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Article
Mythes
philosophiques d'hier et d'aujourd'hui
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin
22/11/2008
La
question des rapports entre la philosophie et la science n'a
pas fini de faire débat. Lorsque ce sont des philosophes
qui la posent, même lorsqu'ils paraissent au fait des
questions scientifiques, un doute surgit. Ont-ils vraiment
réfléchi aux grandes questions – précisément
de type philosophique – que suscitent les développements
des disciplines scientifiques les plus récentes. On
ressent en les écoutant l'impression qu'ils confondent
science et technosciences, voire science, applications technologiques
et produits de consommation s'en inspirant.
Luc
Ferry, qui poursuit un travail au demeurant très intéressant
consistant à mettre les grandes œuvres philosophiques
à la portée du public, expliquait récemment
en présentant son dernier ouvrage, "La sagesse
des Mythes"(1) que la science
ne peut apporter la spiritualité dont les hommes ont
besoin pour vivre. Il précisait bien que ce disant,
il ne se plaçait pas dans la perspective des véritables
spiritualistes, pour qui le monde matériel ne prend
son sens que dans la contemplation d'un monde divin qui le
transcende en tous points. Luc Ferry se veut matérialiste,
mais– à juste titre – il ne renonce pas
pour autant à s'interroger sur les fins dernières
de l'univers et de la vie, comme sur les valeurs morales –
altruisme, besoin de dépassement, soif de connaissance
– qui inspirent les humains dans leur vie quotidienne,
même lorsqu'ils ne prennent pas le temps d'y réfléchir
en profondeur.
Ces
interrogations caractérisent pour lui une exigence
de spiritualité inhérente à l'humain.
Celle-ci, pour lui, répétons-le, se situe
en amont des réponses apportées par les religions,
notamment les religions monothéistes qui puisent
aujourd'hui dans leurs écritures et dogmes
des solutions stéréotypées devant être
absorbées sans discussion. Or dit-il, on ne trouve
pas de réponses à cette exigence de spiritualité
« laïque » dans les sciences, quelles qu'elles
soient. Bien pire, selon lui, les sciences ne formulent
pas les questions requérant une recherche de spiritualité,
ou bien elles les évacuent à peine formulées.
Dans
ces conditions, seule la philosophie peut satisfaire aux besoins
de spiritualité des humains. Cet apport de la philosophie,
nous rappelle-t-il, n'est pas nouveau. Dans "La
sagesse des mythes", il montre comment la mythologie
grecque et latine a répondu sous une forme à
peine cryptée aux grandes questions philosophiques
qui préoccupaient non seulement les penseurs mais aussi
les citoyens éduqués de l'Antiquité(2).
Cette mythologie, en tant que forme populaire de réflexion
philosophique, ne s'opposait pas à une science
qui n'existait pas à l'époque sous
ses formes actuelles. Par contre, elle se proposait de dépasser
en les critiquant les finalités implicites fondant
les sociétés de l'Antiquité, commerce,
profit, esclavage, tyrannies… La sagesse des mythes
propose selon Luc Ferry des réponses à ce que
l'on pourrait appeler les questions " éternelles"
que se posent les humains face à la nature et aux sociétés
humaines. Elle suppose une interrogation permanente sur les
comportements sociaux dominants et leurs valeurs, destinée
notamment à la prise en considération d'un
au-delà du présent immédiat.
Luc
Ferry porte un regard hautement sympathique, au sens propre
du terme, sur les mythes antiques et sur l'interrogation philosophique
dont ils sont le résultat. Considère-t-il qu'ils
pourraient aujourd'hui encore convenir, avec quelques adaptations,
aux besoins de spiritualité qu'éprouvent les
humains modernes et que, selon lui, la science ne peut satisfaire?
On pourrait presque le croire, si grand est son enthousiasme.
Quo iqu'il en soit, pour lui, la philosophie moderne, s'exprimant
par d'autres formes que celles inspirées par une imagerie
polythéiste naïve, est seule capable de remplir
le vide de spiritualité des travaux scientifiques.
La biologie ne nous donnera pas le sens de la vie, non plus
que les neurosciences ne nous proposerons de règles
morales ou que la physique quantique ne guérira nos
chagrins d'amour.
Il
est évident, et nous ne le contesterons pas, que le
recours à la philosophie s'impose dès que
sommes curieux de questions que les sciences ne se posent
pas ou ne peuvent résoudre. Cependant, au-delà
de cette évidence, nous pensons que le point de vue
de Luc Ferry sur les sciences est dangereusement réductionniste.
Il conduit inévitablement, bien qu'il s'en défende,
non pas à une spiritualité matérialiste,
mais au spiritualisme historique pour qui notamment l'esprit
et la matière ne peuvent et ne doivent être confondus.
Plus généralement, il enferme les scientifiques,
comme tous ceux qui sans être chercheurs s'intéressent
à la philosophie des sciences, dans le matérialisme
utilitaire de ceux qui ne s'intéressent pas aux questionnements
scientifiques mais aux profits susceptibles d'être tirés
de l'exploitation militaire ou commerciale des technologies.
Que
l'on nous comprenne bien. Nous ne refusons pas, encore
une fois, de nous engager dans des débats sur les
fins dernières ou sur l'au-delà des
connaissances, si les philosophes modernes peuvent y apporter
des approches à la fois neuves et critiques Philosophons,
philosophons, il en restera toujours quelque chose. Soit
dit ici très sérieusement et sans ironie.
Mais nous voudrions que dans ces débats, les philosophes
aient fait l'effort de s'interroger sur les ressorts
profonds qui sous-tendent la recherche scientifique en général
ou les recherches spécialisées liées
à telle ou telle discipline émergente. Il
ne s'agit en général ni du goût
de l'argent ni de l'attrait des palmes académiques.
Pour comprendre ces ressorts, la première chose à
faire consiste à se plonger en profondeur dans les
disciplines concernées. Cela n'est pas impossible,
car de plus en plus de scientifiques font l'effort
aujourd'hui, tel Socrate en son temps, de parler de
leur travail en termes compréhensibles. Si les philosophes
ne jugent pas utile de s'intéresser à
ces efforts de communication, ils retombent inévitablement
dans les mythologies de notre temps. Celles-ci n'ont
plus les vertus éclairantes qu'avaient les mythes
grecs. Elles sont surtout destinées à rapporter
de l'argent et du pouvoir à ceux qui les professent.
Les
neurosciences
Prenons le domaine des neurosciences. Nous avons passé
un peu de temps à compiler(3) ce
que les neurosciences modernes disent du cerveau, de ses comportements
et des «valeurs» qu'il génère, aussi
bien d'ailleurs dans les sociétés animales que
dans les sociétés humaines. Nous ne pouvons
donc accepter de laisser dire qu'elles n'offrent pas de réponses
aux grandes questions philosophiques, telles que celles portant
sur les valeurs morales, le sens du sacré, le sentiment
esthétique face à la voûte céleste
et autres interrogations plus que millénaires. Mais
la difficulté tient à ce que ces réponses
ne sont pas exactement celles qu'attendrait le grand public
lecteur des magazines philosophiques distribués pour
faire patienter les clients dans les salons de coiffure et
centres de remise en forme.
Les
neurosciences mettront ainsi de plus en plus en évidence
les circuits neuronaux à la base de l'interrogation
morale et métaphysique d'hier et d'aujourd'hui.
C'est l'évolution qui a organisé
le développement de ces circuits dans le cerveau
des hominiens (pour ne pas remonter plus haut) afin de commander
les comportements de plus en plus complexes imposés
par la survie au sein de groupes façonnés
par l'explosion des activités manufacturières
et langagières. On peut sans trop forcer les mots
trouver les origines de ce que l'on appelle la spiritualité
dans la verbalisation et l'institutionnalisation de
comportements indispensables à la survie des sociétés
humaines primitives, tels que l'altruisme, le besoin
de se donner des intentions, celui de se projeter dans le
futur.
Ce
type de réponse satisfera-t-il l'individu en
mal d'interrogations sur les fins dernières
? Lui dire que, s'il se pose de telles questions,
c'est parce que l'évolution l'a
doté d'un cerveau capable, non seulement de
se les poser, mais de leur apporter des réponses
plus ou moins objectives, le rassurera-t-il ? Oui, sans
doute, si dans le même temps, on lui montre que le
mouvement continu d'approfondissement des connaissances
et des épistémologies qui en découlent
justifie qu'il continue à s'interroger
sur la façon dont de nouvelles recherches scientifiques,
sous-tendues par de nouvelles visions ontologiques, pourront
lui faire découvrir de nouveaux horizons de questionnement-
et l'inverse, puisque le mécanisme d'approfondissement
fonctionne dans les deux sens.
Dans
les sociétés évoluant sur un rythme
technologique et scientifique exponentiel, de nouveaux circuits
neuronaux, posant (ou résolvant) de nouvelles questions
seront nécessaires à la survie dans le monde
de demain. Il est donc quasiment inévitable de réfléchir
à ces questions. On y trouvera le fondement de nouvelles
approches philosophiques, dont nous n'avons guère
idée aujourd'hui. C'est dans la perspective
de tels dépassements que les philosophes d'aujourd'hui
devrait inciter leurs élèves à s'engager.
Comme
quoi et comme aurait dit le pirate Barberousse (il est vrai
en brandissant son pistolet sous le nez de ses contradicteurs)
«si cela n'est pas là de la bonne philosophie,
je veux bien être pendu».
La
légèreté de l'Etre.
Nous
voudrions poursuivre ce propos à partir des questions
éminemment philosophiques que se pose, et que pose
à ses lecteurs, le Prix Nobel de physique Frank Wilczek
dans son ouvrage «The Lightness of Being»(4).
L'auteur a reçu le Prix Nobel de Physique 2004, conjointement
avec David Politzer et David Gross, pour ses travaux sur la
chromodynamique quantique, décrivant comment des particules
fondamentales nommées les quarks et les gluons interagissent
pour former les protons et les neutrons qui sont au cœur
de chacun des atomes dont nous sommes faits. Le sujet n'est
pas facile, et demande des connaissances qu'on ne saurait
exiger d'un philosophe, voire d'un physicien de gabarit normal.
Néanmoins le livre écrit par Frank Wilczek,
sans être de tout repos, est à la portée
d'un lecteur que nous dirions cultivé. Or, sans se
placer d'emblée dans la philosophie, il présente
l'état des connaissances susceptibles de répondre
à de grands interrogations philosophiques : pourquoi
les objets ont-ils une masse et pourquoi cette masse est-elle
ce qu'elle est ? D'où proviennent les particules élémentaires
? De quoi est rempli le vide cosmique ? …ou plus concrètement,
à quoi servira le grand collisionneur à hadrons
du Cern (LHC) qui aurait du entrer en service cet automne
et dont une panne dans les systèmes de refroidissement
a retardé le démarrage ?
La
démarche de Frank Wilczek, comme celle de ses centaines
de collègues qui étudient ces questions, peut
être considérée comme typiquement philosophique,
en ce sens qu'elle fait le point des réponses
apportées – avec circonspection et sous réserve
de vérification – à des questions qui
tourmentaient déjà les citoyens grecs éduqués
du temps de Démocrite : de quoi sont fait la matière,
le temps, nous-mêmes. Elle est également éminemment
philosophique dans la mesure où, à la plupart
de ces questions, Frank Wilczek répond que ni lui
ni aucun de ses collègues aujourd'hui ne peuvent
apporter de réponse. Certes, des pistes de réponses
apparaissent, s'appuyant sur les théories reconnues
actuellement, mais au-delà, l'esprit curieux
est invité à patienter, soit quelques mois
ou années quand le LHC aura commencé à
produire des données, soit plus longtemps encore.
Ainsi
concernant l'origine de la masse, le physicien peut
répondre qu'elle dérive de l'énergie,
en appliquant l'équation (retournée)
proposée par Einstein : m=E/c2. Cette équation,
dans laquelle E représente l'énergie
et c la vitesse de la lumière, est toujours admise
bien qu'âgée de plus d'un siècle.
Mais au-delà ? D'où vient l'énergie,
l'énergie pure dont dérivent toutes
les masses ? Les scientifiques ne peuvent que proposer des
hypothèses, bien propices à nourrir de nouvelles
réflexions philosophiques. Frank Wilczek, à
la question de savoir de quoi est fait ce qui nous apparaît
comme un espace vide, répond (p. 73) qu'il
s'agit d'un milieu dynamique dont l'activité
modèle le monde. Il le nomme le Grid ou réseau.
Il est constitué d'un condensé instable
de quarks et antiquarks. Du vide émergent des pairs
de quark-antiquark qui en s'annihilant laissent cependant
persister des perturbations dans le Grid qui fournissent
l'énergie dont la matière ordinaire
est faite.
Cependant,
comme chacun le sait dorénavant, les masses telles
que calculées par l'équation d'Einstein
et qui constituent la matière/énergie ordinaire,
celle que nous pouvons observer directement, ne sont qu'une
très faible partie des masses détectées
(ou suspectées) dans l'univers. L'essentiel
des forces qui déterminent l'évolution
de l'univers sont encore inconnues. Il s'agit
de la matière noire, responsable de l'essentiel
de la gravité, et de l'énergie noire,
qui serait responsable d'une expansion accélérée
de l'univers visible dont les astronomes ont cru détecter
les manifestations. Un immense domaine d'incertitudes
s'ouvre ainsi. Mais il est aussi porteur d'une
certitude stimulante, celle selon laquelle des chercheurs
proposeront inévitablement, si les sociétés
scientifiques restent ce qu'elles sont, de nouvelles
hypothèses qui pourront éventuellement obliger
à revoir de fond en comble tout ce que l'on
croyait acquis.
Ceci
pourra se produire, non nécessairement dans un lointain
avenir, qu'aucun d'entre nous ne verrait, mais
peut-être demain, ou presque. Il en sera ainsi, prédisent
les physiciens, si le LHC ne fait pas apparaître le
si recherché et encore mythique boson de Higgs, indispensable
pour compléter l'unification des forces dans
le tableau des particules élémentaires.
Le
lecteur nous demandera en quoi l'évocation de
ces mystères pourrait répondre aux interrogations
philosophiques du citoyen d'aujourd'hui ? Nous
répondrons qu'elle aura l'intérêt
non négligeable de l'inviter à prendre
de la hauteur et à ne pas s'enfermer dans la
recherche nombriliste de réponses à de petites
angoisses personnelles. Ainsi pourra-t-il se sentir à
nouveau motivé pour s'intéresser à
l'évolution d'un cosmos dans lequel il est plongé
et dont il est l'un des acteurs. C'est exactement
le rôle que jouaient les mythes
anciens, tel celui d'Ulysse pris en exemple par Luc
Ferry. Le récit légendaire raconte qu'Ulysse,
retenu quelques années dans l'ile de la nymphe
Calypso qui lui promettait amour et vie éternelle,
avait fini par s'arracher à ces délices
pour retrouver Ithaque, son épouse et aussi la condition
humaine, avec la perspective d'une mort inévitable.
Ce
mythe, au demeurant, ne parait pas inspiré par une
pensée philosophique d'une hauteur vertigineuse. Il
est quasi utilitaire. Il vise à rappeler aux hommes
qu'ils doivent éviter de se perdre dans des rêves.
Ils doivent se consacrer à leur famille en se contentant
de leur sort. Les autres mythes ne sont pas très différents.
Ils contribuent tous à la survie du type de société
considéré (implicitement) comme un modèle
par la structure sociétale de l'époque. Ne les
critiquons pas cependant. Ils étaient suffisamment
élaborés pour conserver encore un grand pouvoir
sur nos imaginaires. Il reste que les mystères dont
la physique moderne fait pressentir l'existence pourraient
bien mieux encore de nos jours stimuler l'inquiétude
philosophique et la recherche de spiritualité.
On
objectera que le citoyen de nos sociétés n'a
pas la culture minimum lui permettant de participer aux
interrogations philosophiques suscitées par l'étude
des sciences. Ce qui n'était peut-être
pas le cas de ceux qui s'enchantaient aux récits
d'Homère, sans doute plus immédiatement
accessibles aux esprits de ces époques. Certes. Mais
c'est bien pourquoi ceux qui voudraient réintroduire
de la spiritualité dans les sciences devraient recommander
un préalable indispensable : rendre l'enseignement
des bases de la physique et des autres sciences dures et
moins dures obligatoire dans l'ensemble des lycées
et collèges.
Simulation
et connaissance
Nous
serions injustes cependant de ne pas saluer les efforts que
font de plus en plus de philosophes notamment parmi les jeunes
générations, pour se mettre au courant du développement
des sciences les plus récentes et en présenter
les possibles applications à la pensée philosophique
ou politique. Ils ne font jamais cela si bien, on doit le
dire, que quant ils font participer de « véritables
» scientifiques à leurs réflexions. C'est
le cas d'un numéro de la Revue philosophique intitulé
«Simulation et connaissance» auquel nous
renvoyons les lecteurs de notre propre revue(5).
Ceux-ci
savent combien sont essentielles aujourd'hui au plan
scientifique et philosophique les questions de savoir :
- S'il existe un réel en soi (indépendant
de l'observateur) ?
- Sous quelles formes ce « réel » est
capté par les moyens d'observations (sensoriels)
dont disposent les organismes vivants ?
- Comment ces organismes se le représentent ou le
modélisent, soit par leur organisation corporelle
quand ils n'ont pas de cerveau, soit au sein de cet
organe quand ils en ont.
- Comment ces modélisations participent à
la construction des langages et des niches de survie propres
aux espèces ?
- Quelle est le rôle des technologies développées
par l'espèce humaine dans la dynamique constructive
de ces représentations ?
- Comment en retour tout ce qui précède réagit-il
sur le "réel en soi" supposé ?
Le
numéro Simulation et connaissance n'aborde pas tous
les aspects de ces questions fondamentales, ou, s'il le fait,
il le fait sous des logiques d'attaques plus dispersées.
Néanmoins, une lecture attentive des différents
articles permettra peu ou prou de retrouver les problématiques
évoquées ci-dessus. Nous avons particulièrement
retenu, outre l'introduction de Georges Chapouthier et Stéphane
Chauvier, les articles de Frédéric Kaplan et
Pierre-Yves Oudeyer, consacré à la robotique
évolutionnaire, et celui de Georges Chapouthier, intitulé
«Le cerveau simulateur dans tous ses états".
Ce texte, en quelques pages, présente une synthèse
des conceptions modernes des neurosciences concernant le rôle
du cerveau dans la construction des représentations,
aussi bien lors de situations que l'on pourrait qualifier
de normales, celles où le cerveau fait des prédictions
dont le corps tout entier valide la pertinence, que dans des
conditions moins courantes mais tout aussi essentielles où
le cerveau s'emballe dans un imaginaire dont les hypothèses
ne sont plus immédiatement vérifiables expérimentalement(6).
Revenons
pour terminer sur le défi évoqué dans
la première partie de cet article, que Luc Ferry semblait
poser aux sciences : Que répondrez vous à
une personne qui vous dira qu'elle a besoin d'un dépassement
vers l'absolu, ou qu'elle souffre d'un grave chagrin d'amour
?». Pour Luc Ferry, les sciences ne peuvent pas
apporter de soulagement à de telles inquiétudes.
Selon nous au contraire, une discussion avec un scientifique
tel que Georges Chapouthier ou d'autres de ceux à qui
nous avons donné la parole dans notre Revue, pourrait
lui faire comprendre que ses angoisses n'ont rien d'exceptionnel.
Elles font partie des manifestations les plus banales de la
vie organisée et ne devraient pas l'inquiéter
plus que les symptômes d'un mal de dents, même
si les soulager suppose une démarche comportementale
un peu plus complexe que la prise d'un cachet d'aspirine -
ou d'un anxiolytique.
Nous
pourrions ajouter, toujours en réponse au défi
de Luc Ferry, que les discours philosophiques les plus élaborés
ne satisferont pas davantage que le recours aux connaissances
scientifiques, ces « troubles de l'âme
» auxquels l'ancien ministre de l'Education Nationale
pense que seule la philosophie peut répondre.
Notes
(1) Luc Ferry «Apprendre à
vivre : Tome 2, La sagesse des mythes », Plon 2008
(2) Le même travail a souvent été
fait par ceux étudiant les mythes des civilisations
non méditerranéennes, dont nous sommes bien
moins informés
(3) Voir notre dossier. La conscience vue
par les neurosciences http://www.automatesintelligents.com/echanges/2008/dec/conscience.html
(4) Frank Wilczek «The Lightness
of Being: Mass, ether and the unification of forces»
Basic Books, 2008.
(5) Revue philosophique de la France et de
l'étranger, PUF, publié avec le concours du
CNRS, n° 3 de juillet-septembre 2008.
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/philosophie/revphi/revphilo.htm#psto
Nous fournissons ce lien par acquis de conscience. En fait,
le site est quasiment vide, il n'est même pas à
jour des sommaires des derniers numéros. Si les éditeurs
et auteurs voulaient éloigner les gens de la philosophie,
ils ne s'y prendraient pas autrement. Peut-être veulent-ils
protéger le lectorat payant. Mais nous aimerions savoir
en ce cas quel est le tirage et ce qu'il rapporte –
au détriment de l'éducation populaire. Comme
indiqué ci-dessus, le numéro que nous a adressé
Georges Chapouthier et dont normalement nous n'aurions jamais
du prendre connaissance mériterait une très
large diffusion. [voir plutôt ce lien pour consulter
le sommaire : http://www.cairn.info/revue-philosophique-2008-3.htm].
(6) Rappelons que nous avions précédemment
présenté les travaux de Georges Chapouthier
au cours d'un entretien avec ce chercheur, lequel est aussi
un philosophe. L'entretien porte en partie sur les relations
entre philosophie, métaphysique et sciences. http://www.automatesintelligents.com/interviews/2007/nov/chapouthier.html