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Sciences,
technologies et politiques
Le
retour en force possible de la taxe carbone
par
Jean-Paul Baquiast 31/04/2010
|


Des
voix s'élèvent, aux Etats-Unis, pour demander
au Président, encore considéré par
l'opinion comme le père de la Nation et son principal
défenseur en cas de crise, de profiter de la pollution
pétrolière dans le golfe du Mexique pour libérer
les Etats-Unis de leur oil addiction , c'est-à-dire
de leur soumission aux intérêts des industries
pétrolières et charbonnières.
Ceux
qui tiennent ce discours reconnaissent que Barack Obama,
pour diverses raisons dont il n'est pas seul responsable,
n'a pas su gérer la catastrophe survenus sur le navire
de forage Deepwater Horizon. Il ne sait d'ailleurs
toujours pas le faire. Certes, G.W. Bush confronté
à Katrina n'avait pas fait mieux. Bien pire au contraire
car il s'en était longtemps désintéressé.
Mais l'opinion n'attendait pas de Bush, président
déconsidéré et en fin de mandat, la
prise de décisions héroïques. Obama au
contraire, le président du « Yes, we can
», fait actuellement montre d'une grande impuissance
et d'un grand désarroi personnel, face à BP,
mais face aussi aux populations touchées par la pollution.
Ceci le déconsidère de plus en plus. Certains
observateurs vont jusqu'à craindre une crise de régime.
Mais
que pourrait-il réaliser d'efficace? Poursuivre BP
devant les tribunaux? Lui retirer les moyens d'interventions
dont il dispose pour les confier à d'autres? Mobiliser
davantage de personnels fédéraux pour nettoyer
une côte sur laquelle les destructions commencent
tout juste à se faire sentir.? Cela ne changerait
rien ni aux conséquences de la catastrophe, ni au
ternissement des images du président et de l'administration
fédérale.
En Europe,
les milieux politiques sensibles au message des défenseurs
de l'environnement face aux dangers des combustibles fossiles
avaient il y a quelques mois quasiment convaincu l'opinion
que les Européens devaient se montrer en pointe dans
la lutte contre le changement climatique et la dépendance
au pétrole, en investissant systématiquement
dans les énergies de remplacement et les économies.
Pour cela, il fallait impérativement instaurer une
taxe carbone qui aurait progressivement découragé
le recours au pétrole et au gaz. Mais peu de pays
ont retenu cette solution, qui heurtait trop d'intérêts
industriels et économiques bien représentés
au plan politique.
Sous
prétexte de crise, Nicolas Sarkozy lui-même
qui avait un moment paru vouloir attacher son mandat à
la mise en place d'une taxe carbone y compris aux frontières,
s'est récemment rétracté avec son propos
devant les agriculteurs devenu emblématique de la
versatilité de ce haut personnage: « L'environnement,
cela commence à bien faire ». Les médias
ont accentué le retour au climatoscepticisme et aux
vieilles habitudes face à la consommation de pétrole,
en expliquant qu'en effet, une taxe carbone, comme d'ailleurs
toutes les mesures fiscales seules efficaces
visant à abandonner le pétrole ne seraient
pas applicables, que ce soit en France, en Europe et a fortiori
à l'échelle du monde. Apparemment, ni le «
oil spill » sur les côtes de Louisiane,
ni ses conséquences à venir n'ont encore conduit
gouvernements et médias européens à
changer d'opinion.
Ce n'est
plus désormais le cas aux Etats-Unis, si l'on en
croit l'article de Thomas Friedman publié par le
New York Times, que nous citons en référence
(voir http://nyti.ms/bDYz3m
) . Barack Obama et les parlementaires les plus indépendants
des lobbies pétroliers semblent en train de comprendre
que le désastre provoqué par BP offre une
occasion en or de faire accomplir à l'Amérique
une conversion radicale, de l'économie du pétrole
à celle des énergies vertes. La conversion
sera effectivement radicale, car ce seront des intérêts
industriels et des usages séculaires de consommation
et de mode de vie qu'il faudra changer. Certains Etats fédérés,
comme la Californie, s'y sont essayés, avec des résultats
certes prometteurs mais encore marginaux. Comment faire
donc?
Assez
curieusement, comme c'est fréquemment le cas en Amérique,
ce ne seront pas des tonnes de rapports techniques et des
mois de discours qui provoqueront peut-être cette
quasi révolution, ce seront les images de quelques
oiseaux ou poissons englués dans le pétrole,
transmises par la télévision. Si de jeunes
enfants, comme le rapporte-t-on la fille même du couple
Obama, demandent « Papa, tu ne peux pas faire quelque
chose pour empêcher cela? », qui aura le
coeur assez insensible pour répondre que le business
du pétrole doit continuer « as usual ».
Ne nous
faisons pas d'illusions. Les Etats-Unis sont trop soumis
aux intérêts des grandes entreprises, au «
corporate power », pour abandonner leurs sources
de puissance et de profit à la seule prière
de quelques amoureux de la nature. Par contre, Obama, qui
cherche désespérément à sauver
sa mandature, avant de s'inscrire dans l'histoire comme
le président le plus noir (de pétrole) de
l'Amérique, se saisira peut-être de l'occasion
unique qui s'offre à lui: imposer l'abandon des recherches
en mer et progressivement des exploitations pétrolières
et minières, financer massivement les technologies
propres et, ce faisant, soutenir une reprise solide en Amérique
même.
Mais
pour cela, la seule solution efficace, tant psychologiquement
que fiscalement, demeure la taxe carbone. Si l'Amérique
l'imposait à ses frontières, avec les mesures
de protection en découlant, le monde entier, de gré
ou de force, devrait y venir. Alors l'Europe, qui aurait
une nouvelle fois perdu une bonne occasion de donner l'exemple
au monde, serait bien obligée de s'inscrire à
la remorque des Etats-Unis.
* On
lira sur le sujet d'une taxe carbone mondiale, un article
prémonitoire du sénateur Trégouët
(voir http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=500&r_id=
)