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Les projets spatiaux chinois
Jean-Paul Baquiast - 09/11/2010 et 18/11/2010
Les
projets martiens

Alors
que le second satellite d'exploration lunaire chinois
poursuit son travail en orbite, des informations commencent
à circuler concernant les ambitions de la Chine
relatives à Mars. Celles ci n'ont pas encore
été dévoilées, mais les
experts étrangers disposent de présomptions
de plus en plus solides.
La
première phase des projets est connue. En 2011,
l'orbiteur martien Yinghuo 1 sera lancé dans
le cadre de la mission russe Phobos-Grunt. Il s'agira
d'un petit satellite qui sera positionné sur
une orbite elliptique. Son objectif sera d'étudier
la faible atmosphère martienne. Il devrait
apporter des éléments permettant de
comprendre pourquoi l'atmosphère origine de
Mars, qui aurait pu générer des conditions
favorable à la vie sur la planète, s'est
dissipée il y a plus de 4 milliards d'années.
Approximativement
2 années plus tard, une nouvelle fenêtre
de tir favorable s'ouvrira. La Nasa entend en profiter
de son côté pour lancer un orbiteur chargé
lui aussi d'étudier l'atmosphère martienne.
Tout laisse penser que la Chine ne voudra pas laisser
passer l'occasion.
Elle
dispose en effet de l'expérience acquise par
l'orbiteur lunaire Chang'e 1 qui a réalisé
une cartographie complète de la Lune. Elle
vient par ailleurs de lancer avec succès Chang'e
2. Il s'agit d'une copie de Chang'e 1, équipée
d'instruments plus performants. L'engin; positionné
en orbite lunaire basse, se comporte bien. Les ingénieurs
chinois estiment disposer avec les Chang'e d'un système
générique efficace et désormais
éprouvé. Chang'e 2, après la
Lune, pourrait être rerouté sur une orbite
héliocentrique destinée à tester
les communications et les modalités de contrôle
dans l'espace profond.
Selon
l'expert australien Morris Jones, le bus de Chang'e
pourrait ensuite être transformé afin
d'obtenir un orbiteur martien. Il faudrait pour cela
modifier les antennes et les systèmes de télémétrie
et de radiocommunication en les adaptant aux longues
distances. Il faudrait aussi durcir l'ensemble afin
de le protéger des rayonnements cosmiques.
En
ce qui concerne le lancement, qui nécessitera
des fusées à plus grande capacité
de charge que les actuelles Long March 3A et 3C, une
Long March 3B (plus puissante malgré son rang
dans l'alphabet) équipée de boosters
pourrait faire l'affaire. Il s'agirait alors d'une
Long March nomenclaturée 3B/E, la seule disponible
en 2013, avant de nouvelles générations
de la famille Long March 5 prévue pour après
2015.
Le
futur orbiteur martien pourra être équipé
d'instruments up-gradés à partir de
ceux déjà testés lors des mussons
précédentes. Concernant le réseau
de suivi et de maintenance nécessaire, il semble
que la Chine envisage de faire appel à la coopération
de l'Agence spatiale européenne et à
son raison de suivi (tracking) dans l'espace profond.
Cet
ambitieux programme, à conduire dans des délais
relativement courts, et alors que l'alunissage d'un
robot est prévu pour 2012, montre que les ambitions
spatiales de la Chine sont considérables. Elle
n'est pas encore au niveau d'avancement acquis par
les européens et moins encore par la Nasa,
mais elle manifeste l'intention ferme de l'atteindre
rapidement.
Aux
Occidentaux et plus particulièrement aux Européens
de conserver leur avance. Faut-il rappeler une nouvelle
fois que de telles expéditions, contrairement
à ce que pense l'opinion publique courante,
fournissent l'occasion de développer des technologies
et même des emplois dont l'Europe aurait bien
besoin.
La
station spatiale Tiangong1

A
la suite d'informations diffusées récemment
par la télévision chinoise, des données
plus complètes sont désormais disponibles
concernant les projets de laboratoire spatial, ou
station spatiale, que la Chine compte mettre prochainement
en service. Il s'agira d'un équipement orbital
plus petit que la Station Spatiale Internationale
IST, mais dont la Chine se réservera l'usage.
Un
premier module dit Tiangong 1 devrait être lancé
en 2011. Ce sera un petit vaisseau spatial cylindrique
pressurisé, dont l'intérieur n'a pas
été décrit. Il sera rejoint et
accosté fin 2011 par un module de transport
inhabité de type Shenzhou 8. En 2012, un module
Shenzhou 9 sera ajouté, emportant un premier
équipage.
Rappelons
que Shenzhou, «vaisseau divin» en chinois,
est une capsule spatiale qui fut la première
à emmener un taïkonaute en orbite le 15
octobre 2003. Son développement débuta
en 1992 et quatre vols de test inhabités eurent
lieu entre 1999 et 2002. Un second vol, Shehzhou 5,
eut lieu en octobre 2005, emmenant deux taïkonaute.
L'intention déjà affichée était
de préparer la mise en place d'une station
permanente.
Si
ce programme se déroule conformément
au planning, il représentera un exploit scientifique
non négligeable, compte-tenu du fait que la
Chine aura brulé les étapes pour rattraper
la Nasa et la Russie dans ce domaine sensible. La
présence d'équipage sur une station
orbitale impose en effet, sauf à prendre des
risques qui seraient d'un mauvais effet politique,
de multiplier les sécurités.
A
quoi serviront ces équipements ? Les observateurs
occidentaux se posent la question, d'autant plus que
sur les schémas qui ont été diffusés,
on distingue deux cylindres identiques au centre de
la station, entre le module de service et le module
d'habitation. Il s'agit de deux télescopes
pointant vers la Terre en parallèle. Ceci permettrait
d'obtenir des images stéréoscopiques,
mais leur proximité ne donnerait pas une bonne
résolution.
On
pourrait imaginer au contraire que pointés
sur le même objectif, l'un en donnerait une
image à haute résolution et l'autre
le situerait dans un paysage plus large, faisant apparaître
le « contexte » (context
camera). Ils pourraient aussi opérer à
des longueurs d'onde différentes, en lumière
visible et en infra-rouge, par exemple. L'observation
multispectrale permet de détecter des détails
qui n'apparaissent pas autrement, types de minerais
ou de végétation observés par
exemple. Des télescopes plus petits avaient
déjà été embarqués
lors de la mission Shenzhou 5
Ces
télescopes devraient être commandés
de la Terre, la station étant inhabitée.
La présence d'un équipage crée
des vibrations incompatibles avec de bonnes images.
Les spécialistes occidentaux s'interrogent
évidemment, sans pouvoir apporter de réponse
vu le secret-défense observé par la
Chine, sur le rôle futur de ce puissant observatoire
orbital permanent. L'observation fine des continents
et des mers présente un intérêt
stratégique évident, même si elle
se limite à des éléments climatologiques
ou hydrologiques.
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