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Modélisation et meta-raisonnement dans le langage
naturel :
La Mécanique Conceptuelle
par
Bernard Decobert
Bernard Decobert, né le
23 janvier 1957 (RFA), est Cartographe
et géomètre (systèmes cadastraux et
aménagement foncier - Ecole Supérieure des
Géomètres et Topographes);
Il peut être joint pour toutes questions sur ce texte
à bernard.decobert at wanadoo.fr
Une étude récente tend à montrer qu’il
existe dans le langage, une forme originale de raisonnement
implicite. Si cette étude, tangente à de nombreux
domaines comme les sciences du langage, la psychologie,
les neurosciences, l’intelligence artificielle et
même l’histoire des cultures anciennes, appellent
nécessairement à une collaboration élargie
pour être affinée, le lecteur entreverra déjà
sans doute, d’éventuelles perspectives d’applications
nouvelles, notamment dans le traitement automatique du langage
naturel (moteurs de recherche sémantique ) (1) et
la robotique autonome (aide à l’analyse du
comportement).
Cette
étude, sur la « Mécanique Conceptuelle
» (MC) qui devrait s’inscrire somme toute au
carrefour des sciences cognitives, s’attache en premier
lieu à modéliser les archétypes qui
tendent à structurer la pensée « cohérente
ou logique ». Qualifiable ainsi, car des exemples
précis montrent que, au moins depuis l’Antiquité
et s’émancipant de la syntaxe, des schémas
de pensée identiques semblent influer directement
sur la forme du langage. Une partie du raisonnement des
auteurs se modulerait ainsi en fonction de séquences
conceptuelles récurrentes, ordonnées, axiomatiques
et inconscientes.
.jpg)
La
représentation de séquences conceptuelles
dans un article de presse
Ce
graphe montre la forme que prennent certaines constructions
conceptuelles récurrentes, dans un texte et la façon
dont elles semblent constituer l’infrastructure du
raisonnement d’un auteur. On remarque notamment, la
présence de séquences conceptuelles secondaires
et leur imbrication avec la séquence primaire principale.
Ce type particulier d’organisation en forme de «
plan route » est tiré de l’article «
Le ministre de l'intérieur palestinien démissionne
après de nouveaux heurts entre Hamas et Fatah »
(LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 14.05.07). En ordonnées
figurent l’échelle des concepts et en abscisse
l’avancement des mots dans le texte. L’article
comprend 238 mots au total. Parmi ces 238 mots, 119 occurrences
ont été sélectionnées.
La majorité des mots restants et non répertoriés
sur le graphe correspond à des pronoms, articles
définis et indéfinis, auxiliaires etc.…
Le
cadre expérimental
L’expérimentation
porte essentiellement sur des textes en français
(ou traduits en français) et tout particulièrement
sur deux séries d’articles choisis au hasard
sur le site « Le Monde.fr » parus en mai 2007
et en mai 2008. Il faut préciser cependant que d’autres
études, mais très insuffisantes à ce
jour, ont révélé des résultats
analogues directement à partir de l’anglais,
de l’allemand, du hollandais et de l’espagnol.
Il faut préciser enfin qu’aucune étude
particulière n’a été réalisée
à partir de textes d’autres langues plus lointaines
comme le chinois, le japonais ou à partir de langues
originales très localisées. Il est bien évident
qu’une telle recherche devrait être entreprise.
D’autant que l’intuition pousse à croire
que ces constructions mentales, a priori archaïques,
puisqu’on en retrouve des traces jusque dans les traductions
de textes anciens, correspondent très probablement
aussi à notre projection anthropomorphique sur le
Monde qui nous entoure. Il est donc fort à parier
que malgré certaines différences, nous puissions
retrouver la trame de constructions mentales similaires
dans chacune des parties du Monde.
Ce
que recouvre la notion de mécanique conceptuelle
A
la lecture de textes anciens et modernes l’observation
montre que certains concepts (archétypes) tendent
à s’ordonner naturellement. Il ne s’agit
pas de considérer un ordonnancement de concepts ou
d’idées dans la continuité d’un
texte comme résultant du fruit élaboré
du raisonnement d’un auteur, mais plutôt d’étudier
une incrémentation de concepts originaux formant
la trame de fond ou le parcours tracé de rencontres
conceptuelles inconscientes et quasi-obligées. Quasi-obligées,
car l’interprétation du phénomène
pousse à formuler l’hypothèse que de
telles constructions récurrentes dans le langage,
si elles reflètent a priori l’importance de
l’empreinte culturelle, pourraient aussi trouver une
certaine résonance dans le génotype.
Ces
idées ou concepts et de la même manière
la façon dont elles s’enchaînent, s’observent
dans les textes sous différentes formes, notamment
par l’apparition d’occurrences spécifiques.
On retrouvera ces idées ou plutôt on trouvera
leur expression par exemple, sous la forme de jeux de mots,
d’homonymies, d’homophonie ou bien encore sous
d’autres formes très particulières.
Bref, sous des formes tellement impromptues et variées
qu’il s’avère légitime d’éliminer
la thèse d’une complicité consciente
de l’auteur dans le choix de telles séquences
conceptuelles. Tout semble indiquer manifestement qu’il
existe dans le langage, un ordonnancement naturel qui, non
seulement suggère l’existence d’un «
méta-raisonnement » servant de squelette à
certaines formes de raisonnement conscient, mais suggère
aussi l’existence d’un « métalangage
» spécifique qui tend, à l’instar
du langage gestuel par exemple ou de l’intonation
dans une phrase, à ajouter du sens (prédictibilité)
et de l’information. L’étude de la MC
cherche donc à modéliser tant les concepts
eux-mêmes, c’est à dire les briques élémentaires
de ce qui semble relever de constructions mentales inconscientes,
que les champs intellectuels qu’elles génèrent,
d’en comprendre la nature, la portée et les
mécanismes qui les animent.
L’hypothèse
de la réunitarisation conceptuelle : une condition
de forme
L’explication
du phénomène pourrait être attribué
à un principe qui ressemble à ce que Douglas
Hofstadter a nommé dans « GEB » : la
réunitarisation (2). Principe qui propose, dans notre
cas précis, de considérer qu’un des
rôles de l’intelligence serait de ramener un
ensemble de stimuli extérieurs à une situation
connue et parfaitement repérable mais plus précisément
suivant des standards dont on connaît implicitement
et les tenants et les aboutissants. C’est à
dire, d’établir un isomorphisme entre une situation
complexe aux stimuli multiples et une situation «
réunitarisée » simplifiée et
compréhensible, issue d’une grille de lecture
basée sur un apprentissage millénaire. Cette
proposition invite finalement à considérer
qu’une des caractéristiques du fonctionnement
du cerveau serait, en quelques sortes, de ramener la survenance
d’une situation nouvelle à un type de situation
connu et pour lequel le cerveau aurait capacité à
réagir de manière réflexe. Sans entrer
véritablement dans le champ très spécialisé
des neurosciences, il s’ensuit nécessairement
une discussion pour préciser ce principe.
La
recherche clinique reconnaît qu’après
avoir plus ou moins écarté le modèle
de cerveau modulaire, il devrait exister quelque part dans
le cerveau, un superviseur central chargé de réguler,
à la fois les processus d’attention, de mémoire
à court terme, de mémoire à long terme,
les capacités langagières et de la même
manière, les entrées-sorties sensorielles,
émotionnelles et imaginaires (3). Ce superviseur
central a reçu des noms différents suivant
les auteurs : - central executive (Baddeley), supervisory
attention system (Shallice), anterior attention system (Posner
et Dehaene (4), global workspace (Baars), dynamic core (Tonini
et Edelman) -.Mais la localisation de ce superviseur reste
encore un mystère. Or, l’hypothèse de
la réunitarisation ré-interroge de fait, sur
une certaine idée modulaire. Car en effet, si l’évolution
a sélectionné progressivement des zones spécialisées
pour accomplir des fonctions s’étant révélées
utiles à la survie, elles se sont vraisemblablement
toutes construites, au cours de l’évolution,
les unes par rapport aux autres comme le feraient des générations
d’individus, mais à cela près, et pour
expliquer l’hypothèse de la réunitarisation,
qu’elles auraient transmis à la fois leurs
gènes et aussi leurs propres modèles sociaux.
Et ce sont d’abord ces « modèles sociaux
» (inscrits dans le génotype et/ou phénomène
d’empreinte (5) que suggère, par analogie,
cette hypothèse. Autrement dit, l’hypothèse
de la réunitarisation conceptuelle incline à
formuler le corollaire qu’il existerait aussi probablement
en parallèle, une forme intelligente de l’information
qui faciliterait, à sa manière, la régulation
de la « connectique » neuronale. Chacun des
cerveaux puis chacune des aires (fonctionnelle/mémoire)
apportant peut-être au passage son lot d’informations
pour constituer la réponse coordonnée, celle
que Michaël Gazzinaga nomme « l’out put
» de son action (6).
En
somme et pour utiliser un raccourci, il s’agirait
peut-être moins de rechercher le bon ordinateur ou
le bon microprocesseur que de s’interroger sur la
question du « format du fichier ». Peu importe
dans ce cas, la configuration générale matérielle
pourvu que les différentes aires du cerveau puissent
lire l’information en question comme peuvent être
lus les fichiers pdf, doc, jpg, xls etc…sur la plupart
des ordinateurs. Cette hypothèse, certes séduisante,
expliquerait peut-être en partie, d’une part,
les difficultés de localiser le superviseur central
et d’autre part, que - le cerveau réagisse
d’une façon unitaire, derrière laquelle
l’individualité des modules disparaît
-. Mais, au-delà de cette approche clinique, l’hypothèse
de la réunitarisation conceptuelle invite surtout
à considérer que la forme sous laquelle l’information
circule, pourrait être essentielle et déterminante.
Notes
1)
Voire l'adressage sémantique en IEML (Information
Exchange Meta Language)
2) Douglas Hofstadter « Gödel, Escher, Bach,
les brins d'une guirlande éternelle » 1979
– vers. française, 1985 InterEditions
3) Baquiast. Le processus d'hominisation http://philoscience.over-blog.com/article-20451519.html-
4) Stanislas Dehaene, Les neurones de la lecture, 2008 Editions
Odile Jacob. Baquiast; http://philoscience.over-blog.com/archive-01-2008.html
5) Génotype ou simple phénomène d’empreinte
: Seule une expérimentation en laboratoire permettrait
de vérifier l’hypothèse, génotype
et/ou empreinte. Au sujet de l’empreinte voir : Lorenz,
K. (1975) L’envers du miroir. Une histoire naturelle
de la connaissance, Paris : Flammarion - Robert Nicolaï
« Exploration dans l’hétérogène
: miroirs croisés » Cahiers d’études
africaines 2001- 3/4 (n° 163-164)|
6) Michaël Gazzaniga «The science behind what
makes us unique » (Harper Collins 2008)