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Du
côté des labos The
Human Connectome Project et la Connectomique
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin - 24/08/2009
On
reproche souvent aux technologies de l’imagerie cérébrale
fonctionnelle de donner du cerveau humain et de ses activités
cognitives des vues trop réductrices. Les observations
étaient en effet jusqu’à présent
focalisées sur de très petites aires cérébrales.
Il était inévitable que les neuroscientifiques
les interprétassent au moins partiellement en fonction
des idées préconçues qu’ils pouvaient
avoir relativement au fonctionnement du cerveau.
Des vues plus globales des aires responsables des états
mentaux préconscients seraient cependant désormais
disponibles. C’est ce qu’annoncent des scientifiques
de la Rutgers University à Newmark et de l’université
de Californie à Los Angeles dans un numéro à
paraître (oct. 2009) de la revue Psychological Science.
On sait qu’il est admis qu’avant leur perception
par le niveau conscient (awareness), les informations définissant
un état mental donné sont traitées par
le cerveau «inconscient».
Des chercheurs des laboratoires précités, Stephen
José Hanson, Russell A. Poldrack et Yaroslav Halchenko,
pensent pouvoir prédire avec une précision raisonnable,
en utilisant la Résonnance magnétique nucléaire
(fMRI), les états mentaux d’une personne, avant
même qu’ils ne s’expriment au niveau conscient.
Pour cela, ils ont cherché à se donner un aperçu
général de l’activité du cerveau,
en élargissant la cartographie des observations. Pour
eux, l’idée reçue selon laquelle des fonctions
mentales spécifiques relèvent d’aires strictement
localisées est inexacte.
Selon ces chercheurs, il serait réducteur de penser que
des fonctions spécialisées, telles que l’apprentissage,
la mémoire, la peur et l’amour, relèvent
de bases neurales qui leurs seraient spécifiquement dédiées.
Le cerveau est plus complexe qu’il n’apparaît
dans ce modèle simple. En analysant son activité
globale, ils montrent que plusieurs de ces fonctions font appel
à des réseaux particuliers de neurones s’étendant
à travers tout le cerveau. Ces réseaux diffèrent
les uns des autres selon les fonctions. Ainsi, globalement,
à ce niveau, le cerveau ne doit pas être considéré
comme statique. Il est capable de moduler les connections correspondantes
en fonction des tâches entreprises.
De ce fait, en imageant par fMRI les schémas (patterns)
de connections neuronales qui s’établissent en
permanence, il serait possible de prédire avec une bonne
précision l’activité mentale particulière
à laquelle se livre la personne observée. On pourrait
donc dresser un catalogue intéressant un grand nombre
de fonctions mentales en les caractérisant par les patterns
spécifiques de réseaux neuronaux qui s’établissent
à l’occasion de leur exécution par le cerveau.
Ceci pourrait être un premier pas dans la voie de la caractérisation
de fonctions mentales supérieures, telles que le raisonnement
abstrait ou le mensonge. On pourrait aussi détecter les
dysfonctionnements subtils se produisant à ce niveau
et susceptibles de générer l’autisme ou
la schizophrénie.
La réalisation du catalogue des patterns correspondant
aux grandes fonctions mentales est déjà engagée
: il s’agit du Projet Connectome. Ce projet vise à
terme la réalisation d’une carte complète
des connexions neuronales du système nerveux central.
Cette carte permettra d’envisager les multiples connections
correspondant à une fonction mentale simple, au lieu
de se focaliser sur quelques millimètres carré
de tissu cortical.
Une première étude a reposé sur la participation
de 130 sujets, chacun d’eux chargés de tâches
plus ou moins complexes, tout en étant observés
par MRI. Pour ce faire, les chercheurs ont observé la
somme considérable d’un demi-million de points
à la surface du cerveau. Ils ne savaient pas à
quelle activité se livraient les témoins. Ils
ont pu cependant identifier avec une précision de 80%
huit de ces tâches en s’appuyant sur le catalogue
des patterns correspondant à des tâches précédemment
référencées à partir d’observations
précédentes. De plus, dans d’autres expériences,
ils ont pu identifier les objets que des sujets pouvaient observer
avant que ces derniers ne prennent conscience de le faire. Ceci
a confirmé l’hypothèse depuis longtemps
admise selon laquelle l’afférence dans l’espace
de travail conscient se produit avec retard au regard des traitements
primaires réalisés dans les zones sensorielles
et motrices.
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Le
programme de recherche des National Institutes of Health
américains, Blueprint for Neuroscience Research,
s'insérant dans la National Neurotechnology
Initiative, a lancé un projet de $30 millions
destiné à cartographier les circuits neuronaux
d'un adulte en bonne santé. On utilisera pour
cela les techniques d'imageries cérébrales
les plus modernes. Les images seront collectées
à partir de centaines de sujets volontaires.
Le projet vise à accélérer la «Neuro-révolution»
que décrit l'ouvrage récent de Zack Lynch
The Neuro Revolution: How Brain Science Is Changing
Our World (St. Martin's Press, July 2009).
L'objetif est de faire apparaître les principales
connections qui permettent au cerveau d'accomplir les
fonctions mentales les plus importantes. Trois techniques
d'imagerie seront utilisées :
1. HARDI pour High angular resolution diffusion
imaging with magnetic resonance qui détecte
la diffusion des molécules d'eau dans les tissus
fibreux et peut ainsi visualiser les faisceaux d'axones,
2. R-fMRI pour Resting state fMRI, qui détecte
les fluctuations dans l'activité du cerveau chez
une personne au repos et peut faire apparaître
des réseaux s'activant de façon coordonnée,
3. E/M fMRI pour Electrophysiology and magnetoencephalography
(MEG) combined with fMRI. Cette dernière
procédure complète l'information relative
à l'activité cérébrale parallèlement
aux signaux obtenus par la fMRI. Dans ce cas, la personne
accomplit une tâche telle que plusieurs régions
cérébrales supposées associées
à cette tâche soient activées.
Comme ce sera la première fois que ces trois
techniques seront utilisées simultanément,
le projet devra développer de nouveaux outils
informatiques et mathématiques pour analyser
les données recueillies.
* NIH Blueprint for neuroscience research
http://neuroscienceblueprint.nih.gov/
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Comme
on pouvait le supposer, un tel programme suscite beaucoup
de scepticisme. L’objectif consistant à identifier
en 5 ans des milliers sinon plus de faisceaux neuronaux actifs,
voire dans certains cas de neurones individuels, parait irréaliste.
On rappelle que le cerveau comprend des centaines de milliards
de cellules et un nombre astronomiquement plus grand de synapses.
De plus, certaines des techniques envisagées, qui ont
été développées en expérimentant
chez l’animal, paraissent encore inapplicables à
l’homme.
Plus
généralement, établir une carte à
grande échelle des connections entre régions
cérébrales soulève de nombreux problèmes.
D'une part, aucun cerveau n'est comparable à un autre.
Mais d'autre part, même en acceptant des approches statistiques,
il n'existe pas d'accord sur la délimitation fonctionnelle
des aires cérébrales du cortex humain. Par exemple,
il n'est pas certain par exemple que les données dites
de "tractographie" obtenues par certaines techniques,
telles que les tenseurs de diffusion observés, puissent
être corrélées avec les réalités
anatomiques. Autrement dit, comme l'aurait rappelé
Borgès, la carte n'est pas le territoire(1).
Les sceptiques continueront donc à se méfier
de l’interprétation des observations obtenues
par ces nouvelles approches globales. Elles risquent de transporter
à un niveau supérieur la subjectivité
qui était reprochée aux interprétations
des images obtenues avec des techniques moins globales.
Pour notre part, disons que, comme toujours en science, notamment
lorsque les observations instrumentales recoupent des observations
relevant de l’analyse psychologique, la prudence devra
continuer à s’imposer. Indéniablement
cependant, la voie ouverte par un projet tel que le Connectome
aura des suites, notamment pour les informaticiens qui s’efforceront
par ailleurs de simuler sur ordinateurs des éléments
plus ou moins importants du tissu cérébral (le
Blue Gene Project d’IBM, par exemple, dont on vient
d’annoncer de nouveaux développements).
(1) Plus
précisément, comme nous l'indique Luc Charcellay
que nous remercions :
"En cet empire, l'Art de la Cartographie fut poussé
à une telle Perfection que la Carte d'une seule Province
occupait toute une Ville et la Carte de l'Empire toute une Province.
Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent
de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes
levèrent une Carte de l'Empire, qui avait le Format de
l'Empire et qui coïncidait avec lui, point par point."
Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes
Histoire universelle de l'infamie Jorge-Luis Borges.
Pour en savoir plus
Le
Connectome Project http://iic.harvard.edu/research/connectome
Article de Physorg.com Researchers develop 'brain-reading'
methods
http://www.physorg.com/news167921900.html
Article
connexe :
"Voir
un jour ce qu'on pense en images ?", par Christophe
Jacquemin (décembre 2008).