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Article
La sous-évaluation systématique
des risques industriels
Jean-Paul Baquiast 28/04/2010
L'accident
survenu à la plateforme Deepwater Horizon dans le
golfe du Mexique est en train de rappeler à tous
ceux, entreprises et gouvernements aveuglés par le
désir de profit immédiat, que les technologies
modernes sont si complexes qu'elles peuvent difficilement
être gérées par des humains, surtout
en période de compétition exacerbée.
C'est
le cas en ce qui concerne les forages et l'exploitation
pétrolière et minière, mais aussi l'énergie,
l'espace, les transports aériens, les programmes
de défense et bien d'autres modes de production ou
de recherche modernes. On pourra ajouter les systèmes
d'ingénierie financière dont les dérèglements
permanents multiplient des risques apparemment mineurs en
termes de coûts humains, mais aux conséquences
économiques et sociales immenses.
Ceci
ne fait qu'illustrer ce que nous avions tenté de
monter dans notre essai « Le paradoxe du Sapiens »
consacré à l'ingérabilité ou
ingouvernabilité de ce que nous nommons les systèmes
anthropotechniques.
Il
s'avère que les systèmes que nous évoquons
sont trop complexes pour être compris et plus encore
pour être gérés par des personnes individuelles.
Néanmoins c'est à celles-ci que la société
demande d'évaluer les risques de défaillance
et de prévoir les mesures destinées à
les prévenir.
Placés
devant de telles responsabilités, les humains en
question, fussent-ils très entraînés
et motivés, révèlent des faiblesses
que nous pourrions dire congénitales. Ils ont d'abord
le plus grand mal à imaginer que de petites pannes
puissent s'accumuler et survenir simultanément en
provoquant des désastres systémiques de grande
ampleur. Par ailleurs, ils s'habituent très vite
aux risques potentiels pouvant provenir de petits défauts.
Si rien ne s'est produit jusqu'à ce jour, pourquoi
cela surviendrait-il demain?
De
plus, ils accordent une foi illimitée aux systèmes
de protection et de back up, même si ceux-ci n'ont
jamais été testés en vraie grandeur.
Dans le cas de Deepwater Horizon, les équipes d'exploitation
ont fait, selon l'enquête, aveuglément confiance
au système de vannes automatiques dit Blowout Preventer
qui n'avait jamais été testé à
de si grandes profondeurs et pour d'aussi fortes pressions
(notre image).
Enfin,
en cas de catastrophe, il apparaît que les lignes
de commandement, déjà confuses en période
normale, s'affolent complètement et perdent toute
efficacité.
Il
résulte de tout ceci que dans les sites ou les situations
à risques, avant que les catastrophes ne se produisent,
un processus dit de « group thinking »
ou de pensée conforme s'installe, si bien qu'aucune
voix ne peut se faire entendre pour critiquer les solutions
en place ou suggérer des alternatives. La volonté
des états-majors de minimiser les coûts et
les délais met de toutes façons les ingénieurs
et employés exprimant des doutes dans une situation
inconfortable.
Pour
terminer cette évocation des réactions humaines
face aux risques technologiques, il n'est pas inutile de
rappeler ici que les biotechnologies se révèlent
aujourd'hui de plus en plus dangereuses. Là encore
les équipes de chercheurs pourtant de grande qualification
et avertis n'acceptent pas volontiers d'en tenir compte.
Les laboratoires de recherche sur les germes pathogènes
signalent (ou plutôt ne signalent pas) un nombre croissant
d'accidents souvent mortels atteignant des personnels travaillant
sur des formes hautement virulentes de E.coli, de méningocoques
ou de bacilles de Koch.
Il
ne s'agit encore que de risques exceptionnels, mais le développement
des recherches sur les virus et bacilles artificiels, destinés
soit à la guerre bactériologique soit à
la production de divers sous-produits économiquement
utiles, va multiplier les risques. De l'avis des personnes
travaillant dans les laboratoires concernés, on peut
constater les mêmes manques de prudence et d'aptitude
à l'évaluation des risques signalés
sur les grands sites industriels. Il faudra sans doute attendre
un désastre du type de celui du golfe du Mexique
pour réagir, à supposer que cela soit possible.
*
Pour en savoir plus sur le Oil spill en cours, voir un article
bien documenté publié par AgoraVox
http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/deepwater-horizon-le-geyser-de-75532
*
Observons cependant que tout le vacarme fait autour de la
pollution provoquée par BP mériterait d'être
relativisé. L'estimation de la fuite par BP est de
5000 barils/jour soit 210.000 gallons soit 800.000
litres soit 800 tonnes, si nos calculs sont exacts. En fait
elle serait d'au moins 1.000 à 2.000 tonnes. Soit
en 30 jours, 30.000 à 60.000 tonnes, autrement dit
1 Erika. Les pétroliers moyens emportent 100.00 à
250.000 tonnes. Si l'on compare la superficie du Golfe du
Mexique à celle de la mer d'Iroise, on peut en effet
relativiser. AI.
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Barack
Obama noyé dans le pétrole
Le
27 mai 16h GMT, BP annonçait, il est vrai avec
prudence, avoir grâce au succès de l'opération
dite « Top kill » colmaté la fuite
de pétrole ayant suivi l'explosion à
bord de la station d'exploitation pétrolière
BP Deepwater Horizon. Au 30 mai, le pétrolier
reconnaît que le bouchon n'a pas tenu et que
le "oil spill" se poursuit de plus belle.
La tentative de mise sous cloche, déjà
tentée et ayant échoué, sera
reprise. Sinon, il faudra attendre plusieurs semaines
avant qu'un forage adjacent ne parvienne sur la cheminée
principale et ne permette d'y intervenir. On verra
ce qu'il en sera. Il n'empêche que la tactique
suivie par l'administration Obama dans cette affaire
est et sera de plus en plus critiquée.
Cette
tactique consiste à dénier toute responsabilité
au gouvernement fédéral et à
charger BP de la responsabilité, tant du désastre
que de sa réparation. Son efficacité,
au départ, dépendait de la rapidité
avec laquelle BP réglerait le problème.
Cela n'a pas été le cas. Une catastrophe
écologique présentée comme sans
précédent se développe dans le
golfe du Mexique et sur les côtes adjacentes
L'attitude
d'Obama paraîtra logique. Nous vivons dans un
monde privatisé à outrance, aux mains
du corporate power. Les catastrophes causées
par le corporate power doivent être combattues
et résorbées par lui. Cependant, le
fait qu'Obama ait refusé de diriger l'action
des services publics dans cette affaire (l' U.S.
Coast Guard, l' U.S. Army Engineers Corps notamment
) paraît de moins en moins justifié,
même si ces services publics eux-mêmes
ont affirmé n'avoir pas les moyens de BP pour
intervenir sur le site.
Malheureusement
pour Obama, l'attitude de l'administration dans cette
affaire constitue un cas assez édifiant de
l'abdication de ses responsabilités dans les
questions d'intérêt public. Elle a le
mérite d'éclairer une réalité
indiscutable qui est la puissance et la pénétration
du corporate power dans toutes les actions perçues
comme de la responsabilité de l'Etat fédéral
et plus généralement des Pouvoirs Publics.
Or devant l'ampleur grandissante de la catastrophe,
le public et divers relais d'opinions acceptent de
moins en moins cette réalité et en reviennent
à la notion traditionnelle selon laquelle le
gouvernement élu par le peuple et pour
le peuple est responsable du bien-être
de ce peuple, de sa protection, de la protection des
conditions environnementales où ce peuple évolue...
C'est-à-dire que, de plus en plus, aux côtés
de BP, c'est désormais l'administration Obama
et Obama lui-même qui sont tenus pour responsables
des effets de la catastrophe, et cela malgré
puis à cause de la volontaire abdication de
leurs prérogatives de puissance publique, même
si cette abdication répond à la logique
de l'organisation actuelle du système.
Le
cas est d'autant plus intéressant et d'autant
plus grave pour l'administration Obama que la catastrophe
a pris des dimensions apocalyptiques qui ne concernent
certainement pas le seul BP. Il s'agit de la destruction
de l'environnement, d'une pollution colossale, de
l'exposition à ciel ouvert des conséquences
de l'exploitation sans frein ni la moindre attention
pour les conséquences environnementales et
sociales d'une ressource aussi explosive que le pétrole.
La destruction en cours du Golfe du Mexique et, bientôt,
des régions terrestres qui le bordent, est
un fait écologique majeur, d'ampleur systémique.
A
mesure que la catastrophe se développe, grandit
la question de savoir à quoi sert un gouvernement
si ce gouvernement a laissé s'accomplir une
telle chose. Qu'il l'ait fait au nom de la logique
du système, et donc selon une réelle
logique selon son point de vue, ne fait que transférer
la question au plus haut niveau qu'on puisse imaginer...
Si un système nous conduit à de telles
situations de destruction colossale, que vaut ce système
? Et que vaut le gouvernement qui soutient un tel
système et abdique ses pouvoirs pour répondre
aux règles du même système ? L'administration
Obama est désormais en train de nous faire
une étrange démonstration sur la monstruosité
du système au sein duquel elle se place, et
dont elle entend respecter les règles, pour
se laver les mains de toute charge de responsabilité
publique... Dans de telle circonstances, Obama risque
d'apprendre assez vite qu'il est très difficile
de se laver les mains, donc de garder
les mains propres dans une catastrophe pétrolière
de cette importance, face à l'opinion et celle-ci
instruite et de plus en plus furieuse de son attitude
dans cette occurrence.
Les
pouvoirs politiques, à force d'être émasculés
et privés de toute substance, ont appris à
abdiquer devant la charge de leurs responsabilités
fondamentales. L'abdication devant les intérêts
pétroliers est une chose, mais le système
impose aux Etats d'abdiquer devant de nombreux autres
intérêts, aussi puissants et meurtriers,
que ce soit aux Etats-Unis, en Chine ou en Europe.
Les gouvernements ne pourront pas, face à la
colère des populations, faire comme s'ils n'y
pouvaient rien.
Jean
Paul Baquiast
Philippe
Grasset
* Philippe Grasset est l'éditeur du site Dedefensa.org
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