Entretien
avec Jean-Jacques Kupiec
Partie
2
Propos recueillis
par Jean-Paul Baquiast
18/05/2009
Ce
texte a été relu par Jean-Jacques Kupiec
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La
structuration des protéines
JPB.
: Le concept de stéréospécificité
était lié à la découverte du repliement
de la molécule et à la possibilité qu'elles
ont de mettre ainsi en concordance des sites actifs afin de
produire des interactions univoques entre elles. Cela est-il
abandonné aujourd'hui ?
JJK.
: Oui et non. Les biologistes moléculaires considèrent
toujours qu'il existe une structure tridimensionnelle
des protéines. Mais, pour vous donner une idée,
ils savent aujourd'hui que 30 à 60% des protéines
ont des régions entières qui ne peuvent pas spontanément
donner de structures secondaires, donc qui ne pourront pas donner
de structures tridimensionnelles. On les appelle des régions
intrinsèquement désordonnées. Ceci n'a
rien d'anecdotique. Très souvent il s'agit
de plus de 50% de la protéine. Ce ne sont pas des régions
marginales, car elles touchent aux sites actifs. Dans certains
cas, c'est la protéine entière qui est totalement
désordonnée.
Qu'est-ce
qui confère alors leur structure à ces protéines
? Ce n'est pas l'information contenue dans le gène,
comme l'affirme le dogme génétique, mais
c'est le fait qu'elles rencontrent une autre protéine.
C'est donc l'interaction avec une autre protéine
qui va stabiliser la protéine. Mais en fonction de l'autre
protéine rencontrée, la première sera stabilisée
sous des formes totalement variables. On sait maintenant qu'une
protéine impliquée dans la structuration de la
chromatine et l'expression des gènes peut se stabiliser,
interagir, avec plusieurs dizaines de gènes différents.
Dans certains cas, deux protéines peuvent interagir ensemble
de deux façons différentes. Il y a donc là
obligatoirement un élément d'aléatoire
considérable.
Ceci
pour dire que l'absence de la stéréospécificité
ne signifie pas seulement qu'une protéine puisse
interagir avec de nombreux partenaires parce qu'elles
ont les mêmes séquences d'interaction. Elle
signifie aussi que la protéine est intrinsèquement
capable de se structurer différemment. Ce qui fait que
la protéine est ce qu'elle est, c'est son
histoire en temps réel dans la cellule, et pas l'information
codée dans le gène dont elle est issue. On est
donc obligé de remettre en cause de fond en comble tout
ce que l'on s'imaginait connaître. Ce dont
nous parlons en ce moment résulte de travaux très
récents, parallèles à ceux concernant l'expression
des gènes.
JPB.
: Il reste que, comme pour ce qui concerne l'expression
stochastique des gènes, les gens qui étudient
ce que vous appelez la structuration stochastique des protéines,
en fonction des partenaires qu'elles vont rencontrer,
n'en tirent pas toutes les conclusions qui s'imposeraient.
JJK.
: Oui. Il faut tenir compte de l'échelle d'observation
à laquelle on se place. Au niveau moléculaire,
il n'y a pas de spécificité, il y a de la
stochasticité. Mais, au niveau macroscopique, à
notre niveau, il apparaît une forme d'ordre. Nous
parlions d'espèces. Elles évoluent lentement.
Il y a des individus qui se ressemblent parce qu'ils sont
proches généalogiquement, dans le temps. Toute
la question est de savoir pourquoi malgré tout il y a
de l'ordre qui apparaît au niveau macroscopique.
La théorie de l'ontophylogenèse que j'ai
proposée consiste à dire que c'est justement
là qu'interviennent les contraintes. Ceci veut
dire que le niveau moléculaire est intrinsèquement
aléatoire. On pensait que cela constituait un inconvénient
en biologie, en empêchant par exemple l'apparition
d'individus viables. Or c'est un avantage car il
s'agit d'une réserve de diversité,
de plasticité adaptative. Mais cette diversité
est contrôlée par les contraintes sélectives
qui viennent de l'environnement et qui se propagent dans
l'organisme via les structures cellulaires et pluricellulaires.
Cela, c'est la théorie du darwinisme cellulaire.
C'est donc un renversement complet par rapport au principe
du programme génétique.
JPB.
: Il me semble que vous devriez mettre en valeur une conséquence
importante de votre théorie. Au niveau macroscopique
et dans l'espace de quelques générations,
les modalités d'évolution des individus
et des espèces n'apparaissent pas. Mais si l'on
veut rentrer dans le détail et faire apparaître
des mutations fussent-elles initialement mineures mais pouvant
être lourdes de conséquences, il faut comprendre
comment elles se produisent. Vous avez évoqué
dans votre livre cette problématique à propos
de l'étude de la cancérisation dont le processus
peut s'initialiser au niveau d'une seule cellule.
J'y reviendrai plus loin.
JJK.
: Bien sûr. Nous, en tant qu'observateurs, nous
faisons des regroupements permettant de parler d'espèces.
Mais il n'y a jamais deux entités qui soient rigoureusement
identiques. Là, on aborde la question du nominalisme
et la querelle des universaux. Darwin l'avait bien dit.
Il a écrit quelque part que « nul ne peut nier
que les individus ne sont jamais coulés dans le même
moule ». Darwin a rédigé des pages entières
pour démontrer qu'il n'existe pas de noyaux
structurels d'invariance. Tout peut varier et c'est
cette variabilité qui permet l'évolution.
Ceci dit, les regroupements que nous créons, à
notre échelle, ont une certaine validité. Nous
avons besoin de nous repérer, ne pas confondre un cheval
et un chien.
JPB.
: Dans une certaine mesure, on peut donc dire que le milieu
influence la façon dont l'individu se reproduira.
Il entraîne des conséquences sur ce que l'on
appelle l'espèce. Ne pourrait-on dire que l'on
en revient d'une certaine façon au lamarckisme.
Tout ne se fait pas par mutations désordonnées.
Quand je parle du milieu, il s'agit du milieu naturel
et pas du milieu culturel. On sait depuis longtemps que le milieu
culturel influe en termes épigénétiques
sur le développement des individus regroupés en
société, mais il s'agit d'une problématique
différente de celle examinée ici. Je fais allusion
dans ma question à un milieu extérieur à
l'individu et à l'espèce. Pour reprendre
l'image canonique des girafes, si celles-ci ont acquis
un long cou, ce n'était pas pour brouter les feuilles
des arbres élevés ni même en étirant
leur cou pour ce faire. Elles ont acquis un long cou parce que
des mutations survenues au hasard, au sein des cellules germinales
de lignées d'individus contraints par la nécessité
de survivre en se nourrissant de feuilles d'arbres, ont
ouvert à ces individus un nouveau créneau d'adaptation,
la possibilité d'atteindre le sommet des arbres
– mutations au hasard n'étant pas survenues
dans d'autres lignées d'individus, par exemple
chez les chèvres.
JJK.:
Vous avez raison, mais comme vous l'indiquez vous-mêmes,
on n'en revient pas avec ma théorie au lamarckisme
proprement dit. De plus, on peut préciser qu'il
ne s'agit pas d'une influence du milieu répétée
à chaque génération. Je pense que le milieu
s'intériorise. A un moment donné, nous disposons
d'une certaine structure. Cette structure est le résultat
de toute notre histoire passée, qui remonte à
la première cellule vivante. Cette structure, on la transmet
à nos descendants dans nos cellules germinales. Un œuf,
l'ovocyte chez les mammifères, est une cellule
déjà hautement structurée. Cette structure
est le résultat de contraintes environnementales ayant
agi dans l'histoire de la lignée généalogique
dont nous sommes le dernier maillon. Nous la transmettons à
nos descendants et c'est cette structure là, la
structure cellulaire, qui va contrôler l'expression
des gènes, qui va permettre de réduire et d'orienter
la stochasticité inhérente au niveau moléculaire.
Comme
cette structure, en ce qui nous concerne, représente
ce que nous appelons l'être humain, l'individu
qui va être créé à la génération
suivante sera aussi un être humain. Ceci explique que,
sans faire appel à la notion de gène, on puisse
comprendre la reproduction de structures appartenant à
la même espèce. Précisons à l'occasion
qu'il existe deux structures qui vont rester en interaction
permanente avec l'environnement et évoluer en conséquence,
indépendamment du vieillissement qui affecte le reste
du corps. Il s'agit du cerveau et du système immunitaire.
JPB.
: Je reviens sur ces points qui sont importants. Dans une première
version de la recension que j'avais faite de votre livre,
j'avais écrit : «
On peut dire d'une façon imagée que les
molécules sont agitées d'un mouvement brownien
n'excluant pas la construction temporaire de structures
qui se désassemblent aussitôt qu'assemblées,
sauf à rencontrer un environnement favorable, atomique
ou thermique, propice à leur persistance. Ces structures,
qui ont toutes par définition des composants et des organisations
différentes (aucun plan d'ensemble ne guidant leur
assemblage) entrent en compétition darwinienne les unes
avec les autres. Celles qui survivent constituent des structures
plus complexes que l'on pourrait qualifier de niches écologiques
imposant des contraintes sélectives orientées
aux nouvelles venues. Chacune constituent à son niveau
des « milieux extérieurs » jouant le rôle
d'agents sélectifs au sein d'un milieu intérieur
plus vaste. Ainsi apparaissent des tissus, des organes, des
fonctions et de nouvelles sources de création de structures.
Progressivement des structures cadres se forment et se stabilisent.
».
Or
vous m'avez répondu : «
Ce passage est important. Il pose la question de l'origine.
Pour moi, il n'y a pas construction de structures puis
constitution d'un environnement. Ce qui laisserait intacte
l'idée d'une origine homogène et identifiable.
Du fait du caractère intrinsèquement probabiliste
du réel, on est d'emblée dans l'hétérogène,
donc d'emblée il y a un intérieur et un
environnement. De manière plus explicite : il n'y
a pas d'origine ». J'ai
donc retiré mon paragraphe. Mais dans la suite de ce
que nous disons ici, pouvez vous m'expliquer cette remarque,
alors que précisément je pensais avoir traduit
votre pensée. Je n'avais pas fait allusion à
une origine quelconque – sauf peut-être à
l'émergence initiale de la matière à
partir de l'énergie du vide quantique.
En
revanche ,
je voulais exprimer une idée que j'avais retenue en travaillant
avec un ami biologiste, malheureusement mort depuis, Gilbert
Chauvet, père de la « physiologie intégrative
» 7). Il avait réalisé un modèle
informatico-statistique du corps humain et de son évolution
illustrant le principe de ce qu'il avait, lui aussi, nommé
le hasard contraint. Sans se placer comme vous au niveau moléculaire,
il n'en était pas loin, car il étudiait notamment
le devenir des intrants pharmacologiques dans l'organisme. Ce
type d'approche, je suppose, vous ne le niez pas…
JJK.
: Non, bien sûr. Votre passage était bon et
il ne fallait pas le retirer. Mais je voulais seulement attirer
l'attention sur le fait qu'il pouvait induire un
malentendu sur la question de l'origine. On aurait pu
penser en vous lisant qu'il existait une origine, par
exemple au niveau moléculaire, à partir de laquelle
toutes les molécules et structures macromoléculaires
se seraient constituées. Or cette idée de l'origine,
pour les matérialistes, pose un problème important.
Comme mon livre s'intitule l'Origine des individus,
ce qui fait allusion à l'Origine des espèces
de Darwin, j'ai voulu préciser dans l'introduction
qu'il fallait exclure du champ la question de l'origine,
comprise comme l'origine temporelle, comme le début
d'une histoire. L'origine peut pour moi être
comprise de deux façons. Soit il s'agit de l'origine
chronologique, qui pose la question de l'avant et donc
du Pourquoi, soit il s'agit plus simplement du mécanisme
qui donne naissance à… Or Darwin ne parle jamais
de l'origine chronologique. Parce que c'est une
question métaphysique dans laquelle il ne voulait pas
s'engager, dans la mesure où elle renvoie au Pourquoi.
Aujourd'hui,
des biologistes essaient de retrouver l'origine de la
vie. Mais pour moi, cela ne dira pas grand-chose sur les origines
de la vie et moins encore sur ce qu'il y avait avant car
ils utilisent pour leurs essais la connaissance qu'ils
ont de la vie telle qu'elle est devenue aujourd'hui.
Quant à la « réalité » quantique
dont vous m'avez parlé et dont la matière
et la vie seraient issues, je ne peux y voir par définition
que du stochastique. Si la réalité est intrinsèquement
stochastique, elle l'était au temps t. Donc l'origine
est floue. Et si elle était stochastique, elle était
déjà riche de plusieurs potentialités.
Elle était hétérogène et non homogène.
Autrement dit, il existait d'emblée des frictions
entre un environnement et quelque chose que l'on pourrait
considérer comme un intérieur. Ceci est important.
JPB.
: En vous écoutant et sans vouloir à tout prix
vous entraîner dans la cosmologie théorique (dont
je ne parle moi-même qu'en béotien), je suis
frappé de la convergence entre ce que vous dites et par
exemple les hypothèses de la théorie des cordes,
selon lesquelles un nombre quasiment infini d'univers
aux variables fondamentales différentes peuvent se matérialiser
à tous moments du fait des fluctuations aléatoires
du vide. Dès qu'un de ces univers émerge,
il se construit avec des lois fondamentales qui constituent
ses propres processus de sélection des structures physiques
voire biologiques voire neurologiques qui peuvent y apparaître.
On retrouverait donc alors, à la vaste échelle
des multivers, une généralité dans un processus
stochastique contraint du type de celui que vous décrivez.
JJK.
: Je suis d'accord avec vous, mais je pense qu'il
faut être prudent quand on opère des généralisations..
Modélisation
informatique de l'ontophylogenèse.
JPB.
: Je voudrais vous poser une autre question, relative à
la réutilisation possible des modélisations informatiques
que vous avez réalisées en appui de votre théorie
de l'ontophylogenèse. L'objectif serait d'étendre
le champ de la programmation génétique, de façon
à faire évoluer des systèmes artificiels
obéissant non aux lois d'un darwinisme simple (mutation/sélection)
mais aux logiques plus complexes que vous avez étudiées.
Je pense en effet qu'il serait intéressant de simuler
l'ontophylogenèse pour comprendre ce qui se passe
dans des organismes tels que ceux désignés sur
notre site par le concept de bioanthropotechniques, ou dans
un autre domaine, pour comprendre comment des cerveaux artificiels
pourraient construire des idées cohérentes à
partir d'entrées-sorties multiples…et aléatoires.
JJK.
: Je pense que oui. Des chercheurs s'y intéressent
déjà. J'ai des contacts avec un scientifique
québécois, Jean Jules Brault, qui y réfléchit
(8). J'ai également rencontré des collègues
du LIP6, dont Samuel Landau, ou du monde des Télécommunications,
par exemple Dominique Pastor. Ils veulent faire du « bioinspiré
» dans le domaine du traitement de signal ou analyse du
web.
JPB.
: C'est très bien, mais cela devrait être
beaucoup plus général. Il existe des quinzaines
de projets financés par la recherche européenne
qui portent sur la robotique évolutionnaire. Chacun d'entre
eux, me semble-t-il aurait le plus grand intérêt
à s'intéresser à vos idées.
Le
financement des recherches en France
JJK.
: Vous avez raison, mais je me bats déjà dans
mon domaine pour obtenir quelques crédits de recherche.
Je ne me vois pas encore ouvrir un nouveau front. Dans mon domaine,
vous serez certainement intéressé de savoir que
j'ai participé avec des collègues dont Olivier
Gandrillon à l'Université Claude Bernard
de Lyon, Guillaume Beslon à l'INSA de Lyon, François
Chatelain au CEA et Andras Paldi au Généthon d'Evry,
à la création d'un consortium. Il s'agit
d'équipes d'expérimentateurs qui travaillent
directement sur ces idées d'expression stochastique
et de différenciation cellulaire.
JPB.
: Je suppose que vous déplorez, comme beaucoup de vos
collègues, le peu d'intérêt que manifestent
pour des recherches comme les vôtres ceux qui en France
financent la recherche fondamentale
JJK.
: Oui. Je constate que les idées nouvelles, telles que
celles que je défends, ont un plus grand écho
à l'international qu'en France. C'est
important à dire car en France on a de plus en plus tendance
à n'attribuer de valeur qu'à ce qui
est publié à l'étranger. J'avais
ainsi été contacté, bien avant d'écrire
la version française de mon livre, par l'éditeur
de la version anglaise 9). De ce point de vue, qui n'est
pas forcément le mien, mon travail est donc reconnu.
Mais je constate par ailleurs que des articles reprenant souvent
de manière très proche ce que j'avais précédemment
publié paraissent dorénavant dans des revues étrangères,
sans bien entendu me citer.
JPB.
: Je trouve cela scandaleux, sachant que votre livre est non
seulement révolutionnaire mais représente un travail
de longues années. Cependant ce que vous dites ne m'étonne
pas. Pour des raisons relevant de différentes causes,
dont un masochisme intellectuel certain, les Français
considèrent que rien de valable ne peut être réalisé
en France. Il existe une névrose d'échec
française. Tout doit provenir des Etats-Unis. Le soft-power
américain a bien joué son rôle de colonisateur
puisqu'il nous en a persuadés, ceci dès
avant la seconde guerre mondiale. Mais l'aveuglement continue.
D'un autre côté, l'incompétence
scientifique de nos décideurs, tant politiques qu'universitaires,
ne contribue pas à renverser la tendance.
Comme
vous le savez, nous avons créé ce site et cette
Revue, Christophe Jacquemin et moi, à titre individuel
et bénévole, pour lutter contre cette névrose
française consistant à cette intériorisation
d'une prétendue infériorité de nos productions
par rapport aux productions américaines. Mais notre audience
reste limitée. Nous rencontrons constamment des gens
qui se félicitent d'avoir réussi à imiter
ce qui avait été fait à Boston trois ans
auparavant. Vous pouvez être certain que ceux qui vous
plagient en ce moment aux Etats-Unis, sans vous référencer,
vont réintroduire sous peu vos thèses en Europe,
sous pavillon américain. A ce moment tout le monde s'extasiera
sur la créativité anglo-saxonne !
JJK.
: Oui, ils le font déjà. Mais que faire contre
cela ?
JPB.
: Après
vous avoir écouté, nous nous demandons si vous
ne devriez pas faire un effort pour convaincre le grand public
de l'intérêt pratique des recherches sur l'ontophylogenèse.
Le darwinisme parle à beaucoup de bons esprits, qui voient
à peu près ce dont il s'agit. On en a même
tiré des conséquences politiques qui ont beaucoup
nui à la science, comme celles relatives à l'élimination
obligée des faibles par les forts. Dans votre domaine,
ne pourriez-vous pas montrer que des enjeux très forts
pourraient découler d'un approfondissement de vos recherches.
Je pense par exemple à la lutte contre le cancer. Vous
en parlez dans votre livre. Il est évident que, si vos
recherches ne peuvent mener directement à la prévention
de la cancérisation, elles semblent éclairer directement
les mécanismes par lesquels une cellule se met brutalement,
peut-être par hasard, à proliférer en s'affranchissant
des contraintes résultant du fonctionnement normal de
l'organisme. Pourquoi ne pas déposer un projet de recherche
fondamental portant sur un ou plusieurs aspects de cette question
?
JJK.
: Je ne dis pas non, mais je crains que nous ne soyons dans
un pays où l'on n'ose plus rien faire d'audacieux. La
crise y aide, bien évidemment. Il faut en finir. Mais
comment ? Je suis persuadé que ce que je suis en train
de faire est meilleur que ce qui se fait aux Etats-Unis. Mais
nous avons besoin de soutiens matériels pour poursuivre
de telles recherches. J'ai déposé des projets
de financement. Le consortium dont je vous ai parlé le
fait à son tour. Pourtant, systématiquement, nos
demandes sont rejetées. Personne ne veut prendre de risques.
JPB.
: Cela tient sans doute en partie au fait que les biologistes
qui vous jugent pour vous financer se sentent menacés
dans leur carrière par de tels projets. Il s'agit
d'un problème que l'on rencontre partout.
Pour
ma part, j'aimerais faire quelque chose pour vous aider, en
dehors de publier le présent entretien. Peut-être
pourrons-nous en reparler. Christophe Jacquemin et moi, nous
vous assurons qu'en tous cas nos colonnes, comme l'on dit, vous
sont ouvertes. Vous êtes au cœur de véritables
problématiques, non seulement de connaissances fondamentales,
mais de santé publique. Nous devons en persuader nos
lecteurs.
JJK.
: Merci.
Notes. Ces notes sont de Automates
Intelligents et n'engagent pas JJK.
(7) Sur Gilbert Chauvet, voir notamment http://www.automatesintelligents.com/interviews/2006/mai/gchauvet.html
(8) Jean-Jules Brault. Voir http://www.polymtl.ca/recherche/rc/professeurs/details.php?NoProf=83
(9) La version anglaise de l'ouvrage a paru sous le titre The
Origin of Individuals chez World Scientific en mars 2009.
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