Un
véhicule fonctionnant au solaire mais consommant du CO2
Jean-Paul Baquiast 30/05/2010
Lors
de la Shanghai Expo 2010, Shanghai Automotive Industry Corporation
(SAIC) a proposé un concept car (même pas un
prototype) étudié en coopération avec General
Motors et Volkswagen. il s'agit de la YeZ, ce qui signifie « feuille »
en Mandarin. Cette voiture serait réellement révolutionnaire
en ce sens qu'elle convertirait en électricité,
grâce à des cellules photo-électriques placées
sur le pavillon et activant une série de réactions
chimiques, le CO2 et l'eau présents dans l'atmosphère.
De l'oxygène serait rejeté.
S'agit-il
d'une galéjade? Pourquoi en effet ne pas utiliser directement
l'électricité produite par les cellules photo-voltaïques?
Il ne semble pas en tous cas que des précisions aient
été apportées sur le rendement prévu
des opérations ou le coût des composants. Par ailleurs,
les délais pour obtenir un démonstrateur concluant
paraissent devoir excéder la décennie.
Néanmoins
l'idée est intéressante. Nous pouvons en retenir
que s'ils s'en donnent la peine, les industriels asiatiques
pressés par le besoin de diminuer les nuisances des véhicules
traditionnels, aboutiront à des solutions compétitives.
Les industriels européens, comme cela semble le cas en
ce qui concerne la YeZ, auront tout intérêt à
s'associer à eux.
*
Voir http://news.cnet.com/8301-17938_105-20005538-1.html
Iter,
un investissement d'avenir
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin - 29/05/2010
Les autorités de tutelle du programme international Iter
destiné à démontrer la faisabilité
de la production d'énergie électrique par fusion
nucléaire ont confirmé ce qui avait déjà
été annoncé: une augmentation des délais
et surtout des coûts. Pour nous, il s'agit d'un argument
justifiant non de ralentir ou abandonner le programme, mais
de le poursuivre voire de l'accélérer.
Ces augmentations,
pour des motifs tenant à une sous-évaluation des
investissements nécessaires et à la modification
des spécifications techniques pour tenir compte des technologies
d'aujourd'hui, sont en effet assez compréhensibles dans
un tel projet. Elles tiennent en partie d'ailleurs à
la hausse des matières premières et produits finis
nécessaires.
Le budget
global devrait doubler par rapport aux 4,7 milliards initialement
annoncés. L'Union européenne est la principale
contributrice économique. A ce titre, elle devrait voir
sa part passer de 2,7 à 7,2 milliards sur les dix années
dédiées à la construction. Les autres pays
faisant partie du projet, la Chine, la Corée du Sud,
les Etats-Unis, l'Inde, le Japon et la fédération
de Russie, devront aussi voir leur contribution augmentée.
Seuls les Etats-Unis, pour de complexes raisons politiques,
ont menacé de cesser leur participation.
Rappelons
qu'Iter n'a pas vocation à produire de l'énergie
de façon commerciale, mais à démontrer
la faisabilité de la fusion sur Terre au sein d'un plasma
confiné. Cette étape achevée, un premier
réacteur nucléaire de fusion, Demo, devrait être
implanté au Japon pour apporter la preuve de la faisabilité
industrielle du concept à l'horizon 2050.
Dans le
contexte de crise économique actuel, nombreuses sont
les voix s'élevant pour demander que le projet soit arrêté,
ou tout au moins séquencé dans le temps, ce qui
aboutirait pratiquement à sa mort. On comprendrait à
la rigueur ce discours quand il émane des lobbies anti-nucléaires
(encore que la fusion devrait en principe permettre d'échapper
en grande partie aux problèmes nés de la fission).
Mais que des gens ayant un minimum de perception stratégique
puissent eux-aussi demander d'abandonner un programme dont les
retombées, immédiates et à terme, sont
et seront infiniment supérieures aux coûts, ne
rassure pas sur le bon sens des prétendus experts.
Offrir des
emplois de haute qualification au coeur de l'Europe, obliger
à développer des technologies et matériaux
jugés encore extrêmement complexes, créer
un foyer international de coopération scientifique qui
pourra devenir à terme aussi important que le LHC, jeter
enfin ce faisant les bases d'une véritable révolution
énergétique, représentent, notamment pour
l'Europe, des enjeux tels que nul ne devrait les discuter. Préférerait-on
voir gaspiller des milliards et cumuler les risques, comme le
font les compagnies pétrolières en ce moment,
en poursuivant des programmes de forage océanique dit
profonds et ultra-profonds. Si l'Europe abandonnait Iter, on
serait en droit de dire qu'elle se résout à ne
plus jamais être qu'un parc de populations vieillies et
sans ambitions, aux rêves partagés entre la plage
et le foot-ball.
Notes
(1) L'agence Iter France http://www.itercad.org/projet.php
rappelle que le projet français Laser Mégajoule
(LMJ) en construction près de Bordeaux et le projet international
ITER diffèrent tant sur le plan des acteurs que du financement
ainsi que dans les applications et les technologies mises en
oeuvre. Le Laser Mégajoule, financé sur le budget
du ministère de la Défense, est un programme de
simulation qui permet de garantir la dissuasion nucléaire
en l'absence d'essais en grandeur réelle. Il ne s'inscrit
donc pas dans les mêmes perspectives que le projet international
ITER dont les objectifs sont uniquement civils.
Les conditions permettant d'obtenir des réactions de
fusion sont complètement différentes sur le Laser
Mégajoule et sur ITER. La réaction de fusion de
l'hydrogène en hélium est obtenue dans le premier
cas au moyen d'une impulsion laser très brève
sur le Laser Mégajoule, conduisant à des pressions
très élevées. Avec ITER, la réaction
de fusion apparaîtra dans un plasma maintenu à
hautes températures, à basse pression et confiné
par des champs magnétiques pendant des temps longs. Il
n'y a donc pas lieu, en principe, à recherche commune
entre les deux procédés.
(2) Position de la commission européenne concernant Iter
http://www.eurosfaire.prd.fr/news/consulter.php?id=4542
(3) Présentation de Iter par wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/International_Thermonuclear_Experimental_Reactor
La
bactérie artificielle de Craig Venter
Jean-Paul Baquiast - 28/05/2010
Craig
Venter et son équipe ont annoncé le 20 mai 2010,
lors d'une conférence organisée par la revue Science,
avoir réalisé la première bactérie
artificielle, dotée d'un génome entièrement
synthétique. Ce «produit» a été
fabriqué par voie chimique à partir de la séquence
du génome dune bactérie, Mycoplasma mycoides
(agent de la pneumonie des bovidés). A partir du génome
de celle-ci, entièrement séquencé, les
chercheurs ont synthétisé chimiquement des morceaux
de ce génome, long de plus dun million de caractères.
En 2008, Craig Venter avait déjà réussi,
avec son équipe, à fabriquer un génome
bactérien entièrement synthétique en collant
des séquences dADN synthétisées bout
à bout afin de reconstituer le génome complet
de la bactérie Mycoplasma genitalium. Ce génome
avait ensuite été transplanté dans une
autre bactérie, mais sans que celle-ci puisse fonctionner.
Pour créer leur nouvelle cellule contrôlée
par un génome artificiel, les chercheurs se sont appuyés
sur ces deux techniques élaborées en 2008.
Le génome quils ont fabriqué est la copie
dun génome présent dans la nature, celui
de la bactérie Mycoplasma mycoides, mais il comporte
des séquences dADN supplémentaires. Il a
ensuite été transplanté dans une autre
bactérie, Mycoplasma capricolum, qui a été
ensuite activée. Bien que quatorze gènes aient
été supprimés dans la bactérie receveuse
du génome synthétique, celle-ci ressemblait à
la bactérie origine, bien que débarrassée
de son propre génome. Une colonie de bactéries
ayant les propriétés du génome synthétique
s'est alors développé.
L'annonce a été accueillie avec beaucoup d'enthousiasme
par les promoteurs de la vie artificielle. Selon eux, si ces
techniques pouvaient être généralisées,
la conception, la synthèse, lassemblage et la transplantation
de chromosomes synthétiques ne seraient plus des obstacles
aux progrès de la biologie synthétique .
De nombreuses applications pharmacologiques ou industrielles
deviendraient alors possibles à grande échelle.
Il sagit sans aucun doute dune percée scientifique
importante, tant à cause du nombre dobstacles surmontés
que de la méthode mise au point. On ne cédera
pas à la tentation de rejeter de telles recherches au
nom du principe de précaution. On constate cependant
que beaucoup de biologistes ramènent (jalousie ou non)
l'évènement à des proportions plus modestes.
C'est le cas de John Horgan dont nous publions ci-dessous le
commentaire sur un blog de la revue Scientific American.
Mais au
delà d'un principe de précaution primaire, un
nombre plus grand encore de chercheurs et de philosophes mettent
en garde sur les risques de contamination et de destruction
de la biodiversité pouvant résulter de la généralisation
de ces pratiques, mises dans toutes les mains. Les risques ne
seront pas moindre si de telles recherches comme c'est
déjà le cas sans doute se poursuivaient
dans des laboratoires militaires. On sait que ceux-ci, pour
des raisons diverses, sont loin d'être étanches.
Nous joignons à cet article un commentaire éclairé
de notre collègue et ami Hervé Le Crosnier, de
l'Université de Caen.
Pour
en savoir plus
Press
release du Craig Venter Institute
Craig
Venter has neither created--nor demystified--life
par John Horgan
Voir
aussi un commentaire dans Nature de ce qu'est la vie au regard
de la vie synthétique
http://www.nature.com/news/2010/100524/full/news.2010.261.html
Ne
pas ouvrir la boîte de Pandore de la biologie synthétique
par Hervé Le Crosnier
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2010/106/venter.pdf
Origines
de l'Homo sapiens
Jean-Paul Baquiast - 27/05/2010
De
nouvelles hypothèses obligent à compliquer l'histoire
du genre Homo et plus récemment celle de l'Homo sapiens.
Il y a d'abord l'analyse des restes fossiles découverts
il y a quelques années et attribués à une
nouvelle espèce d'australopithèques, Australopithecus
sediba (image). On pensait jusqu'ici que les australopithèques
étaient trop éloignés de leurs descendants
présumés du genre Homo pour être rattachés
à ce genre. Mais l'A. sediba semble appartenir à
la fois à un australopithèque vivant entre -3
et -2,5 millions d'années, l'Australopithecus africanus
et des Homo primitifs identifiés en Ethiopie à
partir de 2,3 mda. Il serait comme eux dotés de
pommettes et molaires moins développées. La frontière
entre les Homo et les australopithèques devient donc
de plus en plus difficile à tracer (voir Science, 328,
195, 2010).
Par ailleurs
il semble avéré aujourd'hui que, loin de s'être
développés et éteints sans échanges
génétiques avec les Homo sapiens, les néanderthaliens
(Homo sapiens neanderthalensis) ont au contraire eu,
à partir du moment où les Homo sapiens ont commencé
à migrer hors d'Afrique il y a environ 100.000 ans, différentes
occasions de se mélanger, culturellement sans doute et
surtout génétiquement.
Ce sont
les recherches, déjà mentionnées sur notre
site, conduite par une équipe du Max Planck Institute
for Evolutionnary Anthropology à Leipzig qui le suggèrent.
Le Pr. Svante Pääbo qui la dirige affirme que le génome
de l'homme moderne comprend de 1 à 4% de gènes
communs avec les néanderthaliens. Ceci voudrait dire
que les deux espèces d'Homo se seraient rencontrées
plusieurs fois entre -100.000 et -40.000 années.
D'autres
études, notamment celles de Jeffrey Long à Albuquerque,
indiquent que les ancêtres des Eurasiens modernes ont
acquis la biodiversité génétique qui les
caractérise en se mélangeant, non seulement avec
les néanderthaliens, mais avec d'autres espèces
d'Homo considérées aujourd'hui comme éteintes:
Homo erectus, Homo floresiensis (Indonésie)
et même une hominidée découverte récemment
en Sibérie, ayant vécu entre -50.000 et -30.000
ans et qui ne serait ni sapiens ni néanderthalienne.
Svante Pââbo qui étudie actuellement l'ADN
d'un de ses doigts l'a nommée provisoirement l' «X.woman».
Tout ceci
montre que les idées simplistes sur les filiations et
les échanges de gènes seront progressivement nuancées
au fur et à mesure que se préciseront nouvelles
découvertes et analyses. Il parait difficile en tous
cas d' imaginer qu'une nouvelle espèce, dite Homo
sapiens sapiens, soit surgie toute armée et dotée
des immenses qualités que nous voulons lui attribuer,
d'une brouillard confus d'espèces primitives. Pourra-t-on
même encore parler d'espèces dans ces divers cas?
Pour
en savoir plus
Sur
l'A.sediba, voir http://en.wikipedia.org/wiki/Australopithecus_sediba
Sur
l'X Woman, voir http://m.wrvo.npr.org/news/Science/125129322?singlePage=true
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