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Article.
L’auto-organisation
des protéines dans les bactéries
par Jean-Paul Baquiast 03/06/2009

Image tirée à titre documentaire
de l'article de PLoS biology cité ci-dessous
fig 1 Membrane receptor clusters
transduce chemotatic signals.
Chaque
jour nous semble-t-il de nouvelles expérimentations
scientifiques paraissent confirmer la pertinence de la théorie
de l’ontophylogenèse due à Jean-Jacques
Kupiec, à laquelle nous avons souvent fait référence
sur ce site.
La revue américaine ScienceDaily en donne une nouvelle
démonstration. Le rédacteur de l’article
(voir référence * ci-dessous) rappelle que
la nature a réalisé depuis des millions d’années
des procédures d’auto-assemblage et d’auto-organisation
spontanées, du type de celles que les spécialistes
des nanotechnologies s’efforcent aujourd’hui
de mettre au point à partir de composants non biologiques.
D’où l’intérêt, souligne-t-il,
des expériences rapportées.
Une équipe du laboratoire Berkeley de l’université
de Californie, du Howard Hughes Medical Institute et de
l’Université de Princeton vient de montrer,
notamment dans un article publié par PLoS Biology
(voir ci-dessous) comment, au sein de cellules bactériennes
procaryotes (sans noyaux) des milliers de protéines
constitutives de leurs membranes s’assemblent en réseaux
(clusters). Ceux-ci pilotent les déplacements de
la cellule grâce auxquels elle se procure dans son
environnement les composants chimiques nécessaires
à son développement. Les observations réalisées
ont montré comment des processus périodiques
complexes peuvent être générés
et au besoin réparés au sein des systèmes
biologiques sans résulter de la mise en œuvre
d’un plan d’ensemble préalable.
Renvoyons aux articles pour la description de l’instrument
(PALM pour Photo-Activated Localization Microscopy) utilisé
pour ces observations. Les cellules observées sont
celles de la très commune bactérie Escherichia
Coli. Les chercheurs ont montré que des clusters
de protéines se formaient spontanément en
son sein selon un processus qu’ils ont qualifié
d’auto-assemblage stochastique, sans que rien de préalable
n'ait déterminé à l’avance l’affectation
de ces protéines dans des sites spécifiques
au sein de la cellule. Pour eux, il s’agit de l’application
d’un mécanisme décrit en 1952 par Alain
Turing sous le nom de "self-organizing patterns
».
Il faut rappeler que le développement et la survie
des organismes monocellulaires à noyau (eucaryotes)
supposent qu’ils accèdent facilement aux composants
indispensables présents dans leur environnement,
protéines, lipides, acides nucléiques. Pour
cela, ces cellules se sont progressivement dotées
d’organites spécialisés connus depuis
longtemps, peut-être acquis par symbiose avec des
virus. Mais la même exigence d’accès
aux nutriments s’impose aux procaryotes (sans noyau
et sans organites), tels que E.Coli. La façon dont
ces derniers procèdent n’était pas décrite
clairement jusqu’à ce jour. Or il est apparu
que, loin de mettre en œuvre un programme préexistant
rigoureux, des bactéries individuelles apparemment
identiques se dotent à cette fin d’organisations
internes différentes, selon des processus eux-mêmes
différents dans le détail.
Les observations ont porté sur le réseau de
protéines déjà bien étudié
dit « chemotaxis network » par lequel les bactéries
identifient dans leur environnement les composés
dont elles ont besoin puis se dirigent vers eux. Les chercheurs
savaient que ce réseau s’organise dans l’espace
de la membrane de la cellule de façon de façon
périodique et non aléatoire. Mais à
la suite de quel processus ? Autrement dit, comment se forme
le réseau, comment la cellule contrôle-t-elle
sa taille et la densité des protéines, comment
cette organisation se maintient-elle lorsque la cellule
grandit et se divise ?
L’observation de 326 cellules impliquant 1 million
d’exemplaires des 3 principales protéines (Tar,
CheY et CheW ) participant au chemotaxis network de ces
cellules a montré qu’aucune distribution spécifique
caractéristique n’apparaissait, au contraire
de ce que l’on supposait. La distribution résulterait
d’interactions aléatoires entre protéines,
suffisantes pour générer les patterns complexes
et ordonnés observés. Les chercheurs considèrent
qu’ils ont mis ainsi à jour un mécanisme
simple d’assemblage sur le mode stochastique. Ils
s’attendent à le retrouver partout ailleurs,
aussi bien dans les cellules procaryotes qu’eucaryotes.
Ce processus intervient sans implication du cytosquelette
ou de mécanismes chimiques internes de transport.
Leur objectif est désormais d’en identifier
d’autres exemples dans la nature. Comme les systèmes
biologiques sont si l’on peut dire des précurseurs
des futurs systèmes à base de nanotechnologies,
il leur parait important de montrer que l’auto-organisation
stochastique est capable d’assembler des milliers
de protéines en patterns complexes reproductibles.
Les applications en seront nombreuses, notamment pour développer
des circuits électroniques.
Ajoutons pour notre part que, comme l’a remarqué
Jean-Jacques Kupiec dans son ouvrage « L’origine
des individus », parler de l’émergence
d’un processus stochastique d’auto-organisation
ne suffit pas. Il faut montrer comment ce processus donne
naissance à des produits ordonnés, ceux-là
et pas d’autres. Pour cela il faut se replacer dans
ce que Kupiec a nommé le darwinisme cellulaire, c’est-à-dire
la compétition darwinienne entre cellules, sanctionnée
par la sélection des individus cellulaires comportant
les solutions d’organisation les plus aptes à
la survie. On pourra alors parler, non pas d’auto-organisation
mais d’hétéro-organisation, le milieu
(hétéro) où doivent survivre les cellules
jouant le rôle de filtre sélectif. Mais, en
se plaçant au palier antérieur de compétition,
celui où s’affrontent les protéines
du chemotaxis network, on observe le même processus
de darwinisme, sélectionnant les protéines
les plus aptes à constituer des réseaux efficaces.
Plus en amont encore, au niveau du génome de E. Coli,
on devrait retrouver ce même processus de sélection
darwinienne portant sur les produits divers résultant
de l'expression stochastique des gènes. Il s'agira
d'un argument de plus pour tenter d'appliquer ces observations
en vue de réaliser des entités « biologiques
artificielles » faites de nanocomposants.
*
Les études présentées ont été
financées par le U.S. Department of Energy (Office
of Science), l’Energy Biosciences Program, les Sloan
and Searle Foundations et finalement les National Institutes
of Health.
**
Voir sur un thème voisin notre brève d'actualité:
Les
différentes cellules d'un même organisme n'ont
pas nécessairement le même ADN
Pour
en savoir plus
Article
de ScienceDaily
http://www.sciencedaily.com/releases/2009/07/090708132820.htm
Article
dans PLOS Biology (réservé aux spécialistes)
Self-Organization of the Escherichia coli Chemotaxis Network
Imaged with Super-Resolution Light Microscopy
http://www.pubmedcentral.nih.gov/articlerender.fcgi?artid=2691949
The
chemotaxis network (réservé aux spécialistes)
http://boulder.research.yale.edu/Boulder-2007/Lectures/Wingreen/Chemotaxis_Boulder.pdf