Science,
technologie et politique
Enjeux géostratégiques
des terres rares
Jean-Paul Baquiast 31/10/2010
Les
terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés
voisines comprenant le scandium 21Sc,
l'yttrium 39Y et les quinze
lanthanides (éléments 57 à 71).
Ces métaux sont assez répandus dans
l'écorce terrestre, à l'égal
des métaux usuels. Ils sont, la plupart du
temps, présents simultanément dans les
minerais tels que la bastnäsite, la monazite,
la loparite (niobiotitanate), l'apatite, le xénotime
(orthophosphate) et les argiles latéritiques.
Leur abondance dans la croûte terrestre varie
du cérium, le 25e élément le
plus abondant (60 ppm), au thulium et au lutécium,
les terres rares les moins abondantes (0,5 ppm)(source
wikipedia). .
Depuis le début des années 2000, les
mines indiennes et brésiliennes produisent
toujours quelques concentrés de terres rares,
mais sont surpassées par la production chinoise
qui couvre 95 % de l'offre de terres rares en
2010 . Les États-Unis et l'Australie disposent
de réserves importantes (15 et 5 % respectivement),
mais ont cessé de les exploiter en raison des
prix très concurrentiels de la Chine et des
inquiétudes environnementales.
Les terres rares sont actuellement indispensables
pour la production de nombreux composants high-tech
utilisés notamment par l'industrie automobile
et celle des aéro-générateurs
(éoliennes).
La prépondérance chinoise inquiète
les pays occidentaux qui cherchent à diversifier
leur approvisionnement. La Chine avait annoncé
le 1er septembre 2009 vouloir réduire ses quotas
d'exportation à 35 000 tonnes par
an (sur une production de 110 000 tonnes)
dès 2010. Plus récemment, elle a temporairement
bloqué ses exportations vers le Japon et les
Etats-Unis, , apparemment à titre de rétorsion
dans le cadre de conflits frontaliers (avec le Japon)
et tarifaires (avec les Etats-Unis).
L'argument de fond justifiant ces décisions
porte sur la volonté de préserver des
ressources rares et l'environnement. En effet, le
ministère chinois du Commerce a récemment
affirmé que les réserves de terres rares
du pays avaient chuté de 37% entre 1996 et
2003. Mais ces mesures visent surtout à satisfaire
sa demande interne immédiate, croissante. De
2006 à 2010, la Chine a réduit ses quotas
d'exportation de 5 % à 10 % par an,
et la production a été limitée
de peur que ses réserves s'épuisent
d'ici quinze ans.
La dépendance à la Chine fait peser
une menace certaine sur les autres pays. Que peuvent-ils
faire en contrepartie ? La solution la plus évidente
consisterait à ouvrir de nouvelles mines ailleurs,
puisque les réserves de la Chine ne constituent
que le tiers des ressources connues. Ainsi, le Japon,
le plus gros importateur, compte exploiter une mine
au Vietnam. Aux Etats-Unis Molycorp Minerals envisage
de remettre en exploitation sa mine de Mountain Pass
en Californie, précédemment fermée
pour cause de pollution.
Cependant, il ne suffit pas de disposer de minerais,
il faut pouvoir les raffiner. Les raffineries ne peuvent
être mises en place rapidement. C'est la Chine
qui en détient l'essentiel. Molycorp envisageait
récemment d'y envoyer sa future production
de minerais.
Une autre solution, constamment évoquée,
consistera à recycler les déchets industriels
et électroniques pour en récupérer
les métaux rares. Mais il s'agit d'opérations
complexes, polluantes et ne produisant pas nécessairement
de produits d'aussi bonne qualité que ceux
faisant appel à des métaux frais.
La dernière perspective, la plus stimulante
pour la recherche scientifique et technologique, mais
la plus lointaine, consistera à mettre au point
de nouvelles solutions techniques permettant de se
passer des terres rares ou de diminuer les quantités
requises. Le Japon étudie très sérieusement
cette possibilité, notamment sous la responsabilité
du National Institute for Materials Science de Tsukuba.
Nous n'avons pas eu d'information concernant le point
de vue des instances scientifiques en Europe concernant
cette question. Pourtant le large appel aux nouveaux
matériaux que les industriels européens
(ce qu'il en reste) envisagent de faire supposerait
que l'Europe ne se mette pas dans la dépendance
de ses principaux concurrents dans ces domaines stratégiques.
PS
au 05/11/2010
Selon le NYT, le G20 vient d'être saisi par
plusieurs groupes industriels du danger que représenterait
la main mise de la Chine sur les Terres rares. Le
moins que l'on puisse dire est qu'ils s'en aperçoivent
un peu tard. Affaire à suivre
Voir http://www.nytimes.com/2010/11/05/business/global/05rarechina.html?_r=1
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