Nouvelle
estimation du rythme de mutations chez les humains
Jean-Paul Baquiast 13/09/2009
Locations
of the four confirmed mutations in the family. The two sequenced
chromosomes are indicated by red highlights. Each mutation is
shown by a lightning bolt of a different colour, and multiple
lightning bolts of the same colour mean that the mutation could
have occurred in any of these positions. (Credit: Image courtesy
of Wellcome Trust Sanger Institute)
Une équipe internationale a fait connaître le 01/09/2009
(en cours de publication dans la revue Current Biology)
le résultat d’une étude portant sur les
mutations génétiques ayant affecté une
même séquence d’ADN du chromosome sexuel
masculin Y (environ 10.000.000 nucléotides) prélevée
chez deux individus mâles non parents vivant dans un village
isolé de Chine. Il était à peu près
certain qu’ils descendaient par les mâles d’un
ancêtre commun séparé d’eux par 13
générations.
Nous n’entrons pas dans le détail de la recherche,
qui a fait appel aux techniques de séquencement direct
les plus modernes. On se bornera à retenir le nombre
estimé des mutations pour l’échantillon,
soit 4. Ceci correspond grossièrement à des évaluations
moins précises faites auparavant par les généticiens.
Il
en ressort que l’ADN de chaque individu est porteur d’environ
100 à 200 mutations nouvelles, soit 1 mutation pour quelques
15 à 30 millions de nucléotides 1). La plupart
de celles-ci n’entraînent pas de conséquences
visibles, ni sur la santé ni sur l’apparence. Quand
elles affectent les chromosomes sexuels, elles sont évidemment
transmissibles à la descendance.
Il
ne nous parait pas possible cependant de tirer de grandes conséquences
de l'observation qui vient d'être faite. Rappelons que
la génétique traditionnelle caractérise
une espèce, l’espèce humaine comme les autres,
par le partage d’un génome commun. Celui-ci n'évoluerait
que dans le cadre des mutations affectant telle ou telle portion
de l'ADN. Or, selon les hypothèses récentes selon
lesquelles l’espèce n’a de signification
que statistique, et ne saurait être considérée
comme une réalité génétique en soi,
on a pu montrer 2) que les caractéristiques de l’individu,
ou phénotype, ne peuvent être déduites directement
du génome. Ce que Jean-Jacques Kupiec a nommé
l’expression stochastique ou aléatoire des gènes
permet des combinaisons de protéines très différentes
à l’intérieur d’une même population
dont les membres présentent des traits suffisamment semblables
pour qu’ils puisent être regroupés en une
espèce commune. Mais parler de traits globalement semblables
ne signifie pas des individus rigoureusement comparables. A
la naissance (avant que n’interviennent les différenciations
culturelles) aucun individu ne ressemble rigoureusement à
un autre. Si les circonstances s’y prêtaient, chacun
d’eux pourrait donc diverger assez vite d’avec les
autres.
Ceci
conduirait selon nous à relativiser l’importance
du nombre des mutations affectant les ADN. L’apparition
chez les phénotypes de nouveaux caractères (visibles
ou invisibles), transmissibles lors de la reproduction sexuelle,
peut en effet provenir selon le schéma classique de mutations
affectant les nucléotides de l’ADN. Mais elle peut
aussi provenir de l’expression aléatoire de gènes
identiques. Ce qui compte finalement est la sélection
par les différents [niveaux de milieux] des caractères
donnant aux phénotypes les meilleures chances de survie.
C’est ce que Jean-Jacques Kupiec appelle l’hétérosélection.
1)
L'article ne précise pas à partir de quelle origine
ce calcul est fait: début de la vie de l'individu ou
début de l'autonomisation d'un ADN caractéristique
de l'homo sapiens. Mais peu importe en ce qui nous concerne
ici.
2) Jean-Jacques Kupiec, L'origine des individus, Fayard. Voir
aussi
http://www.automatesintelligents.com/labo/2009/sept/ontophylogenese.html
Pour
en savoir plus
Article
de Science Daily
http://www.sciencedaily.com/releases/2009/08/090827123210.htm
Pour
une intelligence artificielle capable de se dépasser
Jean-Paul Baquiast 11/09/2009
Dans
un article de la Technology Review daté du 4 septembre
2009, le chercheur en intelligence artificielle du MIT Edward
Boyden s’interroge sur la façon de doter un robot,
supposé déjà très intelligent, d’une
capacité à dépasser sans cesse ses propres
acquis. Ce type de réflexion pourrait paraître
assez loin de nos préoccupations quotidiennes, voire
quelque peu naïf, mais comme toujours, ce que l’on
peut dire d’un robot s’applique parfaitement au
fonctionnement de l’intelligence humaine actuelle et aux
mécanismes de prises de décisions politiques s’y
référant.
Edward
Boyden rappelle que les processus purement intellectuels, détachés
des contingences apportées par l’existence d’un
corps et de motivations découlant d’affects fussent-ils
primaires, ne peuvent à eux seuls obliger une intelligence
à se surpasser, afin de repousser toujours plus loin
l’état de ses connaissances ou de ses performances.
Un
premier danger, selon lui, menacerait une intelligence très
supérieure, ce serait celui de se satisfaire de ce qu’elle
a compris, en se désintéressant des moyens d’améliorer,
même médiocrement, la situation dans laquelle se
trouve le corps qui l’héberge. De ce fait, elle
renoncerait à mettre en pratique ses connaissances. Boyden
imagine par exemple que des extraterrestres particulièrement
évolués pourraient modéliser en détail
l’existence d’autres vies que les leurs, sur d’autres
planètes, s'enlevant ainsi le désir d’y
aller voir physiquement.
Un
autre danger menacerait selon lui une intelligence très
supérieure, fut-elle décidée à agir
et à ne pas se satisfaire de la contemplation intellectuelle
de ce qu’elle a découvert. Ce serait l’incapacité
à choisir entre les multiples voies qui s’offrent
à qui est capable d’envisager les tenants et les
aboutissants innombrables d’une démarche quelconque.
Là encore, tel l’âne de Buridan, l’intelligence
supérieure se ramènerait d’elle-même
sans cesse au point qu’elle aurait atteint, faute de se
décider à explorer tout du long une des options
possibles, en négligeant les autres.
Le
titre de l’article est “La Singularité et
le point fixe”. Boyden rappelle que la singularité
repose sur une récursion mathématique : inventez
une superintelligence et celle-ci inventera une intelligence
encore supérieure. Mais un processus itératif
peut aboutir à un autre résultat : ramener constamment
à un point fixe. Un point fixe est un point que l’on
retrouve toujours en appliquant une fonction donnée à
des points voisins. Autrement dit, il s’agit d’une
impasse évolutive.
Pour notre auteur, c’est un peu ce qui caractérise
les sociétés technologiques évoluées.
A titre d’image, il évoque les populations nombreuses
d’humains qui se satisfont désormais de la pratique
des jeux vidéo ou de l’exploration du web sans
buts définis. Il ne nous dit pas comment il compte faire
pour éviter que des intelligences artificielles tombent
dans ces travers. Mais c’est à nous d’y réfléchir.
Des processus récursifs simples, sur le modèle
d’un algorithme du type : « je suis un Je doté
d’une conscience volontaire. Que pourrais-je faire pour
exploiter cette propriété ? » devraient
faire l’affaire.
Article http://www.technologyreview.com/biomedicine/23354/
Le Zinc serait-il
indirectement à l’origine de la vie ?
Jean-Paul Baquiast 11/09/2009
L’expérience classique de Miller et Urey, réalisée
en 1953, avait montré qu’une atmosphère
supposée analogue à celle de la Terre primitive,
contenant un mélange de méthane, d’ammoniaque,
d’hydrogène et de vapeur d’eau, pouvant produire
des acides aminés précurseurs de la vie sous l’influence
de décharges électriques. Mais il n’avait
pas été possible de montrer comment ces acides
auraient pu s’assembler en éléments capables
de réplication tel que l’ARN.
Aujourd’hui, Armen Mulkidjanian de l’Université
d’Osnabrück, Allemagne et Michael Galperin des U.S.
National Institutes of Health ont présenté une
nouvelle hypothèse et les moyens de la vérifier
dans deux articles publiés sur le site Biology Direct
(voir références ci-dessous).
Ils sont partis de l’hypothèse selon laquelle l’atmosphère
primitive n’était pas celle imaginée par
Miller et Urey, mais simplement une atmosphère principalement
constituée de CO2, avec un peu d’hydrogène
et d’azote, analogue à celle se trouvant sur Mars
et Vénus. Ceci semble conforme aux vues actuelles selon
lesquelles cette atmosphère provenait principalement
de phénomènes éruptifs très actifs
à ces époques (–4,5 millions d’années
environ). Il s’agissait d’une atmosphère
neutre et non fortement réductrice comme celle de Miller
et Urey. Mais dans ce cas, il fallait expliquer comment cette
atmosphère de C02 avait pu donner naissance à
la vie.
Aujourd’hui, les cellules végétales font
appel à la photosynthèse pour extraire le carbone
du C02 et rejeter de l’oxygène. L’énergie
utilisée est celle de la lumière solaire. Mais
la fonction chlorophyllienne qui permet cette réaction
fut un acquis de la vie et n’existait pas avant que celle-ci
se forme. Existait-il sur la Terre primitive des corps capables
de jouer le rôle de la chlorophylle, c’est-à-dire
réduire le CO2 et produire des composés organiques
à base de carbone, en utilisant la lumière solaire
?
Les
chercheurs proposent une réponse apparemment si simple
que l’on pourrait s’étonner de constater
qu’elle ne soit venue à l’idée de
personne avant eux. Selon leur hypothèse, le composé
nécessaire à la réduction du CO2 fut le
sulfure de zinc (ZnS) dit aussi blende ou, en anglais, phosphor
(à ne pas confondre avec le phosphore). Ce corps est
connu pour ses propriétés phosphorescentes. Il
se forme spontanément sous de fortes pressions, telles
celles rencontrées dans les sources hydrothermales. Il
est utilisé aujourd’hui par de nombreux animaux
dotés d’organes phosphorescents, dont l’intérêt
en termes de compétitivité n’est d’ailleurs
pas toujours facile à démontrer.
Pour Mulkidjanian et Galperin, les continents primitifs exposés
au soleil et à la forte pression d’une atmosphère
où dominait le CO2 ont pu favoriser la création
de sulfure de zinc. Il s’agit de ce que Mulkidjanian nomme
l’hypothèse du ZNworld ou monde du zinc 1). Ce
sulfure de zinc éclairé par la lumière
solaire aurait alors, comme la chlorophylle, réduit le
CO2 et permis la construction des composés organiques
nécessaires à la vie primitive. Reste à
expliquer pourquoi ces composés n’ont pas été
détruits à peine formés et à montrer
qu’un tel processus pourrait éventuellement être
reproduit aujourd’hui en laboratoire. Les deux chercheurs
proposent dans leurs articles des directions de recherche en
ce sens. En attendant, ils signalent la surprenante proportion
de zinc dans les protéines biologiques « archaïques
» liées à la constitution des ARN et ADN.
En attendant, les astrobiologistes qui s’intéressent
à la possibilité de vie sur d’autres planètes
ont reçu cette hypothèse avec beaucoup de faveur.
1)
Les légionnaires français stationnés avant
la seconde guerre mondiale à Djibouti l’avaient
sans le savoir anticipé, ayant imaginé le célèbre
Palmier en zinc à l’ombre duquel ils buvaient des
bières et pour les plus raffinés des blue lagoons
(photo récente)
Pour
en savoir plus
http://www.biology-direct.com/content/4/1/27
http://www.biology-direct.com/content/4/1/26
Communiqué
de l'Internet Society France
Nous
publions ce communiqué qui met en évidence une
nouvelle incohérence de la loi dite Hadopi 2 (que l'on
ne présente plus). Automates Intelligents
Hadopi
2 et pandémie : ne coupez pas l'éducation en ligne
!
Paris, 09
septembre 09 - Les solutions proposées pour affronter
la pandémie grippale mettent au jour l'inanité
des dispositions contenues dans la loi dite Hadopi 2, à
commencer par la coupure de l'accès pour toute une famille.
Prochainement
proposée au vote du Parlement, cette loi fait suite à
la loi Hadopi 1 qui a été partiellement invalidée
par le Conseil constitutionnel. Dès le début de
la discussion relative à ce premier texte, le chapitre
français de l'Internet Society a contesté que
la coupure à Internet puisse être une sanction
acceptable.
Pour faire
face aux fermetures d'établissements, le gouvernement
voudrait proposer des cours de substitution par Internet. En
attendant que les classes puissent rouvrir normalement, Internet
permettra ainsi à nos enfants de continuer à apprendre.
Or, si les
dispositions de la Loi Hadopi 2 étaient en vigueur aujourd'hui,
l'accès au net de milliers de famille pourrait être
suspendu et leurs enfants privés de facto du droit à
l'éducation.
Peut-on
punir une famille entière, pour les errements supposés
d'un de ses membres (ou de ses voisins) ? Quelle législation
nationale, pour préserver les profits de quelques artistes
et industriels du divertissement, priverait des milliers de
familles de l’accès au réseau ?
La pandémie
grippale vient rappeler qu'on ne peut pas prétendre entrer
dans la société du 21e siècle avec des
conceptions disciplinaires d'un autre âge. La société
de la connaissance qui s'annonce est une société
ouverte, où l'échange direct entre les individus
est créateur de richesse et de sens. En votant l'Hadopi
2, les parlementaires français voteront pour le monde
d'avant-hier.
La suspension
d'Internet ne peut pas être la sanction au téléchargement
illégal ou au défaut de sécurisation de
sa connexion. L'Isoc
France demande aux députés français de
penser au présent et l'avenir de nos enfants, au moment
du vote.