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Editorial
La reformulation des stratégies
d'exploration planétaire
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin
19/02/2010
|

Phobos vu par la sonde Mars Reconnaissance
orbiter
Nous
avions précédemment noté, en le regrettant,
que la Nasa allait probablement être forcée
de renoncer au programme Constellation, qui aurait conduit
des Américains à reprendre pied sur la Lune
dans quelques années. Ceci à la suite des
recommandations de la commission Augustine mandatée
par le président Obama pour établir un programme
de dépenses spatiales compatibles avec les possibilités
réduites du budget fédéral. La décision
finale n'est pas encore prise, car elle doit être
approuvée par le Congrès qui compte beaucoup
de sénateurs peu enclins à voir diminuer des
crédits dont bénéficient leurs circonscriptions.
Mais à ce jour il est très probable qu'elle
le sera. En conséquence, les liaisons avec la station
spatiale internationale qui devraient être confiées
à l'un des futurs lanceurs de Constellation en remplacement
des navettes actuelles ne seront plus non plus assurées
par la Nasa.
Comme
beaucoup de commentateurs, nous nous sommes étonnés
de cette décision, qui laisse le champ libre aux
concurrents de l'Amérique, la Chine en premier lieu,
peut-être suivie de l'Inde. Pour des économies
somme toute minimes (quelques milliards de dollars par an),
alors que le budget militaire continue à grossir
(plus de 800 milliards de dollars cette année), l'Amérique
renoncerait à ce qui avait fait son renom international
et aurait pu dans l'avenir contribué à rehausser
son image. Une station lunaire permanente, un débarquement
sur Mars ou sur d'autres astres proches (tel la petite lune
Phobos de Mars) auraient été tout à
fait à sa portée, soit par ses moyens propres,
soit en coopération avec d'autres agences spatiales,
coopération il est vrai qui n'est jamais bien vue
à la Nasa.
Nous
indiquions par ailleurs, sans guère d'espoir de voir
ces perspectives intéresser des gouvernements européens
paraissant avoir renoncé à toutes ambitions
stratégiques, que le retrait américain pourrait
justifier l'accélération des programmes de
l'agence spatiale européenne (Esa) associée
avec quelques agences nationales dont le Cnes en France.
L'Europe devrait en profiter pour hâter la mise au
point du futur lanceur Ariane 6 et plus immédiatement
transformer le système Ariane 5/ ATV en moyen standard
de communication avec la station spatiale internationale
(IST), sans préjudice de coopérations avec
la Russie dans ces divers domaines. Par ailleurs, l'exploration
de Mars, sous forme robotisée en attendant d'éventuels
vols humains, pourrait et devrait être accélérée.
On ne
sait pas ce qui sera décidé par les Européens
dans les mois prochains. En attendant, il convient de mieux
apprécier ce que vont devenir les programmes spatiaux
américains, à la lumière des informations
qui viennent d'être communiquées par la Maison
Blanche début février. L'accent général
est mis sur le fait que la « privatisation »
d'un certain nombre de missions jusque là confiées
à la Nasa, notamment les liaisons avec l'IST, dégagerait
des milliards de dollars qui pourraient être consacrés
à de toutes nouvelles activités.
L'administrateur
de la Nasa, Charles Bolden, affirme que désormais
les sociétés privées, telles Virgin
Galactic, sont devenues suffisamment majeures pour ne plus
se borner à leurs projets actuels, soit des sauts
en apesanteur pour de riches touristes. Elles pourraient
assurer les liaisons de routine avec l'IST, pour des coûts
présentés comme bien moindres que ceux des
navettes et des Soyouz russes. Le tout, assurent-elles,
avec une sécurité aussi grande que celle fournie
par la Nasa. La concurrence qu'elles se livreraient entre
elles devraient contribuer à faire baisser les prix,
sans baisses de qualité. On reconnaît là
un des ressorts du capitalisme américain: privatiser
les fonctions régaliennes lorsque ceci peut rapporter
des bénéfices à des investisseurs commerciaux.
Rien ne garantit évidemment que l'objectif sera tenu.
Les experts de la Nasa, pour leur part, restent sceptiques.
Cependant
Charles Bolden fait miroiter de nouvelles perspectives pour
celle-ci qui mériteraient d'être étudiées
attentivement par les autres agences spatiales, notamment
l'Esa. Renoncer à la liaison avec l'IST et au programme
lunaire Constellation sous sa forme actuelle permettrait
de changer la culture de la Nasa en l'engageant systématiquement
dans des projets novateurs qu'elle s'interdit actuellement
faute de moyens. Elle ne le ferait cependant pas seule,
mais toujours en coopération avec des sociétés
privées innovantes. Sans exclure le retour sur la
Lune, la Nasa pourrait dans cette perspective expérimenter
des technologies qui, selon le mot de Lori Garver, adjointe
de Bolden, « devraient conduire les Etats-Unis
plus loin dans l'espace, plus rapidement et moins cher que
les projets actuels en cours d'abandon ».
Perspectives
Les
perspectives envisagées pour la prochaine décennie,
notamment par les experts de la commission Augustine, pourraient
être les suivants:
* débarquer
sur un astéroïde qui passerait à proximité
de la Terre, afin de l'étudier et tester les possibilités
de dévier éventuellement des géocroiseurs
dont les orbites rencontreraient la nôtre.
Date: vers 2020-2025.
* mettre
en place des dépôts de carburants en orbite
pour alimenter des explorations robotisées vers la
Lune et Mars sans avoir à revenir sur Terre. Il pourrait
s'agir aussi de petites usines orbitales ou débarquées
sur la Lune et Mars qui expérimenteraient diverses
technologies permettant d'utiliser l'énergie solaire
et les matières premières lunaires ou martiennes
Date: tout au long de la décennie actuelle.
* Développer
les fusées à moteurs ioniques. Déjà
employés à petite échelle, de tels
moteurs utilisent des champs électriques et magnétiques
pour accélérer des plasmas servant de propulseurs.
De grandes vitesses et de longues distances peuvent alors
être obtenues à des coûts bien moindres
qu'avec les carburants actuels.
Date: en 2013 un engin à plasma nommé le Variable
Specific Impulse Magnetoplasma Rocket développé
par la société Ad-Astra de Houston sera lancé
vers l'ISS. Si tout se passe bien, il pourra permettre de
relever périodiquement l'orbite de celle-ci sans
faire appel à des navettes. Ultérieurement,
vers 2020-2025, des engins de ce type pourraient transporter
des humains vers Mars à moindre coût. Les projets
de moteurs nucléaires seront également relancés.
* En attendant d'aller sur Mars, débarquer sur Phobos.
Il s'agit d'une petite Lune de Mars, à peine plus
grosse qu'un astéroïde (notre photo). Sans atmosphère
et doté d'une très faible gravité,
Phobos peut servir de plate-forme à partir de laquelle
organiser l'exploration martienne. Il serait moins coûteux
et plus facile dans ces conditions d'aller sur Phobos que
sur la Lune. Les engins peuvent y atterrir et en décoller
sans beaucoup d'efforts.
La sonde martienne européenne Mars Express procède
actuellement à des vols d'exploration autour de Phobos
(le 3 mars à 50 km d'altitude). Les Russes prévoient
une mission en 2011 destinée à rapporter des
échantillons du sol (mission Phobos Grunt). Ces échantillons
pourraient comporter des morceaux de sol martien arrachés
lors d'impacts météoritiques. Il est quasi
certain que la Nasa va dans les 5 ans débarquer sur
Phobos voire sur l'autre petite Lune de Mars, Déimos,
différents matériels permettant d'en faire
des avant-postes de l'exploration martienne. D'autres pays
projettent de faire de même. Il n'est pas exclu, si
tout se passait bien, que des cosmonautes fassent l'aller
et retour Terre-Phobos dans la décennie, sinon avant.
* Développer
les technologies robotiques avancées nécessaires
à l'accomplissement de ces divers objectifs. De tels
programmes, en coopération avec les militaires, sont
déjà activement poussés aux Etats-Unis
comme en Chine.
Une
question reste entière. L'Amérique et plus
particulièrement la Nasa, pourront-elles dans les
années prochaines, compte-tenu de la crise actuelle,
faire face à ces objectifs, même réduits,
sans une véritable relance politique mettant l'espace
au rang des grandes priorités nationales? La Nasa,
sans buts précis, ne va-t-elle pas, comme cela a
été suggéré, se comporter comme
un canard sans tête?
Il est
évident en tous cas que ces nouvelles stratégies
spatiales américaines, si elles voient le jour, ne
pourraient laisser les Européens indifférents.
On peut penser que, dans l'immédiat, hors les liaisons
avec l'IST et les vols en orbite basse, ce serait l'exploration
de Phobos, comme indiqué ci-dessus, qui offrirait
à l'Europe les perspectives les plus prometteuses.
* Sur
Phobos, voir
http://fr.wikipedia.org/wiki/Phobos_%28lune%29