Dans
cette page, nous présentons en quelques lignes des ouvrages
scientifiques éclairant les domaines abordés par
notre revue. Jean-Paul Baquiast. Christophe Jacquemin
octobre
- décembre 2009
Whole
Earth Discipline par Steward Brand, 2009
présenté par Jean-Paul Baquiast 05/10/2009
Le
point de vue hérétique d'un pionnier de l'environnementalisme
Steward Brand s'était fait connaître dans les années
1970 comme un pionnier de la défense de l'environnement,
de la décroissance, du do-it-yourself. Il avait publié
ses idées et ses recettes pour changer de mode de vie
dans un ouvrage qui était devenu, comme en France ceux
de René Dumont, une sorte de bible, le Whole Earth Catalog
Or
aujourd'hui, il vient de publier un nouvel ouvrage, le Whole
Earth Discipline, où pour les mêmes raisons, c'est-à-dire
la défense de l'environnement, il recommande le génie
génétique, l'énergie nucléaire et
d'autres technologies encore considérées comme
diabolique par les Verts. Cette évolution est assez comparable
à celle de James Lovelock, qui a scandalisé ses
amis en recommandant récemment de multiplier les centrales
atomiques, pour « sauver la planète ».
Dans
ce dernier livre, il multiplie les points de vue hétérodoxes,
qui méritent tous d'être connus et discutés.
Prenons en exemple le regard très positif qu'il jette
sur les favelas et autres urbanisations misérables qui
vont bientôt rassembler 2 à 3 milliards d'humains
de par le monde. Loin d'y voir des lieux où prolifèrent
la misère, la drogue, la prostitution, les pollutions,
il y voit les nouveaux laboratoires où s'élaborent
les valeurs et les pratiques de l'humanité de demain.
Selon lui, comme les habitants y essaient désespérément
de sortir de la pauvreté, ils font montre d'une créativité
qui manque désormais aux sociétés plus
favorisées. D'abord, ils ont redécouvert les vertus
de la coopération et de l'entraide, disparues dans les
grandes villes modernes. De plus ils travaillent désespérément,
initialement pour presque rien puis réussissant progressivement
à s'élever un peu dans les échelles sociales
et l'économie formelle. Pour les Nations-Unies, les favelas
et quartiers de squatters ne sont plus considérés
comme le grand problème de notre temps, mais comme les
lieux où naissent les principales solutions à
la question de la pauvreté.
Cette
urbanisation, aux yeux de Steward Brand, est par ailleurs excellente
pour l'environnement. Elle attire des millions de cultivateurs
pauvres qui pratiquaient jusqu'à présent une agriculture
de subsistance écologiquement dévastatrice. Leur
mode de vie encourageait la croissance démographique,
avec des femmes rivées au travail de la terre sans aucune
rémunération ni éducation, incapables de
pratiquer le contrôle des naissances. En ville elles comprennent
qu'elles ont intérêt à n'avoir que peu d'enfants,
à les éduquer et à leur trouver des opportunités
économiques. Les femmes sont devenues dans les favelas
des personnes très puissantes autour desquelles s'organise
l'organisation sociale, avec par exemple l'aide de la micro-finance.
Les
souffrances sont grandes dans les taudis, et le crime y est
partout. Mais les gouvernements ne remédieraient en rien
à la situation en les faisant raser par des bulldozers.
Il suffirait d'y apporter, à peu de frais, l'électricité,
l'eau, les sanitaires et un minimum de police.
Il
sera facile de reprocher à Steward Brand un idéalisme
naïf. Ses idées changeraient, lui dira-t-on, s'il
vivait durablement dans de tels quartiers. Par ailleurs, plus
concrètement, ce qu'il dit des mégalopoles misérables
du tiers-monde n'est sans doute pas transposable aux quartiers
dits défavorisés des grandes villes dans les pays
développées. Là le voisinage étroit
entre une « richesse » générale et
une exclusion marginale crée des tensions sociales que
l'on ne retrouve peut-être pas dans les villes du tiers
monde où les quartiers riches sont assez isolés
et minoritaires au regard des quartiers misérables.
Plus
gravement, dans ces quartiers, il reste très difficile
d'implanter des PME de haute technologies qui pourraient, à
partir de personnels très qualifiés, développer
des solutions innovantes apparemment simples, susceptibles d'apporter
des remèdes à la misère, mais nécessitant
une forte compétence technique. La revue NewScientist
du 3 octobre en donne une liste impressionnante, dans sa rubrique
Future Earth p. 36 à 39. (voir aussi sur le Net http://www.newscientist.com/special/blueprint-for-a-better-world
). De nombreuses techniques permettront de récupérer
les déchets, créer de l'énergie, améliorer
l'habitat. Elles seraient particulièrement adaptées
aux mégalopoles pauvres. Mais pour qu'elles puissent
y être acclimatées, il faudrait qu'elles soient
inventées et développées sur place, non
importées par des multinationales. Les Etats doivent
y mettre des crédits. On ne pourra pas compter uniquement
sur la micro-finance.
* Whole Earth Catalog October 1974 - Electronic Edition
http://wholeearth.com/issue-electronic-edition.php?iss=1180
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