités par ces perspectives,
que les propos que nous avons tenus ici concernant
les systèmes cognitifs ne proviennent pas d'un
observateur devenu par miracle capable de se situer
au dessus du monde de l'expérience. Ils proviennent
eux-aussi d'un système cognitif. Celui-ci tente
de se représenter lui-même à lui-même,
mais il est contraint ce faisant par des limites de
fait auxquelles il ne peut échapper, bien qu'ayant
une certaine conscience de leur existence.
Notes
1) Sur tout ceci, voir Christopher
D. Frith Making up the mind - How Brain Creates
our Mental World
http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2007/juil/frith.html
2) Voir Miora Mugur-Schächter,
notamment Sur le tissage des connaissances Hermès
Lavoisier 2006
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2006/74/mms.htm
3) Voir Journal of neuroscience
8 décembre 2010 Expectation and Surprise
Determine Neural Population Responses in the Ventral
Visual Stream http://www.automatesintelligents.com/echanges/2010/dec/duke.html
4) Voir Baquiast Le paradoxe du
sapiens J.P. Bayol, 2010
http://www.editions-bayol.com/pages/livres-titres/paradoxe.php
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