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Science
et politique. Grippe A et sous-préparation
française
par
Jean-Paul Baquiast 28/07/2009
Ce
serait une grave erreur de croire, comme le dit la ministre
de la santé Mme Roselyne Bachelot, que la France
est aussi bien préparée que possible à
l'explosion prochaine de la grippe A.
Interrogée
dans le 7/10 de France Inter le 28 juillet, Mme Roselyne
Bachelot, ministre de la santé, s'est dite convaincue
du bon état de préparation de la France à
la pandémie de grippe A(H1N1). Les Pouvoirs Publics
ont fait, selon elle, tout ce qui était à
la fois possible et nécessaire de faire pour minimiser
les conséquences de l'épidémie. En
l'écoutant, beaucoup d'auditeurs ont du se sentir
rassurés. Ils avaient sans doute raison de l'être,
au regard de ce que font ou ne font pas d'autres pays plus
négligents.
Mais
les professionnels de santé savent bien que sur des
points essentiels, le système de soins français
risquera de se trouver vite débordé. Un exemple
qui fait peur à tous les médecins compétents
en est le sous équipement des hôpitaux en matériels
et locaux destinés à l'assistance respiratoire.
La grippe actuelle se caractérise par une fixation
du virus dans les cellules pulmonaires, ce qui produit en
quelques heures une pneumonie mortelle par asphyxie du patient.
Faute de moyens suffisants, on risque de voir prochainement
des dizaines sinon des centaines de personne entassées
dans les salles d'urgence ou à l'entrée des
hopitaux, livrées sans recours possible à
une agonie particulièrement atroce.
Il
n'y a pas que cela. Nous extrayons les lignes suivantes
d'un article publié dans Le Monde du 29 juillet 2009
par le Professeur Jean-Philippe Derenne, consultant au Groupe
hospitalier La Pitié Salpétrière :
«
L'actuelle grippe A (H1N1) mutante nord-américaine
fond sur la planète d'une façon qui semble
impossible à arrêter. Elle a généralement
un caractère bénin et touche principalement
les moins de 20 ans. Il y a toutefois des morts, et ces
derniers sont plus nombreux que ceux recensés par
l'OMS, ainsi que le montrent les expériences mexicaine
et québécoise. La grippe tue, et c'est inhabituel,
par pneumonie virale et non microbienne, et ceux qui meurent
ont en grande majorité entre 15 et 60 ans. Elle semble
plus sévère sur certains terrains : grossesse,
asthme, obésité morbide.
Surtout, elle exerce une contrainte significative sur le
système de santé avec 5 à 10 % d'hospitalisations
en Amérique du Nord, dont une partie en réanimation.
On imagine ce que cela signifierait si elle frappait (ce
que tout le monde craint et ce que le gouvernement doit
anticiper) par millions et non par milliers.
L'expérience
mexicaine a montré que, lors de l'émergence
du nouveau virus sur les malades présentant une grippe
clinique, seuls 21 % étaient atteints par le mutant
A (H1N1). Ce qui implique que si on soignait tout le monde
par le Tamiflu, ce serait en pure perte quatre fois sur
cinq. Et cette proportion est de l'ordre de ce qui est constaté
lors des grippes saisonnières.
Si,
à l'automne, arrivent soudain des millions de malades,
sur quels critères pourra-t-on savoir que tel patient
vu en urgence est porteur du virus ? Il n'y a à ce
jour pas de test permettant, dans ces conditions, de le
savoir. Donnera-t-on du Tamiflu à tout le monde au
risque de le gaspiller, voire de faire émerger des
souches résistantes ? Si on en donne à l'un
et pas à l'autre, sur quels critères sera
fait le choix ? Comment hospitalisera-t-on les malades s'il
n'y a plus de lits disponibles ? Que devront faire les médecins
si chacun d'entre eux reçoit simultanément
des dizaines d'appels au secours ? Quelle devra être
l'attitude des malades et surtout de leurs proches ?
Ce
sont quelques-unes des questions auxquelles il faudra que
des réponses aient été apportées
avant l'arrivée éventuelle de la maladie."
Le
professeur Derenne conclut son article en déplorant
la démobilisation du corps médical : «
Un grand nombre de ses membres, écoeurés par
l'attitude de la ministre de la santé lors de la
loi hospitalière, et déroutés par la
succession de circulaires administratives contradictoires,
se sont retirés sur l'Aventin. Croire qu'il suffira
d'envoyer quelques directives concoctées par les
experts, par ailleurs excellents, de la direction générale
de la santé (DGS) et de l'Institut national de veille
sanitaire (InVS) pour que tout se mette en ordre serait
une erreur grave. Les décisions médicales
sont prises en fonction de ce que respecte le corps médical,
c'est-à-dire les avis et recommandations des sociétés
scientifiques, des organismes d'enseignement post-universitaires
et des organisations représentatives.Si on veut que
l'ensemble des médecins, et avec eux, des autres
soignants aient une attitude commune, encore faut-il les
consulter, et tenir compte de leur avis. .""
Certains
verront dans ces lignes une manifestation d'ordre corporatif,
émanant d'une profession qui n'a pas trouvé
auprès de l'actuel gouvernement les soutiens politiques
qu'elle escomptait. Mais selon nous, ce n'est pas le cas.
Le Professeur Derenne dénonce une réalité
que chacun connaît bien s'il s'intéresse un
tant soit peu à la médecine. Les faiblesses
qu'il anticipe seront une simple revanche des faits. Face
à un président de la République qui
a prétendu réformer l'hôpital en supprimant
des postes et en forçant les personnels à
se comporter les yeux fixés sur les bilans comptables,
le système de santé réagira à
l'économie et ne pourra pas malgré le dévouement
des soignants répondre aux attentes légitimes
des Français. Il ne fallait pas être grand
clair pour deviner que cette épreuve de vérité
se produirait rapidement.