Dans
cette page, nous présentons des ouvrages éclairant
les domaines abordés par notre revue. Jean-Paul Baquiast.
Christophe Jacquemin
La
psychanalyse décrite en UML par Vincent Lamareille
Edité en ligne à http://www.psyuml.com/
ou bien
http://psyuml.wordpress.com/
Vincent Lamareille a une double formation d'architecte de systèmes
logiciels et de psychologue clinicien
NDLR.
L'auteur nous écrit:
J'ai
lu les articles que vous consacrez aux ouvrages de Lionel
Naccache
et Xavier
Saint-Martin.
Je pense que vous pourrez trouver de l'intérêt
à mon travail qui utilise le langage de modélisation
graphique UML pour présenter et expliquer la théorie
psychanalytique ainsi que le vocabulaire de Jacques Lacan.
Ce livre parcourt le Séminaire de Lacan et reformule
les principes de la psychanalyse
en privilégiant une présentation visuelle pour
chaque concept.
Je souhaite vivement que ce livre apporte une aide efficace
aux étudiants en psychologie et en philosophie, mais
aussi qu'il soit le point de départ d'une nouvelle approche
de la pratique clinique en étant la source de nouveaux
échanges enrichissants.
Nous
avons proposé à Xavier Saint Martin de faire une
présentation de ce livre pour le compte de notre revue.
Nous la publions ci-dessous. Qu'il en soit remercié.
AI.
A
propos de « La psychanalyse décrite en UML »
Présentation par Xavier Saint-Martin, 16 juin 2010
L'objectif
Tout ce qui tente de modéliser, ou même seulement
d'offrir une approche à la psychanalyse est bon à
prendre. C'est un tour de force que de modéliser l'uvre
de Lacan, puisque cette modélisation présuppose
d'appréhender les concepts lacaniens et leurs relations.
La clarté du propos mérite d'être soulignée,
tout particulièrement les commentaires des diagrammes,
et la sélection des citations.
De fait, l'ouvrage offre une clarification remarquable des textes
de Lacan, pour peu qu'on ait une culture psychanalytique de
base, et qu'on l'ait au moins un peu lu.
Par contre, je doute qu'il offre aux cliniciens « un
support fiable de discussion et de formalisation de leur pratique
clinique » (Introduction, page xxii). Il faudrait
déjà pour cela qu'ils maîtrisent le langage
UML, ce qui est très loin d'être acquis.
La méthode
C'est là, hélas, que le bât blesse : celui
qui n'a aucune compétence préalable en langage
UML sera bien en peine d'en appréhender le minimum nécessaire
pour tirer des diagrammes, proposés dans la troisième
partie de l'ouvrage, tout le bénéfice qu'espère
l'auteur. J'ai été bien en peine d'en comprendre
les tenants et aboutissants, par manque de volonté de
passer les dizaines d'heures d'étude qu'il m'aurait fallu
consacrer à ce langage pour tirer parti de ces diagrammes.
Étant de formation sciences physiques puis ingénieur,
j'imagine les sommets d'incompréhension, voire de rejet,
que la modélisation UML ne manquera pas de susciter chez
les lecteurs ayant une culture et une formation relevant des
sciences humaines. C'est, par malheur, exclure du lectorat le
public princeps auquel cet ouvrage devrait s'adresser.
Pour autant, j'ai parcouru tous les digrammes. Ils ont l'avantage
de susciter la réflexion j'en ai moi-même
produit à propos de la théorie de Freud
et les commentaires et citations les accompagnant m'ont offert
l'immense bénéfice d'une revue générale
de la pensée de Lacan. Ils permettent également
de clarifier nombre de concepts lacaniens, lesquels ont été
tellement commentés, voire dévoyés, que
cette uvre est clairement salutaire. Rien que pour cela,
l'ouvrage mérite d'être recommandé.
Le débat
A entendre ce que Lacan lui-même énonce des aléas
du signifiant, il n'est pas surprenant que ce travail de définition
des concepts lacaniens, et de leurs liens, puisse se heurter
à des divergences d'interprétation. J'en ai recueilli
un exemple. On lit, page 66 : « On peut aussi formuler
que l'inconscient est l'intrusion, le forçage du langage
en tant que structure dans le sujet humain. C'est ce que disent
les phrases de Lacan : « L'inconscient a une structure
de langage » et « Le langage est la condition
de l'inconscient ». [
]. Par extension, l'inconscient
est dans tous les cas identifiable au langage lui-même. ».
On peut
ne pas avoir cette lecture de Lacan. On peut soutenir que, pour
Lacan, d'une part c'est parce que le sujet ne peut être
représenté que par des signifiants qu'il est barré,
car cette contrainte institue l'inconscient ; d'autre part on
ne peut connaître l'inconscient qu'à travers le
langage du sujet. En conséquence de quoi ce qu'on voit
de l'inconscient est fatalement structuré comme un langage,
mais cela n'autorise aucunement à identifier, au nom
de Lacan, l'inconscient et le langage A vrai dire, je ne vois
pas où Lacan aurait énoncé que « l'inconscient
est dans tous les cas identifiable au langage lui-même. ».
Au contraire, « Le langage est la condition de l'inconscient »
(comme indiqué page 171), mais par la négative
: tout simplement parce que l'inconscient est « ce
qui ne peut pas se dire ».
La question de la pertinence méthodologique
Il est troublant de constater que le modèle UML strict
ne permet pas de représenter la négation, mais
seulement l'absence de lien. Ceci illustre combien les notions
de refoulement, de défense et d'inconscient sont étrangères
au monde de l'ingénierie. Reste donc à déterminer
si une modélisation issue de l'ingénierie est
pertinente pour décrire une théorie psychanalytique.
Ce préalable, pourtant essentiel, n'a pas été
abordé.
A contrario, je me suis posé la question de la modélisation
UML de l'uvre de Freud. Elle n'aurait pas moins d'intérêt
que la modélisation UML de celle de Lacan, et pourrait
même en constituer un préalable, ou à tout
le moins un comparateur objectif. Et si cette modélisation
se révélait impossible, ne tiendrait-on pas là
un indicateur d'auto-contradiction d'une théorie ?
Pour conclure,
je souhaite ardemment que l'ouvrage de Vincent Lamareille participe
à la sensibilisation des cogniticiens à ce que
la psychanalyse pourrait apporter à leurs travaux.
Le
crépuscule d'une idole,
par Michel Onfray, Grasset 2010
Présentation par Frédéric Paulus 15/06/2010
Frédéric
Paulus est psychothérapeute et docteur en psychologie.
La
fin de l'hégémonie freudienne
Dans la
vie des idées, on évoque lhégémonie
lorsquune idée occupe notre esprit au détriment
dune autre qui pourrait prendre place et sactiver
en réflexion, imagination, proposition, créativité,
rêve, action
Ainsi dans le paysage intellectuel
français, dans une moindre mesure en pays anglophones,
la philosophie freudienne a donné à la fois naissance
à une pratique thérapeutique par la psychanalyse
ou la psychothérapie et une doctrine philosophique complexe
assurément hégémonique visant à
donner un sens à lexistence même de lêtre
humain. Or cette doctrine largement répandue sur notre
planète se voit remise en cause par un ouvrage intitulé
« Le crépuscule dune idole, laffabulation
freudienne », en 600 pages ! Son auteur :
le philosophe Michel Onfray. Deviendrait-il le don Quichotte
des temps modernes ? Le philosophe rebelle attaquerait-il de
nouveaux moulins à vent ?
Il serait plus réaliste de dire quil tente labordage
dun bastion. Ou une citadelle à lintérieure
de laquelle il est possible de compter dhonnêtes
intellectuels en quête dune intelligibilité
humaine et dun sens profond aux malaises et contradictions
de notre temps : la sexualité culpabilisée,
lexacerbation des égoïsmes, la cupidité,
lindifférence à la souffrance des faibles,
les maladies mentales, les échecs psychologiques répétés,
la guerre
et toutes les maladies à traduction somatique
que la médecine officielle qualifie de fonctionnelles
pour ne pas dire existentielles ?
La critique
du philosophe Onfray sen prend au père de la psychanalyse
quil situe dans le clan des philosophes et non des scientifiques
contrairement à Freud qui dans la septième (et
dernière) « Nouvelles conférences sur
la psychanalyse » associe son uvre à
des noms tels que : Kepler, Newton, Lavoisier, Darwin,
Pierre Curie, « et si vous remontez plus haut »
dit-il, « jusquà Archimède, Aristarque
de Samos (250 env. av. J.-C.), le précurseur de Copernic
».
La critique
de Michel Onfray visant à décrire un Freud avide
de reconnaissance est sans doute fondée mais cela peut-il
interférer sur la pertinence de ses apports ? Assurément
oui. Si vous voulez convaincre vos pairs, ne faut-il pas leur
donner la possibilité de vous critiquer et de réfuter
vos conclusions en faisant preuve dhumilité ?
Or lapport de la psychanalyse ne peut sévaluer
et se vérifier que sur des patients qui auraient pu être
impliqués en faisant lobjet de recherche scientifique
dans la mesure où ils auraient été associés
à des protocoles dévaluation établis
en amont de leur thérapie. Cela
Sigmund Freud nen voulait pas. Ses raisons : le secret
médical et lanonymat dans la présentation
des études de cas ainsi que le caractère « fuyant »
de lapproche de linconscient névrosé
abordable uniquement par les psychanalystes
de son école !
Cest ainsi que Freud avec ses critères de scientificité
et ses cinq études cliniques qui prennent chacune entre
80 et 100 pages a réussi à entraîner une
armée disciplinée démules soucieux
de se conformer aux mises en garde de protection et de sauvegarde
de sa doctrine et de sa pratique. Il y eut certes des contestataires
et quelques dissidences, qui donnèrent naissance à
des écoles parallèles, dans lisolement les
unes des autres, sans quune possibilité de véritables
débats puisse tenter de réunir les options, les
hypothèses ou les présupposés.
Il nest
pas ici le lieu dénumérer tous les points
qui posent vraiment question dans la doctrine livrée
par Freud et ses suiveurs. Notons tout de même :
1) La généralisation de la dimension sexuelle
à toutes les composantes de la vie.
2) Lattachement vital de lenfant à sa mère
est assimilé à une déviance oedipienne
qui devient un complexe universel. Dans un contexte culturel
où lenfant nest pas éduqué
à se séparer de ses parents, il peut en effet
subir les projections pathogènes de ses éducateurs
entravant ainsi son autonomie sexuelle et affective.
3) La dualité pulsion de vie pulsion de mort est
indéfendable face à la communauté des chercheurs
en biologie. Le pessimisme de Freud se serait plaqué
sur linconscient et sa pulsion de mort sans distinguer
la part de ce qui pourrait demeurer sain et de ce qui pourrait
effectivement être névrosé au sein dun
même inconscient. Cette distinction naura pas été
perçue. De
nos jours le questionnement fondamental sur le psychisme suggère
de différencier linconscient personnel influencé
par lhistoire de la personne et linconscient biologique
qui garderait sa logique (saine !) évolutionniste
et adaptative.
4) Le rêve qui repose sur des bases initialement saines
nest perçu que par le prisme de la sexualité
avec lincontournable déformation freudienne den
rechercher systématiquement le sens à connotation
sexuelle.
5) Enfin, mais la liste nest pas exhaustive, le conservatisme
de Freud qui pensait quil existait deux métiers
impossibles : le métier de parent et celui dhomme
politique. Il en oublierait presque un autre, le métier
de psychanalyste ?
Que dire
enfin de linterférence entre la psychologie intime
de Freud et son influence (donc subjective) dans la formalisation
de SA théorie. Lenseignement reçu dans les
hauts lieux académiques sur le père de la psychanalyse
occultait les dimensions scabreuses ou torturées de sa
psychologie. La découverte de ce Freud finalement caché
aura été pour moi, non pas synonyme « dune
douche froide », mais suscita une inquiétude
pour mes confrères qui auraient suivis le maître
à la lettre
Je laisse au lecteur potentiel dOnfray
le soin de se faire sa propre idée.
Ce livre
salutaire à lire et à
critiquer va-t-il
de nos jours à lui seul nous émanciper de cette
hégémonie malsaine qui nous empêche de penser
librement la vie psychique et qui risque de discréditer
en même temps la psychanalyse ? Le rêve, par
exemple, ne possède-t-il pas en lui des potentialités
en attente dactivation ? Ma réponse et assurément
OUI ! La nature a bien fait « les choses »,
il nous faut garder lespoir de jours meilleurs grâce
à ce que nous a livré la Nature !...
Terminons
par une note poétique du philosophe Wang Fuzhi extraite
de l'ouvrage « Figures de l'immanence pour une lecture
philosophique du Yi Kin » de François Jullien,
1993.
« Les nuages passent, la pluie se répand :
le flux des divers existants ne cesse de s'actualiser »(...)
« Passons maintenant de ces phénomènes
physiques, qui en sont l'expression sensible, à ce que
constitue cette capacité, dans son principe invisible
; elle est ce courant ou ce « flux » qui
ne cesse de traverser les individuations et les renouvelle selon
leur genre propre; grâce à elle, l'existence ne
cesse de « s'actualiser » et se trouve
constamment promue. » Wang Fuzhi (Chine 1619-1692).
Saint-Denis
de la Réunion
0692 29 65 69
0262 20 19 70
paulus.fred - arobase - orange.fr
L'instinct
européen, par Yves Labat, Jean-Paul Bayol,
2010
Présentation par Jean-Paul Baquiast
* Voir le site du livre http://www.editions-bayol.com/pages/livres-titres/instinct-europeen.php
Yves
Labat, consultant depuis plus de 30 ans, est Délégué
Général d'EUROGROUP CONSULTING. Depuis plus de
10 ans, il se consacre à la création d'un groupe
de conseil européen indépendant, en stratégie
et organisation - déjà présent dans 17
pays avec plus de 1200 consultants. Il est conseiller du Commerce
Extérieur.
Ce livre
se distingue de la plupart de ceux qui ont été
ou sont publiés sur l'Europe en ce sens qu'il ne s'adresse
pas directement aux institutions européennes ou nationales,
mais aux citoyens. L'auteur, s'appuyant sur une expérience
personnelle très riche, veut montrer par des exemples
précis que les citoyens européens pourraient,
en apprenant à se connaître et coopérer
d'un pays à l'autre, changer radicalement leur situation
économique et sociale. Ceci non pas en allant chercher
à l'autre bout du monde des solutions dont les autres
grands ensembles politiques ne disposent pas ou qu'ils veulent
conserver pour eux, mais en exploitant les considérables
ressources potentielles qu'offrent la société
et la civilisation européenne ici même, à
l'intérieur des frontières de l'Europe.
Le concept
de citoyen européen risque de rester vague et incantatoire,
s'il n'est pas précisé. En fait, la lecture du
livre montre qu'Yves Labat s'adresse à deux grandes catégories
d'acteurs possibles, disposant des ressources pour agir mais
ne les utilisant pas par manque d'information et plus encore,
par manque d'enthousiasme européen. Il s'agit d'abord
des PME/PMI. Les gouvernements célèbrent à
l'envi la richesse du tissu économique et industriel
qu'elles constituent. Mais Yves Labat montre que les PME, quelles
que soient leur taille ou leur secteur d'activité, restent
encore enfermées dans leurs domaines et cultures nationales
sinon locales qui, hors le cas exceptionnel de l'Allemagne,
les asphyxieront à terme. Au contraire, elles pourraient
en mutualisant leurs ressources et leurs investissements, atteindre
une véritable taille internationale. Ceci initialement
à l'intérieur même de leur domaine économique.
1).
Ainsi une
petite entreprise industrielle française et son équivalente
dans un pays européen voisin n'ont pas à elles
seules la capacité de s'équiper d'un matériel
innovant qui leur permettrait de résister à la
concurrence asiatique. En se regroupant, elles le pourraient.
Ceci est contre-intuitif. Le premier réflexe est d'éviter
de se rapprocher d'un concurrent potentiel. Mais selon le vieux
principe selon lequel l'union fait la force, l'objectif de tels
rapprochements ne serait pas de prendre à l'autre ses
marchés, mais de disputer aux américains, chinois
et autres non européens les marchés qu'ils sont
en train de se construire en Europe. En cas de réussite,
il sera temps de songer à exporter hors d'Europe, mais
en priorité, il faudra récupérer le marché
intérieur. Bien évidemment, partager un équipement
commun nouveau n'est pas simple, mais cela constitue l'amorce
de la future PME de taille européenne, travaillant en
réseau, dont l'Europe a besoin.
La deuxième
catégorie de citoyens européens auxquels s'adresse
Yves Labat est représentée par les jeunes, étudiants
et jeunes adultes, qui ne trouvent pas de perspectives dans
les frontières nationales mais qui ne font pas l'effort
d'exploiter les ressources potentielles qu'offriraient là
encore l'espace économique et civilisationnel européen
s'il était abordé à une véritable
échelle paneuropéenne. Là le discours de
l'auteur nous paraît moins convaincant. Ceci parce que
les jeunes, à supposer qu'ils aient les formations nécessaires,
n'ont pas généralement les ressources leur permettant
d'explorer les potentialités d'action s'ouvrant en principe
à eux. Certes, il existe diverses modalités d'incitation
et d'aide, dont le livre fait d'ailleurs le recensement. Mais
il est difficile d'attendre de quelqu'un se trouvant le dos
au mur d'avoir le temps et le courage d'en profiter. En fait,
ce sera dans la plupart des cas en trouvant un emploi dans des
PME tentant comme indiqué ci-dessus l'aventure européenne
que ces jeunes pourront mettre en valeur leur instinct européen.
Le lecteur
s'étonnera peut-être de voir que l'auteur ne s'adresse
pas aux grandes entreprises européennes, dans la mesure
où cette catégorie existe encore et n'a pas été
totalement absorbée par le capitalisme financier international.
Or et non sans raison, il n'en attend pas grand chose, pour
l'objectif qui est le sien. Ces entreprises n'ont en général
qu'un souci, délocaliser leurs productions hors d'Europe,
pour bénéficier de la dérégulation
administrative et des faibles coûts de main d'oeuvre.
On ne leur reprochera pas. Mieux vaut que l'Europe conserve
à ce prix des entreprises automobiles, chimiques, énergétiques
de taille mondiale. Mais ce ne sera pas celles-ci qui apporteront
des réponses à la nécessité de redévelopper
en Europe des activités productives.
Notre
commentaire
Dans ce
bref article, nous ne discuterons pas en détail la démarche
et les propositions du livre, dont nous ne pouvons, pour les
raisons esquissées ci-dessus, que recommander la lecture.
Il nous paraît cependant nécessaire, pour éviter
l'angélisme européen qui pourrait nous saisir
ce faisant, de rappeler plusieurs choses. Il n'est pas certain
qu'Yves Labat, qui ne partage pas nécessairement nos
points de vue politiques ou géostratégiques, nous
suivrait. Encore faudrait-il en discuter.
1. Les PME/PMI
ne pourront s'investir dans des coopérations internes
si les Etats européens ne développent pas de véritables
politiques industrielles de reconquête où elles
trouveront leur place. Le terme de politique industrielle n'exclut
évidemment pas le secteur agro-alimentaire ou celui des
services. Il a cependant un sens précis: produire en
Europe ce que le néolibéralisme impose d'acheter
à des entreprises et intérêts non-européens.
2. De telles
politiques industrielles européennes ne seront pas possibles
sans un appel massif à l'épargne européenne.
Ceci notamment parce qu'elles supposeront des investissements
systématiques et coûteux dans les nouvelles formes
d'énergie et de production dites « vertes ».
Nous l'avons rappelé dans notre « Plaidoyer pour
la mise en place d'un fonds stratégique européen
», susceptible de mobiliser globalement environ 1.000
milliards d'euros (http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=446&r_id=).
Il ne faudrait pas chercher cet argent dans les fonds d'investissements
non européens, mais dans les épargnes et actifs
des simples citoyens européens.
3. Elles
exigeront également, comme nous ne cessons de le dire,
l'abandon du non-interventionnisme politico-administratif et
le retour à une forme étendue d'économie
mixte protégée. Celle-ci supposera évidemment
non seulement la mise en place d'un gouvernement politique et
administratif de la zone euro, mais une véritable fédéralisation
de toutes les grandes compétences budgétaires,
réglementaires et législatives. Ceci pourra se
faire, en attendant de nouveaux traités européens,
dans le cadre des coopérations renforcées ou structurées.
4. Tout
ce qui précède n'aurait aucune chance d'aboutir
si ces projets n'étaient pas soutenus systématiquement,
non pas seulement par des PME/PMI européennes y voyant
des avantages, mais par les organisations syndicales ouvrières
européennes. Les syndicats ne retrouveraient le souffle
qui leur manque actuellement que dans le cadre des politiques
de réindustrialisation et de retour à l'économie
mixte évoquées ici.
5. Concernant
les administrations nationales et locales, auxquelles le livre
de Yves Labat ne s'adresse pas réellement, le même
discours devrait être tenu. Ce ne serait que dans le cadre
d'un système d'économie mixte européen,
raisonnablement protectionniste et capable d'assurer de cette
façon le maintien des valeurs de l'Etat-providence à
l'européenne, qu'elles pourront conserver leur raison
d'être et leurs moyens.
6. Pour
éviter enfin la naïveté, il faudrait rappeler
à tous les Européens ce dont beaucoup, par atlantisme
idéologique ou parce qu'ils sont déjà «
passés à l'ennemi », ne sont pas convaincus.
C'est que l'empire américain a toujours été
et demeure le plus grand ennemi de la construction européenne.
L'Europe ne se fera qu'en se libérant de l'emprise américaine,
laquelle est plus forte que jamais, y compris au sein des «
think tanks » soi-disant européens proliférant
à Bruxelles. Si le système américain paraît
au bord du collapse dans certains domaines, il ne l'est pas
suffisamment pour que l'Europe puisse reconquérir sans
combats ses aires d'autonomie et de puissance.
Malheureusement,
les gouvernements nationaux, les élites économiques,
sociales et intellectuelles européennes sont encore financés
et soutenus par les lobbies publics et privés anglo-saxons.
On ne voit pas pourquoi, dans les conditions actuelles, ces
gouvernements et décideurs abandonneraient le confort
d'une situation de dépendance dorée pour courir
le risque de laisser parler leur « instinct européen
», à supposer qu'ils en aient conservé quelques
traces. Ils ne le feront que confrontés aux risques d'une
véritable révolution sociale, venue du coeur profond
de l'Europe.
Note
1) Nous citons le livre:
L'Europe permet de créer
des contextes entrepreneuriaux innovants dans lesquels les chefs
d'entreprise peuvent nourrir leur capacité créatrice.
Elle donne du souffle aux ambitions.
L'Europe donne des opportunités aux entreprises
pour changer de taille et du temps pour y arriver. Elle leur
apporte donc de réelles chances d'être plus fortes
dans un contexte compétitif de plus en plus dur parce
que mondial.
L'Europe accroît la surface d'action de l'entreprise
et lui permet donc de renforcer sa capacité d'attraction.
Elle donne donc de nouvelles opportunités de pérennité
aux projets entrepreneuriaux.
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