Science,
technologie et politique
Cinquante idées qui changeront
la science pour toujours (Selon le NewScientist)
Sélection
et commentaires par Jean-Paul Baquiast et Christophe
Jacquemin 20/10/2010
La
revue NewScientist n'hésite pas à
faire réfléchir ses lecteurs au-delà
de l'information scientique quotidienne. C'est ce
qu'entreprend de faire la série «50
ideas to change science forever» inaugurée
dans le n° du 9 octobre 2010, p. 32. Nous n'hésitons
pas à vous en faire connaître quelques
unes, non sans remarquer avec plaisir que la plupart
de ces points avaient déjà été
signalés ou développés dans nos
chroniques:
Cellules
(biologiques) artificielles. De même que
l'apparition des cellules primitives a probablement
résulté de l'apparition de membranes
faites d'acide gras protégeant les ARN primitifs,
de même aujourd'hui on ne pourra construire
de cellules artificielles qu'en commençant
par le commencement: les doter de membranes « intelligentes »
(Jack Szostak).
La
sélection de groupe (super-évolution).
Le temps n'est plus où les évolutionnistes
considéraient que le moteur de la sélection
darwinienne résultait de la compétition
d'individus isolés, voire de gènes « égoïstes »
entre eux. Dorénavant l'hypothèse d'abord
considérée comme hérétique
de la sélection de groupe s'est imposée.
Selon David Sloan Wilson, un des pères de l'idée,
nous sommes entrés au plan méthodologique
dans l'ère du holisme. Les groupes, depuis
les colonies d'insectes sociaux jusqu'aux sociétés
humaines se comportent comme des superorganismes,
en entretenant des coopérations internes entre
leurs membres. Des écosystèmes entiers
peuvent même être analysés de cette
façon.
Depuis les origines de la vie, la sélection
de groupe, autrement dit la compétition entre
groupes, encouragée par des comportements « altruistes »
internes ou externe aux groupes, a tout autant joué
que les compétitions entre individus pour favoriser
l'adaptation globale. Darwin l'avait d'ailleurs noté,
sans attirer l'attention à l'époque.
Ce concept de sélection de groupe ne peut que
conforter nos hypothèses relatives aux compétitions
entre ce que nous appelons personnellement des systèmes
anthropotechniques. Dans de tels systèmes les
techniques, étroitement imbriquées aux
humains, y compris sur le plan génétique,
sont des vecteurs à la fois de compétition
et de coopération (cf Baquiast, Le paradoxe
du sapiens).
A
la découverte du siège de la conscience.
Selon Allan Hobson, des études portant sur
les REM (rapid eyes movements) confirmeraient le rôle
du cortex préfrontal dorsolatéral comme
régulateur d'activités attribuées
à la conscience: attention, prise de décision,
action volontaire. En multipliant les voies d'approches
dans les prochaines années, on pourrait espérer
comprendre ce qu'est la conscience et intervenir dans
ses dysfonctionnements. Pourquoi pas, dirions nous.
Mais il ne faudra pas prêter à la conscience
(au moins à la conscience supérieure)
plus de qualités qu'elle n'en a. Voir ci-dessous
la rubrique « Le top-down processing en
matière de formation des contenus de conscience ».
L'Ocean
Observatories Initiative (OOI).
Cette
initiative américaine met en place des réseaux
de senseurs fixes envoyant des flux de données
à destination des laboratoires d'océanographie,
des écoles et même des particuliers.
L'objet
en est d'étudier sur de nouvelles bases le
milieu océanique intéressant les océans
atlantique et pacifique nord. Très bien.
Mais pourquoi ne pas faire de même en Europe?
Par ailleurs, l'intitulé de l'organisme qui
pilote ceci, Ocean leadership, peut inquiéter
http://www.oceanleadership.org/programs-and-partnerships/ocean-observing/ooi/
Le
1000 Genomes Project. Ce projet, dans la suite
du Human Genome Project, prend la forme d'un partenariat
public privé visant à établir
des cartes détaillées des variations
génétiques entre humains. Depuis 2008,
885 personnes ont accepté de participer et
16 millions de variants au sein des ADN ont été
identifiés, dont la moitié n'avaient
pas fait jusqu'alors l'objet de signalement. 60 millions
resteraient à découvrir. Il sera intéressant
de connaître les conclusions théoriques
ou pratiques qui pourraient en être tirées.
La base de données obtenues est libre d'accès
à l'adresse suivante
http://www.1000genomes.org/page.php
Le
web de la vie. Ford Doolittle rappelle que le
schéma primitif de l'évolution, proposé
par Charles Darwin, selon lequel la vie a évolué
de façon arborescente (tree of life)
, a été remis en cause, au moins en
partie, par la découverte du « transfert
horizontal de gènes » permettant
à des bactéries d'échanger des
gènes. Ce transfert fonctionne à l'intérieur
des espèces ou entre espèces, sans respecter
de schémas systématiques. La nouvelle
approche dite de la métagénomique qui
en découle réduit l'importance du concept
d'espèces bactériennes. Nous pensons
qu'elle pourra être étendue aux organismes
multicellulaires.
Le
Human Connectome Project. Nous avons déjà
signalé l'importance de ce projet, piloté
par les US National Institutes of Health. N'y revenons
pas http://www.automatesintelligents.com/actu/101031_actu.html#actu11
Les
Interactomes. Voici une nouvelle catégorie
de cartes, en voie de donner lieu à la production
d'atlas. Il s'agit d'identifier les relations entre
protéines encodées par les gènes,
ainsi que leurs relations avec des séquences
d'ADN ou de RNA. Longtemps opaques, ces Interactomes
commencent à pouvoir être cartographiés,
en soumettant les cartographies de génomes
à de nouveaux outils puissants de type bioinformatique.
D'importantes conséquences thérapeutiques
devraient en découler.
Le
top-down processing en matière de formation
des contenus de conscience. Ce terme désigne
la façon dont les neurosciences modernes interprètent
les relations entre les organes des sens et le cerveau
dit conscient. Loin de résulter d'un processus
d'acquisition bottom-up, partant du bas (les sens)
vers le haut (le cortex) afin d'aboutir à l'élaboration
d'états conscients nous donnant une représentation
aussi fidèle que possible du monde, notre cerveau
(top) reconstruit les informations fournies par les
sens afin d'en dresser des tableaux du monde correspondant
à ses désirs ou à ses souvenirs
(down). Ceux-ci sont projetés ensuite sur l'écran
de visualisation de notre conscience comme s'il s'agissait
de « réalité augmentée ».
L'hypothèse permettrait de mieux comprendre
des troubles tels que l'autisme et la dyslexie, mais
pourrait aussi s'appliquer à la vie psychique
normale. Rappelons que le neurologue Lionel Naccache
avait formulé une hypothèse analogue
http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2007/jan/naccache.html
La
mort des océans. Des cycles d'enrichissement
des océans par du CO2, à la suite du
réchauffement climatique, vont progressivement
desoxygéner les océans, en éliminer
les formes supérieures de vie et favoriser
la multiplication de bactéries sulfureuses.
Il serait temps de prendre tout ceci au sérieux
avant que la Terre ne se transforme en une sorte de
planète de méthane, telles que différentes
lunes du système solaire. Voir « Long-term
ocean oxygen depletion in response to carbon dioxide
emissions from fossil fuels »
http://www.nature.com/ngeo/journal/v2/n2/full/ngeo420.html
Controverses
autour des neurones miroirs. On sait que depuis
l'ouvrage fondateur de Rizzolatti présentant
sa découverte du rôle des neurones miroirs
chez les macaques, on a eu tendance à voir
dans ces neurones la base neurologique de l'imitation,
de l'empathie et de la compassion non seulement chez
les macaques mais chez les humains, où ces
neurones ont été ensuite mis en évidence
par IRM. En mai 2010 cependant, des chercheurs américains
ayant implanté des électrodes dans le
cerveau de patients atteints d'épilepsie contestent
la nature de leur rôle. Selon eux les neurones
miroirs interviendraient, à l'intérieur
des aires sensorimotrices, pour sélectionner
les actions à accomplir. Ils ne participeraient
pas à la compréhension du sens à
donner à ces actions. Nous pensons que ces
précisions utiles pour les spécialistes
ne remettent pas en cause le rôle des neurones
miroirs comme facteurs d'imitation d'un individu à
l'autre. Il nous semblait d'ailleurs que Rizzolatti
avait bien insisté sur le fait que leur intervention
ne se produisait pas principalement au sein des aires
du cortex associatif responsable du sens sémantique,
mais bien dans les aires sensorimotrices. Voir (Mis)understanding
mirror neurons
http://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822%2810%2900650-0
La
course à la photosynthèse artificielle.
A la suite de diverses expériences prometteuses,
le Département américain de l'énergie
vient d'affecter $122 millions pour la mise en place
d'un Joint Center for Artificial Photosynthesis (JCAP)
en Californie. Le pays qui gagnera la course à
la photosynthèse artificielle (ce que certaines
bactéries avaient inventé sur Terre
il y a 2 ou 3 milliards d'années) gagnera la
course à l'énergie bon marché
et (en principe) non polluante. On ne peut que regretter
l'absence d'intérêt, à notre connaissance,
en Europe, pour cette question. Voir JCAP http://solarfuelshub.org/
A
suivre
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