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La
simplicité volontaire contre le mythe de
l'abondance
Paul Aries
La Découverte 2010
Présentation par Jean-Paul Baquiast, 28/07/2010
Introduction.
La question de la décroissance, sujet majeur
de réflexion scientifique
Certains
de nos lecteurs nous demandent pourquoi nous évoquons
dans cette revue les perspectives politiques et
économiques de ce que l'on nomme généralement
la décroissance, alors qu'il s'agit selon
eux de thèmes sans consistance scientifique
sérieuse. Certains y voient même
une offensive menée contre les sciences
et technologies, pour des raisons relevant plus
de la foi que de l'explication rationnelle. Nous
pensons pour notre part qu'il n'en est rien. On
trouve évidemment beaucoup d'arguments
contestables ou légers dans les discours
et la littérature consacrés, en
France et dans le monde, à la décroissance.
Mais il s'agit précisément pour
nous d'une raison supplémentaire imposant
d'aborder ce thème en profondeur, en évoquant
les recherches et travaux des économistes
et politologues de plus en plus nombreux qui s'y
intéressent.
Ceci
d'autant plus que ces mêmes économistes
et politologues sont généralement
pratiquement interdits d'accès aux médias
grand public, comme nous l'avons précédemment
constaté en présentant les ouvrages
de l'économiste Yann Moulier Boutang. Celui-ci,
sans proposer explicitement la décroissance
comme un objectif politique d'ensemble, en fait
cependant implicitement une condition de l'accès
à des formes d'économies permettant
d'affronter notamment la raréfaction des
ressources face à l'accroissement des besoins
(voir http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2010/108/moulierboutang.htm
) .
Loin
d'être classée au musée des
utopies, la question de la décroissance,
pour nous, devrait être si l'on peut dire,
en paraphrasant feu Saddam Hussein, la mère
des questions philosophiques, scientifiques et
finalement politiques. Nous allons voir, en présentant
aujourd'hui le dernier livre de Paul Ariès,
qu'elle soulève des enjeux majeurs. Pour
quelles raisons précises s'imposeraient
des politiques de décroissance? Que faudrait-il
alors entendre exactement par décroissance,
décroissance des consommations, décroissance
des investissements, décroissance des recherches
techno-scientifiques? Quels domaines devraient
viser en premier lieu ces politiques de décroissance:
ceux des biens matériels, ceux des biens
et services immatériels et dans ce dernier
cas, que faudrait-il entendre par immatériel
? Qui sont ceux qui devraient en supporter prioritairement
la charge: les riches, les pauvres, ceci qu'il
s'agisse des Etats du monde ou des catégories
sociales ?
Mais
au delà de ces questions directes se posent
des questions indirectes tout aussi importantes.
Des politiques de décroissance autres que
purement cosmétiques sont-elles compatibles
avec le capitalisme libéral et plus particulièrement
avec le capitalisme financier mondialisé
? Si ce n'est pas le cas, quel système
politique et administratif pourrait être
capable aujourd'hui de décider ce que devrait
être la décroissance, sans prendre
la forme d'un étatisme de type soviétique
dont on connaît les dérives ? Autrement
dit, comment fonctionneraient des systèmes
politiques et administratifs fondés sur
la recherche de la décroissance: quelle
part demeurerait aux initiatives libres, comment
seraient déterminés les revenus
et les contributions sociales? L'Europe pourrait-elle
offrir des références à cet
égard?
La
question de la gouvernance publique pose aussi
celle de la démocratie et de la démocratie
d'opinion. Les décroissantistes, à
juste titre, comptent beaucoup sur les "
citoyens " ou forum populaires pour faire
émerger des consensus protecteurs. N'est-ce
pas en grande partie une illusion, vu les manipulations
permanentes et de tous bords portant sur les manifestations
de l'opinion. Ceci notamment quand il s'agit de
se prononcer contre ou pour telle technologie
nouvelle. Ce sujet est au coeur des préoccupations
des scientifiques cherchant sincèrement
à s'insérer dans des "conférences
de consensus" (Voir http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2010/108/edito.htm
).
Enfin,
question des question, comment espérer
voir des politiques de décroissance, aussi
scientifiquement fondées fussent-elles,
s'imposer à des sociétés
presque entièrement sous le contrôle
de ce que nous avons par ailleurs nommé
des corporatocraties. Faudra-t-il attendre que
des catastrophes non entièrement prévisibles
aujourd'hui, découlant de la course à
la « croissance » et au
profit qui est dans la logique du capitalisme
financier, en décident éventuellement?
Pourrait-on au contraire et comment, espérer
que les opinions publiques mondiales dans leurs
profondeurs se convainquent de la nécessité
de changer de mode de développement économique
avant d'y être contraintes par ces catastrophes?
Et dans ce cas, par quels types de discours, d'actions
exemplaires ou de manifestations plus ou moins
spectaculaires impressionner suffisamment ces
opinions publiques, à l'échelle
du monde, pour qu'elles abandonnent des comportements
de consommation-gaspillage profondément
ancrés dans les moeurs?
Pour
nous, plus en profondeur encore, se pose dans
la suite de notre dernier essai « Le
paradoxe du Sapiens », la question
de savoir si le volontarisme politique affiché
par certains humains observant, avec les moyens
scientifiques limités dont ils disposent,
l'évolution du monde global, peut avoir
un quelconque poids par rapport aux déterminismes
profonds paraissant résulter de la concurrence
darwinienne très largement aveugle de ce
que nous avons nommé les grands systèmes
anthropotechniques. Autrement dit, discutez, bonnes
gens, tant que vous le pourrez, des perspectives
de la décroissance (ou de tout autre objectif
de régulation politique prétendant
modifier le jeu des forces en conflit). Mais pour
le moment ce sont des automatismes complexes (non
linéaires) qui décident pour vous
de ce que sera votre avenir.
Ceci
sans cependant se dissimuler le fait qu'évoquer,
pour des raisons supposées scientifiques,
le jeu de déterminismes imprévisibles
et ingouvernables s'imposant à ceux qui
voudraient décider de leur destin, pose
immédiatement la question des forces reconnues
ou non s'exerçant sur celui qui tient un
tel discours.
Ces
questions difficiles sont parfois abordées
par le livre que nous présentons ici, mais
il conviendrait d'aller beaucoup plus loin dans
leur étude, ce que l'auteur n'a pas fait.
Nous renvoyons sur ce point à la conclusion
de la présente recension.
A
propos de l'auteur
Le
livre de Paul Ariès, dont nous recommandons
vivement la lecture, « La simplicité
volontaire contre le mythe de l'abondance »,
est le produit d'au moins deux décennies
de militantisme politique, de la part d'un enseignant
et d'un écrivain qui n'a jamais voulu se
détacher des combats politiques du temps.
Ceux qui comme nous s'intéressent aux offensives
menées contre la libre-pensée et
la laïcité n'ont pas oublié
le long et difficile combat qu'il a mené
contre les sectes, la plus puissante d'entre eux
étant l'Eglise de scientologie. Ce combat
n'a pas été clairement gagné,
vu les soutiens dont dispose cette secte, y compris
aujourd'hui aux plus hauts niveaux des Etats,
y compris en France. Mais il ne faut pas baisser
les armes, malgré les risques professionnels
et personnels que l'on affronte.
Nous pourrions ajouter qu'aujourd'hui, la lutte
contre les dérives autrement plus redoutables
découlant de l'expansion de l'islamisme
fondamentaliste devraient mobiliser les mêmes
forces. Nous ne pensons pas, contrairement à
ce que semble croire Paul Ariès, que la
lutte contre le fondamentalisme islamique soit
dorénavant considérée en
Europe comme plus prioritaire que la lutte contre
les sectes, devenue, selon le titre d'un de ses
ouvrages, une guerre perdue. Tout se passe comme
si l'Europe considérait que la lutte contre
le fondamentalisme islamique n'était pas
prioritaire ou tout au moins, était déjà
elle-aussi perdue, à supposer qu'elle ait
jamais été entreprise. En fait pourtant,
les deux s'imposent.
Depuis
une quinzaine d'années, Paul Ariès
est devenu un des représentants, sinon
les plus entendus au plan médiatique, du
moins les plus influents, du combat contre la
mondialisation capitaliste et l'hyperconsommationen
en résultant: lutte contre la nourriture
industrielle et la « McDonaldisation »,
lutte contre le harcèlement au travail,
lutte contre l'« agression publicitaire »,
lutte contre la « Disneylandisation »,
lutte contre la TV-réalité, lutte
contre le terrorisme de ceux qui s'opposent violemment
à l'expérimentation animale, etc.
On pourrait penser qu'il s'agit là seulement
d'un activisme permettant à son auteur
d'être sur tous les fronts, sur le modèle
de celui qu'il a défendu en son temps,
José Bové. Mais en réalité
ces diverses fronts permettent de préciser
et de faire discuter par l'opinion les grands
thèmes qui inspireront progressivement
les mouvements de lutte pour la décroissance
et ses propres réflexions.
Dans
cette perspectives, Paul Ariès ne s'est
pas limité au militantisme. Il a beaucoup
lu et beaucoup étudié, concernant
l 'histoire et la contemporanéité
des mouvements socialistes puis aujourd'hui des
mouvements écologistes. « La
simplicité volontaire » offre
à cet égard une véritable
bibliographie commentée. On y trouve référencés
une cinquantaine d'auteurs français et
étrangers dont la plupart sont encore peu
connus ou même sont restés confidentiels.
Parler d'anti-mondialisation ou de décroissance
sans avoir étudié l'histoire des
idées concernant ces thèmes serait
manquer du sérieux scientifique qui s'impose
sur des questions abondamment déformées
par des économistes et hommes politiques
représentant l'ordre dominant. Malheureusement,
les auteurs mentionnés dans le livre ne
sont généralement pas pour le moment
accessibles sous forme numérique, ce qui
rend un peu illusoire l'espoir de s'inspirer de
leurs travaux. Personne n'a plus le temps de fréquenter
les bibliothèques.
A
propos du livre
Le
livre fait heureusement pour nous une partie du
travail, puisque Paul Ariès ne se contente
pas de mentionner les grands prédécesseurs.
Il s'appuie chaque fois que nécessaire
sur eux dans la rédaction des 4 premières
parties de son livre. Celles-ci sont consacrées
à une relecture critique des illusions,
optimistes ou au contraire, selon lui, pessimistes,
des tenants du « capitalisme
vert » et des technosciences de même
couleur. Il critique dans les mêmes termes
le productivisme optimiste des gauches traditionnelles
comme tout autant l'anti-productivisme pessimiste
des gauches libertaires et hétérodoxes.
Il y a nécessairement, au niveau du détail,
beaucoup d'approximations et parfois de contre-sens
dans ces différentes critiques.
Néanmoins, dans l'ensemble, nous ne pouvons
pour notre part qu'y adhérer. Sur notre
site en particulier ont été souvent
évoqués les véritables mensonges
des industriels et des hommes politiques ralliés
à leur cause qui défendent des innovations
technologiques présentées comme
devant remédier aux nuisances écologiques
des techniques actuelles alors qu'elles créent
plus de nouveaux problèmes qu'elles ne
prétendent en résoudre. C'est le
cas des agrocarburants ou des solutions à
base d'OGM présentées ou plutôt
imposées par des industriels monopolistes
tels que Monsanto. C'est aussi le cas aujourd'hui
de la géo-ingénierie (voir http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2010/109/actualite.htm#actu2
Paul
Ariès dégage ainsi la route à
ce qui fait l'élément fort de son
livre, un antiproductivisme optimiste qu'il préfère
assimiler à de la simplicité volontaire
plutôt qu'à de la décroissance,
compte-tenu sans doute des ambiguïtés
qu'implique semblable terme. La deuxième
partie du livre présente un certain nombre
de propositions permettant de convaincre les lecteurs
qu'un autre monde, un monde décroissant,
« est possible », selon
la formule. Ce sont ces propositions qu'il faudra
regarder avec attention, sans renoncer pour autant
à les critiques quand elles apparaîtront
sommaires ou lacunaires défauts
inévitables vu l'ampleur de la tâche.
C'est
en effet un véritable changement de société,
non seulement en France mais en Europe et dans
le monde entier, que proposent les militants de
la décroissance, qui se qualifient d' « objecteurs
de croissance » et dont Paul Ariès
se veut un des représentants les plus actifs.
Il a en effet contribué à fonder
le Parti des objecteurs de croissance qui vise
à convaincre de la pertinence de ces thèmes
toute la gauche non capitaliste, en premier lieu
les Verts et les Ecologistes 1).
Il existe des organisations voisines, se retrouvant
sur des plate-formes communes. Citons un Mouvement
des Objecteurs de croissance ainsi qu'un Réseau
des Objecteurs de croissance pour l'Après
Développement.2). Il
semble que s'organise actuellement une « campagne
unitaire des Objecteurs de croissance pour 2012 »
dont Paul Ariès sera sûrement un
des représentants les plus actifs
suscitant d'ailleurs comme prévisible des
jalousies dans les partis écologistes.
Le
livre résume les grands traits du programme
présenté par les objecteurs de croissance.
On y trouve d'abord des propositions portant sur
le mode de vie et les idéaux de vie que
devraient se donner ceux qui ne supportent plus
les limites de la société marchande
de consommation, non plus que les contraintes
d'un productivisme bien résumé par
la formule de Sarkozy, travailler plus pour gagner
plus. Il s'agit en fait de s'engager personnellement
dans toute une gamme de combats politiques permettant
de changer la société en profondeur,
mieux qu'une hypothétique « révolution »
dont l'échec serait assuré.
Il y a en premier lieu les combats individuels,
permettant à l'individu de mieux se responsabiliser
humainement, socialement et écologiquement.
Paul Ariès met en garde cependant à
cet égard contre les tentations moralisatrices
toujours présentes dans certains esprits,
se traduisant par des formes de répression
de groupe insupportables. Attirer l'attention
du voisin sur le gaspillage que représente
le fait de laver sa voiture en période
de sécheresse est admissible. Organiser
comme cela se pratique désormais dans certains
communautés musulmanes, des visites quasi
domiciliaires chez les voisins pour s'assurer
qu'ils respectent le jeune du ramadan n'est pas
loin de faire apparaître le spectre du Ministère
de la promotion de la vertu et de la répression
du péché dont s'honore la république
islamique d'Iran.
Après les combats individuels viennent
les combats collectifs portant sur les comportements
économiques. On retrouve là l'esprit
traditionnel de la gauche et du syndicalisme mutualiste,
coopératif et auto-gestionnaire. Paul Ariès
salue ainsi le développement des AMAP (Associations
pour le maintien d'une agriculture paysanne) et
des SEL (Services d'échange local). Il
met cependant en garde, là aussi, sur les
capacités du capitalisme à récupérer
toutes ces initiatives, comme le montrent de nombreux
exemples que nous ne citerons pas. Pour éviter
ces pièges, il recommande d'ajouter aux
démarches précédentes des
combats collectifs de type politique. A nouveau,
il ne s'agira pas de proposer une révolution
conduisant à une société
mondiale de la décroissance dont nul n'est
encore capable de préciser les contours
ni les voies d'accès. Il s'agira seulement
de susciter une gamme de petits combats à
fort potentiel symbolique ou d'entraînement,
lesquels tels les petits ruisseaux pourraient
faire naitre une grande rivière.
L'objectif
en sera cependant très ambitieux, car il
s'agira selon l'expression consacrée, de
« refabriquer de l'humain »,
selon le principe « moins de biens,
plus de liens ». Aussi ambitieux qu'il
soit, cet objectif pourra cependant êtreatteint
localement assez vite, récompensant ainsi
ceux qui s'y engagent. Ceci d'autant plus que
demeurent encore présentes dans nos sociétés
certaines des traditions de convivialité
et d'autonomie propres aux anciennes communautés
paysannes et ouvrières. Les groupes ayant
la chance tous ne peuvent pas le faire
de mettre concrètement en pratique
des comportements de frugalité partagée,
ceux qui peuvent rechercher de nouvelles formes
d'expression et de création, offrent en
effet à leurs membres une qualité
de vie supérieure à celle dont bénéficient
les victimes de l'enfermement télévisuel
et de la course à la consommation.
Une telle recherche doit se faire aussi à
travers les institutions, telles l'école,
la commune, l'hôpital. Il ne s'agit évidemment
pas de prétendre s'en passer, car elles
sont indispensables à des relations inter-individuelles
policées, mais il faut cependant essayer
de les « réhabiter »,
y réintroduire les dimensions humaines
qu'elles perdent de plus en plus sous la pression
du capitalisme de marché avec qui elles
sont mises en concurrence.
Vers
un programme politique
Le
livre se termine par la présentation de
ce que l'auteur nomme « huit raisons
de choisir la simplicité ».
Il y recommande des changements complexes de comportement
auxquels nous ne pouvons pas pour notre part toujours
adhérer sans discussions. Dans beaucoup
de cas, selon nous, Paul Ariès simplifie
excessivement les problèmes et les solutions.
Si ainsi l'objectif fort louable de lutter contre
l'artificialité conduit à refuser
systématiquement les produits et les recherches
de ce qu'il stigmatise du nom de technosciences,
il n'y a plus qu'à tenter de s'enfermer
dans un hypothétique Moyen-Age (qui sera
d'ailleurs très probablement synthétique,
les marchands ne renonçant pas à
exploiter ce créneau porteur). En fait,
les objectifs ainsi proposés ne seront
acceptables qu'après beaucoup de clarifications
et discussions. Ils visent toutes à diminuer
les formes de consommations insoutenables imposées
par le capitalisme marchand, ce en quoi ils sont
justifiées. Mais il y aura manière
et manière de le faire.
Se
refuser comme producteur c'est-à-dire refuser
de consacrer tout son temps à une activité
marchande, se refuser comme consommateur, esclave
de la publicité, se refuser comme spectateur
esclave de la télévision, changer
son rapport au temps, changer son rapport à
l'espace sont des buts fort louables mais ils
ne se concrétiseront que si les humains
sont incités à inventer des comportements
de substitutionà la fois plus valorisants
pour eux et plus protecteurs des écosystèmes.
Ceci ne se fera pas sans efforts et sans erreurs.
Paul Ariès n'en disconvient d'ailleurs
pas. Il est certain que dans le cadre étroit
d'un ouvrage de 300 pages, toutes les précisions
nécessaires ne peuvent être apportées.
Nous
restons cependant sur notre faim lorsque, notamment
dans la conclusion, Paul Ariès propose
des formes d'organisation de la vie économique
et sociale a priori très attrayante mais
qui ne seront pas viables sans des modifications
profondes et quasiment planétaires
des régulations étatiques.
Préférer systématiquement
la gratuite à l'usage payant
3), proposer l'adoption d'un Revenu Universel
d'Existence, se situant entre un minimum et un
maximum vital, recommander comme le font d'autres
économistes de la décroissance (dont
Yann Moulier Boutang précité) un
impôt universel portant par exemple sur
les transactions numériques, poseraient
d'immenses problèmes, si l'on voulait au
delà d'expériences symboliques,
généraliser de telles procédures,
comme il sera nécessaire de le faire, à
l'ensemble du monde, développé ou
moins développé.
C'est
pourtant cela que signifiera le mot d'ordre qui
séduit de plus en plus de personnes, sortir
du capitalisme marchand. Comme cette sortie sera
à notre avis inévitable, si l'un
des scénarios que nous avons évoqué
dans notre dossier consacré à la
géopolitique 4) se réalisait
dans les prochaines décennies, c'est-à-dire
un enchaînement de catastrophes, nous pensons
qu'il conviendrait sans attendre d'y réfléchir
sérieusement. Des questions beaucoup plus
difficile à résoudre qu'il n'y paraît
devront être abordées.
Par exemple, comment, avant de prétendre
sortir du capitalisme en général,
s'attaquer à la première priorité
qui est indiscutablement la sortie du capitalisme
financier? Nous avons indiqué ainsi ailleurs
que depuis trente ans, un véritable complot
provenant du capitalisme anglo-saxon a privé
les Etats (sauf évidemment les Etats-Unis
qui sont au coeur du système) de la possibilité
de maîtriser leurs propres monnaies. Autrement
dit, la monnaie traditionnelle, dite régalienne
ou des Instituts d'émission, a été
complètement soumise à la monnaie
dite de banque, et à tous les dérivés
spéculatifs construits à partir
de cette dernière 5).
Quitte à choisir la forme de capitalisme
qui nous mangerait, nous préférerions,
malgré ses déviances possibles,
le capitalisme d'Etat à tous les autres.
De
même, dans un tout autre domaine, la question
de la démographie ne pourra être
évitée. Nous pensons que, contrairement
à ce que pensent les démographes
bien pensants, rien ne permet d'affirmer que la
supposée transition démographique
permettra partout de stabiliser les naissances.
Avec la destruction des structures sociales et
la remontée des fondamentalismes en résultant,
dues aux crises à venir, rien ne permet
d'affirmer que la natalité ne va pas reprendre
partout, au sein de populations soumises à
des réflexes hérités de survie
propres à toutes les espèces en
danger 6).
Plus
généralement, les questions posées
par les politiques de décroissance, brièvement
résumées dans notre introduction,
ne pourront pas rester sans réponse. L'idéal
serait d'y associer le maximum de citoyens. Encore
faudrait-il que partout se généralisent
des ateliers et des expériences dont on
ne voit guère en ce moment l'amorce. Il
faudra aussi que tout ceci se fasse en utilisant
le plus largement possible les ressources du web,
comme nous en donnons nous-mêmes l'exemple
ici à trop petite échelle. Stigmatiser
le web comme consommateur indu d'énergie
n'y aidera pas.
Ce
serait en fait un très grand projet géopolitique
illustrant et confortant les objectifs des plus
raisonnables des objecteurs de croissance qu'il
conviendrait d'entreprendre, en y ralliant le
maximum de forces de gauche. Mais les attaques
personnelles, comme celles auxquels s'est livré
récemment Paul Ariès contre Daniel
Cohn-Bendit, aussi fondées puissent-elles
être, n'y aideront pas. On peut déjà
pronostiquer que, pour les élections présidentielles
françaises de 2012, rien de très
clair dans ces directions ne sera présenté
aux électeurs.
Notes
1) Le Parti des Objecteurs de
croissance http://www.objecteursdecroissance.fr/
2) Mouvement des Objecteurs de
croissance http://www.les-oc.info/
et Réseau des Objecteurs de croissance
pour l'Après Développement http://www.apres-developpement.org/
3) Pourquoi à cette occasion
faire si peu de cas du mouvement des logiciels
libres et de la publication gratuite en Open Source
dont nous sommes ici un combien éminent exemple
?
4) Voir http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2010/108/geopolitique.htm
5) Cf. de Marc Jutier, possible
candidat aux élections présidentielles
de 2012 « Cest la CRISE finale ! » paru
dans NEXUS n° 69 de juillet-août 2010,
http://marcjutier.over-blog.fr/pages/nous-sommes-a-la-veille-de-la-crise-financiere-finale-3220884.html
6) Voir
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2010/109/ontophylogenese.htm
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