Editorial
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Notre
destin climatique est (très probablement) scellé
Automates Intelligents - 28/11/2010
Avant
la nouvelle conférence de l'ONU sur le climat
ouverte le 29 novembre à Cancun, le pessimisme
règne. L'ambiance est à la résignation
: pas d'accord global en vue. Tout au plus peut-on espérer
quelques recommandations techniques qui laisseront les
responsables du réchauffement climatiques poursuivre
en toute liberté leurs activités destructrices.
Mais pourquoi ne pas se résigner à l'échec,
une bonne fois pour toutes ?
Nous
sommes de ceux qui pensent que les mécanismes
en cause, que nous avons nommés "anthropotechniques",
sont trop lourdement déterminés pour pouvoir
être infléchis par de simples décisions
volontaristes. Jamais les intérêts multiples
poussant à la production des gaz à effets
de serre et autres catastrophes environnementales ne
se laisseront influencer par des avis d'experts. Ils
ne ralentiront pas leur marche inexorable aux désastres
envisagés. Les populations elles-mêmes,
qui devraient se sentir les premières concernées,
paraissent parfois prendre en dérision ceux que
l'on caricature comme des prophètes de malheur.
C'est
que la bonne démarche ne consiste peut-être
pas pour ces experts et autres scientifiques à
tenter d'élaborer des interdictions auxquelles
quasi automatiquement, les humains associés aux
technologies se sentiront obligés de ne pas se
conformer.
Mieux
vaudrait partir d'un fait acquis : vers 2100, sinon
avant, la température moyenne se sera accrue
de 4 à 5°, le niveau des mers aura monté
de 5 à 10 mètres. Le mieux serait alors
s'y préparer dès maintenant.
Les
scientifiques devraient se borner à placer les
responsables devant les situations qu'ils devront affronter.
Aux Américains, on dirait que certes, "le
mode de vie américain n'est pas négociable"
(selon l'immortelle formule de G.W. Bush), que certes
on ne peut pas demander au Congrès républicain
de valider les réductions d'émissions
proposées précédemment par Barack
Obama (avant d'être repoussées à
plus tard par lui), que certes, que certes.....
Seulement,
il conviendrait dès maintenant de prévoir
ce que fera l'Amérique quand toutes ses lignes
de côte seront sous 5 m d'eau, ses principales
villes littorales noyées.
Aux
Chinois et aux Indiens, on dirait que certes leur situation
de pays émergents ne peut pas leur permettre
de renoncer à extraire et brûler du charbon,
à empoisonner et dessécher leurs fleuves.
Seulement ils devraient dès maintenant prévoir
ce qu'ils feront quand ils se retrouveront sous un nuage
de suie quasi permanent, quand leurs terres agricoles
seront soumise une année sur deux à des
tempêtes de poussière gigantesques... sans
parler des conséquences - là aussi - de
la remonté du niveau des océans conjuguée
avec la disparition des glaciers himalayens.
Aux
Européens et aux Russes qui s'estiment relativement
protégés de tels risques (à l'exception
là encore des villes côtières),
on pourra seulement demander de prévoir comment
ils recevront les centaines de millions - sinon milliards
- de réfugiés climatiques du tiers monde
qui viendront gentiment leur demander asile.
Répétons-le,
nous pensons que les événements ainsi
décrits se produiront car ils nous semblent désormais
inévitables. On n'arrête pas avec de bonnes
résolutions la montée du magma dans une
cheminée volcanique. Le grand immunologiste australien
Frank Fenner, qui vient de mourir à 95 ans (et
qui s'intéressait aussi au climat), faisait partie
des nombreux scientifiques qui tiennent ce discours.
Dans un article
publié en juin dernier, il écrivait
: "Our fate is sealed. We're going to become
extinct. Whatever we do now is too late." [Notre
destin est scellé. Nous allons disparaître.
Quoi que nous fassions, il est maintenant trop tard].
En
fait nous ne sommes pas aussi pessimistes que lui. Nous
nous bornons à suggérer que les brillants
décideurs qui refusent aujourd'hui de compromettre
leurs intérêts à court terme en
s'engageant dans des politiques drastiques de protection
de l'environnement prévoient les actions que
leurs descendants bien-aimés devront mener dans
quelques décennies pour échapper à
l'extinction totale envisagée par Frank Fenner.