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Article.
Science et politique.
Le riche avenir des robots autonomes militaires aux Etats-Unis...
par Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin - 22/05/2009
Dans
notre éditorial daté du
22 mai, nous constatons que les promoteurs du projet français
de robotique évolutionnaire Romeo vont peut-être
contribuer à rattraper quelque peu le retard français
et européen dans ce domaine essentiel. Mais remarquons
que les crédits consacrés à ce projet
sont incomparablement plus faibles que ceux affectés
par le Département américain de la défense
aux véhicules robotisés sans pilote. Ces derniers
sont en effet désormais présentés comme
destinés à remplacer les systèmes d'armes
classiques, avions de combat, blindés, navires qui
font encore appel à des équipages embarqués.
Comme
le rapporte le site d'information stratégique Dedefensa
(http://www.dedefensa.org/article-les_reveries_de_l_amiral_mullen_18_05_2009.html)
l'amiral Mike Mullen (président du comité des
chefs d'état-major - U.S. Joint Chiefs of Staff)
a expliqué le 14 mai dernier au Sénat que l'aviation
militaire se trouvait désormais à un tournant,
entre les matériels qui resteront pilotés et
ceux qui seront plus ou moins complètement robotisés.
Il apparaît que pour l'amiral Mullen, le mythique Joint
Strike Fighter F 35 dont différents prototypes ont
été présentés par Lockheed Martin
et qui avait pour ambition de verrouiller la totalité
des marchés «occidentaux» d'avions de combat,
serait sans doute le dernier appareil piloté proposé
– à supposer qu'il trouve finalement des acheteurs.
Il sera remplacé par des drones de toutes tailles et
de tous degrés de robotisation (Unmanned Air Vehicles,
UAV ou UCAV) dont on sait qu'il est fait désormais
un très large usage, en partie confidentiel, par l'US
Air Force sur le «front pakistano-afghan».
Les
UAV sont pour l'essentiel télé-pilotés
(à des distances de plusieurs centaines ou milliers
de kilomètres si nécessaire) par des personnels
à terre, à qui leurs différents capteurs
et calculateurs fournissent les données nécessaires,
avec souvent une grande précision. Mais les militaires
veulent franchir un pas de plus dans l'autonomie : disposer
d'appareils capables de s'adapter seuls et en temps réel
aux contraintes du combat. Certains drones de petite taille
disposent dorénavant de cette propriété.
Avec
la dure expérience de la guerre de 4e génération
contre des partisans insaisissables, l'armée de terre
américaine s'est également efforcée de
remplacer certains véhicules terrestres opérant
dans des milieux hostiles par des engins robotisés
plus ou moins autonomes. Les spécialistes de l'intelligence
artificielle discutent cependant de la question de savoir
s'il s'agit là de robots pleinement autonomes et adaptatifs,
ou s'ils se limitent à mettre en œuvre des centaines
ou milliers de programmes en grande partie écrits à
l'avance, comme ce fut le cas lors des derniers «Grand
Challenges» organisés par la Darpa(1).
Par
la difficulté des problèmes qu'elles souhaiteraient
résoudre, il est certain que la tendance à l'autonomie
complète constitue un important stimulant de recherche.
Elle bénéficie donc de financements de plus
en plus élevés en provenance de la Défense.
Les futures générations de robots d'exploration
spatiale y feront par ailleurs de plus en plus appel, notamment
pour opérer sur des planètes éloignées
telles que Mars où les délais imposés
par les temps de liaison radio rendent le télé-pilotage
très hasardeux.
Débats
sincères ou de facade ?
Les
débats relatifs à la pertinence, voire au danger
de tels systèmes, sont évidemment nombreux (pour
notre part, posons tout d'abord celui de la légitimité
des interventions...). L''idée de devoir confier à
l'intelligence d'un robot, fut-elle exceptionnelle, la décision
d'ouvrir le feu sur un adversaire pose de redoutables problèmes
«déontologiques». Comment distinguer à
coup sûr "ennemis" et "amis"? Comment,
en ce qui concerne les robots de sécurité civile,
distinguer à coup sûr de supposés criminels
potentiels et de simples passants ? Il serait par ailleurs
illusoire de penser que les ennemis prétendus, aussi
peu formés à la technologie qu'ils le soient
initialement, n'apprendraient pas vite à «hacker»
ces différents robots pour les retourner contre ceux
qui les missionnent.
On
constate aujourd'hui que ces objections, faites par des associations
préoccupées de défendre les droits de
l'homme, sont aussi présentées par les militaires
professionnels, notamment pilotes de guerre, qui ne veulent
pas se voir remplacer par des robots. Il s'agit de la campagne
«Keep man in the cockpit», elle-même plus
ou moins téléguidée par l'industrie aéronautique
classique. Celle-ci sait bien que les drones coûtent
infiniment moins chers que les matériels actuels et
redoutent de voir, crise aidant, le Pentagone s'orienter massivement
dans cette voie.
Quoi
qu'il en soit, pour l'avenir proche, la QDR (Quadrennial
Defense Review) déterminant les choix d'équipement
pour une période de quatre années, va “analyser
la situation générale de l'aviation tactique
de combat”. Cela signifie que le grand exercice de planification
des forces et des orientations stratégiques pour les
quatre années 2010-2013 va obliger à réexaminer
les différentes options, entre véhicules militaires
ou véhicules sans pilotes. Il est donc important de
constater que, sans attendre, l'amiral Mullen a laissé
plus qu'ouverte la question des UAV.
Pour
en revenir à notre propos initial, quels ques soient
les choix proposés par la QDR, ce seront des dizaines
de milliards de dollars qui bénéficieront à
l'industrie américaine de l'intelligence artificielle,
de la robotique évolutionnaire et des technologies
associées. Comme toujours, malgré la volonté
de maintenir certaines de ces recherches dans le domaine du
secret-défense, les applications civiles ne manqueront
pas d'en bénéficier. Les autres grandes puissances
à vocation militaire, notamment la Chine, suivront
nécessairement la même voie.
Les
quelques millions d'euros consacrés, au mieux, par
l'Union européenne et les gouvernements aux recherches
dans ces domaines apparaîtront alors comme bien peu
de choses. Mais tant mieux ! s'exclameront ceux qui, comme
Isabelle Stengers dans son dernier essai, dont nous reparlerons
(Au temps des catastrophes, La découverte, 2009),
considèrent que ce type de progrès scientifique
n'apporte que des désastres.
(1)Voir
notre actualité du 5 novembre 2007 : "Urban
Challenge".
La DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency, soit
« agence pour les projets de recherche avancée
de défense ») est une agence du département
de la Défense des États-Unis.