Le
système HERISSON
JPB
30/03/2009
En 2007, le ministère de la défense à
lance un appel d'offres pour un marché ayant
pour objet : « la conception, réalisation
et évaluation d'une plate-forme dédiée
au traitement des sources ouvertes pour le renseignement
militaire d'intérêt stratégique
». L'appel d'offres a une durée de 36 mois
à compter de la notification du marché.
Le contrat a été par la suite notifié
fin 2008.
Voir http://www.klekoon.com/boamp/BOAMP_3_Detail.asp?ID_appel=666753
Il
s'agit d'un système dénommé depuis
HERISSON, acronyme pour Habile Extraction du Renseignement
d'Intérêt Stratégique à partir
de Sources Ouvertes Numérisées. Il consiste,
selon la DGA (Délégation Générale
pour l'Armement) en un « démonstrateur
technologique », une sorte de prototype avec pour
« objectif [...] de tester, d'évaluer les
logiciels dans le commerce et les logiciels libres capables
de traiter des sources ouvertes. Il en existe plein,
mais tous ne sont pas stables. Alors, on va regarder
lesquels sont les plus performants et pourraient nous
être utiles. Et voir si on peut les interconnecter
» (source : interview publiée dans ecrans.fr
le lundi 23 mars 2009)
Selon la DGA toujours, le système n'a pas vocation
à pénétrer la sphère privée
comme le réseau Echelon américian, mais
« simplement » à croiser les informations
disponibles sur les sources ouvertes des réseaux.
En clair, le système serait capable de savoir
quel article se trouve en ligne, quel vidéo est
disponible, etc. Les données et fichiers sont
cependant en nombre considérable. Il ne serait
pas cependant question de savoir qui les lit ou qui
les décharge. Cependant, lorsque l'on voit les
sources identifiées dans le cahier des charges
et leur étendue, on est en droit de ressentir
quelque inquiétude.
On
pourrait concevoir que dans le but d'étudier
des documents pouvant présenter un risque pour
la défense du territoire ou la sécurité
civile, les administrations de l' Etat se dotent de
moyens puissants permettant de faire face à la
prolifération des textes, voire à l'identification
d'auteurs présentant des risques. Mais où
et comment s'arrêter? Sous la responsabilité
de qui les données seront-elles étudiées,
mémorisées, utilisées pour des
suites policières ou judiciaires éventuelles?
Le système envisagé serait particulièrement
puissant puisqu'il pourrait dit-on scruter tout document
numérique, serait capable de retrouver l'original
d'une photo retouchée, comme de reconnaître
un visage ou d'accéder aux données brutes
d'un flux vidéo. Il s'intéressera également
aux radios et TV analogiques. Rien de ce qui est numérique
ne lui sera étranger.
Observons
qu'aucune autorisation n'a été demandée
à la CNIL, étant donné qu'il s'agit
d'un « démonstrateur technologique »
et qu'aucune base de données ne sera constituée.
Mais face à la multiplication des
fichiers, EDVIGE, CRISTINA, STIC, sans compter ceux
qui sont en préparation, à ces systèmes
de surveillance à grand échelle, que peut
faire une institution aussi faiblement équipée
et aux pouvoirs si limités que la CNIL ?
Le
modeste auteur de ce modeste article, comme les flux
qui s'y intéresseront, seront évidemment
Hérissonnés et certainement classés
parmi ceux à tenir à l'oeil. C'est déjà
le cas, dira-t-on, et personne ne s'est encore avisé
de s'en prendre à la liberté d'expréssion
et de consultation des uns et des autres. Mais les choses
pourront changer en cas de - disons - raidissement de
la conjoncture politique.
L'A400M
et l'offensive américaine
JPB 30/03/2009
Comme
nous le craignions, à partir d'informations internes
à la société EADS, le programme
A400M subit de telles difficultés, autant techniques
que de gestion entre les partenaires industriels, que
beaucoup parlent d'abandon. Le patron d'Airbus Thomas
Enders avait déclaré le 29 mars sur le
site internet de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel
que, "dans les conditions actuelles", son
entreprise ne pouvait pas construire les avions de transport
de troupes A400M, dont le retard de livraison est déjà
estimé à au moins quatre ans ».
Mais le groupe européen EADS a fait une mise
au point ce jour lundi 30, réaffirmant qu'il
était "pleinement engagé" dans
la construction de cet avion de transport militaire.
Rappelons
que le 12 mars, les sept pays inclus dans le programme
européen de l'avion de transport militaire Airbus
A400 M s'étaient mis d'accord sur un moratoire
repoussant du 1er avril au 1er juillet la possibilité
pour les pays de dénoncer le programme qui a
pris du retard. Les pays (France, Allemagne, Espagne,
Royaume-Uni, Turquie, Belgique et Luxembourg), qui ont
commandé au total 180 appareils, auront la possibilité
de dénoncer les contrats, le constructeur EADS
n'ayant pas respecté son engagement de procéder
à un vol inaugural en janvier 2008. Le contrat
de 20 milliards d'euros avait été signé
en mai 2003 entre EADS et l'OCCAR, représentant
les sept pays acquéreurs. L'Allemagne a commandé
60 avions, la France 50, l'Espagne 27, le Royaume-Uni
25, la Turquie 10, la Belgique 7 et le Luxembourg un
appareil.
Aujourd'hui,
la cacophonie s'installe an niveau des gouvernements.
"Je fais tout pour sauver ce programme", a
déclaré le ministre français de
la défense Hervé Morin, qui visitait au
côté du Premier ministre François
Fillon un camp d'entraînement de la légion
étrangère. "Je souhaite que ce programme
soit préservé", "c'est un programme
européen-phare, un programme majeur pour l'industrie,
un programme extrêmement bien placé et
unique dans le monde". Morin souhaite, soit, mais
qui dispose ?
Le
ministre allemand de la Défense Franz Josef Jung
a de son côté appelé EADS à
respecter son contrat pour la construction de l'avion,
sans fermer la porte à un assouplissement des
termes. "Nous avons besoin de transparence, nous
avons besoin d'une présentation claire: de quelle
manière, dans quelle configuration... et dans
quels délais l'A400M peut-il être réalisé
?".
Mais il suffit de lire tout ce qui s'écrit sur
Internet (1) concernant ces dernières annonces
pour voir que les ennemis du programme, nombreux chez
les politiques européens et chez les militaires,
profitent de ces derniers évènements pour
recommander – pour exiger – l'acquisition
de matériels américains. Ceci ne nous
surprendra pas. EADS a peut-être des fait des
erreurs industrielles ayant provoqué des retards,
mais cela n'a rien d'extraordinaire dans un grand programme
destiné à durer 40 ans. Ce qui est certain
par contre est que, dès le début du programme,
les pressions du lobby militaro-industriel américain
se sont exercées à tous les niveaux, en
Europe et en France même, pour faire déconsidérer
le projet. Aujourd'hui, avec les restrictions de commande
annoncées par Barack Obama sur les contrats militaires
intéressant l'US Air Force, on comprend que les
industriels américains sont prêts à
tout faire pour récupérer des commandes
européennes. Nous disons bien tout faire.
Nous
nous devons de saisir cette occasion pour rappeler nos
craintes de "subversion industrielle" liées
à notre réintégration dans l'Otan,
réintégration qui "enthousiasme"
tant nos amis américains ainsi que les milieux
atlantistes. Il serait particulièrement inopportun
qu'au moment où le retour de la France dans l'organisation
militaire intégrée est présenté
comme la meilleure garantie qui soit pour la conception
et la mise en oeuvre d'une politique de défense
européenne, on laisse entendre que le programme
de l'A 400M qui en est une pièce maîtresse
pourrait ne pas voir le jour..!
On peut espérer que Nicolas Sarkozy va profiter
du prochain sommet de Strasbourg/Kehl pour dissiper
de légitimes inquiétudes. Il pourrait
d'ailleurs le faire de façon originale, en affirmant
qu'à défaut d'accords sur l'actuel programme,
la France pourrait à elle seule financer le développement
de l'avion - à condition d'obtenir les garanties
nécessaires sur la maîtrise d'ouvrage et
la maîtrise d'œuvre. Il suffirait d'augmenter
la dette de quelques milliards, mais ce ne serait pas
des milliards perdus. Ils iraient directement créer
de l'emploi.
*
Consultez sur ce sujet l'excellent blog de Libération:
"Secret-défense"
http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2009/03/a400m-airbus-ne.html
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